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Claus Peter Ortlieb – Travail forcé et ethos du travail

Travail forcé et ethos du travail

Les méthodes de production modernes ont rendu possibles le confort et la sécurité pour tous ; à la place, nous avons choisi le surmenage pour les uns et la famine pour les autres. Jusqu’à présent nous avons continué à déployer la même activité qu’au temps où il n’y avait pas de machines ; en cela nous nous sommes montrés stupides, mais rien ne nous oblige à persévérer éternellement dans cette stupidité.

Bertrand Russell, Eloge de l’oisiveté, 1932

1Quatre-vingt ans et une crise économique mondiale plus tard, notre intelligence n’a manifestement guère progressé, au contraire : si depuis lors la productivité du travail dans l’industrie et l’agriculture s’est vue grosso modo décuplée, on ne peut pas dire qu’elle ait apporté à tous confort et sécurité. L’Europe, qui certes, pour le moment, s’est sort encore relativement bien, assiste à une hausse record de son taux de chômage. Quant aux quelques îlots qui demeurent compétitifs au plan global, ils luttent depuis des années déjà contre les nouvelles pandémies provoquées par la contraction progressive de l’offre de travail : du burn-out-syndrom1 à la mort subite due au surmenage en passant par la consommation routinière de produits psychopharmaceutiques.

2Gardons-nous cependant d’imaginer que cette ardeur excessive au travail constatée par Russell ne serait rien d’autre qu’une habitude devenue obsolète et qu’il nous suffirait de laisser tomber – une habitude héritée du temps où il n’y avait pas de machines. Au Moyen Age, où le travail comme fin en soi était chose inconnue, on travaillait en fait moins qu’aujourd’hui. La raison en est simple : le travail tel que nous l’entendons, c’est-à-dire la dépense abstraite d’énergie humaine indépendamment de tout contenu particulier, est historiquement spécifique. On ne le rencontre que sous le capitalisme. Dans n’importe quelle autre formation sociale, l’idée aujourd’hui si universellement répandue selon laquelle « un travail, quel qu’il soit, vaut mieux que pas de travail » aurait paru, à juste titre, complètement délirante.

3Ce délire est le principe abstrait qui régit les rapports sociaux sous le capitalisme. Si l’on fait abstraction des activités criminelles, le travail – qu’il s’agisse du nôtre ou de l’appropriation de celui d’autrui – est pour nous l’unique moyen de participer à la société. Mais, en même temps, il ne dépend pas du contenu de l’activité en question ; que je fasse pousser des pommes de terre ou que je fabrique des bombes à fragmentation n’a aucune importance, du moment que mon produit trouve un acheteur et transforme ainsi mon argent en davantage d’argent. Base de la valorisation de la valeur, le travail constitue une fin en soi et un principe social contraignant dont l’unique but consiste à accumuler toujours plus de « travail mort » sous forme de capital.

4Une contrainte à laquelle tout est soumis dans la même mesure ne se maintiendra durablement qu’à condition que ceux qu’elle ligote apprennent à aimer leurs chaînes. En cela aussi la société bourgeoise se distingue des précédentes. D’Aristote à Thomas d’Aquin en passant par Augustin, les philosophes de l’Antiquité et du Moyen Age ont célébré l’oisiveté – et surtout pas le travail – comme la voie menant à une vie heureuse2 :

Au dire de la plupart des hommes, le bonheur ne va pas sans le plaisir.

Aristote (384 – 322 av. J.C.), Ethique à Nicomaque

L’apprentissage de la vertu est incompatible avec une vie d’artisan et de manœuvre.

Aristote, Politique

Quittons ces vaines et creuses occupations : abandonnons tout le reste pour la recherche de la vérité.

Augustin (354 – 430 ap. J.C.), Les Confessions

Absolument et de soi la vie contemplative est plus parfaite que la vie active.

Thomas d’Aquin (1125 – 1274), Somme théologique

5D’autres ne seront pas du même avis, tels par exemple les fondateurs de certains ordres monastiques qui verront dans le travail un moyen d’atteindre l’ascèse et l’abstinence. Mais c’est seulement au protestantisme qu’il reviendra d’en faire un principe à grande échelle, appliqué à l’ensemble de la population :

L’oisiveté est péché contre le commandement de Dieu, car Il a ordonné qu’ici-bas chacun travaille.

Martin Luther (1483 – 1546)

6Et les Lumières n’auront de cesse d’élever l’ethos du travail, autrement dit l’obligation morale de travailler, au rang de fin en soi :

Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler.

Kant, Réflexions sur l’éducation, 1803

La plus grande perfection morale possible de l’homme est de remplir son devoir et par devoir.

Kant, Principes métaphysiques de la morale, 1797

Il n’existe qu’une seule échappatoire au travail : faire travailler les autres pour soi.

Kant, Critique du jugement, 1790

De ces trois vices : la paresse, la lâcheté, la fausseté, le premier semble être le plus méprisable.

Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, 1798

Que l’on s’informe tout particulièrement sur les personnes qui se distinguent par une conduite indigne ! On découvrira invariablement soit qu’elles n’ont pas appris à travailler, soient qu’elles fuient le travail.

