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De Notre-Dame-des-Landes à la LGV Lyon-Turin : l’Europe des grands projets nuisibles

De Notre-Dame-des-Landes à la LGV Lyon-Turin : l’Europe des grands projets nuisibles

béton partout

De l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à la ligne TGV Lyon-Turin, les grands projets d’infrastructure sont sous le feu des critiques. Des voix s’élèvent pour mettre en cause des projets disproportionnés, et dénoncer leur caractère économiquement et socialement inutile voire écologiquement nuisible [1].

Ces grands projets ne datent pas d’hier : dès les années 90, sous l’impulsion des lobbies patronaux et de la Commission européenne, le développement des infrastructures européennes de transport est mis à l’agenda. L’idée est la suivante : les lacunes de l’infrastructure de transport est une barrière à la libre circulation des produits au sein du Marché unique et, par conséquent, entravait la croissance économique de l’Europe, la « compétitivité », et l’« attractivité des territoires ».

A l’opinion publique, on explique à grands renforts de principes généreux qu’il s’agit d’affermir les liens entre les pays européens voire à moderniser et développer les pays de l’Est… Pourtant, les projets d’infrastructure ont surtout bénéficié aux grandes firmes, qui ont empoché la mise en laissant aux populations le soin de payer l’ardoise écologique et sociale.

(La grande majorité des informations et citations contenues dans cet article est issue du chapitre VIII de Europe Inc, honteusement plagié par nos soins)

***

A partir du début des années 90, de nombreux projets d’infrastructures, gigantesques et abondamment subventionnés, sont mis à l’agenda en Europe dans le cadre du TransEuropean Network (TEN) ou réseau transeuropéen. De nombreux ont déjà été réalisés, comme le tunnel sous la Manche, le pont d’Øresund entre le Danemark et la Suède, plusieurs lignes de trains à grande vitesse, de nombreux élargissements d’aéroports et 12 000 kilomètres de nouvelles autoroutes.

Avec un budget total estimé à 400 milliards d’euros pour près de 150 projets, le réseau transeuropéen (TEN) est le plus important programme d’infrastructures de transport de l’histoire mondiale [2]. Il comprend des milliers de kilomètres de nouvelles autoroutes, des réseaux de trains à grande vitesse, des lignes de fret ferroviaires, des extensions d’aéroports et des voies navigables.

Ce réseau voit le jour grâce à une intensive campagne de lobbying menée tout au long des années 80 et 90 par la Table Ronde des Industriels, un puissant lobby industriel européen [3]. Les grandes firmes européennes ont en effet plusieurs raisons de souhaiter le développement de l’infrastructure des transports :

- Pour les constructeurs automobiles comme DaimlerChrysler, Fiat et Renault, les producteurs de composants électroniques et autres pièces détachées comme Pirelli ou Pilkington, l’expansion du domaine autoroutier en Europe est le synonyme de l’expansion… du domaine du profit.

- Les extensions d’aéroports ouvrent quant à elles de nouvelles perspectives pour les compagnies aériennes ainsi que les constructeurs aéronautiques ; ou encore la construction de lignes à grande vitesse qui ouvrent de nouveaux marchés pour les constructeurs de trains à grande vitesse tels que Siemens, ABB et Alstom.

- Qu’il s’agisse de transports aériens ou routiers, les compagnies pétrolières telles que BP, Petrofina, Shell et Total, ont-elles aussi intérêt à favoriser le développement de grandes infrastructures de transport.

- Enfin, pour les compagnies de travaux publics comme Titan Cement, Bouygues ou Vinci, les projets géants d’infrastructures, amplement subventionné, représentent une source importante et sûre de profits… et garantie par des partenariats public-privé.

Mais les projets d’infrastructures ont aussi un impact sur l’ensemble de l’économie européenne, en développant des grands axes, jugés « stratégiques » pour l’économie, de transports des marchandises et des personnes. Ils ont permis de développer le transport routier de marchandise et d’en réduire considérablement le coût, ainsi que la restructuration par les firmes multinationales de leur production à l’échelle du continent.

Une infrastructure plus rapide telle que le TEN – notamment pour les autoroutes – est aussi une condition favorable aux nouveaux systèmes flexibles de « production à moindre frais ». Encouragés par les multinationales dès les années 1980, ces programmes participent à la production à « flux tendu » effectuée par des sous-traitants spécialisés et soumis directement aux demandes du marché.

- Le lobbying de la Table Ronde

Cette conjonction d’intérêts explique la vigueur avec laquelle la Table ronde des industriels – qui représente les intérêts des plus grandes multinationales européennes – s’est battue pour voir le TEN au cœur de l’agenda des institutions européennes.

La table ronde a publié deux rapports : « Missing Links » en 1984, et « Missing Networks » en 1991, dont elle fera activement la promotion auprès des institutions européennes. Avec succès : la Commission s’en inspirera activement et le principe du TEN sera repris dans le Traité de Maastricht en 1991 [4], et un organisme de consultation mi-public, mi-privé sera fondé en 1993 pour veiller à son avancement : le Centre européen pour l’étude des infrastructures [ECIS].

