Archives de catégorie : Répression

[Poitiers] Auchan-Sud : Greenpeace, la journaliste et le vigile

NdPN : voici un cas de figure que nous avons déjà connu ; la journaliste n’avait pas à effacer ses photos, car elle semble n’avoir commis aucun délit. Même si un magasin interdit de prendre des photos dans son enceinte, en aucun cas un vigile ne peut entraver sa liberté de circuler (l’empêcher de marcher), et nulle personne, pas même un policier, n’a droit d’effacer les photos sans commission rogatoire. Seul un officier de police judiciaire peut alors immobiliser et fouiller. Et si procès il y a, il n’est pas certain du tout que le magasin gagne ; vues les circonstances, le magasin aurait même pu être condamné à la suite d’une plainte ! Aussi la technique des vigiles consiste-t-elle à faire peur, à intimider. Rien ne les empêche en revanche de demander d’effacer, même avec insistance. On comprend pourquoi, vu que la journaliste semblait avoir obtenu la preuve photographique d’un beau délit d’entrave. La journaliste n’aurait pas dû céder… mais bienvenue à elle dans le quotidien des tracasseries des vigiles et des flics, qui ont souvent tendance à la jouer « le droit c’est nous » sans toujours s’appliquer leur propre règlement. En attendant bravo aux militant.e.s d’avoir tenté d’informer le public sur la dangerosité de certains produits.

Auchan-Sud : Greenpeace et journaliste refoulés

L’intervention programmée par le groupe local de Greenpeace, hier matin, avait pour but de s’inviter (certes sans autorisation) dans une grande surface afin d’y diffuser des informations sur la dangerosité potentielle de certains produits de grande consommation, recensés dans leur nouveau guide « Le Guetteur » (*).

11 h : les 9 militants se dispersent dans les rayons d’Auchan à Poitiers-Sud et signalent leur présence avec des petits panonceaux « produits de l’agriculture toxique, ouvrez l’œil », suspendus dans les airs par des ballons rouges gonflés à l’hélium. 11 h 05 : un premier vigile de l’enseigne fonce bride abattue sur un des militants, lui demande de le suivre d’une façon peu amène et adjoint le geste à la parole en le tirant par le bras. Dans la foulée, il me demande de le suivre. Objectant car je ne fais pas partie du groupe, le vigile zélé me somme de lui montrer vidéo et photos prises au cours de l’altercation. Je refuse. Les autres militants sont également « rabattus » en dehors de la zone d’achalandise et reconduits à l’extérieur. 11 h 20 : le vigile en question me signale que je ne sortirai pas du magasin sans avoir effacé mes photos. Je négocie la non-publication qu’il refuse au prétexte qu’il « n’a pas confiance dans les journalistes ». Cinq autres personnes m’encerclent. On me demande d’attendre. Qui ou quoi ? 11 h 30 : je propose de faire appel à un responsable du magasin. Refusé ! Donc aux policiers qui trancheront. On m’intime à nouveau l’ordre, après un échange dans un talkie-walkie, d’effacer les images. Je refuse. Le temps passe et les esprits s’échauffent. 11 h 45 : de guerre lasse, j’y consens alors que la plupart des photos sur lesquelles figure l’agent sont prises de dos. Où l’art de confondre zèle et sa propre sécurité…

(*) Produits pouvant contenir des OGM ou des pesticides.

Marie-Laure Aveline, Nouvelle République, 9 février 2014

[DAL 86] Poitiers : Troisième violation de domicile au squat Gibautel

Troisième violation de domicile au squat Gibautel

Après une première violation de domicile conjointe police-propriétaire, lundi soir, VOIR,  après une seconde violation de domicile du propriétaire accompagné d’un huissier mardi matin, la police s’est introduite une nouvelle fois illégalement au domicile des squatteurs du Gibautel. Profitant de l’entrée dans le logement de l’un des occupants, ils l’ont suivi et ont pénétré sans autorisation dans le domicile pour auditionner sur place les habitants à propos d’une effraction avec dégradation qui aurait été constatée, sans rire, durant la première violation de domicile. Enquête illégale donc et ce à double titre puisque outre que la constatation ait été effectuée durant la première violation de domicile, elle n’a pas pu être faite en flagrant délit. Cette procédure policière qui ressemble de très près à une tentative d’intimidation ne sert-elle pas qu’à masquer le véritable scandale : ces violations de domicile répétées ? La police s’enferme inéluctablement dans une spirale infernale et illégale.

