Archives de catégorie : Okupa y resiste

[Chine] Deux articles sur les révoltes en cours

[Fin de la dictature !] Les ouvriers chinois se rebiffent

Les troubles se multiplient en Chine

La région manufacturière du sud-est est en proie à de vives tentions.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1324507729.jpg

Les troubles se multiplient ces derniers mois en Chine, notamment dans le sud-est du pays, région manufacturière dont les exportations inondent le monde, touchée par la crise qui mine la consommation en Europe et aux États-Unis.

Le malaise s’intensifie au sein de la classe ouvrière, dans un pays  pourtant réputé pour la docilité de sa main d’œuvre. Les grèves se multiplient à l’image du spectaculaire  arrêt des chaines de montage Honda en mai 2010, une première. Dans son usine de Shenzhen, le groupe Foxconn, sous-traitant d’Apple avait dû faire face à une série de 14 suicides à la même période. Ces mouvements sans précédent avaient révélé au monde le ras-le-bol qui se propage au sein d’une population de plus en plus fragilisée par les aléas de l’économie mondiale, mais aussi par l’attitude des patrons de plus en plus prompts à délocaliser leurs entreprises dans les régions du centre ou la main d’œuvre est meilleure marché. Le socialisme de marché à la chinoise n’a parfois rien à « envier » au capitalisme le plus sauvage.

Grèves quotidiennes

Depuis plusieurs mois, on recense ainsi des grèves presque chaque jour dans le pays. Les ouvriers protestent contre les licenciements et la baisse des salaires. Le gouvernement redoute que la situation économique n’aggrave le malaise social, et surveille de près chaque incident. De fait, la croissance chinoise a été ralentie par la crise économique et les investisseurs redoutent que la situation en Europe ne réduise encore les débouchés de l’industrie chinoise dans les mois à venir.

Il faut dire que les syndicats n’ont de comparable à leurs homologues européens que le nom. Aucun d’entre eux n’a réellement été constitué à l’initiative des ouvriers, et ils prennent bien souvent la défense des employeurs plutôt que celle des employés, devenant de fait des syndicats du patronat, d’où leur incapacité à mettre en place une médiation efficace lors des conflits. Le mouvement spontané des ouvriers de Honda s’était d’ailleurs passé de leur aide.

Tensions politiques

Mais les mouvements sociaux liés au travail ne sont pas tout. Ces dernières semaines des mouvements de nature politique ont également fait grand bruit dans la presse internationale, à l’image du soulèvement du village de Wukan, dans la province du Guangdong, au sud.

Le « village » — 20.000 habitants — est entré en résistance pour protester contre les expropriations qui se multiplient. Les autorités locales s’emparent des terres… et les revendent aux plus offrants, des promoteurs immobiliers le plus souvent. Après plusieurs jours de heurts contre le police, les membres du parti ont déserté et le hameau se retrouve de fait autogéré, situation inédite dans le pays. Malgré la répression qui continue, les autorités décident de lâcher du lest mercredi 21 décembre, en annonçant la fin partielle du siège de la ville qui dure depuis dix jours ainsi que la libération de trois leaders du mouvement incarcérés depuis plusieurs jours. Un opposant a par ailleurs trouvé la mort au cours de sa détention, des suites d’un arrêt cardiaque selon les autorités. Une version contestée par la famille du défunt.

À Haimen, une manifestation contre une centrale électrique accusée de pollution a dégénéré mardi 20 décembre, se soldant par la mort d’un adolescent de 15 ans et au moins une centaine de blessés. Plusieurs témoins indiquent que la répression policière a été particulièrement violente, utilisant des grenades lacrymogènes en quantité importante. En septembre, c’est le producteur de panneaux solaires Jinko Solar qui avait dû arrêter son activité après que des manifestations dénoncent la pollution au fluor et le très grand nombre de cancers suspects déclarés dans la région.

Des défis pour le régime

Corruption, clientélisme, impression d’une distance toujours plus grande entre les privilégiés et la population, dégradations des conditions de travail, de vie, augmentation des pollutions sauvages… Les mécontentements se multiplient en Chine.

