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[Notre histoire] Premier mai

NdPN : pour la fête des travailleurs du premier mai à Poitiers, célébrant la lutte pour l’autonomie des prolétaires voulant en finir avec le travail aliéné, les classes et l’Etat, la préfecture n’a rien trouvé de mieux à faire que de refuser une demande de barbeuque convivial et festif, pour pouvoir se retrouver après la randonnée pédestre annuelle… pour autant, doit-on se contenter de revendications « unitaires » du type « la mise à plat et l’évaluation de toutes les aides publiques accordées aux entreprises » ou encore « le respect des droits fondamentaux des êtres humains partout dans le monde, à commencer par le droit à un travail décent, reconnu et valorisé » ? Histoire de remettre les pendules à l’heure, un inévitable retour historique sur les origines du premier mai. Cette fois-ci, nous relayons un article récent paru sur Paris-luttes.info :

Les Martyrs de Chicago – aux origines du 1er mai

Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs américains d’obtenir la journée de huit heures. Mais d’autres, moins chanceux, au nombre d’environ 340 000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder.

Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.

Article repris intégralement de rebellyon.info

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Aux origines du 1er mai

Fondée en 1881, l’ancêtre directe de l’AFL [1], la FOTLU [2] ne regroupe que les ouvriers qualifiés (des hommes, blancs et américains) et ne compte que 50 000 adhérents. Mais lors d’un congrès elle décide de mettre au premier plan de ses revendications la journée de huit heures et de retenir la date du 1er mai 1886 pour une manifestation de masse. Commence alors une immense campagne de propagande qui renforce l’organisation. Dès avril 1886, quelques entreprises accordent même à leurs salariés la journée de huit heures sans diminution de salaire : 200 000 travailleurs environ bénéficièrent d’une réduction de travail.

En 1886, les Chevaliers du Travail (fondé en 1868 avec de fortes références maçonniques [3]) rassemble tous les travailleurs au niveau d’une localité, Blancs et Noirs, femmes et hommes, Américains de « souche » et immigrants : ouvriers qualifiés et non, ils représentent plus de 700 000 adhérents. Les adhérents de l’Ordre jouèrent le rôle principal dans la grève du 1er mai 1886, bien que la direction de l’Ordre l’ait condamnée. Les responsables et les militants des Chevaliers du Travail furent les principales victimes de la répression après le massacre de Haymarket, bien que la direction de l’Ordre ait refusé d’intervenir en faveur des condamnés de Chicago. Les Chevaliers du Travail allaient par la suite rapidement péricliter.

L’initiative des ouvriers américains n’aurait eu qu’un faible retentissement dans le pays et à l’étranger sans les événements tragiques de Chicago qui émurent le monde entier.

Sûrs de l’impunité, les milices patronales provoquaient des incidents sanglants. Le 3 mai, des ouvriers qui manifestent devant l’usine de machines agricoles Mac Cormick, à Chicago sont tirés à bout portant par des détectives privés, la bataille qui s’engage fait de nombreuses victimes. Les grévistes sont principalement d’origine allemande et, dans leur journal « Arbeiter Zeitung » (Journal des Travailleurs) paraît l’appel suivant :

« Esclaves, debout !
La guerre de classes est commencée. Des ouvriers ont été fusillés hier devant l’établissement Mac Cormick. Leur sang crie vengeance. Le doute n’est plus possible. Les bêtes fauves qui nous gouvernent sont avides du sang des travailleurs, mais les travailleurs ne sont pas du bétail d’abattoir. A la terreur blanche, ils répondront par la terreur rouge. Mieux vaut mourir que de vivre dans la misère. Puisqu’on nous mitraille, répondons de manière que nos maîtres en gardent longtemps le souvenir. La situation nous fait un devoir de prendre les armes. »

Dans la soirée du 4 mai, plus de 15 000 ouvriers se rendent sur la place au foin (Haymarket) pour y manifester pacifiquement (il leur avait été commandé de s’y rendre sans armes). Des discours sont prononcés, notamment par Spies, Parsons, Fielden. La foule se retire, quand une centaine de gardes nationaux charge avec violence. Une bombe, lancée on ne sait d’où, tombe au milieu des forces de police en tuant sept et en blessant grièvement une soixantaine. Les autorités procède à des arrestations parmi les meneurs de grévistes et les rédacteurs de l’« Arbeiter Zeintung » : Auguste Spies, né à Hesse (Allemagne), en 1855 ; Samuel Fielden, sujet anglais, né en 1846 ; Oscar Neebe, né à Philadelphie, en 1846 ; Michel Schwab, né à Mannhelm (Allemagne), en 1853 ; Louis Lingg, né en Allemagne, en 1864 ; Adolphe Fischer, né en Allemagne, en 1856 ; Georges Engel, né en Allemagne, en 1835 ; Albert Parsons, Américain, né en 1847.

Le verdict est rendu le 17 mai. Les huit accusés sont condamnés à être pendus. Une mesure de grâce intervint pour Schwab et Fielden, dont la peine est commuée en prison à perpétuité, et de Neebe dont la peine est réduite à quinze ans de prison. Le 11 novembre 1887, les autres sont exécutés, mis à part Lingg qui s’est suicidé.

Six ans plus tard, un nouveau gouverneur de l’Illinois John Altgeld, conclut à l’entière innocence des condamnés : « Une telle férocité n’a pas de précédent dans l’histoire. Je considère comme un devoir dans ces circonstances et pour les raisons ci-dessus exposées, d’agir conformément à ces conclusions et j’ordonne aujourd’hui, 26 juin 1893, qu’on mette en liberté sans condition Samuel Fielden, Oscar Neebe et Michel Schwab ». Spies, Lingg, Engel, Fischer et Parsons sont réhabilités.

