Archives de catégorie : Questions de genres

Au-delà du mariage

Au-delà du mariage

Sous la notion de mariage (et plus généralement d’union, qu’elle soit légalisée ou libre), se tapissent les fondements mêmes de la société étatiste et capitaliste actuelle : la domination et la propriété privée.

L’institution du mariage se définit ainsi traditionnellement et jusqu’à aujourd’hui en termes de transmission d’un capital (financier et génétique), de devoirs juridiques contraignants, de domination de la norme hétérosexuelle, de statuts réciproques de « l’homme », de « la femme », et de « l’enfant ». Statuts non naturels mais culturels, organisant la domination masculine et adulte d’une part, et fondant d’autre part le fait inacceptable que les un-e-s (enfants, femmes) appartiendraient exclusivement à d’autres qui en seraient les propriétaires (l’homme adulte). La notion de famille implique ainsi la relégation des individus à un âge, notion éminemment culturelle, à un genre, notion elle aussi culturelle fondée sur l’aspect tout à fait bénin du sexe biologique, mais surdéterminant les rapports sociaux.

L’institution du mariage est l’une des plus anciennes institutions, consistant à limiter les possibles, à établir un contrôle social sur nos identités, nos désirs et nos sentiments, et à nous le faire intégrer dans notre intimité même, dans notre façon de concevoir et de juger le monde et les autres. Le mariage, ce dispositif central du patriarcat, est au coeur des rapports de hiérarchie (domination de « la femme », domination de « l’enfant ») et de privation (organisation de la propriété privée, des biens… comme des personnes !).

La revendication au « mariage pour tou-te-s » doit éviter l’écueil de légitimer ce que suppose cette institution : la domination sociale et la propriété privée… sous peine d’aboutir à un renforcement du dispositif bourgeois. L’abolition du mariage comme institution est une vieille proposition anarchiste, que nous partageons.

Mais comment aller vers cette abolition et vers le respect intégral des individus et leur libre association, dans une société où toute autonomie est détruite par le capital et l’Etat ? Où pour vivre leur amour, les individus atomisés, en manque de repères sociaux, éprouvent parfois le besoin de se jeter sur le mariage comme on se jetterait sur la planche d’un navire en naufrage ?

Peut-être en affirmant que, dans cette revendication d’un mariage pour tou-te-s, nous ne revendiquons pas l’institution du mariage ; mais que nous voulons au contraire en finir avec lui, le dynamiter dans ce qui le fonde, le vider à terme de toute son essence mortifère et sclérosante, pour le ranger un jour au placard des mauvais souvenirs.

Le débat actuel sur le mariage homo, la filiation, l’adoption et la procréation médicalement assistée peut être une chance de remettre en question la distinction et la hiérarchie moisies entre « homme » et « femme », entre « hétérosexualité » et « homosexualité », « fidélité » et « infidélité », « adultes » et « enfants » (quelle affreuse prétention des individus « adultes » à vouloir disposer des individus « enfants », que ceux-ci soient issus de leurs gènes ou non, comme s’ils étaient les « leurs », leur propriété !). Toutes elles-mêmes des catégories factices et frustratrices, réduisant la richesse de la réalité vécue dans les rapports et les liens humains, qui se nouent et se dénouent.

Dans cette lutte encore longue et difficile pour éradiquer le mariage et la famille comme racines de la domination sociale et de la propriété privée, exclusive et excluante, nous ne sommes évidemment pas du côté des fachos ni des intégristes catholiques, musulmans et juifs, aux « arguments » puants, dissimulant leurs prétentions malsaines à maintenir des gens dans la relégation, derrière le fard d’un débat « citoyen ».

Nous sommes du côté des individus que l’institution marginalise et réprime et que des sombres merdes agressent. Nous sommes solidaires avec leurs luttes, parce qu’à travers la conception traditionnelle du mariage, ces personnes sont réprimées et agressées par le même patriarcat, la même coercition légale et la même propriété privée qui nous oppriment aussi. Des personnes qui aiment des individus du même sexe biologique sont empêchées de pouvoir accéder à des pensions de réversion, d’adopter des enfants, de concevoir des enfants. Des enfants sont dans l’angoisse de se retrouver séparés des adultes qu’ils aiment et avec lesquels ils vivent. C’est inacceptable.

Oui au mariage pour tou-te-s… pour qu’un jour enfin il n’y ait plus de mariage pour enchaîner quiconque.