Les recommandations de l’ECIS, qui prend le relai de la Table ronde pour promouvoir les grands projets d’infrastructure, seront écoutées attentivement par les dirigeants européens. Le financement de projets public-privé d’infrastructures de transport devient une des pistes prioritaires pour stimuler la « compétitivité » et la croissance européennes.

Le commissaire européen aux transports Neil Kinnock expliquait en 1998 : « Mon objectif […] est de mettre en place les réseaux de transport transeuropéens et leurs extensions en Europe centrale et orientale aussi rapidement que possible afin que nous disposions d’un système de transport européen qui serve efficacement et avec cohérence le Marché unique européen. [5] »

- Le chantage à l’emploi…

Si le TEN est promu activement par les grandes multinationales des transports et l’ensemble du secteur privé, les gouvernements européens ne sont pas en reste : pour eux, les projets de grandes infrastructures sont synonymes de créations d’emploi. Une sorte de compromis keynesiano-libéral où le public, au nom de l’emploi, finance massivement les projets du privé… et garantit ses profits.

En 1998, les gouvernements italien, allemand et français ont ainsi tous soutenu l’idée d’une augmentation des dépenses publiques en faveur du TEN. En novembre, le ministre des Finances allemand, Oskar Lafontaine, et le Premier ministre italien, Massimo D’Alema, souhaitaient l’assouplissement des critères budgétaires de l’Union monétaire, recommandant d’en exempter les dépenses en investissements destinés au transport et aux travaux publics [6]. Cette proposition fut toutefois immédiatement rejetée par la Banque centrale européenne, le Commissaire aux Finances Yves-Thibault de Silguy et plusieurs autres monétaristes.

Le Parlement européen a également demandé à plusieurs reprises aux gouvernements des États membres d’augmenter leurs dotations financières dans le secteur des infrastructures de transport. En octobre 1998, les parlementaires demandèrent aux gouvernements de consacrer 1,5 % au moins, de leurs ressources budgétaires totales au TEN. À nouveau, l’argument utilisé était «

l’effet multiplicateur d’un tel investissement sur l’économie et l’emploi [7]. »

Les réseaux de transport ont toujours tenu une place de choix dans les initiatives européennes en faveur de l’emploi, parmi lesquels le Livre blanc de Delors en 1993 et le «

Pacte de confiance pour l’emploi » de Santer en 1996. Outre les emplois immédiats engendrés par les milliards d’écus consacrés à la construction, la stimulation indirecte du commerce international est supposée créer des tonnes d’emplois. Dans son rapport annuel de 1996, la Commission publiait des estimations concernant les effets du TEN : de 130 à 230 000 emplois seraient générés par les 14 projets prioritaires, et 594 000 à 1 030 000 pour le programme dans sa totalité. Ces chiffres étant dans une large mesure basés sur les calculs de l’ECIS, il est permis de douter sérieusement de leur objectivité. (Europe Inc., chap VIII)

- Grandes infrastructures = emploi ?

Cette équation selon laquelle plus de grandes infrastructures serait synonyme de plus emploi a pourtant été critiquée dès les débuts du TEN.

Publié en 1996 par la Fédération européenne du transport et de l’environnement [T&E], le rapport « Routes et économie » évite le débat officiel pour conclure qu’ « il n’existe aucune preuve ni aucune recherche disponible qui permette de conforter la supposition selon laquelle la construction de routes serait génératrice d’emplois à long terme [8]. »

Cette position trouva un soutien, en 1998, dans le rapport largement diffusé de l’organisation gouvernementale britannique SACTRA (Standing Advisory Commitee on Trunk Road Assessment), qui critique clairement les chiffres de la Commission européenne, soulignant qu’on ne pouvait être convaincu par les affirmations selon lesquelles le TEN créerait de nombreux emplois. Le doute portait en particulier sur le fait que ces projets puissent être un moteur de développement économique pour les régions périphériques : «

Si en certaines circonstances les programmes de transports peuvent générer des bénéfices économiques supplémentaires dans une région ayant besoin d’être régénérée, en d’autres circonstances, l’effet inverse peut se produire [9]. »

Ces critiques n’ont cependant pas convaincu la Commission européenne, qui, dans un rapport publié fin 1998 sur la mise en place du TEN, proclamait comme par le passé que les réseaux d’infrastructure créaient des emplois et qu’ils étaient « vitaux pour la compétitivité européenne [10]. »

(Europe Inc., chap VIII)

- Le coût social de la compétitivité

Est-il vrai qu’un fonctionnement plus fluide du Marché unique européen créera de nouveaux emplois ? Le transport des marchandises d’une extrémité à l’autre du continent crée-t-il des emplois ? En fait, le lien supposé entre l’intensification des transports et la création de nouveaux emplois est des moins certains.

Ainsi, le nombre de kilomètres parcourus par les poids lourds à travers l’Europe a augmenté de 30 % entre 1991 et 1996 ; sur la même période, le chômage augmentait dans les mêmes proportions. Les projets d’infrastructures de transports rapides sur de longues distances – les autoroutes et les réseaux de trains à grande vitesse en particulier – favorisent généralement une plus grande centralisation de la production. Le TEN procure donc surtout aux grandes firmes un accès facilité aux marchés européens, renforçant leur emprise sur l’économie de l’Union.

