Archives de catégorie : Ni patrie ni frontière

[Poitiers] Contre le racisme, contre l’Etat

Contre le racisme, contre l’Etat

Le racisme est une construction idéologique qui a toujours servi de prétexte à la domination politique, et à son corollaire l’exploitation économique – esclavage, colonialisme, salariat à moindre coût… Il a principalement été développé et théorisé par les Etats, en particulier dans les phases les plus délicates de leur histoire, afin de diviser les populations pour mieux les opprimer. Les Etats ont pour cela reçu le soutien d’une partie des castes « savantes » de leur époque : religion et scientisme ont cautionné le racisme pour asseoir leur emprise.

Dès l’antiquité, les cités-Etats construisent, au gré de leurs alliances et de leurs conquêtes, les notions parallèles de citoyen et d’étranger (les métèques, les barbares…) Au Moyen-âge, l’Eglise et les monarchies arriérées d’Europe occidentale lancent les croisades pour étendre leur emprise sur leurs propres territoires (croisades contre les « hérétiques » en France, contre les slaves en Europe de l’Est…) et pour permettre à une caste déshéritée de chevaliers belliqueux de s’occuper ailleurs… en même temps que commencent les persécutions contre les juifs, accusés de tous les maux à chaque crise de subsistance. La notion de « frontière » apparaît ainsi au moment de la Reconquista, permettant aux Etats chrétiens d’Espagne et à l’Eglise de construire leur identité par la construction d’un ennemi intérieur musulman, et juif. Entre temps, les rois d’Europe imposent leur langue officielle d’Etat, opprimant les populations sur les territoires conquis. Plus tard, à l’époque moderne, la construction de puissants Etats modernes donne lieu à des guerres terribles en Europe, nécessitant un afflux massif d’or, déclenchant ainsi le génocide des amérindiens. L’exploitation de l’Afrique permet aussi aux Etats d’Europe de développer le commerce transatlantique : l’esclavage de masse apparaît, toujours avec la caution de l’Eglise sur l’infériorité des « indiens » puis des « nègres ». A l’époque contemporaine, le développement de l’industrie capitaliste pose aux Etats européens rivaux la question des matières premières : la colonisation militaire est lancée, avec son lot de massacres. La philosophie des lumières puis la « science » sont mises à contribution pour élaborer des théories racistes, et justifier l’exploitation de continents entiers. L’utilisation du racisme par les Etats conduira, en période de remise en cause de leur pouvoir par des mouvements ouvriers révolutionnaires finalement écrasés, à la montée du fascisme. L’horreur raciste et colonialiste perdure après la guerre, avec les atrocités perpétrées par les Etats coloniaux.

De nos jours, après le nazisme et les guerres colonialistes, les dominants ont modifié leur vocabulaire. Avec la mondialisation du capitalisme et des flux financiers, l’utilisation de la main d’oeuvre « étrangère »  est plus que jamais stratégique pour le capitalisme. Les Etats et les capitalistes ont autant besoin de la libre circulation des capitaux que de maintenir des populations de part et d’autre de frontières militarisées, avec des législations du travail différentes. On ne parle plus de races, mais « d’immigration choisie » (ou « intelligente » pour la gauche). On ne parle plus d’inégalité des races, mais d’inégalité des « civilisations » et des « cultures ». Les cultures sont essentialisées par les discours politico-médiatiques, jusque dans l’éducation nationale : l’étude des « civilisations » et de leurs « différences » est au fondement du nouveau programme d’histoire. Le différentialisme prétend ainsi sauvegarder une essence fictive de la prétendue culture ou civilisation occidentale. « Préférence nationale » et « identité nationale » permettraient ainsi d’éviter les « mélanges ». Les personnes souhaitant devenir « françaises » doivent ainsi « s’assimiler », « s’intégrer », c’est-à-dire nier leur histoire sociale. Ces discours grotesques, sans aucune légitimité rationnelle ni éthique, seraient juste pathétiques… s’ils n’étaient le prétexte aux horreurs contemporaines des centres de rétention administrative, de la traque et des expulsions d’étrangers, du néo-colonialisme, des guerres de « civilisation » en cours et à venir.

Au-delà du spectacle consternant des déclarations nauséabondes du gouvernement ces dernières années, ces logiques historiques d’Etat dépassent largement les clivages des partis de gouvernement. Sur le fond, la gauche « socialiste » assume clairement qu’elle souhaite elle aussi des « critères » pour l’immigration économique, et qu’elle expulsera les indésirables. C’est la gauche qui ouvrit les premiers camps de concentration en France pour les réfugiés révolutionnaires espagnols, elle qui prétendit « humaniser » la rétention des étrangers avec l’ouverture des centres de rétention administrative, elle qui expulse dans certaines villes des camps et des squats d’étrangers, elle qui vote une loi contre les nounous voilées, elle aussi qui souhaite ouvrir, à l’échelle européenne, des centres de rétention à propos du « problème des Roms ». Il n’y a aucune illusion à entretenir sur la gauche gouvernementale. Tous les Etats ont des frontières et professent, contre leurs « étrangers », une dégradation des droits civiques, politiques et sociaux, pour le plus grand bonheur des exploiteurs.