L’idée américaine est reprise par les travailleurs des autres pays. En 1889, à Paris, lors d’un congrès international, une proposition demandant « l’organisation d’une grande manifestation internationale en faveur de la réduction des heures de travail qui serait faite à une date fixe, la même pour tous » est adoptée et la date en est celle choisie par les travailleurs américains. Le 1er mai prend alors dans le monde entier la signification d’une journée de revendication des travailleurs face à la société capitaliste.

OLT

LE 1er MAI : SYMBOLE D’UNE ÈRE NOUVELLE DANS LA VIE ET LA LUTTE DES TRAVAILLEURS par Makhno (écrit en 1928)

La journée du premier Mai est considérée dans le monde socialiste comme la fête du Travail. C’est une fausse définition du 1er Mai qui a tellement pénétré la vie des travailleurs qu’effectivement dans beaucoup de pays, ils le célèbrent ainsi. En fait, le premier mai n’est pas un jour de fête pour les travailleurs. Non, les travailleurs ne doivent pas, ce jour là rester dans leurs ateliers ou dans les champs. Ce jour là, les travailleurs de tous pays doivent se réunir dans chaque village, dans chaque ville, pour organiser des réunions de masse, non pour fêter ce jour ainsi que le conçoivent les socialistes étatistes et en particulier les bolcheviks, mais pour faire le compte de leurs forces, pour déterminer les possibilité de lutte directe contre l’ordre pourri, lâche esclavagiste, fondé sur la violence et le mensonge. En ce jour historique déjà institué, il est plus facile à tous les travailleurs de se rassembler et plus commode de manifester leur volonté collective, ainsi que de discuter en commun de tout ce qui concerne les questions essentielles du présent et de l’avenir.

Il y a plus de quarante ans les travailleurs américains de Chicago et des environs se rassemblaient le premier Mai. Ils écoutèrent là des discours de nombreux orateurs socialistes, et plus particulièrement ceux des orateurs anarchistes, car ils assimilaient parfaitement les idées libertaires et se mettaient franchement du côté des anarchistes.

Les travailleurs américains tentèrent ce jour là, en s’organisant, d’exprimer leur protestation contre l’infâme ordre de l’Etat et du Capital des possédants. C’est sur cela qu’interviennent les libertaires américains Spiess, Parsons et d’autres. C’est alors que ce meeting fut interrompu par des provocations de mercenaires du Capital et s’acheva par le massacre de travailleurs désarmés, suivi de l’arrestation et de l’assassinat de Spiess, Parsons et d’autres camarades.

Les travailleurs de Chicago et des environs ne se rassemblaient pas pour fêter la journée du premier Mai. Ils s’étaient rassemblés pour résoudre en commun les problèmes de leur vie et de leurs luttes.

Actuellement aussi, partout où les travailleurs se sont libérés de la tutelle de la bourgeoisie et de la social démocratie liée à elle (indifféremment menchevique ou bolchevique) ou bien tentent de le faire, ils considèrent le 1er Mai comme l’occasion d’une rencontre pour s’occuper de leurs affaires directes et se préoccuper de leur émancipation. Ils expriment, à travers ces aspirations, leur solidarité et leur estime à l’égard de la mémoire des martyrs de Chicago. Ils sentent donc que cela ne peut être pour eux un jour de fête. Ainsi, le premier Mai, en dépit des affirmations des « socialistes professionnels » tendant à le présenter comme la fête du travail, ne peut pas l’être pour les travailleurs conscients.

Le premier Mai, c’est le symbole d’une ère nouvelle dans la vie et la lutte des travailleurs, une ère qui présente chaque année pour les travailleurs, de nouvelles, de plus en plus difficiles, et décisives batailles contre la bourgeoisie, pour la liberté et l’indépendance qui leur sont arrachées, pour leur idéal social.

(Source : Diélo trouda, n°36, 1928)

P.-S.

La BD est parue dans La Brique n°13 – avril 2009. http://www.labrique.net/

Lire aussi sur le sujet Retour sur l’histoire du 1er mai sur le site Hérodote.

Notes

[1] American Federation of Labor (Fédération Américaine du Travail – AFL).

[2] Fédération des Métiers Organisés et des Syndicats de Travailleurs.

[3] Le Noble and Holy Order of the Knights of Labor (Noble et saint ordre des chevaliers du travail).

[120 ans… et toutes ses dents] Déclaration d’Emile Henry au tribunal

NdPN : voici la déclaration d’Emile Henry devant le tribunal, prononcée il y a 120 ans jour pour jour lors de son procès, qui devait le mener à la guillotine. Pour en savoir plus sur sa vie et le contexte de la brève période des attentats anarchistes dite de la « propagande par le fait », voir la page wikipedia ou mieux, l’article sur Cairn.infos. »

Emile Henry (1872-1894)

Déclaration d’Émile Henry à son procès – 27 avril 1894

Messieurs les jurés,

Vous connaissez les faits dont je suis accusé : l’explosion de la rue des Bons-Enfants qui a tué cinq personnes et déterminé la mort d’une sixième, l’explosion du café Terminus, qui a tué une personne, déterminé la mort d’une seconde et blessé un certain nombre d’autres, enfin six coups de revolver tirés par moi sur ceux qui me poursuivaient après ce dernier attentat.

Les débats vous ont montré que je me reconnais l’auteur responsable de ces actes.

Ce n’est pas une défense que je veux vous présenter. Je ne cherche en aucune façon à me dérober aux représailles de la société que j’ai attaquée. D’ailleurs je ne relève que d’un seul Tribunal, moi-même ; et le verdict de tout autre m’est indifférent. Je veux simplement vous donner l’explication de mes actes et vous dire comment j’ai été amené à les accomplir.