Les nouvelles infrastructures permettent en effet à la fois de faciliter les restructurations et délocalisations et bénéficie à un nombre restreint de secteurs industriels, et aux grands groupes intégrés, plus compétitifs, qui concurrencent les petits producteurs locaux « moins efficaces » à travers toute l’Europe. Cette pression exercée par les grands groupes est donc doublement destructrice d’emplois.

(Europe Inc., chap VIII)

C’est toute la perversité de la rhétorique de la « compétitivité » : les gouvernements font tout ce qui est en leur pouvoir pour favoriser les conditions d’exploitation des grandes entreprises au nom de l’emploi. En poursuivant cette logique, les gouvernements contribuent surtout à gonfler les profits des grands industriels… et à accroître la pression sur les marchés et en définitive, sur l’emploi. En d’autres termes, la compétitivité, sur le moyen-terme, c’est plus de chômage !

Des alternatives existent pourtant, pour un développement économique qui ne soit pas exclusivement consacré à soigner les industriels au détriment des salariés :

Le budget considérable du TEN – 400 milliards dans sa première phase – aurait pu être investi en partie dans le transport public local, le logement en milieu urbain et rural ou pour favoriser le travail dans les secteurs de la santé et de l’éducation, de nombreux emplois auraient sans conteste pu être créés. Quant à l’environnement, il aurait été épargné et les économies locales renforcées. Malheureusement, cette solution à la fois logique et rationnelle n’a pas été envisagée par les institutions européennes : à la place, il a servi en grande partie à construire des autoroutes, à faire gonfler le trafic des poids lourds et à fournir des infrastructures au service des grands groupes industriels européens. (Europe Inc., chap VIII)

- Le coût écologique du TEN

Le TEN n’a pas seulement un impact social. Pour les ONG écologistes, la réalisation du TEN pourrait entraîner de graves conséquences sur l’environnement dont, notamment, la destruction de plus de 60 sites naturels de première importance en Europe. On pense notamment à la destruction du bocage nantais, source importante de biodiversité, à Notre-Dame-des-Landes. Autre exemple de ces destructions, celui des Alpes.

Par le biais d’un référendum national « sur la protection des Alpes contre le transit », les Suisses ont décidé en 1994 que tout fret traversant leur pays devrait le faire par voie ferroviaire à partir de 2004. Dans cet objectif, le gouvernement suisse a projeté de taxer lourdement les poids lourds. À l’automne 1998, un second référendum confirma cette mesure.

S’opposant vigoureusement à ces restrictions sur le transit du fret, l’UE soumit le gouvernement suisse à une forte pression pour le faire revenir sur ces mesures, le menaçant par exemple de bloquer six accords commerciaux en cours de négociation. Le ministre des Transports hollandais, Annemarie Jorritsma, menaça même de suspendre les droits d’atterrissage de Swiss Air si la fédération helvétique campait sur sa position.

En décembre 1998, la Suisse finit par plier : le nombre de poids lourds européens autorisés à traverser le pays sera de 250 000 en 2000 et 450 000 en 2003, un accès illimité fut accordé aux camions plus légers à partir de 2001 et le tarif maximum prévu de 350 écus par voyage fut réduit à 200 écus. Les organisations écologistes suisses se sont néanmoins vigoureusement opposées à ce marché et l’accord final pourrait encore fort bien être refusé par la population suisse au cours d’un nouveau référendum.

Une étude de la Commission européenne note que le transport de fret à travers les Alpes a augmenté de 75 % entre 1992 et 2010. Le ressentiment et la colère publics grandissent également dans les pays alpins membres de l’Union situés, écologiquement menacés par le nombre croissant de poids lourds traversant de vallées étroites et la construction d’une nouvelle infrastructure de transport pour s’adapter à l’accroissement prévu de la circulation.

(Europe Inc., chap VIII)

Mais la destruction d’espaces naturels protégés est loin d’être la seule conséquence écologique néfaste de l’explosion des grands projets d’infrastructures.

Au fur et à mesure que se mettait en place le réseau transeuropéen dans tous les pays de l’Union, le trafic a augmenté de manière considérable – et particulièrement la circulation routière – bien au-delà des limites écologiquement raisonnables. Entre 1985 et 1995, la quantité de gaz carbonique générée par le transport routier a augmenté d’un tiers. Greenpeace estime de 15 à 18 % l’augmentation des émanations de gaz carbonique relatives au secteur des transports [11]. (Europe Inc., chap VIII)

***

Les grands projets d’infrastructure mis en œuvre dans le cadre du TEN posent de nombreuses questions : la « compétitivité », dont ils seraient les moteurs, est-elle vraiment synonyme d’emploi, de lendemains qui chantent et de modernité ? Faut-il poursuivre envers et contre tout la bétonisation des espaces naturels, et continuer à faire gonfler les chiffres du fret malgré le réchauffement climatique ?

Comment, après la crise de 2008, des projets qui prévoient le financement public de projets économiquement, socialement et écologiquement contestés au bénéfice de grands groupes industriels peuvent-ils encore, en période d’économies budgétaires, se retrouver à l’agenda des gouvernements ? Que penser de la manière dont ils ont été décidés, en dehors du débat public, entre technocrates, gouvernants et grands industriels ?