Les manifestations révèlent que la population, jugée parfois docile, commence à se rebeller contre les potentats locaux. À Wukan, ont été scandés des slogans pour la « fin de la dictature ».

Le gouvernement central qui suit de très près ces mouvements s’inquiète sérieusement de débordements possibles. Et les dispositifs policiers démesurés mis en place à Wukan en témoignent.

Leur presse (Pascal Piedbois Lévy, Le Nouvel Observateur), 21 décembre 2011.


Chine : le ras-le-bol ouvrier

Faibles salaires, conditions harassantes… Les conflits sociaux se multiplient dans des usines où la production est touchée par le ralentissement de la demande européenne et américaine.

Dans une maison de thé de la banlieue est de Shanghai, Chen Ling, ouvrière en grève, parle au téléphone avec l’une de ses collègues : « Tu veux renoncer ? » demande-t-elle. Voilà une semaine qu’un millier de salariés ont cessé le travail dans l’usine du groupe Hi-P, un sous-traitant qui fabrique des pièces en plastique et des composants électroniques pour Apple, entre autres. Emmitouflés dans leurs manteaux d’hiver, les grévistes campent toute la journée devant les grilles de l’usine. Quelques-uns ont été arrêtés la veille par la police, et sont toujours en détention.

Les dirigeants de l’entreprise veulent déménager les chaînes de production vers un district éloigné, ce qui entraînerait trois heures supplémentaires de transport par jour. Impensable pour ces ouvriers qui travaillent douze heures quotidiennes sur les lignes d’assemblage, et bénéficient de trois ou quatre jours de repos par mois.

Pour eux, cette histoire de déménagement équivaut à un licenciement sans indemnités. « Pour moi qui ai 33 ans, confie Chen Ling, il sera difficile de trouver un emploi ailleurs. » Chaque semaine, avec une collègue, elle alterne le travail de nuit et celui de jour : « Le passage de l’un à l’autre est épuisant. » Elle se sent piégée. Par son employeur, bien sûr, mais aussi par la police, qui l’a détenue pendant douze heures pour avoir « troublé l’ordre public » du fait de sa présence sur le trottoir, devant l’entrée de l’usine.

À l’intérieur des terres, une main-d’œuvre bon marché

Les grèves se multiplient en Chine. L’année dernière, déjà, un mouvement sur les chaînes d’assemblage de Honda avait mis en lumière le malaise ouvrier. À la même époque, une série de 14 suicides sur son gigantesque complexe de Shenzhen (sud) a poussé Foxconn, un autre sous-traitant d’Apple, notamment, à réévaluer la paie de ses employés de 50 % et à installer des filets sur les toits de ses bâtiments.

Largement commentés sur Internet, ces événements ont provoqué une onde de choc : un an et demi plus tard, les salaires ont augmenté de 15 à 20 % selon les régions. Mais les bénéfices de cette hausse sont amputés par la progression des prix, qui a fait les gros titres de l’actualité pendant toute l’année. Plus que jamais, les entreprises sont tentées de délocaliser leurs usines vers des régions à l’intérieur des terres, où la main-d’œuvre demeure bon marché.

Le mécontentement social reprend de plus belle depuis quelques mois, alors que les gains des industriels sont affectés par le ralentissement de la demande en Europe et aux États-Unis. À Dongguan, dans le très industriel delta de la rivière des Perles, les ouvriers d’un fabricant de chaussures ont obtenu de leur patron qu’il leur garantisse un nombre suffisant d’heures supplémentaires pour compenser un salaire de base particulièrement faible. Fin novembre, plusieurs centaines d’ouvriers ont organisé un sit-in à l’entrée d’une usine du Sichuan (centre) en cours de privatisation et dont la distribution d’actions était jugée inéquitable. À Jinhua, au sud de Shanghai, une centaine d’ouvriers de Tesco protestaient au même moment contre la suppression annoncée de leurs emplois. « Il y a presque une grève par jour, résume Liu Kaiming, un activiste du droit du travail et de la responsabilité sociale des entreprises. Les salaires ont certes progressé mais le coût de la vie aussi ; au bout du compte, il est toujours nécessaire de manger à la cantine, de vivre au dortoir et d’accumuler les heures supplémentaires pour joindre les deux bouts. »