Fichte, Discours à la nation allemande, 1807

7Comme il apparaît déjà dans les dernières citations, l’amour du travail s’avère étroitement lié à la haine des oisifs :

Chacun doit pouvoir vivre de son travail, dit un principe avancé. Ce pouvoir-vivre est donc conditionné par le travail et n’existe nullement là où la condition ne serait pas remplie.

Fichte, Fondement du droit naturel, 1796

Dans les pays chauds, l’homme est mûr plus tôt à tous égards mais n’atteint pas la perfection des zones tempérées. L’humanité dans sa plus grande perfection se trouve dans la race blanche. Les Indiens jaunes n’ont que peu de capacités, les Noirs leur sont bien inférieurs encore, et au plus bas de l’échelle se placent certaines peuplades américaines.

Kant, Géographie physique, 1802

Le barbare est paresseux et se distingue de l’homme civilisé en ceci qu’il reste plongé dans son abrutissement, car la formation pratique consiste précisément dans l’habitude et dans le besoin d’agir.

Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1820

8Ces propos excluants et racistes sous la plume des philosophes des Lumières ne sont nullement de simples accidents de parcours mais relèvent au contraire de l’essence même de l’idéologie du travail. Parce que ce courant de pensée transfigure le travail en véritable but de l’existence de « l’homme », tous les désœuvrés se voient par contrecoup exclus de la « race humaine » : l’homme est tenu de travailler ; partant, celui qui ne travaille pas ne peut prétendre au statut d’être humain à part entière.

9Ce qui s’exprime ici, c’est la colère du bourreau de travail blanc envers la pression qu’il s’est lui-même imposée, une colère qui prend pour cible tout ce qui fait mine de ne pas se soumettre à ladite pression et de mener une existence oisive : les femmes, en charge de la « vraie vie » au sein de la sphère privée – dissociée du travail – de la famille bourgeoise ; toutes sortes de peuples (les attributions sont, cette fois, plus variées) vivant, sans travailler, d’amour et d’eau fraîche ; ou encore le « capital accapareur3 », qui s’approprie sans travailler la survaleur créée par d’autres. Les idéologies modernes du sexisme, du racisme, de l’antitsiganisme et de l’antisémitisme sont fondées, elles aussi, sur l’ethos du travail.

10À partir des années 1970, en faisant disparaître du procès de production des quantités toujours croissantes de travail, le potentiel de rationalisation de la microélectronique a plongé le capitalisme dans la crise. Pour autant, la pression intérieure et extérieure qui pousse les hommes à travailler n’a pas diminué mais s’est même au contraire accentuée à mesure que se raréfiaient les « emplois ». Pour les laissés pour compte, les conditions se sont durcies : ils sont désormais trop nombreux pour que leur entretien humain reste longtemps encore compatible avec le maintien de la compétitivité au plan global. La « nécessité incontournable de ramener les hommes au travail » (Angela Merkel) ne fait qu’obscurcir la perception du problème : la responsabilité du chômage ne serait plus imputable à la disparition progressive du travail mais aux chômeurs eux-mêmes, qu’il faudrait par conséquent ramener, par tous les moyens de coercition dont on dispose, à un travail qui n’existe plus. Quelque chose de semblable se déroule également au niveau européen : on impose aux « pays en faillite » restés à la traîne de l’Europe des politiques d’austérité grâce auxquelles ils sont censés, une fois cette pénible épreuve traversée, redevenir compétitifs. C’est aussi crédible que si la Fédération allemande de football prétendait, par un entraînement approprié, hisser tous à la fois les dix-huit clubs de la Bundesliga4 aux quatre places possibles en Ligue des champions5.

11Il n’y a manifestement d’issue que dans l’abolition du travail, mais cela implique bien sûr d’abolir également le capitalisme. S’y oppose en outre notre ethos du travail, fruit de plusieurs siècles de dressage :

D’aucuns diront qu’il est certes agréable d’avoir un peu de loisir, mais que les gens ne sauraient pas comment remplir leurs journées s’ils n’avaient à travailler que quatre heures par jour. Dans la mesure où cela est vrai dans le monde moderne, cela constitue un reproche adressé à notre civilisation ; à toute autre époque antérieure, ce n’aurait pas été le cas.

Bertrand Russell, Eloge de l’oisiveté, 1932

12Le sort que Hegel assignait aux « barbares » nous revient donc : celui qui est sans emploi n’a plus qu’à rester « plongé dans son abrutissement ». Autrement dit : si le sujet bourgeois répugne tellement à imaginer sa vie sans le travail, c’est aussi parce que derrière son ethos du travail rôde la peur panique de sa propre vacuité.

Notes

1 NDT: Syndrome d’épuisement professionnel.

2 On trouvera cette citation et presque toutes les suivantes sur le très intéressant site internet www.otium-bremen.de

3 NDT: Allusion à la vision nazie (mais qui est aussi celle d’une partie de la gauche) opposant un bon capital créateur (schaffende Kapital) à un mauvais capital accapareur (raffende Kapital).