Et surtout, que penser du modèle de développement dont ils s’inspirent, où les territoires doivent être aménagés en fonction des besoins du secteur privé, quelles qu’en soient les conséquences sociales ou écologiques ?

Car c’est bien d’un modèle de développement qu’il s’agit, pensé par et pour les grands groupes industriels contre les intérêts de la majorité… et dont la crise n’a semble-t-il pas permis la remise en cause. Un modèle duquel, pourtant, il devient urgent de sortir ; de même qu’il est urgent d’en finir avec des projets qui ne font qu’accentuer la crise sociale et écologique au bénéfice de quelques-uns.

Coupé, collé et rédigé par les Dessous de Bruxelles

[1] Consulter, par exemple, le site de l’ACIPA (http://acipa.free.fr/) concernant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et le site du collectif No-TAV Savoie (http://www.no-tav-savoie.org/)

[2] Commission européenne, « 1998 Report on the Implementation of the Guidelines and Priorities for the Future », Bruxelles, 1998

[4] Un projet de 12 000 nouveaux kilomètres d’autoroutes, intégré au programme général, fut présenté en 1991 par la Commission. Plus tard dans l’année, la décision de réaliser trains à grande vitesse, canaux et aéroports fut incorporé au Traité de Maastricht

[5] Propos de Kinnock, commissaire au Transport, lors de la conférence « Combler les fossés du financement de l’infrastructure », à Amsterdam, le 31 mars 1998.

[6] Tim Jones, « Commission Urges Euro Area to Boost Investment », European Voice, 26 novembre 1998.

[7] Les PME ont également demandé à la Commission « de proposer de nouvelles formes de financement à long terme et de possibilités d’obtenir plus facilement des capitaux spéculatifs » cité dans Rory Watson, « MEPs Warn of Funding Shortfall Threat to TENs », European Voice, vol. 4, n° 40, 5 novembre 1998.

[8] T&E, « Roads and the Economy », Bruxelles, 1996.

[9] « Transport Investment, Transport Intensity and Economic Growth », rapport intérimaire du Standing Advisory Commitee on Trunk Road Assesment, publié le 9 février 1998 par le département britannique de l’Environnement, des Transports et des Régions.

[10] Commission européenne, « 1998. Report on the Implementation of the Guidelines and Priorities for the Future », Bruxelles, 1998, p. 5.

[11] Greenpeace Suisse, Missing Greenlinks, « Examination of the Commission’s Guidelines for a Decision about the Trans-European Networks and Proposal for Ecological Restructuring », 1995.

Les Dessous de Bruxelles, décembre 2012

[Notre-Dame-des-Landes] Les provocations de la préfecture contre le FestiZAD

[Notre-Dame-des-Landes] « Si les provocations continuent nous n’hésiterons pas à déplacer la manifestation au centre ville de Nantes »

La préfecture met en danger des milliers de personnes

Étonnant communiqué que celui émis par la prefecture hier après-midi. La première moitié est entièrement consacrée à expliquer que la préfecture n’aurait pas été prévenue et n’aurait pas non plus réussi à nous joindre.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/01/013.jpg

Outre le fait que les contacts étaient visibles sur le site depuis près d’un mois et que nous recevons environ 200 mails par jour, l’équipe sanitaire avait appelé la préfecture il y a 15 jours de cela pour se mettre en relation. Le but étant d’être sûre qu’ils puissent accéder sur zone. Il leur avait été répondu que la préfecture laisserait faire l’événement et n’interviendrait pas sur site. Cela semblait coïncider avec la demande émise par la commission de dialogue. Étrangement, selon le cabinet du prefet, notre interlocuteur n’aurait pas transmis les informations et serait actuellement en congés. Cela ne nous semble pas très crédible…

Effectivement, la préfecture n’a pas interdit cette manifestation festive. Pourtant, depuis ce matin, tout est bloqué aux entrées de la ZAD. Que ce soit de la nourriture, des structures, du materiel médical et même les toiles de tente des manifestants ! En gros tout ce qui peut servir de près ou de loin au bon déroulement de la ManiFestiZAD. La majorité du matériel de sonorisation et quelques chapiteaux étant déjà sur place, la manifestation aura bien lieu. Toutefois la sécurité sanitaire des participants s’en trouve fortement impactée : plus d’abris ni de tentes pour dormir au chaud la nuit, plus de matériel médical de premier secours et une tension évidente ne pouvant conduire qu’à des affrontements.

Loin de vouloir calmer la situation, la préfecture semble donc vouloir créer de nouveaux champs de bataille. Par cette situation, elle fait surtout en sorte de favoriser les accidents sanitaires lors de cette manifestation festive. Elle en assumera pleinement les conséquences. Cette manifestation se voulait festive, si les provocations continuent nous n’hésiterons pas à déplacer la manifestation au centre ville de Nantes.

FestiZad, 4 janvier 2013

Vu sur le Jura Libertaire, 4 janvier 2013

[Poitiers] DAL 86 : Solidarité avec la famille L.

Solidarité avec la famille L.