Les heures supplémentaires n’en finissent jamais

Le cas de Chen Ling est parlant. Si elle gagne environ 4000 yuans par mois, soit 480 euros, son salaire proprement dit n’est que de 1280 yuans, le minimum fixe imposé à Shanghai pour une semaine de quarante heures. Plus des deux tiers de ses revenus (2720 yuans) proviennent des fameuses heures supplémentaires, qui n’en finissent jamais. Or c’est la promesse des 4000 yuans mensuels qui les a décidés, elle et son époux, à quitter la province rurale de l’Anhui, il y a quatre ans. Attirés par les lumières de la ville, ils ont laissé leur fille, aujourd’hui âgée de 7 ans, à la belle-mère de Chen Ling, souffrante. La mère et sa fille ne se voient qu’une fois par an, pendant deux semaines : « Lorsque j’ai des soucis au boulot, je pense encore plus fort à elle », confie l’ouvrière.

L’idée de faire grève est venue aux ouvriers de Hi-P en observant un mouvement lancé l’été dernier par les mécontents d’une autre usine du quartier. D’un naturel peu vindicatif, voilà l’ouvrière Chen révoltée : « La police aide les patrons mais nous, elle nous arrête. Les grévistes abandonnent, ils pensent que personne ne les soutiendra », constate-t-elle, impuissante. Puis elle soulève la question sensible entre toutes, au pays du Parti « communiste » : « Pourquoi le gouvernement n’aide-t-il pas les ouvriers ? » Réputés pour leur docilité et leur capacité à ravaler leur peine et leur salive, les ouvriers chinois se rebiffent, d’autant qu’ils sont mieux informés grâce à Internet. À l’usine Hi-P, certains disposent désormais d’un smartphone et se renseignent sur leurs droits grâce à Baidu, le grand moteur de recherche chinois, pendant leurs heures de repos.

Quant à la réaction du gouvernement, elle varie selon les provinces. Les autorités de la province atelier du monde, le Guangdong, dans le sud-est du pays, essaient d’encourager la négociation entre patronat et ouvriers, afin d’éviter que les conflits fassent tâche d’huile. Autour de Shanghai, en revanche, la répression est plus fréquente.

Des organisations officielles, simples relais du pouvoir

Dans ce pays où les syndicats indépendants sont interdits, les organisations officielles sont de simples relais du pouvoir. « Je ne sais pas trop qui sont les représentants syndicaux, indique Chen Ling, mais ils sont du côté de la direction. » Elle a bien constaté cependant qu’une cotisation mensuelle obligatoire de 10 yuans était prélevée sur sa paie… Les grèves, dans ces conditions, ne sont pas toujours victorieuses. La plupart des ouvriers abandonnent le combat après un ultimatum du patron. Chen Ling s’apprête à rentrer chez elle, dans l’Anhui. Déçue et sans indemnisation.

Leur presse (Arthur Henry, L’Express), 21 décembre 2011.

[Wukan] Le pouvoir commence à reculer

Chine : 3 leaders rebelles de Wukan bientôt libérés

Des villageois de Wukan attendent le retour de leur leader Lin Zulian, après sa rencontre avec les autorités, le 21 décembre 2011à Wukan

Des villageois de Wukan attendent le retour de leur leader Lin Zulian, après sa rencontre avec les autorités, le 21 décembre 2011à Wukan

Trois meneurs de la rébellion des villageois chinois de Wukan, qui accusent leurs dirigeants locaux de corruption, vont être libérés par les autorités, a annoncé mercredi un porte-parole des habitants.

« Les trois vont être libérés l’un après l’autre aujourd’hui (mercredi) et demain (jeudi) », a déclaré aux résidents Lin Zulian, après des discussions entamées avec les responsables communistes locaux dans le but de faire retomber la tension dans ce gros bourg du sud de la Chine.

« Ce n’est pas une victoire mais un début de victoire », a estimé M. Lin, qui a confié être « très satisfait ». Selon lui les autorités communistes ont également promis de rendre au village, à une date non précisée, le corps d’un autre des meneurs de la révolte, Xue Jinbo, mort récemment en détention.