Comble de l’absurdité, un membre du Dal86 est d’ailleurs convoqué au commissariat demain jeudi 6 février à 10h30 au sujet de cette effraction avec dégradation. Aberrant retour en arrière : en juin 2012, la police avait entendu un membre du Dal86 au sujet d’une supposé effraction avec dégradation au squat de la rue Jean-Jaurès, convocation qui n’avait rien donné, comme c’était à prévoir. Nous pensons que cette provocation policière qui ressemble de très près à une tentative d’intimidation ne sert qu’à masquer le véritable scandale : l’état sinistré de l’accueil d’urgence sur Poitiers.

Ce qui est condamnable ce n’est pas de rentrer se mettre à l’abri dans des logements – qui d’ailleurs ici appartiennent à la Polyclinique de la Providence qui a comme vocation de soigner les gens et qui défend bec et ongles une propriété dont elle n’use absolument pas – mais qu’il y ait encore aujourd’hui de nombreuses personnes et familles qui sont à la rue. Non ce qui est condamnable c’est la politique dissuasive et criminelle de la préfecture aidée par les rouages essentiels de la machine à expulser – d’abord ses alliés objectifs : municipalité, conseil général, logiparc… ensuite ceux qui sont sous sa coupe : OFII, Croix Rouge, Audacia, Coalia… – politique dissuasive et criminelle qui méprise et maltraite les gens en souffrance et les condamne à la misère.

Les policiers en ont bien-sûr profité pour faire une autre enquête illégale et occulte sur la présence des squatters sur les lieux. Rappelons que, puisque nous sommes au-delà des 48 heures du flagrant délit, l’occupation des lieux ne concerne maintenant que le juge du tribunal d’instance. Ce dernier sera-t-il mécontent que des policiers, soutenus certainement on l’espère par un procureur, s’occupent de ce qui ne les regarde pas ? Affaire à suivre.

Les habitants dont les droits ont été bafoués vont évidemment porter plainte contre la première violation de domicile effectuée par la police et le propriétaire lundi soir. Il vont aussi certainement porter plainte contre la seconde violation de domicile du propriétaire accompagné d’un huissier mardi matin, et la troisième effectuée pas la police ce matin. Nous ne lâcherons rien !

Les habitants des squats appellent à la solidarité. Faites un don pour les aider. Les habitants des squats ont toujours besoin de nourriture, de vêtements, de couvertures, d’ustensiles de cuisine, de meubles… Les habitants des squats sont aussi à la recherche de lieux, genre garages, pour stocker leurs meubles.

Chèques à l’ordre du DAL86 a envoyer à DAL86, Maison de la Solidarité, 22 rue du pigeon blanc 86000 POITIERS en précisant au dos « Squat Poitiers ».

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56 Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Vu sur le site du DAL 86, 5 février 2014

[DAL 86] Nouveau squat à Poitiers

Nouveau squat à Poitiers

Depuis le 22 janvier 2014, plusieurs familles en état de nécessité ont élu domicile dans un ancien hôtel de 36 chambres, inoccupé depuis 2001, appartenant à la Polyclinique de la Providence.

Ce soir, la propriétaire, la directrice de la polyclinique, s’étant sans doute aperçue de l’occupation a appelée la police. Cette dernière est arrivée vers 18h, a frappé, l’un des occupants leur a ouvert et les policiers sont rentrés. Les occupants leur ont dit qu’ils étaient chez eux et leur ont demandé de sortir. Les policiers sont retournés jusqu’à la porte puis une longue attente a commencé. La police a effectué un contrôle général d’identité puis au bout d’un long moment, a demandé à visiter. Les occupants ont refusé, leur ont redit qu’ils étaient chez eux et leur ont demandé de sortir. Les policiers sont ressortis jusqu’à la porte, ont discuté entre eux encore un long moment puis sont revenus et, malgré les protestations des habitants, ont visité tout l’immeuble. Un membre du Dal86 présent sur les lieux les a averti que c’était une violation de domicile mais rien n’y a fait, les policiers accompagnés de la police scientifique, ont tout visité, pris des photos et des empreintes et traces. Puis, ils ont cantonné les deux familles présentes sur les lieux sur un espace du rez-de-chaussée en fermant les portes et en leur interdisant le reste de l’immeuble, et sont partis à 19h20.

Nouveau squat donc mais limité illégalement par la police. Affaire à suivre puisque les occupants vont porter plainte pour violation de domicile contre elle.