Je suis anarchiste depuis peu de temps. Ce n’est guère que vers le milieu de l’année 1891 que je me suis lancé dans le mouvement révolutionnaire. Auparavant, j’avais vécu dans des milieux totalement imbus de la morale actuelle. J’avais été habitué à respecter et même à aimer les principes de patrie, de famille, d’autorité et de propriété. Mais les éducateurs de la génération actuelle oublient trop fréquemment une chose, c’est que la vie, avec ses luttes et ses déboires, avec ses injustices et ses iniquités, se charge bien, l’indiscrète, de dessiller les yeux des ignorants et de les ouvrir à la réalité. C’est ce qui m’arriva, comme il arrive à tous. On m’avait dit que cette vie était facile et largement ouverte aux intelligents et aux énergiques, et l’expérience me montra que seuls les cyniques et les rampants peuvent se faire une place au banquet. On m’avait dit que les institutions sociales étaient basées sur la justice et l’égalité, et je ne constatais autour de moi que mensonges et fourberies. Chaque jour m’enlevait une illusion. Partout où j’allais, j’étais témoin des mêmes douleurs chez les uns, des mêmes jouissances chez les autres. Je ne tardais pas à comprendre que les grands mots qu’on m’avait appris à vénérer : honneur, dévouement, devoir, n’étaient qu’un masque voilant les plus honteuses turpitudes. L’usinier qui édifiait une fortune colossale sur le travail de ses ouvriers, qui eux, manquaient de tout, était un monsieur honnête. Le député, le ministre dont les mains étaient toujours ouvertes aux pots-de-vin, étaient dévoués au bien public. L’officier qui expérimentait le fusil nouveau modèle sur des enfants de sept ans avait bien fait son devoir et, en plein Parlement, le président du Conseil lui administrait ses félicitations ! Tout ce que je vis me révolta, et mon esprit s’attacha à la critique de l’organisation sociale. Cette critique a été trop souvent faite pour que je la recommence. Il me suffira de dire que je devins l’ennemi d’une société que je jugeais criminelle.

Un moment attiré par le socialisme, je ne tardai pas à m’éloigner de ce parti. J’avais trop d’amour pour la liberté, trop de respect de l’initiative individuelle, trop de répugnance à l’incorporation pour prendre un numéro dans l’armée matriculée du quatrième Etat.

D’ailleurs je vis qu’au fond le socialisme ne change rien à l’ordre actuel. Il maintient le principe autoritaire, et ce principe, malgré ce qu’en peuvent dire de prétendus libres penseurs, n’est qu’un vieux reste de la foi en une puissance supérieure. Des études scientifiques m’avaient graduellement initié au jeu des forces naturelles. Or j’étais matérialiste et athée ; j’avais compris que l’hypothèse Dieu était écartée par la science moderne, qui n’en avait plus besoin. La morale religieuse et autoritaire, basée sur le faux, devait donc disparaître. Quelle était alors la nouvelle morale en harmonie avec les lois de la nature qui devait régénérer le vieux monde et enfanter une humanité heureuse ?

C’est à ce moment que je fus mis en relation avec quelques compagnons anarchistes, qu’aujourd’hui je considère encore comme les meilleurs que j’ai connu. Le caractère de ces hommes me séduisit tout d’abord. J’appréciais en eux une grande sincérité, une franchise absolue, un mépris profond de tous les préjugés, et je voulus connaître l’idée qui faisait des hommes si différents de tous ceux que j’avais vu jusque-là. Cette idée trouva en mon esprit un terrain tout préparé, par des observations et des réflexions personnelles, à la recevoir. Elle ne fit que préciser ce qu’il y avait encore chez moi de vague et de flottant. Je devins à mon tour anarchiste. Je n’ai pas à développer ici la théorie de l’anarchie. Je ne veux en retenir que le côté révolutionnaire, le côté destructeur et négatif pour lequel je comparais devant vous. En ce moment de lutte aiguë entre la bourgeoisie et ses ennemis, je suis presque tenté de dire avec le Souvarine de Germinal : « Tous les raisonnements sur l’avenir sont criminels, parce qu’ils empêchent la destruction pure et simple et entravent la marche de la révolution. »

Dès qu’une idée est mûre, qu’elle a trouvé sa formule, il faut sans plus tarder en trouver sa réalisation. J’étais convaincu que l’organisation actuelle était mauvaise, j’ai voulu lutter contre elle, afin de hâter sa disparition. J’ai apporté dans la lutte une haine profonde, chaque jour avivée par le spectacle révoltant de cette société, où tout est bas, tout est louche, tout est laid, où tout est une entrave à l’épanchement des passions humaines, aux tendances généreuses du cœur, au libre essor de la pensée. J’ai voulu frapper aussi fort et aussi juste que je le pouvais. Passons donc au premier attentat que j’ai commis, à l’explosion de la rue des Bons-Enfants.