Samedi 22 décembre une jeune fille roumaine de 13 ans accompagnée de son beau frère a pris contact avec le DAL86. Elle nous a expliqué qu’elle était en France depuis deux ans et sur Poitiers depuis un an avec sa mère et une de ses sœurs de 20 ans qui a une petite fille de 9 mois et et qui est là avec le père de son enfant. Qu’ils vivaient dehors et dormaient tous dans une voiture garée sur les parkings.

Vu l’urgence de la situation, et comme nous l’avait conseillé Bruno Belin, Premier Vice-président du Conseil général et Président de la Commission de l’Action Sociale, de la Solidarité, de l’Insertion et des Personnes handicapées, si nous trouvions des enfants à la rue, dès lundi 24 décembre nous avons accompagné cette famille à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance). Mais malheureusement c’était fermé pour les fêtes et faisait le pont. Donc le 26 décembre, nous sommes de nouveau allés à l’ASE. Et là, quelle ne fut pas notre déconvenue : selon l’ASE, la situation de cette famille et de ces enfants de 9 mois et de 13 ans n’était pas « préoccupante » puisqu’ils couchaient dans une voiture ! Il faut se rendre à l’évidence, l’ASE de la Vienne, en fait de protection de l’enfance, se préoccupe seulement de la déficience des parents et donc se donne comme seul moyen ce qui est nommé pudiquement le « placement » des enfants. Nous ne contestons pas qu’il soit quelquefois nécessaire pour le protéger de séparer l’enfant de sa famille, mais nous soutenons que c’est une lecture locale étriquée des textes du Code de l’action sociale et des familles en particulier de son article L 221-1 :

« Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes :

1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ».

L’aide sociale à l’Enfance constitue donc une des modalités de la mise en œuvre du « droit à une vie décente » ou « droit à la protection sociale et à la sécurité matérielle », lequel constitue « un principe de valeur constitutionnelle » selon le Conseil Constitutionnel. Ainsi le tribunal administratif relève-t-il dans l’affaire Pschenychnyak c./ Dpt. des BdR, que « le droit à une vie décente constitue une liberté fondamentale dont l’aide sociale à l’enfance et l’aide à domicile sont des manifestations » (Ordo. réf. TA Marseille, 4 octobre 2002, req. N° 024716/0).

De plus dans l’article 3-1 de la Convention Internationale des Droits des Enfants de 1989 ratifiée par la France, disposition directement invocable selon le Conseil d’Etat, il est précisé que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociales (…), l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Le DAL 86 attend donc que Bruno Belin prenne clairement position concernant l’aide apportée à l’enfance par l’ASE de la Vienne. S’agit-il pour elle de seulement protéger l’enfant de ses parents ou d’apporter une protection de l’enfant plus complète dans le cadre du « droit à une vie décente » ou « droit à la protection sociale et à la sécurité matérielle » ?

Après avoir subi ce refus de prise en charge par l’ASE, cette famille est allée retourner dormir le soir dans sa voiture. Elle a malheureusement dû s’en séparer le lendemain. Et ayant perdu ce refuge très précaire, et étant sans abri, en détresse et démunie de toute solution d’hébergement, elle est rentrée par la porte ouverte dans une maison vide pour s’y abriter. Elle y demeure depuis.

Cette famille sait que ce qu’elle a fait est illégal, mais elle l’a fait parce qu’elle était en état de nécessité et surtout pour protéger les deux enfants, rappelons-le de 9 mois et de 13 ans. Elle a donc écrit au préfet afin de ne pas pénaliser plus le propriétaire, pour retrouver le plus rapidement possible une situation légale.

Note à l’attention de la préfecture, de la police et des huissiers qui nous ont habitués à un grand n’importe quoi.

Le fait que cette famille en état de détresse soit entrée par la porte ouverte dans une maison composée de 4 logements indépendants vides de meubles et vacants depuis au moins 3 ans pour s’y abriter, ne peut constituer en aucun cas une violation de domicile au sens de l’article 226-4 du Code pénal : « L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». Carole Frazier dans son article, Violation de domicile, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz, mars 2001, explique : « Sont visés par l’article 226-4 les seuls lieux qui peuvent servir effectivement d’habitation. Ainsi les squatteurs qui s’introduisent dans un appartement vide de meubles entre deux locations ou encore dans un appartement neuf et non occupé ou encore dans un appartement vide de meubles en attente de démolition, même par effraction, ne se rendent pas coupables de violation de domicile (Cass. Crim. 19 juill. 1957, Bull. Crim. n°513 ; CA Versailles, 8e ch. 31 janv. 1995, Juris-Data n°040700). Ceci amène à retenir [… qu’] un local n’est pas occupé quand il est vide de meubles (il n’y a donc pas violation de domicile possible : Cass. crim. 22 jan. 1997, Bull. crim. N°31).

Il est donc hors de question que le propriétaire invoque une telle violation de domicile et fasse une « Requête en expulsion d’un occupant sans droit ni titre ».