Concernant le fond de l’affaire, suite à l’expulsion du squat de l’Etape, M. Séguy, secrétaire général de la préfecture, à déclaré au journal de France 3 Poitou-Charentes du 23 novembre dernier : « La volonté affichée par l’ensemble des pouvoirs publics c’est qu’effectivement il n’y ait plus de squats dans le département de la Vienne. » VOIR  Mais malheureusement cela ne voulait pas dire qu’il n’y aura plus personne à la rue, car le secrétaire général a continué en disant : « Ce type d’habitat présente beaucoup de risques pour ceux qui les occupent. Des problèmes d’insalubrité, des problèmes d’insécurité. Et puis par ailleurs, il n’est pas évidemment normal d’occuper de manière illégale des lieux qu’ils soient d’ailleurs publics ou privés. »

Nous répondons : Les squats existent parce qu’il y des gens à la rue, un 115 saturé et indigne, l’impuissance voire la mauvaise volonté de la préfecture face à la prise en charge de familles et de personnes en état de nécessité et parce qu’il y a des immeubles vides avec tout le confort comme cet hôtel 2 étoiles désaffecté depuis 2001, avec l’électricité et tout le matériel pour dormir, qui remplacerai avantageusement le Centre d’accueil d’urgence du 115, rue de Montbernage !

Au fond, après l’expulsion des squats l’automne dernier, il est clair que tous ceux qui ont été pris en charge, ont été dans une situation bien meilleure que celle qu’ils avaient l’année dernière. Mais il faut constater que leur situation était bien pire que lorsqu’ils vivaient dans les squats. Et elle s’est aujourd’hui gravement détériorée puisque la préfecture reprend malignement d’une main ce qu’elle a donné de l’autre. Le harcèlement, les intimidations, les déportations loin de Poitiers, les droits fondamentaux bafoués… la politique de la préfecture n’a pas changé et est donc claire : mettre les gens dans des situations d’injonctions paradoxales afin de les pousser à partir d’eux mêmes de Poitiers et de dissuader de venir ici ceux qui pourraient avoir envie de le faire.

D’abord, toutes les familles et personnes qui le nécessitaient, n’ont pas été prises en charge effectivement par la préfecture comme cela est prescrit par la loi : le gîte et l’hygiène bien sûr mais aussi le couvert et un accompagnement social digne de ce nom.

Ensuite, les personnes hébergées en hôtel n’ont pas été rapidement orientées vers des logements. N’oublions pas que la préfecture et le conseil général ont signé le Plan départemental pour le logement des personnes défavorisées qui préconise comme principe de base « le logement d’abord ».VOIR

De plus, nous avons appris que le financement fort cher – certainement 20 à 30 000 € par mois – des hôtels va s’arrêter dans quelques semaines. Que vont devenir ces familles et ces personnes ?

Le harcèlement policier et administratif n’a pas cessé : les OQTF n’ont pas été annulées, les titres de séjour de 6 mois, ou mieux de un an, pour tous, n’ont pas été délivrés, les contrôles incessants et les convocations à répétition au commissariat continuent et les assignations au TGI n’ont pas été annulées.

Le « 115 » n’a absolument pas changé ses pratiques scandaleuses. VOIR L’accueil en hébergement d’urgence relève de plus en plus de l’arbitraire et du discrétionnaire. Les structures effectuent une sorte d’écrémage assez honteux pour écarter les personnes sans titre de séjour et autres indésirables. Les conditions d’hébergement sont lamentables. Depuis que la Croix-Rouge gère l’hébergement d’urgence du centre de Monbernage, on constate un retour vers des pratiques d’un autre âge : promiscuité insupportable, ni droit à l’intimité avec un espace personnel, ni droit à vivre en famille. Et dernière chose, alors que la préfecture reconnaît qu’il y a 25 personnes à la rue chaque soir, le nombre de place : 25 va rester constant. De qui se moque-t-on ?

La préfecture n’a pas respecté scrupuleusement les lois et accueilli dignement toutes les personnes dans le besoin, et donc par la force des choses un squat s’est ouvert sur Poitiers pour pallier à ses manquements.

Les habitants des squats appellent à la solidarité. Faites un don pour les aider. Les habitants des squats ont toujours besoin de nourriture, de vêtements, de couvertures, d’ustensiles de cuisine, de meubles… Les habitants des squats sont aussi à la recherche de lieux, genre garages, pour stocker leurs meubles.