Jeanine, Pavillon Noir, 13 janvier 2013

[Poitiers] Une gaie manif pour l’égalité des droits

Près de 400 « pour » le mariage pour tous à Poitiers

Le cortège s’est arrêté quelques instants devant l’église Notre-Dame-la-Grande, dans le centre-ville de Poitiers. – (dr)

Près de 400 personnes se sont rassemblées place Leclerc cet après-midi en réaction aux propos homophobes et à la manifestation de demain contre le mariage pour tous.

A l’appel des associations homosexuelles « En Tous Genres » et « David et Jonathan » ainsi que de certains partis politiques, envrion 400 personnes ont pris part au rassemblement place Leclerc, à Poitiers, cet après-midi pour affirmer que les homosexuels « ont les mêmes droits que les hétérosexuels à se marier et à adopter des enfants ».

Ce rassemblement est à mettre en lien avec la manifestation de demain à Paris organisée par les opposants au mariage homosexuel et pour dénoncer « les discours homophobes matraqués depuis des mois », selon David Allizard, président de l’association « En tous genres » à Poitiers.

Le groupe a ensuite formé un cortège pour emprunté les rues piétonnes du centre-ville afin de passer devant des monuments symboliques : l’église Notre-Dame, le palais de justice et la préfecture. « On entend la même chose depuis 14 ans, date de la mise en place du PACS, et les idées émises depuis l’annonce de ce projet de loi ne sont que l’expression d’une homophobie latente ».

Nouvelle République, 12 janvier 2012

Le mariage pour personne ?

"Un anneau pour les gouverner tous et dans les ténèbres les lier"
« Un anneau pour les gouverner tous et dans les ténèbres les lier »

NdPN : En attendant les rassemblements pour le mariage pour tou-te-s du 12 et du 13 janvier prochains : un article en ligne sur Alternative Libertaire, qui expose un point de vue intéressant sur la question du mariage pour tous, dont nous partageons les conclusions.

Société Le mariage pour personne

Le mariage va être ouvert aux couples homosexuels. Il faut défendre l’égalité des droits. Mais les revendications devraient porter sur la suppression de cette institution de contrôle et défendre la généralisation de droits attachés aux individus en dehors de toute considération de leur vie affective et/ou sexuelle.

Le mariage, union traditionnelle d’un homme et d’une femme pour procréer et régler les questions d’héritage, va être ouvert en France aux couples de même sexe. Après certains pays, avant d’autres. Les arguments en faveur de ce changement sont essentiellement liés à la parentalité (et les opposants ne s’y trompent pas) : reconnaissance d’un deuxième parent, droit à l’adoption de couple, droit à la procréation médicalement assistée (PMA)  pour les femmes. Cette modification est aussi rendue nécessaire par une revendication d’égalité. Mais de quelle égalité s’agit-il ?

Le mariage du couple, c’est la reconnaissance de son amour par le monde entier et en particulier par l’État. Pour l’autoriser, des fonctionnaires et des élu-e-s étroits d’esprit peuvent vérifier les couples à composante étrangère ou qui leur paraissent bizarres et éventuellement pourrir leur amour. Ne pas faire reconnaître sa vie privée par l’État, c’est lui ôter les moyens de la contrôler.

Le mariage sert à quoi d’autre ? Réduire ses impôts s’il y a déséquilibre de revenus ; affirmer qu’on n’est plus « disponible », le port d’un anneau affichant cette indisponibilité ; voir ses allocations réduites pour cause de conjoint…

Le mariage hétéro, ça sert aussi à ce que l’homme dispose d’une employée de maison bon marché (pourquoi les robes de mariées sont-elles blanches ? pour être assorties à la machine à laver et à la cuisinière) et à ce que la femme ait un propriétaire dûment reconnu par l’État et le monde…Le mariage est une institution patriarcale et de contrôle et réclamer son extension ne devrait en aucun cas être l’une de nos revendications. La réalité étant ce qu’elle est, soutenir le mariage pour toutes et tous est comme soutenir le droit de vote des immigré-e-s : une revendication minimum d’égalité parallèle à des revendications contradictoires et plus fondamentales.