D’autre part, le DAL86 sera très vigilant concernant une expulsion sauvage sans jugement. Carole Frazier dans son article, Violation de domicile, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz, mars 2001, explique : « La demeure est inviolable dès lors que l’occupant peut se dire chez lui “quel que soit le titre juridique de son occupation” Cass. crim. 13 oct. 1982, préc. confirmé par Cass. crim. 23 mai 1995, préc.). Ainsi […] la protection est reconnue à l’occupant sans titre ne pouvant arguer d’une quelconque autorisation, dès qu’il habite les lieux depuis un certain temps. Ainsi, les squatteurs vivants depuis plusieurs semaines dans les lieux sont dans leur domicile dont ils ne peuvent être expulsés par la force publique qu’un vertu d’une décision judiciaire exécutoire (Cass. crim. 22 janv. 1957, Bull. crim., n°68). Il est difficile de fixer une durée minimale en deçà de laquelle l’éviction des intéressés pourrait être réalisée sans décision de justice; les service de police devraient se montrer prudents au delà de 48 heures (V. Chapus et Chemin, Centre. doc. et inf. pol. nat. Bull. n°13, janv. 1982).

Le DAL dans son guide Faire face à une expulsion de logement, la Découverte, précise : « dans l’hypothèse d’une entrée sans autorisation du propriétaire, l’usage considère que, passé un délai de 48 heures, le local occupé constitue désormais le domicile des personnes entrées sans autorisation (question parlementaire du 21 septembre 2004, J. O. Ass. Nat ;, 8 mars 2005, p. 2526). Dans ce cas, le propriétaire et les forces de l’ordre ne peuvent les expulser qu’à la suite d’une procédure judiciaire d’expulsion engagée par le propriétaire. »

Il est clair que s’il y a expulsion illégale (sans décision judiciaire) le DAL86 soutiendra la famille lésée pour faire une demande de réintégration devant le juge des référés.

Enfin, il n’est pas nécessaire de faire une « ordonnance sur requête » pour connaître l’identité des occupants sans titre puisque leur nom est affiché sur la porte d’entrée et le préfet a reçu un courrier de leur part.

Un toit c’est un droit

DAL86 www.dal86.frdal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56

Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h et tous les mardis soirs de 17h à 18h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Vu sur DAL86, 3 janvier 2013

Nantes, capitale verte européenne : L’imposture écologique

Nantes, capitale verte européenne : L’imposture écologique

Exemple parfait d’une politique de propagande verte, Nantes Métropole s’est vu décerné le Trophée de la capitale verte de l’Europe alors que la mairie socialiste entend bétonner 2 000 hectares de terres agricoles pour construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

La commission européenne a retenu la candidature de Nantes pour être capitale verte européenne en 2013. Les critères sont multiples : l’utilisation durable des terres, la nature et la biodiversité, la qualité locale de l’air, la pollution sonore, la gestion des déchets… Avec la construction de l’aéroport, l’expropriation de paysans, et donc un développement urbain conçu au détriment de l’environnement, des écosystèmes et des populations, ce trophée reçu par la ville relève de la propagande verte ou greenwashing. Il représente un enjeu politique important pour la mairie de Nantes et son projet d’aéroport d’une part et d’autre part pour le PS et sa stratégie de démocratie participative, visant à noyauter et étouffer les contestations.

- Etouffer les contestations

Jean-Marc Ayrault expérimente ainsi les limites et les bénéfices de cette stratégie à l’échelle locale pour mieux les appliquer à l’échelle nationale. Pour parer à d’éventuelles résistances, la mairie a décidé de lâcher des subventions. Il y aura un appel à projet citoyen en direction des associations pour l’île de Nantes, chapeauté par la Samoa – organisme chargé de l’aménagement de l’île de Nantes – dont l’ancien président n’est autre qu’Ayrault. Un autre concerne le trophée « Nantes, capitale verte européenne » pour lequel la mairie prévoit une enveloppe de 150 000 euros et un prix de 5 000 euros pour les associations dont les projets seront retenus. Les médias seront présents et l’objectif est de donner l’image d’une métropole écolo/verte et d’en faire une vitrine de la démocratie participative chère au PS. Il s’agit de faire oublier le point noir que représente l’aéroport Notre-Dame-des-Landes et de présenter Nantes comme une ville innovante en matière de démocratie, puisqu’a priori à Hambourg et Vitoria Gasteiz (Pays Basque), les citoyens n’ont pas été associés à la dynamique « capitale verte » et ce fameux label européen fut plutôt perçu comme une arnaque.

- Collusion des associations

Des divergences existent entre les différentes associations écologistes nantaises. D’un côté, celles qui veulent participer à cet appel à projet en se targuant d’y trouver un moyen de dénoncer l’aéroport sont souvent dépendantes des subventions délivrées par Nantes Métropole (jusqu’à un million par an et ont des salariés). De l’autre côté, il y a celles qui souhaitent boycotter cet « appel citoyen » en refusant de cautionner le greenwashing. Pour ceux qui contestent la construction de l’aéroport, l’enjeu est de saisir cette initiative pour dénoncer la mascarade écologique et mettre en avant l’hypocrisie de la mairie qui se présente comme un modèle de développement durable mais qui bétonne 2 000 hectares de terres agricoles à 10 kilomètres de Nantes. L’appel à projet met en lumière la collusion entre la mairie socialiste et une bonne partie du monde associatif écolo nantais qui explique en partie la faiblesse de la contestation anti-aéroport sur la ville. L’opposition centrale à l’aéroport repose fortement sur le monde agricole local et les habitants directement concernés (communes périurbaines, squatteurs de la ZAD). Un des enjeux reste de mobiliser plus fortement la population nantaise encore peu préoccupée par cette lutte. Il y a pourtant l’exemple historique de la mobilisation de 1997 contre le projet de centrale nucléaire du Carnet, aux portes de Nantes, qui avait été abandonné, nous rappelant que la résistance peut continuer à se développer.