Chèques à l’ordre du DAL86 a envoyer à DAL86, Maison de la Solidarité, 22 rue du pigeon blanc 86000 POITIERS en précisant au dos « Squat Poitiers ».

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56 Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Vu sur le site du DAL 86, 3 février 2014

[Poitiers] Manif de flics : un témoignage (presque) recueilli

Notez que, dans une habile subversion du langage, nous avons choisi de remplacer le « s » par le « z », nous référant ainsi au raz, métaphore imagée du courant irrésistible de la révolution, plus prêts que jamais à envoyer balader notre rôle de flics.

NdPN : Manif de flics à Poitiers, comme ailleurs en France. Les « prolétaires en uniforme » n’en peuvent plus de leur boulot ! Propos (presque) recueillis…

 » On prépare son concours et on commence sa carrière en se disant qu’on va enfin avoir un boulot stable, qui aura un sens, en tout cas plus que bosser à la chaîne, pointer à Pôle Emploi ou se faire chier dans une boîte de téléprospection. Qu’on va protéger un peu les faibles contre les forts, réparer tant bien que mal les injustices dégueulasses de ce monde, ici dans notre ville… et puis on se rend vite compte qu’on sera jamais les super-flics des séries américaines, mais les larbins d’une injustice qui nous dépasse.

Au quotidien, embarquer, questionner et livrer d’autres pauvres à la taule, aussi paumés que nous à la base. On rêvait d’être des héros à notre échelle, mais il n’y a aucune reconnaissance, ni des gens, ni de la hiérarchie, et au fond même si ça nous fout en rogne, on comprend, parce qu’on fait effectivement un boulot de merde. On fait le sale taf des gens au pouvoir, qui veulent pas se salir les mains pour garder leur fric et leur pouvoir. On s’est fait avoir.

Certains se barrent dès le début, d’autres tiennent le coup, et restent, parce qu’ils ont trop peur de tout plaquer. Le concours est acquis, le boulot est là alors que c’est la crise. Peu à peu, les collègues sont devenus notre seul cercle d’amis vu qu’on a pas le temps d’avoir une vraie vie à côté. Et puis le crédit pour rembourser la baraque, la bagnole et payer des études aux mômes, celles qu’on a pas faites… alors on reste, on se blinde comme on peut.

On réclame plus de fric et d’effectifs, mais on sait bien qu’on sera jamais assez et qu’on aura jamais assez de moyens pour empêcher les pauvres d’enfreindre la propriété privée, les institutions et les règles qui sont pas faites pour eux. Même une véritable armée de flics ne suffirait pas, parce qu’en fait, on fait face à un phénomène structurel, qui nous dépasse : à quoi bon cogner sur les pauvres qui resquillent, volent et braquent tant bien que mal pour survivre, alors que la loi protège l’enrichissement des riches sur leur dos ? A quoi bon arrêter et expulser des hommes et des femmes qui fuient la misère, et reviendront dès qu’ils pourront ? C’est comme tenter de remplir un tonneau des Danaïdes.

Le vrai problème c’est le système social dans lequel on vit, qui est pourri jusqu’à la moelle. On essaie d’oublier qu’on contribue à cette injustice, oublier que nous aussi, on est des prolos… ça c’est le plus dur. Y’a la culpabilité, tout le temps, même si on fait genre qu’on y pense pas, au fond de nous c’est là, et ça nous tue à petit feu.

D’ailleurs, notre hiérarchie, tout en haut, nous traite comme les autres prolos : faites du chiffre, du rapport, de la procédure… et les missions qui s’accumulent… Tout ça dans des conditions de travail dégradées avec des bagnoles mal ou pas entretenues. Et des locaux tristes et pourris ressemblant presque aux cellules de garde à vue, dont la rénovation est toujours repoussée à un lendemain qui ne vient jamais. Le même productivisme, méprisant, inhumain, qui nous écrase peu à peu.

Alors au final, même si on culpabilise de laisser les collègues seuls, on finit par prendre des arrêts de travail, le temps de reprendre une bouffée d’air, et on repart au turbin, on remet le costume qui est devenu comme une deuxième peau. Chacun se débrouille, trouve son petit truc pour supporter ce rôle. Nous sommes les fusibles de cette société, et parfois on grille. Dépressions en chaîne, et parfois suicide. Trois collègues se sont donnés la mort dans le 86, depuis un an et demi.