J’avais suivi avec attention les évènements de Carmaux. Les premières nouvelles de la grève m’avaient comblé de joie : les mineurs paraissaient disposés à renoncer aux grèves pacifiques et inutiles, où le travailleur confiant attend patiemment que ses quelques francs triomphent des millions des compagnies. Ils semblaient entrés dans une voie de violence qui s’affirma résolument le 15 août 1892. Les bureaux et les bâtiments de la mine furent envahis par une foule lasse de souffrir sans se venger : justice allait être faite de l’ingénieur si haï de ses ouvriers, lorsque des timorés s’interposèrent. Quels étaient ces hommes ? Les mêmes qui font avorter tout les mouvements révolutionnaires, parce qu’ils craignent qu’une fois lancé le peuple n’obéisse plus à leurs voix, ceux qui poussent des milliers d’hommes à endurer des privations pendant des mois entiers, afin de battre la grosse caisse sur leurs souffrances et se créer une popularité qui leur permettra de décrocher un mandat – je veux dire les chefs socialistes- ces hommes, en effet, prirent la tête du mouvement gréviste. On vit tout à coup s’abattre sur le pays une nuée de messieurs beaux parleurs, qui se mirent à la disposition entière de la grève, organisèrent des souscriptions, firent des conférences, adressèrent des appels de fonds de tous les côtés. Les mineurs déposèrent toute initiative entre leurs mains. Ce qui arriva, on le sait. La grève s’éternisa, les mineurs firent une plus intime connaissance avec la faim, leur compagne habituelle ; ils mangèrent le petit fonds de réserve de leur syndicat et celui des autres corporations qui leur vinrent en aide, puis au bout de deux mois, l’oreille basse, ils retournèrent à leur fosse, plus misérables qu’auparavant. Il eût été si simple, dès le début, d’attaquer la compagnie dans son seul endroit sensible, l’argent ; de brûler le stock de charbon, de briser les machines d’extraction, de démolir les pompes d’épuisement. Certes, la compagnie eût capitulé bien vite. Mais les grands pontifes du socialisme n’admettent pas ces procédés là, qui sont des procédés anarchistes. A ce jeu il y a de la prison à risquer, et, qui sait, peut-être une de ces balles qui firent merveille à Fourmies. On y gagne aucun siège municipal ou législatif. Bref, l’ordre un instant troublé régna de nouveau à Carmaux. La compagnie, plus puissante que jamais, continua son exploitation et messieurs les actionnaires se félicitèrent de l’heureuse issue de la grève. Allons, les dividendes seraient encore bons à toucher.

C’est alors que je me suis décidé à mêler, à ce concert d’heureux accents une voix que les bourgeois avaient déjà entendue, mais qu’ils croyaient morte avec Ravachol : celle de la dynamite. J’ai voulu montrer à la bourgeoisie que désormais il n’y aurait plus pour elle de joies complètes, que ses triomphes insolents seraient troublés, que son veau d’or tremblerait violemment sur son piédestal, jusqu’à la secousse définitive qui le jetterait bas dans la frange et le sang. En même temps j’ai voulu faire comprendre aux mineurs qu’il n’y a qu’une seule catégorie d’hommes, les anarchistes, qui ressentent sincèrement leurs souffrances et qui sont prêts à les venger. Ces hommes-là ne siègent pas au Parlement, comme messieurs Guesde et consorts, mais ils marchent à la guillotine. Je préparais donc une marmite. Un moment, l’accusation que l’on avait lancée à Ravachol me revint en mémoire. Et les victimes innocentes ? Mais je résolus bien vite la question. La maison où se trouvaient les bureaux de la compagnie de Carmaux n’était habitée que par des bourgeois. Il n’y aurait donc pas de victimes innocentes. La bourgeoisie, tout entière, vit de l’exploitation des malheureux, elle doit toute entière expier ses crimes. Aussi, c’est avec la certitude absolue de la légitimité de mon acte que je déposai la marmite devant la porte des bureaux de la société. J’ai expliqué, au cours des débats, comment j’espérais, au cas où mon engin serait découvert avant son explosion, qu’il éclaterait au commissariat de police, atteignant toujours ainsi mes ennemis. Voilà donc les mobiles qui m’ont fait commettre le premier attentat que l’on me reproche.