Pour notre part, nous considérons que la culture est le résultat vivant des échanges sociaux. Nous nous inscrivons plus que jamais dans l’internationalisme, dans le refus de l’oppression étatiste et de son corollaire le nationalisme. Jules Ferry, personnalité célèbre de gauche, fut aussi bien celui qui prétendait « civiliser les races inférieures », que celui qui participa au massacre impitoyable des Communards qui voulaient une société libre et égalitaire. Commune de Paris qui, ausi bien en 1792 qu’en 1871, fut animée par des révolutionnaires de pays différents, unis par la volonté d’abattre les privilèges et les distinctions hiérarchiques sociales.

Tant qu’il y aura l’Etat, c’est-à-dire une organisation politique autoritaire organisant l’exploitation de l’homme par l’homme, il y aura du racisme, il y aura du colonialisme, et des exploité-e-s pour tomber dans l’ornière de la haine. Seule la solidarité internationale et la construction de rapports sociaux non autoritaires, égalitaires, peut permettre d’en finir avec le racisme, l’exploitation de l’homme par l’homme, l’organisation étatiste de la société. De fait, contre les tentatives d’expulsions d’étrangers, la mobilisation paye. Les préfectures reculent devant la solidarité des proches, des voisin-e-s, parents d’élèves, des collectifs divers. C’est dans ces luttes que se tisse la solidarité, et que recule l’Etat. Ce sont ces luttes et cette organisation de la solidarité en actes qu’il nous faut étendre.

Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes

Groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86)

http://fa86.noblogs.org/

pavillon-noir@federation-anarchiste.org

Samedi 17 mars à Poitiers, rassemblement pour une marche antiraciste et anticoloniale, 14H30 place d’armes

Mercredi 21 mars, deux rassemblements solidaires : avec les étudiant-e-s étranger-e-s expulsables à 17H place du marché, et avec la famille Adamianov et toutes les personnes expulsables à 18H devant le palais de justice. Venez nombreux-euses !

[Poitiers] Encore un père expulsable

Mobilisés contre l’expulsion d’Abdelhamid Hirèche

En France depuis 2009, ce ressortissant algérien qui réside à Poitiers où est née sa fille vient de recevoir une obligation de quitter le territoire français.

Laurent Dupriez, qui plaide sa cause, préfère qu’on ne prenne pas Abdelhamid Hirèche en photo : « Vous comprenez, il est expulsable à tout moment. » « J’essaie de ne pas sortir pour éviter les contrôles », susurre l’intéressé. Le 3 décembre, la vie de ce ressortissant algérien habitant à Poitiers a basculé à la réception d’un courrier recommandé de la préfecture.

«  Je suis complètement perdu  »

« J’avais l’obligation de quitter le territoire français dans un délai d’un mois. On vous propose 2.000 € pour retourner au pays», raconte le jeune homme de 26 ans, décontenancé par sa situation. Que l’administration juge irrégulière. Pour l’instant, il est toujours là. Et décrypte son itinéraire. « En juin 2009, je suis arrivé en France où je me suis marié. Ma petite fille, Chaïma, est née à Poitiers le 26 mai 2010. Je suis complètement perdu par rapport à la petite et à ma femme. Je ne me vois pas partir en Algérie en les laissant derrière moi. » Et jusqu’au 31 décembre, il a bossé comme chauffeur – livreur « de nuit » pour la société Dikeos sur le site du Futuroscope. « Son contrat de vacataire était renouvelé tous les ans », précise Laurent Dupriez, son collègue de travail et « porte-parole » de sa défense. « Pour nous, c’est incompréhensible, dit-il. Nous avons la preuve qu’il est intégré, qu’il a du boulot ici, qu’il ne cherche pas à profiter du système. Normalement, il aurait dû reprendre son poste le 1er avril. »

Le 12 avril au tribunal administratif

Une grande partie de la famille d’Abdelhamid réside en France. Un frère « médecin dans une clinique à Fontenay-le-Comte en Vendée », une sœur « naturalisée » à Nancy, des oncles à Marseille… Et elle a été durement touchée quand la tempête Xynthia a frappé la commune de la Faute-sur-Mer en février 2010. « Une grand-mère, une tante et deux petits cousins ont péri », lâche Abdelhamid Hirèche. Qui s’est attaché les services d’un avocat. Sa requête contre son arrêté d’expulsion sera examinée par le tribunal administratif de Poitiers à l’audience du 12 avril. Le collectif de soutien à Abdelhamid Hirèche a adressé une lettre ouverte au préfet de la Vienne. « Le préfet a tout pouvoir pour abroger le premier arrêté, estime Laurent Dupriez. C’est pour cela qu’on veut l’interpeller, pour qu’il nous donne des raisons valables. Quel pays veut-on ? »