Rompre avec l’ordre patriarcal

Ce qui est nécessaire, c’est l’abolition du mariage. Après avoir obtenu la reconnaissance de la parentalité des gens qui aiment un enfant et s’entendent autour de lui (ce qui aiderait les beaux-parents éjectés des vies de couple hétéro) ; le droit à l’adoption pour les associations parentales variées ; le droit à la PMA aux femmes sans tenir compte de leur statut affectif (pour la GPA, gestation pour autrui, il conviendra d’attendre qu’une chirurgienne française porte pour un couple d’homos soudanais pour envisager que ce ne soit pas de l’exploitation économique).

Il faut aussi obtenir un statut économique individuel des personnes, où les choix de vie affective n’aient pas d’influence sur le montant des impôts dus ou des allocations perçues ; inventer des solutions pour la conservation des  logements loués ou achetés en cas de décès d’un occupant, et pour tous les problèmes de la vie que le mariage permet de résoudre. Ce serait l’occasion de s’interroger sur l’héritage aussi.

Alors il nous faut soutenir un plan en trois étapes :– soutenir le mariage pour tous les couples qui le souhaitent contre tous les réacs ;– obtenir la satisfaction des revendications  énumérées ci-dessus ;– obtenir l’abolition du mariage vidé de son intérêt.

Christine (AL Orne)

Alternative Libertaire, publié le 6 janvier 2013

Égalité pour tous, stop à la discrimination des homosexuels et des lesbiennes

Égalité pour tous, stop à la discrimination des homosexuels et des lesbiennes

La proposition de loi du gouvernement sur le mariage des homosexuels et des lesbiennes a conduit les homophobes de tous bords à s’exprimer, en déversant leurs propos haineux et sexistes. L’homophobie reste d’actualité en France où elle est loin d’être un phénomène marginal ; pour preuve : le taux de suicide des jeunes homosexuels est nettement supérieur à celui des hétérosexuels. Certains font l’objet de« viols correctifs », essuient des insultes et subissent le rejet de leur entourage.

Les homophobes confondent souvent, délibérément ou non, homosexualité et pédophilie. En première ligne, bien sûr, s’agitent les intégristes de toutes les religions et les sbires de l’extrême droite dont la vision simplifiée de la sexualité est uniquement la complémentarité entre hommes et femmes en vue de la reproduction. En parallèle, leur conception des rapports entre les sexes est souvent ancrée dans une division des rôles selon le sexe biologique. Or, nous, anarchistes, savons que le genre est une construction sociale qui attribue des rôles normés à chaque sexe, eux-mêmes fondés sur le modèle patriarcal.

Concernant le mariage, quoi que l’on pense de cette institution, il est surtout question ici d’égalité de droits. Nous ne parlons pas du mariage religieux – dont nous n’avons que faire –, mais du mariage civique, dont les représentants officiels – ou autoproclamés – des religions n’ont pas à se mêler.

Quand des personnes ne jouissent pas des mêmes droits que d’autres, il s’agit de discrimination. Depuis trop longtemps dans ce pays, les personnes d’une autre orientation sexuelle que la majorité sont la cible de discrimination.

La qualité de l’éducation et l’affection dont les enfants ont besoin ne dépendent pas du sexe biologique. Des études montrent que les enfants ne sont pas perturbés parce qu’ils vivent avec des parents du même sexe.

Faire un lien entre des perturbations d’enfants et le fait de grandir auprès des couples homosexuels ou lesbiens relève de la prise de position idéologique. La plupart du temps, cette opinion est fondée sur des dogmes religieux. D’ailleurs, ce qui peut nuire à l’épanouissement d’un individu est de grandir dans un milieu fermé, replié sur lui-même, quels que soient ses parents.

L’égalité entre les individus est le moins qu’on puisse exiger. Elle sera un vecteur d’évolution des mentalités pour qu’enfin tous les reliquats du patriarcat, sources de domination et de violence, disparaissent. Le mariage pour tous, le droit à l’adoption pour les homosexuels et à la procréation médicalement assistée pour les lesbiennes seraient des progrès, et ceci même si l’institution du mariage est en soit facteur de reproduction d’un modèle patriarcal.

Loi ou non, sans les luttes contre l’homophobie, les mentalités rétrogrades peuvent encore gagner du terrain. Ce n’est qu’en exprimant notre solidarité et en condamnant tout discours et tout acte dévalorisants que nous pourrons les faire disparaître.

Nous dénonçons tous les propos qui hiérarchisent les individus selon leur genre ou leur orientation sexuelle. Nous exigeons l’égalité des droits pour tous les humains, ici et de par le monde.

Secrétariat aux Relations extérieures de la Fédération anarchiste.