4 NDT: Le championnat fédéral allemand.

5 NDT: Le championnat européen.

Claus Peter Ortlieb, Traduction de  Sînziana

Vu dans Variations, revue internationale de théorie critique, 15 octobre 2012

Comment un OGM, un pesticide et un système peuvent être toxiques

NdPN : petite mise au point, contre les académiciens qui critiquent ses résultats, de Gilles-Eric Seralini – le co-auteur d’une étude démontrant la nocivité de l’OGM NK603 et du roundup qui lui est associé, on en avait parlé sur le blog. Bonne nouvelle, il viendra animer une conférence sur le sujet des OGM à l’ESIP (université de Poitiers) mercredi 7 novembre prochain, à 18h.

Comment un OGM, un pesticide et un système peuvent être toxiques

Dans le domaine de la toxicologie alimentaire, Food and Chemical Toxicology est sans aucun doute la revue la plus réputée au monde. Son comité de lecture a étudié quatre mois durant notre étude et pris soin de nous demander des analyses complémentaires avant d’accepter de la publier (Tous cobayes, Flammarion, 256 p., 19,90 euros).

Nos résultats ont montré la nocivité d’une absorption sur le long terme d’un organisme génétiquement modifié (OGM) alimentaire, le maïs NK603, et de l’herbicide qui lui est associé, le Roundup. Il s’agit de la première étude toxicologique menée sur deux ans et fondée sur un tel nombre de paramètres biologiques, d’analyses anatomo-pathologiques, etc. A ce jour, plus de 160 scientifiques du monde entier nous ont apporté leur soutien ou souligné l’originalité de notre travail, dont l’unique statisticien de l’Académie des sciences.

En moins de trois semaines, différentes agences chargées de l’évaluation de ces substances ont nommé des sous-comités qui viennent de discréditer notre recherche. Ainsi peuvent-ils ne pas interdire l’OGM et le pesticide en question…

Néanmoins, il y a un premier pas : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) appellent à tester dorénavant à long terme ces substances. Ce que quelques autres et moi-même n’avons cessé de réclamer depuis quinze ans. Les citoyens savent désormais que la science « digne » et « bonne », les autorités garantes de leur santé, n’ont jusqu’à présent pas cru bon de devoir l’exiger.

En 2003, ces mêmes comités ont accepté la mise sur le marché par Monsanto dudit maïs NK603 à partir de tests réalisés sur une durée huit fois inférieure à celle de notre étude, sur la même souche de rats (le Sprague Dawley, qui est le mammifère utilisé dans les expériences de ce type) et des groupes d’animaux analysés n’excédant pas dix individus (comme dans notre étude). Que le nombre de paramètres biologiques et d’organes analysés ait été très largement inférieur aux nôtres ne les a nullement empêchés de donner leur feu vert (je siégeais à l’époque à la commission du génie biomoléculaire). C’est du Dr Jekyll et Mr Hyde !

Ces agences reprochent à notre étude une faiblesse statistique, elles qui n’ont jamais exigé des industriels le dixième de ce qu’elles nous intiment de fournir aujourd’hui, elles qui ont même accepté, sans sourciller, des tests sanitaires de quatre-vingt-dix jours ou moins, menés sur des groupes de quatre ou cinq rats, par exemple pour la mise sur le marché de la pomme de terre Amflora (EFSA, 2006) !

Elles ont même parfois donné leur accord sans qu’il y ait eu tests sur des animaux. Elles nous réclament des détails encyclopédiques sans lesquels il leur « serait impossible de conclure à la validité de nos résultats », mais n’ont jamais exigé des industriels la simple transmission publique des analyses de sang dont elles ont pourtant confirmé qu’elles ne révélaient rien. Ce sont elles qui ont entretenu l’omerta des industriels sur les données sanitaires de leurs tests. « Secret industriel oblige », rétorquent-elles.

Surtout lorsqu’on est juge et partie et qu’aucune loi n’empêche les scientifiques ayant des conflits d’intérêt de siéger dans des commissions d’intérêt national ou international… Mais qui s’offusque de ces collusions, de cette absence de transparence préjudiciable à la santé publique, donc aux citoyens ?

La science « digne » et « bonne » ne s’arrête pas en si tordu chemin : l’ensemble des six académies scientifiques – ou plus exactement, d’après témoins, deux personnes par académie et pas en séance plénière… – a rendu un avis sur notre étude. Tout y prête à commentaire, aussi m’arrêterai-je seulement sur trois points.

1. « Il serait particulièrement dangereux d’évoquer une nécessité éventuelle d’expériences à long terme à l’occasion de cet article… ».

On croit cauchemarder en boucle. Ces académiciens qui, en leur temps, ont minimisé les dangers de l’amiante, etc., ne sont même pas capables de préconiser le minimum du minimum, des tests obligatoires de trois petits mois pour la mise sur le marché d’un OGM ; ni d’imposer qu’un pesticide soit testé dans sa formulation commerciale, tel que l’agriculteur ou le jardinier l’utilise (ce que nous avons fait dans notre étude).