Mais le métier ne nous démolit pas que nous ; à petit feu, il bousille aussi nos proches, avec des heures de ci-de là le soir, en week-end, pendant les fêtes… payées en retard ou pas du tout. On voit trop peu notre conjoint, nos mômes. Notre famille, c’est les collègues. Ce manque affectif est un peu à l’image de l’insensibilité qu’on doit se forger au boulot, l’obligation de se blinder, de revêtir son armure… sinon autant démissionner tout de suite vu ce qu’on nous fait faire, vu les larmes, le sang, les gamins brisés. Y’a aussi des collègues qui se la racontent, qui finissent par se convaincre qu’ils « aiment ça », qui franchissent trop souvent la ligne jaune, et qui un jour pètent les plombs – et on leur dira qu’ils sont allés trop loin… alors qu’on les y a poussés au quotidien.

La hiérarchie et le gouvernement ont l’hypocrisie de nous matraquer avec la déontologie, de nous imposer un matricule… comme s’ils s’offusquaient de nous voir appliquer les directives qu’ils nous donnent. En haut, ça réprime les « moutons noirs », les « bavures », mais on voudrait bien les voir à notre place, tous ces bureaucrates en costard-cravate dans leur petit confort, auquel nous, on aura évidemment jamais accès.

Vous les militants, vous nous insultez, vous nous dénigrez en permanence. Mais vous avez peut-être eu la chance de faire des études, de choisir… la plupart d’entre nous n’ont pas eu ce choix-là. Vous dites qu’une société sans classes et sans Etat est possible, et nous reprochez d’appliquer à leur place les lois que font les puissants. Mais je vais vous dire, je crois que ce monde est pourri, et que du pouvoir, il y en aura toujours. Et même si vous disiez vrai, si on se laissait ne serait-ce qu’un instant influencer par vos idées, on pèterait les plombs, parce que toute notre vie est là, et que tous nos repères qui nous tiennent tant bien que mal s’effondreraient. Démissionner ? Mais pour faire quoi ?

Alors on continue. Et ça nous bouffe, mais on continue. « 

Plus de moyens matériels pour la police !

Propos (presque) recueillis par Pavillon Noir

Outrage et rébellion, un bon filon remis en cause

Outrage et rébellion, un bon filon remis en cause

L’outrage et la rébellion sont les petites armes de l’intimidation policière : assaisonnées à toutes les sauces, elles permettent aux « agents dépositaires de l’autorité publique » d’embarquer au poste, de mettre en garde à vue et d’envoyer au tribunal qui bon leur semble ou ne leur revient pas. Le dernier rapport de l’Inspection Générale de l’administration épingle une pratique lucrative qui se systématise.

La subjectivité de l’outrage

Une simple affirmation de la part du flic suffit à fonder l’outrage ou la rébellion :

  • L’outrage est défini comme étant « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressées à une personne investie d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de sa mission et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect de la fonction dont elle est investie » (art 433-5 du Code Pénal).
  • La rébellion est « le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice » (art 433-6 du Code Pénal).

Seulement tout ça coûte cher d’après le dernier rapport de l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) qui épingle le coût des contentieux du Ministère de Valls : 13,2 millions d’euros par an pour les flics et 604 000 euros pour les gendarmes, pour délits d’outrage, rébellion et violences volontaires.

Du beurre dans les épinards des bleus

Sur les 20 600 dossiers instruits par des flics en 2012 (30% de plus chaque année), seuls 300 n’ont pas abouti, tous les autres se font indemniser, les yeux fermés, par les deniers du Trésor. A chaque fois le flic se met 300-700 euros d’indemnités dans la poche, sans compter les jours d’ITT quand il s’est foulé l’ongle ou a subi un « traumatisme psychologique ».

Quand l’IGA demande à la Direction centrale de la Police Nationale une liste des flics indemnisés, seul le Service d’Aide au Recouvrement des VIctimes (SARVI) est « en mesure » de répondre ; il fournit une liste édifiante de 147 noms qui à eux seuls suffisent à montrer à qui profite le crime :
- 6 fonctionnaires de police totalisent plus de 15 dossiers chacun ; - 31 fonctionnaires de police totalisent entre10 et 14 dossiers ; - 109 fonctionnaires de police totalisent entre 5 et 9 dossiers ; - 1 fonctionnaire a ouvert 19 dossiers depuis 2009 !