Les villageois de Wukan accusent la police d’avoir battu à mort M. Xue, qui avait pris la tête de manifestations ayant dégénéré en violences en septembre contre des expropriations.

Les autorités ont affirmé que l’homme était mort de cause naturelle, précisément d’une « défaillance cardiaque » à l’âge de 42 ans.

Les 13.000 habitants de Wukan, un village situé sur la côte de la province méridionale du Guangdong, avaient obtenu que leurs représentants puissent s’entretenir mercredi avec Zhu Mingguo, un responsable local du Parti communiste. Cela les avait conduits à reporter une marche prévue ce même jour.

Les forces de sécurité, qui maintenaient un blocus depuis plus de dix jours autour de Wukan, ont par ailleurs levé certains de leurs barrages.

Les résidents de Wukan sont en révolte ouverte contre les autorités pour demander des réparations après des saisies de terres qu’il jugent illégales.

En dépit de la censure, le soulèvement de Wukan est très suivi sur les sites de microblogs en Chine.

Selon M. Lin, Zhu Mingguo a promis que les villageois de Wukan recevraient des compensations pour les terres saisies, même si le responsable communiste n’est pas rentré dans les détails.

La révolte de Wukan est devenue une épine dans le pied du Parti communiste du Guangdong, province prospère située aux portes de Hong Kong et considérée comme la vitrine de l’époustouflante réussite économique de la Chine.

Les expropriations de terres sont un problème de plus en plus épineux en Chine où des paysans accusent les cadres locaux corrompus de s’allier à des promoteurs véreux pour s’enrichir sur leur dos en permettant la réalisation de nombreux projets immobiliers.

AFP, 21 décembre 2011

[Egypte] Répression sur la place Tahrir, déclarations gerbantes de généraux

Nouvelle charge des forces de l’ordre sur la place Tahrir

LE CAIRE (Reuters) – La police et l’armée égyptiennes ont tiré des coups de feu et fait usage de gaz lacrymogènes et de matraques mardi pour tenter une nouvelle fois, pour la cinquième journée consécutive, de déloger de la place Tahrir du Caire des manifestants hostiles au pouvoir militaire.

D’intenses fusillades ont résonné à travers la place tandis que les forces de sécurité chargeaient des centaines de manifestants refusant de quitter les lieux, ont déclaré des activistes et un journaliste de Reuters.

« Des centaines de membres de la sûreté de l’Etat et de l’armée ont pénétré sur la place et ont commencé à tirer sans relâche. Ils ont poursuivi des manifestants et brûlé tout ce qui était sur leur passage, y compris du matériel médical et des couvertures », a dit Ismaïl, un manifestant, au téléphone.

Avant cette intervention des forces de l’ordre, des manifestants ont tenté de briser un mur de briques érigé pour bloquer l’accès au parlement, situé non loin de la place Tahrir.

De sources médicales, on estime que 13 personnes sont mortes et des centaines d’autres ont été blessées depuis le début de ces nouveaux affrontements vendredi sur la place Tahrir, épicentre du soulèvement ayant abouti en février au renversement d’Hosni Moubarak. Des manifestants affirment que ce bilan va s’alourdir avec la dernière intervention des forces de l’ordre.

« Certains de ceux qui sont tombés avaient des blessures par balles aux jambes », a dit Ismaïl.

Des personnalités politiques et des membres du parlement ont tenté de se rendre sur la place mais ont fait demi-tour en raison des fusillades, a ajouté ce manifestant.

Une source militaire a fait état de 164 arrestations. Une source au sein des services de sécurité a déclaré qu’un jeune homme de 26 ans était mort en détention sans que l’on connaisse la cause de son décès.

« FOURS CRÉMATOIRES »

L’agence de presse Mena a rapporté que le parquet avait placé en détention 123 personnes arrêtées pour refus d’obéissance, jets de pierres contre les forces de l’ordre et incendies de bâtiments publics. Le parquet a relâché 53 autres personnes.