Passons au second, celui du café Terminus. J’étais venu à Paris lors de l’affaire Vaillant. J’avais assisté à la répression formidable qui suivit l’attentat du Palais-Bourbon. Je fus témoin des mesures draconiennes prises par le gouvernement contre les anarchistes. De tous côtés on espionnait, on perquisitionnait, on arrêtait. Au hasard des rafles, une foule d’individus était arrachée à leur famille et jetée en prison. Que devenaient les femmes et les enfants de ces camarades pendant leur incarcération ? Nul ne s’en occupait. L’anarchiste n’était plus un homme, c’était une bête fauve que l’on traquait de toutes parts et dont toute la presse bourgeoise, esclave vile de la force, demandait sur tous les tons l’extermination. En même temps, les journaux et les brochures libertaires étaient saisis, le droit de réunion était prohibé. Mieux que cela : lorsqu’on voulait se débarrasser complètement d’un compagnon, un mouchard déposait le soir dans sa chambre un paquet contenant du tanin, disait-il, et le lendemain une perquisition avait lieu, d’après un ordre daté de l’avant-veille. On trouvait une boîte pleine de poudres suspectes, le camarade passait en jugement et récoltait 3 ans de prison. Demandez donc si cela n’est pas vrai au misérable indicateur qui s’introduisit chez le compagnon Mérigeault ? Mais tous ces procédés étaient bons. Ils frappaient un ennemi dont on avait eu peur, et ceux qui avaient tremblé voulaient se montrer courageux. Comme couronnement à cette croisade contre les hérétiques, n’entendit-on pas M. Raynal, ministre de l’Intérieur, déclarer à la tribune de la Chambre que les mesures prises par le gouvernement avaient eu un bon résultat, qu’elles avaient jeté la terreur dans le camp anarchiste. Ce n’était pas encore assez. On avait condamné à mort un homme qui n’avait tué personne, il fallait paraître courageux jusqu’au bout : on le guillotine un beau matin. Mais, messieurs les bourgeois, vous aviez un peu trop compté sans votre hôte. Vous aviez arrêté des centaines d’individus, vous aviez violé bien des domiciles ; mais il y avait encore hors de vos prisons des hommes que vous ignoriez, qui, dans l’ombre, assistaient à votre chasse à l’anarchiste et qui n’attendaient que le bon moment pour, à leur tour, chasser les chasseurs. Les paroles de M. Raynal étaient un défi jeté aux anarchistes. Le gant a été relevé. La bombe du café Terminus est la réponse à toutes vos violations de la liberté, à vos arrestations, à vos perquisitions, à vos lois sur la presse, à vos expulsions en masse d’étrangers, à vos guillotinades. Mais pourquoi, direz-vous, aller s’attaquer à des consommateurs paisibles, qui écoutent de la musique et qui, peut-être, ne sont ni magistrats, ni députés, ni fonctionnaires ? Pourquoi ? C’est bien simple. La bourgeoisie n’a fait qu’un bloc des anarchistes. Un seul homme, Vaillant, avait lancé une bombe ; les neuf dixièmes des compagnons ne le connaissaient même pas. Cela n’y fit rien. On persécuta en masse. Tout ce qui avait quelque relation anarchiste fut traqué. Eh bien ! Puisque vous rendez ainsi tout un parti responsable des actes d’un seul homme, et que vous frappez en bloc, nous aussi, nous frappons en bloc. Devons-nous seulement nous attaquer aux députés qui font les lois contre nous, aux magistrats qui appliquent ces lois, aux policiers qui nous arrêtent ? Je ne pense pas. Tous les hommes ne sont que des instruments n’agissant pas en leur propre nom, leurs fonctions ont été instituées par la bourgeoisie pour sa défense ; ils ne sont pas plus coupables que les autres. Les bons bourgeois qui, sans être revêtus d’aucunes fonctions, touchent cependant les coupons de leurs obligations, qui vivent oisifs des bénéfices produits par le travail des ouvriers, ceux-là aussi doivent avoir leur part de représailles. Et non seulement eux, mais encore tous ceux qui sont satisfaits de l’ordre actuel, qui applaudissent aux actes du gouvernement et se font ses complices, ces employés à 300 et à 500 francs par mois qui haïssent le peuple plus encore que le gros bourgeois, cette masse bête et prétentieuse qui se range toujours du côté du plus fort, clientèle ordinaire du Terminus et autres grands cafés. Voilà pourquoi j’ai frappé dans le tas, sans choisir mes victimes. Il faut que la bourgeoisie comprenne que ceux qui ont souffert sont enfin las de leurs souffrances ; ils montrent les dents et frappent d’autant plus brutalement qu’on a été brutal avec eux. Ce n’est pas aux assassins qui ont fait la semaine sanglante et Fourmies de traiter les autres d’assassins. Ils n’épargnent ni femmes ni enfants bourgeois, parce que les femmes et les enfants de ceux qu’ils aiment ne sont pas épargnés non plus. Ne sont-ce pas des victimes innocentes que ces enfants qui, dans les faubourgs, se meurent lentement d’anémie, parce que le pain est rare à la maison ; ces femmes qui dans vos ateliers pâlissent et s’épuisent pour gagner quarante sous par jour, heureuses encore quand la misère ne les force pas à se prostituer ; ces vieillards dont vous avez fait des machines à produire toute leur vie, et que vous jetez à la voirie et à l’hôpital quand leurs forces sont exténuées ? Ayez au moins le courage de vos crimes, messieurs les bourgeois, et convenez que nos représailles sont grandement légitimes.

Certes, je ne m’illusionne pas. Je sais que mes actes ne seront pas encore bien compris des foules insuffisamment préparées. Même parmi les ouvriers, pour lesquels j’ai lutté, beaucoup, égarés par vos journaux, me croient leur ennemi. Mais cela m’importe peu. Je ne me soucie du jugement de personne. Je n’ignore pas non plus qu’il existe des individus se disant Anarchistes qui s’empressent de réprouver toute solidarité avec les propagandistes par le fait. Ils essayent d’établir une distinction subtile entre les théoriciens et les terroristes. Trop lâches pour risquer leur vie, ils renient ceux qui agissent. Mais l’influence qu’ils prétendent avoir sur le mouvement révolutionnaire est nulle. Aujourd’hui, le champ est à l’action, sans faiblesse, et sans reculade. Alexandre Herzen, le révolutionnaire russe, l’a dit : « De deux choses l’une, ou justicier et marcher en avant ou gracier et trébucher à moitié route. » Nous ne voulons ni gracier ni trébucher, et nous marcherons toujours en avant jusqu’à ce que la révolution, but de nos efforts, vienne enfin couronner notre œuvre en faisant le monde libre. Dans cette guerre sans pitié que nous avons déclarée à la bourgeoisie, nous ne demandons aucune pitié. Nous donnons la mort, nous saurons la subir. Aussi, c’est avec indifférence que j’attends votre verdict. Je sais que ma tête n’est pas la dernière que vous couperez ; d’autres tomberont encore, car les meurt-de-faim commencent à connaître le chemin de vos grands cafés et de vos grands restaurants Terminus et Foyot. Vous ajouterez d’autres noms à la liste sanglante de nos morts. Vous avez pendu à Chicago, décapité en Allemagne, garroté à Jerez, fusillé à Barcelone, guillotiné à Montbrison et à Paris, mais ce que vous ne pourrez jamais détruire, c’est l’anarchie. Ses racines sont trop profondes ; elle est née au sein d’une société pourrie qui se disloque, elle est une réaction violente contre l’ordre établi. Elle représente les aspirations qui viennent battre en brèche l’autorité actuelle, elle est partout, ce qui la rend insaisissable. Elle finira par vous tuer.

Voilà, messieurs les jurés, ce que j’avais à vous dire. Vous allez maintenant entendre mon avocat. Vos lois imposant à tout accusé un défenseur, ma famille a choisi Me Hornbostel. Mais ce qu’il pourra dire n’infirme en rien ce que j’ai dit. Mes déclarations sont l’expression exacte de ma pensée. Je m’y tiens intégralement.