Il a été signalé à la mission le cas d’un fonctionnaire « victime » à 28 reprises en 2012, sans aucune suite de la part de l’administration. Un Secrétariat Général de l’Administration Policière (SGAP) a signalé à la mission 62 cas d’agents victimes plus de quatre fois dans l’année, sans qu’il n’y ait eu aucun traitement de ces cas d’un point de vue managérial ou administratif ; un autre a signalé 28 cas.  (sic)

Pour 100 000 gendarmes en France contre 144 000 flics, l’IGA relève 30 fois plus de plaintes chez les seconds et attribue le phénomène à un processus d’enquête et de validation des contentieux par la hiérarchie plus abouti dans la gendarmerie nationale.

Une manne judiciaire

Chaque dossier occasionne en outre 1000 euros supplémentaires de frais de dossier. Avec 5569 dossiers d’outrage, 5540 de rébellion et 8228 de violences volontaires, c’est un juteux business pour la justice…

L’IGA relève qu’« à Paris, cinq cabinets d’avocats [1], choisis au fil du temps, sans aucune mise en concurrence, se partagent « un marché » d’environ 2,5 M€ annuel, qui leur garantit un revenu d’environ 40 000€ par mois et par cabinet. Dans certaines circonscriptions de police en province, le nombre de dossiers de Protection Fonctionnelle (PF=dossier d’indemnisation) pour outrage est d’autant plus élevé qu’un avocat en est spécialiste, fait sa propre publicité y compris dans les commissariats ; ailleurs, l’avocat est lié personnellement à un fonctionnaire de police et la coïncidence fait que dans le ressort de ce barreau le nombre de dossiers d’outrages est particulièrement élevé… »

Si ça ne suffisait pas à nous convaincre que l’affaire est lucrative, la répartition des dossiers sur le territoire permet de se rendre compte qu’il y a des endroits où il fait bon être flic : quand à Paris on recense 760 dossiers d’outrage instruits, à Rennes on en a 1466 ; qu’en conclure ? Que les Rennais n’ont pas leur langue dans leur poche, que les flics de l’ouest sont susceptibles ou qu’à Rennes il doit y avoir un bon cabinet d’avocat de flics ? Je vous laisse choisir…

En tout cas, les tarifs ne sont pas les mêmes des deux côtés de la matraque : quand on est victime des flics, si on n’a pas été intimidé par l’entretien à l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) qui essaie de nous convaincre qu’on a exagéré les faits ou le préjudice ; si on a passé le procès, l’appel, en vain, avec un juge pressé de classer le dossier ; et si malgré tout ça on pousse jusqu’en cassation pour se faire casser une énième fois par la justice, on y a laissé un bon petit paquet de pognon à 5 chiffres.

Quand tu as tort, crie plus fort

En tous cas, ce qu’il y a de bien avec les flics, c’est qu’on sait toujours quand on met le doigt sur un point sensible : quand un flic a tort il porte plainte, quand tous les flics sont montrés du doigt ce sont leurs syndicats qui appellent à la grève et crient au loup !

En réponse à ce rapport de l’IGA qui épingle les flics et leur ministère sur 104 pages [2], le syndicat Alliance monte au créneau avec verve dans son dernier communiqué :
« Alliance Police Nationale CFE‐CGC dénonce cette idée technocratique qui présente les policiers comme des habitués du recours infondé et coûteux.
D’après l’IGA, les policiers seraient ceux qui abusent de ce droit à une défense légitime devant les juridictions ! Ce rapport est honteux !
« 

On aurait voulu le dire, qu’on aurait pas trouvé mieux : le flic est un instrument de la technocratie qui est habitué aux recours infondés et coûteux. Peut-être qu’il faudrait se demander si ce n’est pas la technocratie qui entoure le flic et le protège aveuglément qui serait viciée.

On comprend pourquoi ça s’inquiète chez les flics si les projets de loi censés les protéger encore davantage ne passent plus comme des lettres à la poste et que leur Ministre veut leur coller un matricule à l’uniforme. Mais qu’ils se rassurent, ils vont encore pouvoir caser quelques outrages et rébellion contre les militants avant que la source bienfaitrice ne se tarisse.


Notes

[1] Un petit exemple : Me Laurent-Franck Liénard parcourt tout le territoire et fait même des petits crochets à l’école de Lausanne pour « former » les flics suisses : http://www.avocat-lf-lienard.com/defense-forces-ordre.php.

[2] le rapport s’en prend aussi aux contentieux de droit des étrangers, accidents de circulation provoqués par les flics et indemnisations pour refus de concours de la force publique pour les expulsions

Vu sur Paris-luttes, 20 janvier 2014