Dix mois après le renversement d’Hosni Moubarak, une partie de la population soupçonne l’armée de profiter de son rôle à la tête du processus de transition pour tenter de conserver le pouvoir. D’autres savent gré aux militaires de chercher à maintenir le calme et l’ordre afin de permettre le bon déroulement des élections, qui se déroulent par phases depuis fin novembre.

Les images d’une femme à terre brutalisée par les forces de l’ordre et traînée au sol au point de faire apparaître ses sous-vêtements ont toutefois choqué de nombreux Egyptiens.

L’armée, elle, se défend. Le général Adel Emara a assuré qu’il s’agissait d’un incident isolé et que l’armée n’avait pas donné l’ordre d’évacuer la place Tahrir par la force.

« Depuis le début de la révolution, des forces malveillantes tentent d’entraîner l’Egypte dans le chaos et placent l’armée dans une situation de confrontation avec le peuple », a-t-il dit.

« Ce qui est en train de se passer n’a rien à voir avec la révolution et sa jeunesse pure, qui n’a jamais souhaité mettre à terre ce pays », a-t-il ajouté.

Les dernières violences sur la place Tahrir ont provoqué l’incendie de la bibliothèque de l’Institut d’Egypte, fondé il y a plus de deux siècles.

« Que ressentez-vous lorsque vous voyez l’Egypte et son histoire brûler sous vos yeux? », s’est indigné le général à la retraite Abdel Moneim Kato, conseiller de l’armée, dans le journal Al Chorouk, en dénonçant des « vagabonds qui mériteraient de brûler dans les fours crématoires d’Hitler ».

Reuters, 20 décembre 2011

[Grenoble] Attaques contre les Rroms

Attaques, expulsion et harcèlement de Roms à Grenoble

Des faits d’une exceptionnelle gravité se sont produits cette semaine à Grenoble, des faits dont la mesure semble n’avoir, pour l’heure, pas été prise par les pouvoirs publics et qui laissent présager le pire. A deux reprises, une maison désaffectée à Grenoble rue Germain habitée par une centaine de personnes d’origine rom a été violemment attaquée. Ces personnes originaires d’ex-Yougoslavie (Serbie, Macédoine, Kosovo) sont ou ont été demandeurs d’asile, car, appartenant à la minorité rom, elles étaient discriminées dans leur pays. Dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27, des hommes ont tiré des coups de feu sur cette maison en proférant des menaces, en intimant aux habitants de « dégager », et en promettant de revenir. Deux jours plus tard, dans la nuit de lundi à mardi, les mêmes hommes, cagoulés, ont pénétré par effraction dans la maison, brisant à coup de batte de base-ball portes et vitres et menaçant de « gazer » les habitants. Témoignant de la violence de l’attaque, un morceau de batte de base-ball brisée a même été laissé sur place par les agresseurs. La maison occupée rue Germain Preuve, s’il en fallait, que le danger ne vient pas des Roms, contrairement à ce que s’est plu à répéter le maire de la Tronche au cours des dernières semaines, en tenant des propos alarmistes stigmatisant les Roms habitant dans sa commune. Car s’il faut bien « craindre le pire », le pire ne vient pas de la prétendue menace que les Roms feraient peser sur la tranquillité publique, mais des menaces de mort bien réelles et des agressions violentes dont ils sont la cible, en plus de la précarité extrême dans laquelle ils sont relégués et du déni de droits auxquels ils sont quotidiennement confrontés. Certains élus préfèrent en effet se mettre dans l’illégalité plutôt que d’assurer, comme le leur prescrit l’article premier de notre Constitution, l’égalité de traitement de tous leurs administrés. Le maire de la Tronche, en plus de tenir des discours stigmatisant les Roms, refuse par exemple obstinément la scolarisation dans sa commune des enfants roms, et se soustrait à son obligation de dératiser le campement installé sur sa commune. Ce qui ne l’empêche pas ensuite de pointer du doigt l’insalubrité du campement… dont il est l’un des artisans.

Ce ne sont pas les Roms qui constituent une menace, mais ceux qui, décomplexés par les propos racistes et xénophobes récurrents de certains de nos acteurs politiques, à l’échelle nationale comme à l’échelle locale, se permettent désormais de mettre en acte leur idéologie haineuse, au mépris de la vie humaine.