Émile Henry

Déclaration intégrale, lue sur Non fides

L’Europe à l’heure des élections

L’Europe à l’heure des élections

Les élections européennes se déroulent dans un contexte d’austérité croissante. Chaque jour nous subissons les effets de la crise provoquée par les transformations du capitalisme global.
Les gouvernements, les États et les structures supranationales, telles que la Communauté européenne, contestent les droits et attaquent les conditions de vie qui ont été acquises par des années de luttes, de façon à promouvoir le capitalisme et à s’assurer que les grandes entreprises et les banques ne paient pas le prix de la situation qu’elles ont elle-même créée. Parmi les problèmes auxquels nous sommes confrontés, il y a :
• Le chômage, lié en particulier aux privatisations et aux délocalisations.
• La privatisation des principaux services publics, avec pour conséquence une offre garantie seulement à ceux qui en ont les moyens et une faible qualité de services.
• L’atomisation sociale, dans laquelle tout le monde est forcé d’être responsable, créant la compétition entre individus et la lutte quotidienne pour l’existence.
• Les emplois et autres aspects de la vie qui deviennent de plus en plus précaires ; les droits sont niés quotidiennement.
• La conséquence de ce modèle social est le retour de la famille patriarcale, qui impose aux femmes un rôle subordonné dans la société.
• L’immigration est utilisée comme un réservoir de travailleurs à exploiter et asservir au bénéfice des patrons.
• Des méthodes impitoyables de production qui provoquent de la dévastation à la fois dans nos vies et dans l’environnement.
• Une société fondée sur la dette, dans laquelle les conditions de notre existence sont la propriété des banques.
• La bureaucratisation de la société qui assure la continuité des institutions politiques et des intérêts économiques des riches aux dépens de la classe ouvrière.
C’est dans ce contexte qu’on nous demande de participer à la mascarade qui se désigne elle-même sous le nom de démocratie. Les seuls choix qui nous sont présentés sont ceux qui vont continuer les politiques qui profitent aux grandes entreprises, aux institutions financières et aux politiciens.
L’un des principaux débats porte sur le rôle de l’Union européenne elle-même. Certains se tournent vers elle comme un moyen pour résoudre la crise et maintenir l’unité entre les peuples. D’autres soutiennent que nous devons nous retirer dans nos propres frontières afin de reprendre le contrôle de nos propres économies et de nos institutions politiques. Mais ces solutions ne feront rien de plus que renforcer le pouvoir de ceux qui nous oppriment.

L’Union européenne
L’Union européenne a signifié la mise en place d’une couche de pouvoir supplémentaire au-dessus des populations. Son principal objectif est de servir les besoins des entreprises et des institutions financières ; elle est donc un obstacle à l’émancipation de la classe ouvrière. La majorité des lois auxquelles les gens sont maintenant soumis est issue du Parlement européen plutôt que des États. L’Union européenne n’a pas besoin de respecter les conditions locales et impose à la place sa propre vision de l’Europe sur la base des besoins du capital. La grande majorité des règlements a visé à renforcer le pouvoir du capital sur le peuple. Très peu de politiques ont été destinées à améliorer les conditions sociales des populations européennes. Nous avons vu la manière dont l’Union européenne a présidé à l’attaque contre le peuple grec et auraid des capitaux occidentaux sur les actifs de l’Europe de l’Est. Toute tentative faite par les gens pour résister à l’envahissement de ce super-État a été fermement combattue par les États membres. Par exemple, l’État peut refuser de permettre aux gens de voter pour savoir s’ils veulent ou non rester dans l’Union européenne ou, s’il leur permet de voter, le résultat est que le pays reste dans l’Union européenne. Ce fut le cas en Irlande, en France et aux Pays-Bas. En outre, l’Union européenne a créé la forteresse Europe, fermant ses frontières au reste du monde tout en essayant d’être l’un des nombreux policiers autoproclamés du monde.

Retrait de l’Union européenne ?
Compte tenu de la façon dont les problèmes sont créés pour nous par l’Union européenne, on pourrait penser que la réponse est de se retirer de cette Union. Cependant, l’idée que la classe ouvrière serait mieux en dehors de l’Union européenne, dirigée par son propre État, est une dangereuse illusion. Elle est particulièrement dangereuse en raison du fait qu’il s’agit là de la position des partis d’extrême droite qui ne sont pas particulièrement intéressés à résister au pouvoir de l’État. Au lieu de cela, leur objectif est d’installer un régime encore plus autoritaire avec encore plus de répression.
Tout d’abord, le capitalisme est mondial. Le pouvoir des entreprises et des banques internationales, la principale cause des problèmes auxquels nous sommes confrontés, ne va pas disparaître si un pays se retire de l’Union européenne. Les processus mondiaux qui sont à l’œuvre, le mouvement de la production et de l’argent à travers les frontières, motivé par la recherche de profits, continuera. Les institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale auront toujours le pouvoir d’imposer l’austérité et des politiques qui sont contre les intérêts des populations locales. Les besoins humains prendront la deuxième place ; il importe peu que le pays soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne.
Puis, le retrait derrière les frontières nationales, une tendance conduite par l’idéologie xénophobe de l’extrême droite, aurait de graves conséquences pour l’esprit de coopération et de solidarité entre les travailleurs d’Europe. Les gens ordinaires ont une tradition de soutien mutuel, indépendamment de l’origine nationale. Cette tradition serait compromise si les gens mettent ce qui semble être leur intérêt personnel au-dessus de l’entraide. Cela ne conduirait peut-être pas à une guerre réelle, mais cela a déjà produit une mentalité de compétition et de conflit qui ne fera que miner davantage l’efficacité qui vient d’une classe ouvrière européenne unie. Une classe ouvrière divisée profite en premier lieu à ceux qui ont causé les problèmes auxquels nous sommes confrontés, tels que l’austérité et les mesures répressives.
Beaucoup de ceux qui soutiennent le retrait de l’Union européenne semblent penser que nous pouvons revenir à une sorte d’âge d’or de la prospérité. C’est là une autre illusion ; cet âge d’or n’a jamais existé. Ils oublient que leur État n’a jamais été leur ami ; il a toujours été l’instrument permettant d’imposer les intérêts d’une petite minorité sur la majorité. Tous les États fonctionnent en dépossédant le peuple du pouvoir. Il importe peu que l’État se trouve à quelques kilomètres ou à des milliers de kilomètres de distance ; il sera toujours hors de notre contrôle, agissant pour ses propres intérêts.

