NdPN : plus de mille blessés à Istanbul et au moins 700 à Ankara, selon les syndicats locaux de médecins et des associations. Un nouveau mort hier, dans la province du Hatay. Ci-joints les communiqués de nos compagnes et compagnons du DAF, un communiqué de féministes turques et le communiqué Relations internationales de la Fédération Anarchiste.
1er juin : Émeutes massives contre le terrorisme d’État en Turquie
Après deux jours de protestation contre la gentrification urbaine de Gezi Park (le plus grand parc de la place Taksim, où les espaces verts sont sans cesse détruits), les gens ont eu marre de la brutalité policière et la violence. Le silence des médias, qui augmente les histoires d’attaques contre la gouvernement et les libertés individuelles, répond aux objectifs de l’État qui essaye de tirer profit de la situation en Syrie et qui a transformé le récent conflit en émeutes. Les affrontements se sont poursuivis toute la journée et la nuit d’hier. Au moins sept personnes ont été tuées par les attaques de la police, des centaines ont été blessées, des centaines sont en garde à vue où ils sont battus et certains torturés. Tous les temples du capitalisme ont dû fermer à Taksim. Il y a beaucoup de solidarité dans les rues, beaucoup de petits magasins, les maisons et universités, toutes les pharmacies ont ouvert leurs portes aux manifestants. La Chambre des architectes et les bureaux d’ingénieurs turcs sont transformés en hôpital avec des médecins et des infirmiers bénévoles. Et ils soignent les manifestants blessés. Dans de nombreux endroits à Istanbul, les postes de police ont été attaqués. Les groupes fascistes ont été battus par des anarchistes. Les gens de la rive asiatique qui voulaient rejoindre les émeutes ont été bloqués par la police, mais ils ont marchaient après minuit, en traversant le pont du Bosphore à pied. Le premier ministre a blâmé les réseaux sociaux d’informer sur les meurtres, et il a ironiquement traité les personnes qui partagent ces informations de fascistes. La protestation s’est propagée dans toute la Turquie. Les gens sont dans les rues d’Ankara, Izmir, Eskisehir, Sakarya, Isparta et bien d’autres. Ces protestations ne sont pas seulement pour le parc Gezi, comme les médias inféodés le clament. Les émeutes sont désormais l’expression de la révolte de centaines de milliers de personnes qui protestent contre l’oppression de l’État et contre la violence. Nous, en tant qu’anarchistes et en tant que révolutionnaires, avons été et nous allons être dans les rues, contre le terrorisme d’État et contre les violences policières. Nous attendons des actions de solidarité de tous les anarchistes et anti-autoritaires dans le monde entier. Istanbul est partout et la résistance est partout contre le terrorisme d’État, la violence de la police et l’exploitation capitaliste. Nous continuerons à diffuser des informations tant que l’émeute se poursuit.
Action Révolutionnaire Anarchiste (DAF)
2 juin : Dernières informations concernant les émeutes en Turquie
Les affrontements ont commencé hier matin avec la même intensité que le premier jour de la résistance. La police a bloqué les voies entrant à Taksim. Bien que les attaques de la police étaient plus dures que la veille, près d’un million de personnes se sont battues, déplaçant les barricades pour virer la la police. Ensuite, toutes les personnes ont occupé Taksim et Gezi Park. La police a dû s’échapper et leurs voitures qui ne pouvaient s’échapper ont été brûlées. Hier, les affrontements se sont propager dans tout le pays. Dans de nombreuses autres villes, la police a attaqué les manifestants avec des bombes de gaz, d’eau toxique sous pression et des balles en plastique. Les manifestants ont organisé des zones libres protégées derrière des barricades. Hier, nous, en tant que DAF (Action révolutionnaire anarchiste), étions sur le front et, pendant les premiers instants qui ont suivi l’entrée dans la place, nous avons écrit une déclaration publique :
Ce n’est que le début, la lutte continue.
La révolte est hors du temps et de l’espace. Pendant environ 40 heures, de Istiklal à Harbiye, de Tarlabasi à Besiktas, la liberté de la rébellion se fait sentir. Nous arrivons à la place Taksim de Istiklal, après 40 heures d’affrontements. Les agents d’application de la loi s’enfuient avec leurs véhicules. Quarante heures, quarante ans, la place a été notre monde. Il s’agissait bien de la liberté de la rébellion, et c’est peut-être le slogan le plus effrayant, ce n’est que le début, la lutte continue. Oui, notre lutte continue jusqu’à ce que nous construisions le monde libre, que nous portons dans nos coeurs.