Rappelons qu’à Paris, le 24 octobre, des jets de cocktails Molotov ont déclenché un incendie faisant un mort dans un hangar habité par des Roms, rue des Pyrénées.

Vendredi 2 décembre, c’est la violence de l’État français qui s’est exercée à l’encontre des personnes habitant rue Germain. Suite à un feu de cheminée rapidement circonscrit par les pompiers, la centaine de personnes réfugiée dans cette maison et ses annexes n’a pas été autorisée à réintégrer leur abri. Celles-ci ont été interpellées et conduites à l’Hôtel de Police pour opérer des relevés d’identité et un tri entre ceux qui seront emmenés pour être expulsés et les autres relâchés sans hébergement ni même le droit de récupérer leur affaires restées dans la maison. Pendant leurs interrogatoires, une société murait la maison et des vigiles secondés par la Police Nationale armée de mitraillettes bien visibles défendaient tout accès à ces hommes, femmes et enfants souvent en bas âge venus seulement reprendre leurs biens pour chercher refuge ailleurs. Pourtant le tribunal avait reconnu à ces personnes le droit de séjourner dans cette maison plus d’un mois encore et, d’autre part, c’est l’État qui doit légalement héberger les nombreuses personnes demandeuses d’asile en l’attente d’une décision de sa part. Au lieu de cela, le Préfet ose déclarer aujourd’hui que ces personnes “n’entrent pas dans le cadre du dispositif hivernal”. Il y aurait donc pour lui plusieurs catégories d’êtres humains, alors que l’hébergement de personnes à la rue est un droit inconditionnel. Par la suite, la police les a pourchassés dans l’agglomération, les délogeant de deux abris successifs, l’un en pleine nuit malgré la présence d’enfants. Elle allait même jusqu’à faire usage de bombes lacrymogènes pour les déloger d’un abri précaire, en contradiction avec les règlements qui interdisent d’en faire usage dans un lieu clos..

L’État français et son Préfet ont une nouvelle fois mis en pratique l’odieux “discours de Grenoble” en violant la loi et en commettant des actes racistes et xénophobes envers ces personnes venues chercher asile en France.

Le collectif La Patate Chaude continuera son combat avec les personnes d’origine rom discriminées pour faire respecter les droits pour tous.

Indymedia Paris-IDF, 18 décembre 2011

[Le Caire] Dernières nouvelles de la révolution égyptienne

[Le Caire] Dernières nouvelles de la révolution égyptienne

Dans le contexte de la seconde phase des élections marquée par des irrégularités et des fraudes qui rappellent tristement l’époque Moubarak, l’armée a de nouveau commis une répression féroce contre le dernier bastion de la révolution.

Rappelons la chronologie des faits, depuis la chute de Moubarak le 11 février 2011, l’armée a commis des bavures et des massacres de façon systématique contre les révolutionnaires tous les mois : le 11 février, le 25 février, le 9 mars, le 8 avril, le 15 mai, le 28 juin, le 23 juillet, le 5 août, le 9 septembre, les 5 et 9 octobre, le 19 novembre et finalement les 14, 16 et 17 décembre.

Les faits récents ont commencé la nuit du 14 décembre lorsqu’une femme inconnue a distribué des sandwichs de viande et du poisson avariés ou empoisonnés aux occupants des environs du conseil des ministres, quelques centaines de manifestants qui campaient autour du conseil des ministres depuis trois semaines empêchant le premier ministre et son gouvernement d’y accéder. En plus des revendications de la révolution jamais assouvies, les occupants réclamaient la traduction en justice des auteurs des massacres précédents ainsi que la libération des prisonniers qui furent traduits devant les tribunaux militaires et l’indemnisation des familles des martyrs et des soins adéquats pour les milliers des blessés. Complètement isolés de la population grâce à une campagne mensongère menée par le SCFA depuis des mois et dormant dans le froid, ils étaient  cependant prêt à aller jusqu’au bout, et ce en dépit des tentatives de négociations menées par des personnalités politiques pour les convaincre de déguerpir en paix pour éviter un nouveau bain de sang.