L’alternative anarchiste
Les anarchistes rejettent les deux options qui se présentent : soutenir l’Union européenne en votant aux élections européennes ou faire campagne pour le retrait. Ceci à cause de notre critique de base de ce que l’État représente. L’Union européenne, comme tous les États petits ou grands, est fondée sur l’abandon du pouvoir à une minorité qui utilise ce pouvoir dans l’intérêt de l’élite patronale et financière. En outre, l’internationalisme que représente l’Union européenne est l’unité de cette élite contre la classe ouvrière européenne. Nous proposons à la fois une méthode alternative d’organisation de la société et un internationalisme alternatif qui s’étend à toute la planète.
Les anarchistes s’opposent à l’approche hiérarchique adoptée par l’État et les partis de gauche. Nous devons promouvoir des formes et des méthodes d’organisation non hiérarchiques. L’organisation future de la société que nous envisageons partira du bas vers le haut avec des groupes qui se fédéreront entre eux et se coordonneront sur le plan international, indépendamment de toute structure étatique actuelle, qu’elle soit nationale ou au niveau européen. Cela comprendra tous les domaines de la vie économique et sociale tels que la production, la distribution et la consommation de biens et la prestation de services tels que la santé et l’éducation. Nous devons prendre le contrôle de notre propre éducation afin qu’elle aide à nous émanciper des idéologies autoritaires telles que la religion, le nationalisme et le culte du chef.
Afin d’atteindre cet objectif de complète transformation politique, économique, sociale et culturelle, nous devons construire et renforcer les réseaux internationaux et de coordination que nous avons déjà. Nous devons prendre des mesures concrètes là où nous vivons et travaillons, mais en contribuant à une stratégie globale. L’élaboration d’une telle stratégie destinée à combattre avec succès les forces mondiales de l’oppression et de l’exploitation n’est pas une tâche facile. Cependant, c’est une nécessité et il y a un certain nombre de mesures que nous pouvons prendre. Ces mesures peuvent être prises par tous ceux qui veulent créer une nouvelle société, quel que soit le pays où ils vivent. Nous sommes tous confrontés à des attaques similaires, aussi pouvons-nous avoir une stratégie commune qui puisse être adaptée aux conditions locales.

• Nous devons nous battre contre les frontières filtrant les hommes mais laissant passer les capitaux. Notre proposition vise à abolir toutes les frontières à l’intérieur des pays et entre les pays qui limitent la libre circulation des personnes.
• Combat uni contre les banques par un refus universel de payer des dettes.
• Désobéissance civile contre toutes les lois répressives qui suppriment nos droits.
• Renforcer et étendre les luttes actuelles contre la précarité croissante des conditions de vie et de travail.
• Résister à toutes les tentatives de nous diviser selon la race, le sexe ou l’âge.
• Coordonner les luttes contre les employeurs communs à travers les frontières.
• Résister à la privatisation des services publics.
• Promouvoir d’autres réseaux de production et de distribution.
• Étendre la solidarité internationale pour ceux qui sont criminalisés en raison des luttes sociales.
La lutte contre l’austérité et les solutions proposées par les politiciens, à la fois pro et anti-Union européenne, ne fonctionneront pas et ne feront qu’empirer les choses. Ils veulent que nous validions leurs actions en mettant un X sur un morceau de papier, leur donnant ainsi le pouvoir d’agir en notre nom. Cependant, nous savons qu’ils ne nous représentent pas et qu’ils continueront de soutenir les riches et les puissantes institutions économiques du capitalisme qui font de nos vies une misère.
La seule façon que nous ayons de résister aux attaques et de commencer à prendre le contrôle de nos vies et de notre société, est de construire des mouvements et réseaux défiant les frontières, que nous contrôlons indépendamment des politiciens et des institutions de l’État.

Internationale des Fédérations anarchistes
Madrid, 29  mars 2014

Publié dans le Monde Libertaire n°1740, actuellement en kiosques.

[Poitiers] Hourra pour les rippers en grève !

NdPN : Bravo aux grévistes ! Pour lire la suite de cet article de la Nouvelle République, présentant les « arguments » de la multinationale pétée de thunes, voir sur le site du journal, on ne relaiera pas ici la prose patronale.

La grève des éboueurs perturbe la collecte des ordures

A l’appel du syndicat CGT, une large majorité des rippers de Sita-Suez a cessé le travail hier matin. Le mouvement devrait continuer aujourd’hui.

Les rippers ont mis en place un piquet de grève hier à l’entrée du site de Saint-Éloi.

Nous voulons que notre direction respecte le code du travail. Sur ce mot d’ordre, le syndicat CGT de Sita-Suez a réussi hier son appel à la grève. Seules six bennes sur les dix-sept qui assurent la collecte des ordures ménagères sur l’agglomération de Poitiers et dans la communauté de communes de Vienne-et-Moulière sont sorties à partir de 4 heures du matin. La direction de Sita-Suez reconnaissait que « sept ou huit » personnes seulement ont assuré leur service. Sur un effectif de quatre-vingt.