Car l’industriel n’a l’obligation de tester à long terme que la molécule active (le glyphosate dans le cas du Roundup). Des adjuvants sont intégrés pour potentialiser l’effet d’un produit chimique ou d’un vaccin, mais cette synergie n’a aucune conséquence sur les organismes vivants… C’est bien connu puisque ce n’est pas testé.

2. Contrairement à ce qu’ils me reprochent, je n’ai pas employé indifféremment les mots « tumeur » et « cancer«  dans notre étude : le Roundup s’avère un perturbateur endocrinien, et nous avons constaté qu’il provoquait plus de cancers chez les femelles que chez les mâles.

3. « La mobilisation médiatique savamment orchestrée autour de travaux sans conclusion solide pose un problème éthique majeur. » Vraiment ?

Mais minimiser les effets sanitaires, fermer les yeux sur les lacunes du système d’évaluation et les conflits d’intérêts, soutenir l’omerta industrielle, est-ce éthique et responsable ? Enfin, qui peut penser que nous avons organisé la médiatisation de nos résultats simultanément en Russie et en Inde, pays qui ont pris immédiatement des mesures sur les OGM agricoles, en Chine, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, au Canada, en Afrique, et j’en passe ?

Des personnes « expertes » sont allées jusqu’à demander, avec une violence exceptionnelle dans notre milieu, à l’éditeur de Food and Chemical Toxicology de retirer notre publication. Certains comprendront pourquoi nous avons choisi de ne pas avertir à l’avance les autorités sanitaires du pays : si nous l’avions fait, c’est l’étude elle-même qui n’aurait pu être conduite jusqu’à son terme. Et il importe plus que jamais que notre étude soit examinée et prolongée, mais par des scientifiques indépendants.

On lit ici ou là que des millions d’animaux et d’Américains mangent des OGM tous les jours depuis des années, sans conséquence aucune : comment proférer une telle contre-vérité ? Outre-Atlantique, les filières ne sont pas séparées, les OGM pas étiquetés, aucune épidémiologie n’est donc possible.

La transparence des données sanitaires, les études de long terme et l’expertise contradictoire sont des nécessités absolues. Nous pouvons contribuer à les mettre en place. L’explosion des maladies chroniques depuis une soixantaine d’années devrait inciter nos responsables politiques à prendre en compte les alertes en matière de santé et d’environnement, et à ne pas cautionner la réfutation précipitée, la mise au pilori organisée.

C’est de conscience et de solidarité que notre société a besoin ; en un mot, de sagesse. Les scientifiques ont le droit de se tromper. Mais ils ont le devoir d’éviter ce qui peut être évitable : la plupart des grands scandales de santé publique le sont. La science que je pratique n’est pas faite pour nourrir l’ogre insatiable de la finance mais pour protéger les êtres humains d’aujourd’hui et de demain.

Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, Criigen

Vu dans le Monde, 26 octobre 2012

Les évangiles c’est du bidon – brochure de Peilharot – CNT-AIT (1996)

Le lien vers la brochure ici :

http://anarchives.free.fr/evangiles_bidon.pdf

Pour en faciliter la lecture, nous avons remis en forme le texte.

Pavillon Noir

***

LES EVANGILES C’EST DU BIDON

PEILHAROT

Je remercie toutes les personnes qui ont pris la peine de m’écrire à la suite de la première édition de cette brochure. Elles m’ont permis de remanier quelque peu le texte et, je l’espère, d’éclaircir les zones d’ombre qu’il pouvait contenir.

Février 96 Peilharot

Les chiffres en italique renvoient aux évangiles, le premier chiffre au chapitre, le deuxième au verset. Chacun est ainsi en mesure de vérifier la véracité des citations.

I – QUE SONT LES EVANGILES ?

Les quatre évangiles, selon Matthieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean, figurent parmi les documents fondamentaux du christianisme. Certaines sectes les considèrent même comme les seuls livres saints. Pour l’église catholique romaine, ils sont un des principaux piliers de la foi. Que racontent, en gros, ces évangiles ?

Pour comprendre, il faut d’abord avoir recours à l’ancien testament. Celui-ci nous indique, qu’Adam et Ève, nos ancêtres mythiques vivaient au paradis. Pour avoir croqué le fruit défendu (ce que les théologiens appellent le « péché originel »), Ève et son concubin en furent chassés et condamnés (ainsi que leur descendance, c’est-à-dire nous) au travail, aux maladies, à la souffrance et à l’enfer après la mort.

Dieu en avait décidé ainsi.

Cependant, quelques temps après, ce même Dieu décida de permettre aux hommes de se sauver. C’est pourquoi il envoya sur terre son propre fils (Jésus) (1) pour qu’il y souffre le martyre et y périsse d’une mort effroyable, ce qui rachèterait le péché originel.

Les évangiles racontent la dernière étape de cette histoire :

il y a deux mille ans, le Saint-Esprit aurait discrètement fécondé la Vierge Marie à l’insu de son conjoint, le charpentier Joseph. Jésus serait né de cette fécondation. Pendant plusieurs années, il aurait vécu sous une forme humaine. Puis il aurait été crucifié et serait ressuscité trois jours après. Enfin, quarante jours après sa résurrection, il serait monté au ciel pour s’asseoir à la droite de Dieu. C’est l’épisode de l »‘ascension ».