Le soir du 14 décembre, ayant appris la nouvelle de l’intoxication de 60 occupants par des sandwich empoisonnés, je me suis rendue  auprès d’eux en les mettant en garde contre une évacuation par la force qui n’allait pas tarder, et en les suppliant de quitter les lieux. Ils sont malheureusement demeurés sourds à mes appels. Vers 2 heures du matin le 16 décembre, les forces armées retranchées dans le bâtiment du conseil des ministres ont déclenché la bataille en les arrosant de jets d’eau froide, lançant des pierres, des morceaux de verre et en leur balançant des meubles à partir du balcon du conseil. Les attaques se sont développées sur le terrain le vendredi 16 par l’incendie des tentes, des tirs de balles réelles ; des jets de cocktails molotov, l’enlèvement des jeunes filles et leur torture dans le bâtiment du parlement et de nombreuses atrocités rapportées par deux nouveaux jeunes fraîchement élus : Amr El  Hamzawi et Ziad El Oleimi. Ce dernier a été férocement battu et porté immédiatement plainte contre l’armée qui lui a dit va te faire foutre avec ton parlement.

L’armée a ensuite mis le feu partiellement dans le bâtiment du Conseil des ministres, celui tout proche de l’entreprise des ponts et chaussées et l’édifice classé de l’association de géographie, dont le plafond est un des joyaux de l’architecture du XIXe siècle. À l’heure où je vous écris, la bataille continue sur la place Tahrir où les manifestants s’étaient retranchés suite à l’évacuation des alentours du CM.

Le scénario de l’empoisonnement, qui rappelle des méthodes d’un autre âge, était envisagé pendant la révolution, pour tuer les occupants de Tahrir le mercredi sanglant du 2 février, il était prévu de distribuer des jus empoisonné aux manifestants, avant d’opter pour l’attaque par les chameaux et les chevaux.

Le bilan provisoire de la répression des 16 et 17, plus de cents blessés ; 6 morts parmi lesquels un enfant, un médecin, un ingénieur et un jeune cheikh de l’Azhar, qui organisait la collecte des ordures pendant l’occupation. Ce qui dément les assertions des militaires qu’il ne s’agit que des voyous. À signaler le refus du ministère de l’Intérieur d’exécuter ce sale boulot.

La révolution égyptienne passe par un étape très difficile, mais ce n’est qu’une bataille perdue dans une longue guerre.

No Pasaran

Galila El Kadi
Le 17 décembre

L’institut d’Égypte, créé par les savants de l’Expédition de l’Égypte vient d’être complètement détruit par un incendie criminel. L’institut se trouve à proximité du conseil des ministres, le bâtiment n’a pas une grande valeur architecturale, mais contient des milliers de documents rares, plus rien ne subsiste.  Ce nouveau crime d’une junte militaire ignorante, arrogante et criminelle a été attribué aux révolutionnaires qui tentaient d’éteindre le feu, mais deux d’entre eux furent tués froidement par balles selon les dire des témoins présents sur les lieux hier soir.

Aujourd’hui, une grande manifestation a eu lieu à l’Azhar suite à l’enterrement du jeune cheikh azhari tué par balles hier devant le conseil des ministres. Le cortège funèbre regroupant près de dix mille manifestants, hommes et femmes de toutes les classes sociales, a emprunté la voie  voie express Salah Salem, avant de se diriger vers Tahrir, ses rangs grossissaient tout au long de son parcours de 5 km. Arrivé à Tahrir il fut rejoint par d’autres cortèges venant des universités de Ain Chams et du Caire.

À l’heure actuelle, des milliers de manifestants sont sur la place. L’armée l’avait évacué ce matin et interdit, comme en Syrie à toutes les agences de presse , les télévisions et les reporters de filmer la scène. Des agents de l’armée sont montés dans les immeubles donnant sur la place, se sont introduits par la force dans certains appartements, et saisi  tous les appareils photos et les téléphones portables de leurs possesseurs.

Jura Libertaire, 18 décembre 2011