Décision de justice le 14 mai

Michel Multeau, secrétaire du syndicat CGT et représentant syndical au comité d’entreprise : « Nous n’avons pas bloqué les entrées et sorties. Nous ne demandons pas d’augmentation de salaires. Le point de blocage porte sur le fractionnement des congés. Si nous ne prenons pas quatre semaines consécutives entre le 1er mai et le 31 octobre, nous voulons des repos compensateurs. Deux jours de congés en plus. La direction ne veut pas en entendre parler. Le droit du travail prévoit ces jours de compensation. Ils doivent être accordés. » Laurent Dagen, trésorier du comité d’entreprise confirme. Laurent Barraud, secrétaire du même comité ajoute : « Nous demandons aussi la prise en charge du lavage de nos vêtements. Dernièrement, deux autres organisations syndicales, la CFDT et la CFTC, ont obtenu en justice que l’entreprise prenne ce lavage à sa charge. Nous voulons que la mesure soit étendue. »

[…]

Jean-Jacques Boissonneau, Nouvelle République, 25 avril 2014
Mise à jour 27 avril 2014 :
La grève des agents de la Sita-Suez du site de Saint-Éloi, qui a commencé jeudi matin, se durcit. Hier encore, le personnel gréviste a voté la poursuite du mouvement lundi toute la journée. « Pour la plupart, nous n’avons jamais fait grève », lançait l’un des rippers, hier matin, comme pour souligner que le malaise était bien réel. « Un seul titulaire du personnel roulant a assuré le service aujourd’hui, les équipages sont essentiellement constitués d’intérimaires. Ce matin, sur 18 services, 4 camions sont sortis », a expliqué Laurent Barraud, secrétaire du comité d’entreprise et délégué du personnel. « Nous faisons le point tous les matins et sur les 9 collectes d’ordures ménagères prévues, 4 ont été assurés ce matin », a confirmé Annabelle Paris, directrice de la communication de la région Sud-Ouest et porte-parole de la direction. « On continue sur la logique engagée dans Grand Poitiers, nous privilégions la collecte des ordures ménagères plutôt que la collecte de tri sélectif », poursuit-elle. Le service municipal de Poitiers intervient tout de même pour enlever un maximum de déchets, principalement dans le centre-ville. De leur côté, les grévistes semblent déterminés à obtenir un « vrai dialogue » et « des interlocuteurs avec qui négocier », tel que l’évoque Michel Multeau, secrétaire du syndicat CGT et représentant syndical au comité d’entreprise. « Ils ont été en contact avec les représentants de la direction générale », précise Annabelle Paris. Pour ce qui est des revendications, la direction maintient sa position. Concernant le lavage des vêtements de travail, « il faut attendre la décision du tribunal le 14 mai (*) ». Quant à lapplication de deux jours de congés supplémentaires en cas de fractionnement des vacances d’été, « la direction est prête à étudier au cas par cas ». Les représentants des grévistes ont prévu de rencontrer Francis Chalard, vice-président de Grand Poitiers, lundi après-midi : « Nous attendons qu’on nous aide à ouvrir le dialogue. »(*) Le conseil de prud’hommes de Tours a déjà été saisi pour cette affaire. Il statuera le 14 mai.

C. F., Nouvelle République, 27 avril 2014

[Lusignan] Génocide arménien : il faut « rester positifs » !

NdPN : les propos du maire de Lusignan auront sans nul doute consolé les cœurs… quant à ceux de Hollande ou d’Obama, c’est un peu la même veine. Il faut dire qu’en matière de repentance pour motif de boucherie, ces deux représentants d’Etats font bien de rester discrets, d’autant plus que l’Etat turc demeure un allié de marque…

Rester po-si-tifs !

Arménie : les condoléances ne pansent pas les plaies 

La cérémonie se déroulait à Lusignan, bourg dont les seigneurs étaient rois d’Arménie.

La communauté arménienne commémorait, hier à Lusignan, le 99 e  anniversaire du génocide. Les condoléances turques ont été fortement commentées.

Au milieu de la foule réunie autour du Kachkar, monument dressé sur la place du Bail en mémoire des 1,5 million de morts du génocide arménien, Jean Tateossian, petit bonhomme de 82 ans, a les yeux embués de larmes. « Mes oncles ont été égorgés en place publique », raconte ce natif de Marseille qui vit aujourd’hui à Richelieu, en Indre et Loire. Chaque année, lors des commémorations, les mêmes souvenirs le hantent : « Ma mère était dans le convoi des déportés. Elle m’a tout raconté. Ça touche… »

«  Un premier pas  »

Depuis, Jean Tateossian s’est rendu « une dizaine de fois en Arménie ». Alors, mercredi 23 avril, il n’est pas passé à côté des propos du premier ministre turc, Recep Tayyp Erdogan, qui a présenté les condoléances de la Turquie aux « petits-fils des Arméniens tués en 1915 ». C’est la première fois que le dirigeant turc s’exprime aussi ouvertement sur ce drame. « J’ai été très surpris, avoue pour sa part André Valoteau, président de l’Ararat (Association régionale arménienne rencontre, amitié et tradition). C’est un premier pas, car jusqu’ici la Turquie était dans la négation du génocide. » Mais pour certains membres de la communauté arménienne de Poitou-Charentes (dont on estime le nombre à 500), ces condoléances ne suffisent pas. Anouck Grigoryan, présidente de l’association Hayer, qui « partage la culture arménienne », ces propos « ne changent rien ». La jeune femme souhaiterait voir le premier ministre turc employer le mot « génocide » qui serait, selon elle, une preuve « de sincérité » de la part d’Erdogan. Tenant à la main un panneau sur lequel est inscrit « 99 ans de déni ça suffit. Où est la justice ? Génocide arménien : 1915 », elle peine à panser ses plaies : « L’histoire reste, on ne peut pas l’oublier. » Face au monument, c’est maintenant au tour de René Gibault, le maire de Lusignan, de prendre la parole. Et d’exhorter les Arméniens présents hier dans son village à « rester positifs. Vous ne pouvez pas refuser un pas de quelqu’un qui vient vers vous. »

Adrien Planchon, Nouvelle République, 25 avril 2014