Cette histoire, qui après tout n’est pas plus incroyable que la légende du Serpent à plumes ou celle de Zeus se transformant en cygne pour séduire Léda constitue la trame (avec des variantes) de toutes les religions chrétiennes. Les différentes églises s’attachent à « expliquer » le sens de cette légende. Les explications, bien entendu, varient selon les sectes et les époques : certaines prennent le texte au pied de la lettre, d’autres n’y voient qu’un récit poétique et symbolique.

Mais aucune n’apporte des réponses claires aux questions que l’on peut se poser :

. pourquoi, après le passage de Jésus, censé racheter les péchés du monde et effacer les conséquences du péché originel, tout a continué exactement comme avant pour l’ensemble de l’humanité (souffrances, maladies, travail…) ?

. pourquoi Dieu -qui sait tout- laisse l’humanité commettre son péché, l’expulse violemment du paradis puis change d’avis, et veut absolument la racheter ?

. pourquoi invente-t-il un moyen aussi compliqué et aussi incompréhensible ? Après tout, c’est lui qui décide : il pouvait réinstaller l’humanité dans le paradis aussi simplement qu’il l’en avait chassée !

Bref, les explications se font attendre.

Mais d’après l’église, ce n’est pas une raison pour ne pas croire les évangiles. Il faut rappeler sur ce point que les évangiles font partie du « Nouveau Testament ». La Bible est formée de l’Ancien testament et du Nouveau. Pour les catholiques, « l’unique Dieu est l’auteur de l’un et de l’autre » selon la formule du Concile de Trente (2) qui a fixé définitivement une doctrine remontant aux premiers siècles de l’Église. Dieu est donc le seul, le véritable auteur des évangiles. Matthieu, Marc, Luc et Jean n’ont fait que tenir la plume pour transcrire sur du papier la Divine Inspiration. C’est pourquoi le Concile précise que celui qui conteste cette vérité canonique « est anathème ». Dans le passé, des hommes et des femmes ont été torturés et brûlés vifs en place publique pour beaucoup moins que ça ! Pour les protestants, et en particulier pour Luther, l’origine spécifiquement divine des évangiles ne fait pas le moindre doute non plus.

Or, une simple lecture montre que les évangiles sont bourrés de contradictions entre eux : Dieu, qui est déjà triple, raconte une histoire en quadruple version ! (3)

Au nom de quel aveuglement faudrait-il y croire ?

II – CONTRADICTIONS DES EVANGILES

A) SALE HISTOIRE DE FAMILLE

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la généalogie de Jésus est variable selon les évangiles.

Il est fils du charpentier Joseph. Jusque là, tout va bien. Mais Matthieu (1, 16) affirme que le père de Joseph est un certain Jacob. Mensonge que tout cela, affirme Luc (3, 23) , le père de Joseph n’est pas Jacob mais Héli. Et, plus on remonte dans la famille, plus ça varie : Selon Matthieu, les aïeux de Joseph sont : Matthan, Eléazar, Eliud (ou Elioud), Achim, Sadoc, Azor…

Par contre, pour Luc, il s’agit de : Matthat (simple variation orthographique ?), Levi, Melchi, Jarinaï.. Les noms des ancêtres ne sont pas les mêmes d’un évangile à l’autre, et quand ils le sont, ils ne sont pas dans le même ordre.

Jugez-en :

EVANGILE SELON SAINT MATTHIEU

CHAPITRE PREMIER

« 1. Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham, 2 Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères ; 3 Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar, Pharès engendra Esrom ; Esrom engendra Aram ; 4 Aram engendra Aminadab ; Aminadab engendra Naasson ; Naasson engendra Salmon ; 5 Salmon engendra Booz, de Rahab; Booz engendra Iobed, de Ruth ; Iobed engendra Jessé ; 6 Jessé engendra le roi David. David engendra Salomon, de la femme d’Urie ; 7 Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abia ; Abia engendra Asa ; 8 Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Ozias ; 9 Ozias engendra Joatham ; Joatham engendra Achaz ; Achaz engendra Ezéchias ; 10 Ezéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Amon ; Amon engendra Josias ; 11 Josias engendra Jéchonias et ses frères au temps de la déportation de Babylone. 12 Après la déportation de Babylone, Jéchonias engendra Salathiel ; Salathiel engendra Zorobabel ;13 Zorobabel engendra Abioud ; Abioud engendra Eliakim ; Eliakim engendra Azor ; 14 Azor engendra Sadoc ; Sadoc engendra Achim ; Achim engendra Elioud ;15 Elioud engendra Eléazar ; Eléazar engendra Matthan ; Matthan engendra Jacob ; 16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, qu’on appelle Christ. 17 II y a donc en tout d’Abraham à David, quatorze générations ; de David à la déportation de Babylone, quatorze générations ; de la déportation de Babylone au Christ, quatorze générations. »