(1) Il stipule notamment que « vu les attaches de l’intéressé dans son pays d’origine, notamment ses trois petites sœurs, et la date récente de son entrée en France et après examen complet de sa situation, M. Hirèche ne correspond à aucun critère réglementaire lui permettant d’obtenir un certificat de résidence à quel que titre que ce soit. »

social – en savoir plus

 » Il est entré irrégulièrement en France « 

Secrétaire général de la préfecture de la Vienne, Jean-Philippe Setbon apporte des précisions : « Il l’a dit lui-même, M. Hirèche est entré irrégulièrement en France en juin 2009. Il a fait alors une demande d’asile durant laquelle il a eu l’autorisation de travailler. Elle a été refusée par l’OFPRA (1) et M. Hirèche a bénéficié d’un récépissé de titre de séjour renouvelable tous les trois mois. Son épouse, marocaine et en France depuis l’âge de deux ans, est, elle, titulaire d’une carte de séjour. M. Hirèche a fait une demande de carte  » vie privée et familiale  » mais la police, qui a mené une enquête de communauté de vie entre les personnes, n’a jamais pu les rencontrer ensemble. Une autre procédure existe, le regroupement familial, avec la possibilité de faire venir son conjoint. Ce n’est pas celle qu’ils ont choisie. Pourquoi ? Je n’en sais rien ».

(1) Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.

Nouvelle République, Jean-François Rullier, 17 mars 2012

[Poitiers] Prostitution : assez de la répression sur les femmes, les pauvres, les étrangèr-e-s !

La Mama de Saint-Hilaire condamnée pour proxénétisme

Une Nigériane de 27 ans a été condamnée et écrouée, hier, pour proxénétisme. Des filles utilisaient son appartement pour des passes.

A Poitiers, sur les grands boulevards, la prostitution de jeunes femmes originaires d’Afrique de l’Ouest est très visible. – (Photo d’illustration Gérard Proust)

Des voisins lassés par les allées et venues, c’est le quotidien des riverains des zones de prostitution à Poitiers. Quand les passes ne sont pas faites directement sur la voie publique ou dans des voitures, ce sont des appartements discrets qui servent de lieu de rencontre.

Mercredi matin, à 8 h 45, les policiers sont arrivés au 1 bis de la rue Saint-Hilaire. Là, ils trouvent quatre jeunes femmes, des préservatifs et des doses de gel lubrifiant, plus de 2.500 € en liquide dans une valise, des vêtements féminins en grand nombre, des perruques de toutes les couleurs…

«  Je leur ai jamais demandé de ramener des clients  »

Bref, tout le matériel nécessaire pour que de jeunes femmes puissent pratiquer des passes. Au fil de leurs surveillances, les enquêteurs voient défiler les clients et les filles. Certains racontent. Comme, Richard, venu de La Rochelle. « Je ne voulais pas que ça se fasse dans la voiture », explique-t-il aux policiers. « Elle a dit d’accord, mais ça sera 100 €. Elle m’a emmené dans un appartement de la rue Saint-Hilaire. Une femme m’a ouvert… » Une fois l’affaire faite, il est reparti, allégé des 90 € qu’il avait sur lui. Deux clients racontent la même chose aux policiers. Et puis, il y a les dires des voisins, excédés du trop grand passage qui, depuis juillet dernier, mène des automobilistes toujours vers ce même appartement. Alors, des quatre filles arrêtées mercredi matin, une seule a été renvoyée devant la justice hier, en comparution immédiate : la locataire des lieux, soupçonnée d’avoir aidé, assisté et protéger des filles se livrant à la prostitution. Une proxénète de 27 ans, une mama, qui joue l’étonnement à la barre. Elle gémit en contestant ce que lui traduit l’interprète en langue anglaise. Elle tente de biaiser à tour de bras, répond à côté, nie puis reconnaît du bout des lèvres. « Oui, c’est possible que ce soit arrivé. Oui, des jeunes femmes dorment chez moi, mais chez nous, c’est comme ça, quand quelqu’un à besoin, on l’accueille. Oui je sais qu’elles se prostituent, mais je ne leur ai jamais demandé de ramener des clients. » Favour concède se prostituer deux à trois fois par semaines, mais jamais dans l’appartement. Pour le procureur, Mathieu Gaite, Favour est un maillon d’un réseau plus large. « Ces réseaux, il faut les fragiliser. C’est la misère qui exploite la misère, toutes ces femmes ont la même nationalité. » Il requiert six mois de prison ferme, l’incarcération et l’interdiction définitive du territoire français. Impossible, réagit le défenseur de la jeune femme. « Elle a un titre de réfugiée pour dix ans. » Sur les faits d’aide à la prostitution, Me Dauvizis, s’étonne encore et plaide la relaxe. « Qu’elle aide apporte-t-elle ? Quel profit en a-t-elle tiré ? Ce qu’on a trouvé, c’est l’argent de sa propre prostitution ! » Le tribunal a reconnu Favour coupable d’avoir aidé quatre filles et non six. Elle a été condamnée à six mois de prison dont deux ferme. Elle a été écrouée.