Maud et Stéphanie (AL Nantes)

http://www.ainfos.ca/fr/ainfos09772.html

Vu sur Indymedia Nantes, 1 janvier 2013

Lobotomisation à grande vitesse : au sujet des « emplois » (l’avaleur travail)

Image vue sur le blog de Fred et René

Aujourd’hui la Nouvelle République remet le couvert en encensant une fois de plus le chantier de la LGV Tours-Bordeaux (voir ici et ). Une fois de plus, l’argument principal est celui de la création d’emplois que susciterait ladite ligne à grande vitesse.

Passons sur les arguments écologiques, par trop évidents : les paysages lunaires et désolés du chantier, ouvrant la terre à ciel ouvert à coups d’explosifs, montrent eux-mêmes en un saisissant raccourci à quoi ressemble le système actuel – celui d’une destruction massive des espaces et des sociétés.

Plaçons-nous donc d’abord sur le terrain de l’ennemi, l’économie. Si l’on veut bien jouer cet exercice intellectuel (pour ne pas dire la contorsion) consistant à adopter le point de vue de la social-démocratie, si l’on n’admet que le cadre capitaliste pour envisager une société meilleure (la LGV est largement soutenue par les élu-e-s PS) : la LGV est déjà un non-sens total.

Ce chantier pharaonique est économiquement ruineux pour les exploité-e-s, avec des subventions énormes données à perte par l’Etat et les collectivités locales à Vinci – comme pour tous les PPP (partenariats public-privé), dont les contribuables assument seuls les pertes et les capitalises encaissent seuls les profits. Les montants délirants de ces investissements publics, en pleine période dite de « crise » où un nombre croissant de gens connaissent des conditions de (sur)vie de plus en plus inacceptables, posent en eux-mêmes la question flagrante : où va l’argent ?

Quant aux fameuses « créations d’emplois », il faut souligner d’une part que la recrudescence d’emplois suscités par le chantier est tout à fait éphémère (comme l’admet d’ailleurs la NR). D’autre part, et cela va avec, il faut rappeler qu’à terme, comme pour toute concentration/rationalisation des moyens de production, d’échange et de distribution en système capitaliste, ce chantier n’est qu’un prélude de plus à une nouvelle baisse structurelle des emplois. En effet, la LGV désertifiera un peu plus les régions traversées et isolées par le train à grande vitesse ; la dynamique de métropolisation des espaces urbains desservis par la ligne (devenant un peu plus des noeuds d’échange accaparant toute l’activité humaine) répond quant à elle à une logique éminemment capitaliste : rationaliser l’appareil productif de façon à réduire, précisément, le coût de main-d’oeuvre… ayant pour conséquence, comme depuis plusieurs décennies, l’approfondissement du chômage. Quand la machine remplace globalement l’homme, le chassant de la sphère productive, les emplois suscités par l’élaboration de l’outil ne servent qu’à réduire globalement l’emploi.

La LGV n’est qu’un aspect du dispositif capitaliste global consistant à concentrer le capital, à maximiser le profit et à réduire globalement la rémunération de la force de travail.

Néanmoins, si profit privé et bien commun sont éminemment incompatibles et si le social-capitalisme est par définition un mensonge, ces chantiers sont loin d’être illogiques, malgré leur apparente absurdité en termes socio-économiques.

Ils répondent en effet à la logique actuelle d’un capitalisme aux abois. On peut même dire que ces chantiers délirants sont actuellement inévitables, si l’on se condamne à rester dans les paradigmes d’une organisation capitaliste de la société. Si dans le monde entier, avec l’aval de gouvernements de gauche comme de droite, ces chantiers prolifèrent, c’est pour une raison précise : le capitalisme productif ne rapporte plus assez. Et ce, depuis la fin des années 1960, précisément parce que le machinisme a marginalisé l’homme au sein du processus de production/valorisation. D’une part les investissements en machines ont pris une part prépondérante dans les investissements globaux, réduisant la part de l’investissement en force de travail humain à une portion toujours plus congrue… alors que c’est uniquement sur l’exploitation du travail humain que le profit se réalise. D’autre part, la production peine à s’écouler, au sein d’un marché prombé par la stagnation relative des salaires par rapport à la masse croissante du capital en circulation.

Le capitalisme ne peut fuir éternellement ses contradictions avec de vieilles recettes ; c’est pourquoi il se restructure périodiquement, en colonisant et en défrichant de nouveaux « gisements de profits ».

C’est la financiarisation de l’économie mondiale qui a permis, à partir des années 1970, de prolonger le maintien du profit capitaliste. D’une part en organisant la spéculation sur les profits productifs à venir, du moins susceptibles de venir. Et d’autre part en encourageant le crédit chez les salariés mal payés, pour permettre de maintenir la consommation. Tour de passe-passe, fuite en avant ? Certes, on l’a manifestement vu lors de la crise de 2008 ; n’empêche que cette restructuration a permis de maintenir le système (et les emplois avec, n’en déplaise aux « anti-libéraux » de gauche).