EVANGILE SELON SAINT LUC

CHAPITRE TROIS

« 23. Et jésus, lors de ses débuts, avait environ trente ans, et il était, croyait-on, fils de Joseph, fils d’Héli, 24 fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Melchi, fils de Jannai, fils de Joseph, 25 fils de Mattathias, fils d’Amos, fils de Naoum, fils d’Esli, fils de Naggaï, 26 fils de Maath, fils de Mattathias, fils de Sémeïn, fils de Josech, fils de Joda, 27 fils de Jonam, fils de Résa, fils de Zorobabel, fils de Salathiel, fils de Néri, 28 fils de Melchi, fils d’Addi, fils de Kosam, fils d’Elmadam, fils d’Er, 29 fils de Jésus, fils d’Eliézer, fils de Jorim, fils de Maththat, fils de Lévi, 30 fils de Syméon, fils de Juda, fils de Joseph, fils de Jonam, fils d’Eliakim, 31 fils de Méléa, fils de Menna, fils de Matthata, fils de Nathan, fils de David, 32 fils de Jessé, fils de Jobed, fils de Booz, fils de Sala, fils de Naasson, 33 fils d’Aminadab, fils d’Admin, fils d’Arni, fils de Hesron, fils de Pharès, fils de Juda, 34 fils de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham, fils de Thara, fils de Nachor, 35 fils de Sérouch, fils de Ragau, fils de Phalec, fils d’Eher, fils de Sala, 36 fils de Kaïnam, fils d’Arphaxad, fils de Sem, fils de Noé, fils de Lamech, 37 fils de Mathousala, fils de Hénoch, fils de Laret, fils de Maleléel, fils de Kaïnam, fils d’Enos, fils de Seth, fils d’Adam, fils de Dieu »

D’Abraham (que l’on retrouve dans les deux évangiles cités) à Jésus, Matthieu compte 42 générations, tandis que Luc en trouve 56. Sacrée différence. Et comment l’expliquer, si l’on se souvient que les évangiles seraient « dictés » par une seule et même personne : Dieu !

Dieu, qui ne connaît donc pas la généalogie humaine de son propre fils.

B) UN JESUS VOYAGEUR

Où Jésus a-t-il vécu son enfance ? Ce n’est pas dans les évangiles que l’on trouvera la réponse à une question aussi simple ! En effet, les versions sont contradictoires : Pour Matthieu (2) Jésus a passé sa petite enfance réfugié en Égypte où ses parents avaient fui à cause d’une persécution programmée par le roi Hérode : peu de temps après que les mages aient visité le nouveau-né (2, 11 ) , un ange aurait dit à Joseph de se réfugier immédiatement en Égypte avec l’enfant, ce qu’il fit jusqu’à la mort du roi (2, 14) .

Pour Luc, il n’est pas du tout question de fuite en Égypte. Au contraire il nous assure que Jésus a calmement passé sa petite enfance en Galilée, à Nazareth (2, 39-40) où il grandit en force et en sagesse. Luc ajoute une petite anecdote pour nous convaincre de la réalité de son propos : à l’âge de 12 ans Jésus profita d’un voyage de ses parents à Jérusalem pour faire une petite fugue de trois jours (2, 41 à 46) . Ses parents le retrouvèrent dans le Temple stupéfiant par l’intelligence de ses propos les religieux qui l’écoutaient (2, 46-47) .

C) TREIZE A LA DOUZAINE

Jésus a eu douze disciples : les apôtres. Pour onze disciples, les versions concordent, à quelques variantes près (ordre différent, variation dans un surnom…) Mais, pour un des apôtres, Dieu n’est pas d’accord avec lui-même. En effet, Matthieu (10, 3) affirme qu’il s’agit d’un certain Thaddée, alors que pour Luc (6, 16) le douzième apôtre est un certain « Judas fils de Jacques ». Dieu est donc incapable de se rappeler quels sont les noms de ses apôtres. Ils n’étaient pourtant que douze, et c’est lui qui les a choisis ! Et il est censé juger un jour « les vivants et les morts », soit des milliards de personnes : ça promet !

TABLEAU COMPARATIF DES DOUZE APOTRES

EVANGILE DE MATTHIEU (10)

2 Voici le noms des douze apôtres : en tête SIMoN dit PIERRE, et ANDRE son frère ; JACQUES fils de Zébédée et JEAN son frère ; 3 PHILIPPE et BARTHERLEMY ; THOMAS et MATTHIEU le publicain ; JACQUES fils d’Alphée et THADDEE ; 4 SIMON l’Ardent et JUDAS l’Iscariote, celui-là même qui le livra

EVANGILE DE LUC (6)

13… il appela ses disciples et en choisit douze, auxquels il donna le nom d’apôtres : 14 SIMON qu’il surnomma PIERRE, ANDRE son frère, JACQUES, JEAN, PHILIPPE, BARTHELEMY, 15 MATTHIEU, THOMAS, JACQUES fils d’Alphée, SIMON surnommé le Zélé 16 JUDAS fils de Jacques et JUDAS l’Iscarioth, qui devint un traître

D) QUI A BAPTISÉ JESUS ?