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Son parcours, c’est son avocat qui le raconte. Violentée dans son pays, Favour arrive en France en 2007, passe par Beauvais puis arrive à Poitiers où un bénévole du Toit du Monde l’aide notamment à avoir son appartement et le RSA. Ils auront même une liaison. « Non tarifée », précise l’avocat. « Pendant un an et demi, elle n’a posé aucun problème. »

Nouvelle République, Emmanuel Coupaye, 16 mars 2012

ndPN : ainsi donc et comme toujours, c’est sur les femmes, les précaires, les pauvres, les étrangèr-e-s, que s’abat la répression étatique. La prostitution en fournit régulièrement un exemple flagrant. Quid des clients ? Quid des exploiteurs ? Quid des conditions matérielles conduisant des personnes à se prostituer ? La misère est indissociable de l’autorité patriarcale, étatiste et capitaliste. Au-delà du débat judiciaire et politicien sur la prostitution (et le proxénétisme, terme souvent fourre-tout, qui ne semble d’ailleurs pas avéré au tribunal en termes de preuves matérielles pour la jeune femme condamnée), se lit cet acharnement de la bien-pensance bourgeoise contre les personnes les plus fragilisées par ce système pourri.

Concernant la forme de cet article de la Nouvelle République, deux remarques : pourquoi évoquer la relation que cette femme a eue autrefois avec « un bénévole du Toit du monde » ?? C’est quoi l’intérêt et qu’y a-t-il de répréhensible ? C’est quoi le rapport avec la condamnation ? Est-ce la solidarité qui est ici ciblée par le journaliste ? D’autre part, ce n’est pas la première fois que ce journal parle de « mama » pour désigner une femme africaine dans une histoire de prostitution. Pourquoi ce terme ? Est-elle maman et dans ce cas, pourquoi n’est-ce pas évoqué dans le cadre de cette condamnation ? Est-ce plutôt parce qu’elle est d’origine africaine, auquel cas pourquoi ce diminutif spécifique, ce sobriquet pour désigner cette femme ? Désigner différemment des personnes parce qu’elles sont d’origine étrangère est pour le moins nauséabond, d’autant plus que ce n’est pas la première fois.

Plus que jamais : solidarité avec les femmes, les pauvres, les étranger-e-s, qui subissent au quotidien l’exploitation et la répression.

[Poitiers] Soutien à la famille Adamianov

Pour une France de toutes les couleurs

Le comité de soutien de Bel-Air à la famille Adamianov, menacée d’expulsion, ne baisse pas les bras. Pour attirer l’attention des médias, et de la population sur son sort, il a organisé un flash mob, jeudi, devant l’école Jean-Mermoz, à Poitiers-Ouest. A 16 h 10, des écoliers, des parents et des enseignants se sont rassemblés devant les grilles pour danser sur la chanson de Grégoire « Toi + moi ». Contrairement aux usages du « flash mob », les danseurs ne se sont pas dispersés aussitôt. Deux élèves de CM2, Guillemette et Martin ont lu, en version slam, la poésie qu’ils ont écrite à l’intention de Hamlet et Varduhi, scolarisés à Jean-Mermoz, et du reste de la famille. Dans « la France de toutes les couleurs », ils s’indignent de l’expulsion de leur logement en hiver. Ils se demandent pourquoi il en a été ainsi : « Où sont leurs différences ? On n’est pas raciste en France ! » Ils constatent que les actions de mobilisation leur ont permis de retrouver une maison. Conclusion : « Ils ont besoin qu’on les soutienne/Avec tout notre amour/Ils ont besoin d’apprendre, jour après jour ».

Guillemette et Martin « se battent pour leur destin ». Celui-ci sera connu, le 2 mai, lors d’une audience au tribunal administratif.

Nouvelle République, M.-C. Bernard, 16 mars 2012

ndPN : Pour rappel, grand rassemblement de soutien à la famille Adamianov et à toutes les personnes expulsables, le mercredi 21 mars à 18H devant le palais de justice de Poitiers !