Le hic, c’est que la spéculation sur les profits à venir dans l’activité productive exige elle aussi, tout de même, que la production se poursuive un minimum. Sous peine de doute trop flagrant sur la réalité de la production, ce fondement incontournable, même avec mille tours de magie, de l’économie ; sans activité productive minimale pour faire illusion, il y a doute généralisé, et donc éclatement de la bulle financière, et donc dévalorisation massive du capital, et donc paralysie totale de l’économie, bref, disparition de la valeur elle-même, et effondrement pur et simple du capitalisme. Adieu juges, flics, notaires : les populations affamées se ruent sur les biens redevenus communs. Et ça, pour les possédants et les dominants, c’est pas très glop.

C’est ce rôle de caution d’un productivisme, en apparence absurde, que jouent actuellement et en toute logique capitaliste les multiples partenariats public-privé. Ces immenses chantiers de béton et d’acier, aussi laids qu’inutiles socialement, ne sont utiles qu’à la tentative de pérennisation du capitalisme, en garantissant le maintien du minimum de profits productifs juteux nécessaire à la crédibilité de la valeur globale et de sa circulation.

Voilà pour le côté économique.

A notre sens, ce qu’il faut aussi attaquer, c’est ce pseudo-argument des capitalistes, repris en choeur par leurs bardes politiciens et journalistes, de la création d’emplois. Parmi tant de laideur, de destruction écologique, de ruine d’argent public, de destruction d’espaces communs de vie, l’emploi demeure le seul et ultime argument pour soutenir ce consternant projet de LGV (comme du reste tous les PPP). L’emploi est le grand retranchement argumentaire des capitalistes et de leurs petits copains du PS et de la NR.

Or, si l’on veut bien cesser de penser « croissance », « emploi » et « réindustrialisation » comme les sources de notre bonheur sur Terre : pourquoi les gens veulent-ils des emplois salariés (c’est-à-dire exploités et aliénés, où l’on prélève sur eux un profit, et où ils n’ont aucune capacité de décider de la nature de la production) ? Pour se procurer de l’argent, monsieur le DRH, pas pour se « réaliser »… Et pourquoi les gens veulent-ils avoir de l’argent ? Pas pour être « libres », monsieur le politicien, mais pour s’assurer de pouvoir payer les besoins nécessaires à la vie, qui sont tous marchandisés puisque les gens ne disposent plus des moyens de les produire par eux-mêmes (on les leur a confisqués). Pourquoi faut-il payer, dans un monde qui produit déjà bien plus qu’il n’est nécessaire pour couvrir les besoins de tous les humains qui peuplent cette planète ? Pas pour être « honnête », monsieur le juge, mais pour éviter de s’exposer au risque d’être broyé par le cerbère étatique flic-juge-maton.

Le travail salarié est comme l’argent : il est un dispositif pour maintenir la domination, la hiérarchie et les inégalités, la privation et la rareté, dans un monde qui croule sous des richesses potentiellement disponibles pour tous. Le travail est l’activité humaine dévoyée par la contrainte, par la menace réelle de crever de faim et de froid, assumée par la répression permanente des forces de « l’ordre ». L’emploi n’est pas un but en soi : il n’est qu’un moyen de survie. Les gens ne travaillent pas comme salariés pour se réaliser : il n’y a nul besoin de contraindre les gens au travail, ni d’argent, pour les voir s’organiser pour produire ce dont ils ont besoin, si tant est qu’ils possèdent les moyens de produire ces choses par eux-mêmes.

Plutôt que de nous satisfaire de « créations d’emploi » temporaires, par des capitalistes qui ne les créent que pour accroître leur profit et leur domination sur nous tous, organisons-nous enfin plutôt pour en finir avec le travail contraint ! Et si ce n’est pour l’abolir ni le déserter totalement dans l’immédiat, puisque le capitalisme est une dictature que l’on ne renverse pas par des déclarations d’intention, luttons au moins pour nous réapproprier les moyens de décider vraiment de nos vies. Organisons-nous au maximum pour produire et nous procurer ce dont nous avons vraiment besoin, en-dehors du monde du salariat. Et quand nous sommes contraints de travailler, organisons-nous pour détourner l’appareil productif et pour saboter le profit, afin de nous répproprier les moyens de décider par nous-mêmes sur nos vies : c’est là l’origine et le sens véritable du syndicalisme.

S’organiser signifie aussi se défendre, collectivement, contre les attaques du capitalisme qui semble précipiter le monde dans sa chute en avant. LGV Lyon-Turin, chantiers du nucléaire et leurs pylônes, aéroport de Notre-Dame-des-Landes… la résistance contre ces dispositifs capitalistes ne s’organise pas que sur un refus théorique ou sur une argumentation économique. Elle se construit aussi par les expérimentations concrètes d’autres façons de vivre, d’autres sociabilités, en même temps que l’organisation d’une défense aux stratégies aussi multiples que complémentaires.

Employons-nous à ne plus être employés.

Juanito, 29 décembre 2012