Les croyants ne le sauront jamais. D’un point de vue théologique, c’est pourtant une question d’importance. Marc (1, 9) et Matthieu (3, 13-16) nous donnent tous les détails : Jésus a été baptisé par Jean.

Pas du tout répond très sûr de lui Luc qui, au verset 3, 20 nous informe qu’Hérode « fit enfermer Jean en prison » avant de rapporter dans le verset suivant (3, 21) le baptême de Jésus (4). Si Jean était en prison lorsque Jésus fut baptisé, ce n’est pas lui qui a pu le faire !

E) ENTRÉE CONFUSE DANS JERUSALEM

Après avoir prêché en province, Jésus est entré dans Jérusalem monté sur un ânon (12, 14) d’après Jean, sur deux ânes (plus précisément une ânesse et un ânon), d’après Matthieu (21,7), ce qui n’a pas dû être tout de même très facile…

Cela se serait passé quatre jours avant Pâques (d’après Matthieu) ou cinq jours avant (d’après Jean).

Jésus venait de Béthanie selon Jean, de Bethphagé selon Matthieu….

Reprenons ce divin embrouillamini :

Pour Matthieu, Jésus, qui vient de Bethphagé (près du mont des Oliviers) rentre dans Jérusalem un beau jour (21, 10). Il en sort le soir même pour aller dormir à Béthanie (21, 17). Le lendemain, il revient à Jérusalem (21, 18), fait de nombreuses paraboles et, après « tous ces discours » il rappelle à ses apôtres que Pâques arrive dans deux jours (26, 2). Il s’est donc écoulé quatre jours de l’entrée dans Jérusalem à Pâques et la nuit passée à Béthanie a eu lieu trois jours avant.

Pour Jean, Jésus dîne à Béthanie six jours avant Pâques (12, 1) . C’est le lendemain qu’on l’accueille triomphalement à Jérusalem (12, 12), soit cinq jours avant Pâques. Il n’est pas question de Bethphagé.

En fin de compte, on ne sait toujours pas comment Jésus est arrivé (sur un ou deux ânes ?), par où il est passé (par Bethphagé ou Béthanie ?) ni quand cela est arrivé (quatre ou cinq jours avant Pâques ?).

Toujours cette divine précision….

F) LES LARRONS : VOYOUS OU CROYANTS ?

Jésus aurait été crucifié entre deux malfaiteurs.

D’après Matthieu (27, 44) , les deux larrons ont passé leurs derniers moments à insulter Jésus.

D’après Luc (23, 39-42) un des deux, non seulement n’insultait pas Jésus, mais se mit au contraire à le prier.

Dieu, qui entend tout, ne fait donc pas la différence entre des injures et des prières.

Croyants, vaut-il bien la peine que vous alliez à la messe ?

G) LE RETOUR DE JESUS

Après sa mort, Jésus serait ressuscité. Mais les témoignages des évangélistes se contredisent allègrement :

Pour Jean (20, 14 et suivants), Jésus serait apparu d’abord à Marie de Magdala, puis aux Douze qui auraient tous été présents, sauf Thomas (20, 24).

Pour Matthieu (28, 1-9), Jésus est apparu d’abord à Marie de Magdala et à une « autre Marie » avant d’apparaître à onze disciples (28, 16,17). Comme Judas Iscariote s’était suicidé dans le chapitre précédent ( 27, 5), Thomas était inévitablement présent.

Pour Marc (16, 9-14), Jésus serait apparu d’abord à Marie de Magdala puis à deux « compagnons » (apôtres ?) puis « aux Onze (apôtres) eux-mêmes ».

Enfin, pour Luc (24, 13-36) , Jésus serait apparu à deux inconnus (dont un certain Cléophas) et ensuite aux onze apôtres restants (24, 33-36) .

Comme il n’est pas question de suicide dans ces deux dernières versions, on ne sait pas si l’apôtre manquant est Thomas ou Judas.

La résurrection est l’une des légendes les plus importantes du christianisme. Les « témoignages » officiels sur lesquels elle repose sont tellement contradictoires et confus qu’on ne peut leur accorder aucune valeur.

G) JESUS : SUPER STAR OU INCONNU ?

Les évangiles se contredisent entre eux. Mais un même évangile peut se contredire d’une page à l’autre. L’arrestation de Jésus, rapportée dans l’évangile dit de Matthieu, le montre clairement.

Matthieu raconte en effet la trahison de Judas : celui-ci devait donner un baiser à Jésus pour le désigner et permettre ainsi son arrestation. Il avait perçu pour cela de l’argent. S’il était besoin de désigner Jésus, c’est que personne, ou peu de monde, le connaissait.

Or, quelques pages avant, Matthieu raconte que Jésus avait parcouru toute la Palestine en prêchant et en faisant miracle sur miracle. Il était suivi de foules qui buvaient ses paroles. Il était rentré triomphant dans Jérusalem, ville étroitement surveillée par les romains, tandis que la foule se pressait autour de lui en criant « Hosanna », en jonchant sa route de branches et de vêtements (en signe de bienvenue) puis il avait prêché publiquement dans le temple. Autrement dit, il était connu comme le loup blanc.