Action Révolutionnaire Anarchiste (DAF)
3 juin : Les anarchistes révolutionnaires à la solidarité internationale pour organiser une révolte générale contre le terrorisme d’État
La semaine dernière, un groupe de manifestants a commencé une action de sauvegarde de l’environnement après que quelques arbres ont été abattus illégalement au nom de projets de gentrification urbaine. Au deuxième jour de la protestation, très tôt le matin, la police a attaqué les manifestants avec des bombes de gaz, des canons à eau et des balles en plastique. De nombreuses personnes ont été blessées. Ce fut l’étincelle de la lutte contre ce terrorisme d’État qui s’est répandue dans tout le pays et s’est transformée en une action massive et organisée de révolte globale. Les gens impliqués contre l’augmentation des attaques, le terrorisme d’État et la violence de la police ont transformé les rues en zones de résistance. Cette révolte générale a grandi pendant quatre jours et se répand. Des centaines de milliers de manifestants ont résisté, place Taksim, où le gouvernement a bloqué les entrées et la violence de la police a atteint un sommet. Finalement, le square a été occupé après la construction de barricades autour de la place Taksim et les manifestants ont pris le contrôle de Taksim. Les manifestants à Ankara ont occupé les rues en solidarité avec Istanbul et des barricades ont été construites dans les lieux importants de la ville, diffusant la révolte. Des centaines de manifestants à Izmir, une autre grande ville, ont brûlé le bâtiment du parti au pouvoir. La solidarité et le soutien aux mouvements de protestation et dans les zones d’affrontements sont très importants. Dans chaque ville où des affrontements sont en cours, les gens ont ouvert leurs maisons aux manifestants et aux personnes blessées. Beaucoup de gens ont mis à disposition des trousses de premiers soins et de la nourriture dans leurs cours pour les manifestants. Les équipes médicales volontaires auto- organisées se sont rendues dans les zones d’affrontements et ont aidé instantanément les manifestants blessés. Des avocats bénévoles aident les manifestants en détention. Alors que les affrontements se poursuivent, le nombre de morts et de blessés est en augmentation. Les grands médias agissent toujours comme si rien ne s’était passé. Le nombre de morts serait d’une dizaine, mais ce n’est pas certain, car il n’y a pas de déclarations officielles. Un manifestant à Istanbul a été renversé par une voiture alors qu’il bloquait une rue, un autre a reçu un coup à cause des bombes à gaz, un autre encore a été renversé par la police et tous ont perdu la vie. Un manifestant à Ankara a été blessé à la tête par le feu de la police et il est en état de mort cérébrale. Alors que l’action et les affrontements se poursuivent ici, la solidarité mondiale est en augmentation. Les « Anonymous » ont piraté les sites du parti au pouvoir, de la police d’Istanbul, de la municipalité d’Ankara et de nombreux autres organismes gouvernementaux. Les « Anonymous » ont déclaré qu’ils vont continuer les cyber-attaques tant que le terrorisme de l’État turc se poursuit. Alors que des millions de personnes résistent dans les rues aux attaques de la police dans tout le pays, certains partis de l’opposition tentent de tirer profit, de manipuler l’action en la politisant. Tout comme ce que nous avions vu dans certaines régions au cours du printemps arabe, les partis d’opposition (en particulier les kémalistes) tentent de s’approprier la portée des actions menées. Les parties d’opposition, en profitant de politisation sociale, tentent de profiter de la situation dans l’espoir de prendre le pouvoir. La révolte en cours a laissé les politiciens et l’État dans une mauvaise position. Alors que le gouvernement tente de manipuler la révolte en la qualifiant d’être la manifestation d’« un groupe de radicaux », la crise se propage dans l’économie. La crise économique a montré de premiers signes dans le marché boursier. Cependant, c’est une des plus grande révolte massive dans l’histoire du pays et les gens sont dans les rues afin de s’opposer à la hausse des politiques d’interdiction, d’oppression et de suppression, à la terreur d’État et à la violence policière que n’a cessé d’augmenter pendant une longue période. Les personnes, que l’État avait essayé de dompter par une oppression de centaines d’années, sont maintenant directement en révolte contre lui. Nous appelons tous les camarades qui luttent partout dans le monde : faites entendre la voix de la révolte générale, partout où vous pouvez, contre l’État turc et les grands médias qui tentent de la réduire au silence. Organisez des actions de solidarité pour être avec les millions de gens dans les rues. Joignez votre voix à la révolte du peuple que l’État avait ignoré, opprimé et exploité pendant des années. Que le feu de la révolte contre l’État turc que nous avons commencé avec une étincelle et qui ne cesse de croître, se développe davantage. Istanbul est partout et la résistance est partout contre le terrorisme d’État, la violence de la police et contre l’exploitation capitaliste. Nous continuerons à diffuser les informations tant que l’émeute se poursuit.
Action Révolutionnaire Anarchiste (DAF)
Les femmes résistent aussi !
Les femmes se rebellent ! Et vous ne nous arrêterez pas avec des gaz, des tanks et des matraques ! Les femmes résistent avec les autres groupes opprimés depuis deux jours. Travailleurs, Kurdes, LGBT, Alaouites, Musulmans, non-musulmans, athées et tous les opprimé(e)s, exploité(e)s, insulté(e)s et blâmé(e)s comme des « traîtres » sont en train de se rebeller en Turquie. La résistance qui a commencé dans le parc Gezi de la Place Taksim à Istanbul est en train de déborder sur de nombreuses autres villes.
Nous, les femmes, sommes sur le front de cette résistance. Nous rejoignons la rébellion parce que :
Le Premier ministre Tayyip Erdogan et sa clique ont cherché à promouvoir le lynchage des femmes par les hommes ; Ils ont tolérés l’assassinat de femmes par des hommes avec leur loi sur les « provocations injustifiées » ; Ils n’ont pas ouverts de lieux d’accueil pour permettre aux femmes d’échapper à la violence domestique des hommes ; Ils ont stigmatisés les femmes violées et harcelées en les traitant d’immorales et de non-chastes ; Ils ont mis la pression sur les femmes violées pour qu’elles accouchent des enfants issus de ces viols ; Ils ont qualifiés l’avortement de meurtre ; Ils n’ont pas ouvert de crèches mais ont imposés aux femmes de donner naissance à au moins trois enfants ; Ils nous ont condamnés à la pauvreté, au travail précaire, aux emplois incertains et à vivre dans des conditions proches de l’esclavage ; Ils ont définis le travail domestique comme le devoir des femmes ; Ils se sont acharnés sur les femmes et les familles qui vivaient de manière indépendante des hommes avec leurs lois.
Mais nous, femmes, nous résistons !
Parce que le Premier Ministre Tayyip Erdogan et sa clique nous ont condamnés à subir l’oppression et l’exploitation des hommes, nous appelons toutes les femmes à descendre dans la rue et à se rebeller pour notre libération !
Socialist Feminist Collective
Traduction française pour Avanti4.be : Sylvia Nerina
Vu sur DNDF, 3 juin 2013
Turquie : Les violences étatiques et policières doivent cesser
Suite à un sit-in pacifiste pour la conservation du Parc Gezi, au sein du quartier central de Taksim à Istanbul, qui doit être démoli pour la construction d’un centre commercial, la police turque a lancé une attaque violente contre ces manifestants paisibles : gaz lacrymogènes visés directement sur les corps, eau à haute pression, incendie des tentes… Dès lors, une mobilisation spontanée s’est créée dans le quartier et les conflits se sont étendus dans d’autres quartiers de la ville. Ainsi, plus de 50 000 personnes étaient dans les rues et la police turque a redoublé de violence et a sévèrement réprimé ces contestations. Actuellement, une centaine de personnes sont hospitalisées et l’accès au parc est bloqué sans base légale. Malgré tout, les manifestations se sont répandues dans toutes les villes en Turquie regroupant toutes les couches sociales et organisations politiques et syndicales. Pourquoi une telle colère ? Au pouvoir depuis 2002, le gouvernement d’AKP, issu du mouvement islamiste de Mili Gorus (Vision nationale) a pu intégrer à la fois les politiques néolibérales et son conservatisme qui se base sur la religion et le nationalisme. Malgré quelques réformes positives par rapport aux critères de Copenhague afin d’entrer dans l’Union européenne, il s’est révélé rapidement être un gouvernement autoritaire et dictatorial. Il y actuellement, 10.000 prisonniers kurdes parmi lesquels de nombreux élus, une trentaine de maires, des députés, des journalistes, des avocats…S’y ajoute des syndicalistes, des étudiants et les opposants au pouvoir…Dernièrement, le gouvernement a interdit la consommation d’alcool dans la rue et après une certaine heure créant un énorme débat dans la société turque. De plus, les médias turcs, qui sont directement contrôlés ou ont des liaisons politiques et économiques avec le gouvernement, refusent de traiter des incidents et les agences de presse turques bloquent la diffusion de l’information sur les événements concernant le parc de Gezi. Au delà du problème du parc Gezi, c’est donc une accumulation de colère contre les privations des libertés de la presse, d’expression, syndicales et politiques, sexuelles et des droits de minorités ethniques et religieuses. La Fédération anarchiste (FA), membre de l’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA), dénonce l’autoritarisme instauré par le gouvernement turc de l’AKP de Recep Tayyip Erdoğan, qui est souvent considéré comme un modèle exemplaire pour des pays du Moyen-Orient. Nous souhaitons apporter tout notre soutien aux mouvements de contestation en Turquie, notamment au mouvement anarchiste, face à la répression étatique et religieuse.
Fédération Anarchiste, dimanche 2 juin 2013.