Si tout le monde (et bien entendu les romains qui ne pouvaient pas ne pas avoir constaté ces déplacements de foule) connaissait Jésus, quel besoin était-il de le faire désigner publiquement par un traître ? Les romains, dans toute leur longue histoire, se sont-ils jamais autant compliqué l’existence pour arrêter un agitateur ? Non.

H) UN TRONE DE GLOIRE POUR LE TRAITRE

La logique et la cohérence ne sont décidément pas le fort des évangiles. Regardons le sort réservé à Judas l’Iscariote. Judas est l’un des douze apôtres. Jésus lui a promis -comme aux onze autres- une situation privilégiée au paradis: « En vérité, je vous dis que vous qui m’avez suivi… vous siégerez vous aussi sur douze trônes, … » (Matthieu 19, 28 ). Puis, Judas trahit Jésus (26, 14 ). Rongé de remords, il se suicide par pendaison (27, 5 ).

Dieu a-t-il tenu sa promesse : Judas occupe-t-il un des douze trônes du paradis ? Les évangiles (et l’Église) sont totalement muets là dessus, et on comprends leur gêne : si le traître n’occupe pas un trône, Jésus a menti. S’il l’occupe, tout est permis !

I) LA MOUTARDE MONTE AU NEZ

Il y a dans les évangiles de nombreuses erreurs historiques, géographiques, et même… botaniques. On n’en donnera ici qu’un exemple:

On lit dans Luc (13, 19) par exemple: « A quoi le royaume de Dieu est-il semblable, et à quoi le comparerai-je ? Il est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et jeté dans son jardin ; il pousse, devient un arbre, et les oiseaux du ciel habitent dans ses branches ».

Or, le sénevé n’est pas un arbre, comme l’évangile le croit mais …une herbe, appelée communément « moutarde noire » ; une herbe qui n’a ni tronc ni branche. !

Les contradictions, les erreurs abondent dans les évangiles.

Il est hors de question, dans ces quelques pages, de vouloir les résumer toutes.

Les quelques exemples donnés ci-dessus le prouvent : les évangiles n’ont pas été écrits par un « dieu » mais bien par des hommes, des mystiques plutôt ignorants.

III – HISTOIRE DES EVANGILES

Il est en effet possible de considérer les évangiles comme un recueil de légendes, genre littéraire particulièrement abondant dans l’histoire de l’humanité (5).

Comme souvent dans ce genre, le « naturel » (cadre géographique plus ou moins précis, situation historique, maladies…) est mêlé au surnaturel qui se manifeste essentiellement par des miracles (guérisons, résurrection…).

Les évènements rapportés n’ont aucune vraisemblance et de nombreux historiens doutent de l’existence de Jésus. En effet, en dehors des évangiles, dont nous avons vu que le contenu n’avait aucune fiabilité documentaire, il existe de nombreux textes de personnages ayant vécu dans le premier siècle de notre ère.

On peut citer par exemple le philosophe Sénèque, les historiens Tacite, Suétone, Plutarque, les poètes Juvénal, Martial, Perse, Lucain… Un certain nombre de ces intellectuels étaient Hébreux ou ont vécu sur les lieux supposés des faits : le philosophe Philon d’Alexandrie, les historiens Juste de Tibériade et Flavius Josèphe par exemple. Tous ces écrivains ont laissé des pages et des pages de texte qui nous instruisent sur les habitudes de l’époque et qui donnent une foule de détails sur les évènements et les gens.

Que disent de Jésus ces témoins ?

Rien.

Rien, car les deux minuscules passages (6) sur lesquels l’église tente maladroitement de s’appuyer sont des faux ; ce sont des paragraphes introduits par des copistes catholiques lors du recopiage des texte originaux (7) !

On était en droit d’attendre beaucoup plus si Jésus avait existé !

Faute de journaux télévisés à l’époque, Dieu, venant, sur terre sous une de ses trois formes pour racheter l’humanité, aurait pu se débrouiller pour qu’au moins les rédacteurs de l’époque se rendent compte de quelque chose !

I1 n’en est rien, et malgré deux mille ans de recherche catholique, il n’existe toujours pas un seul indice irréfutable de l’historicité de Jésus. Toutes les « preuves matérielles » avancées par l’église se sont révélées être des faux. Par exemple, récemment, le Vatican a du reconnaître publiquement que le fameux suaire de Turin, longtemps et officiellement vénéré comme une relique du Christ, lui était postérieur de quelques siècles. Il est vrai que les scientifiques qui avaient analysé ce suaire ont rendu un verdict sans appel.

Quant à l’histoire des évangiles, il est utile d’apporter quelques précisions. De nombreux historiens considèrent qu’il a existé plusieurs dizaines de versions de l’évangile, toutes très différentes les unes des autres, ce qui, à partir d’un certain moment a constitué une gêne considérable pour l’expansion de la nouvelle religion. Plusieurs tentatives d’unification furent faîtes. Par exemple, vers 170, un chrétien de Syrie, Tatien, rédigea„ à partir de plusieurs évangiles en circulation, une synthèse, « l’Harmonie ».

Finalement, il fallut un concile, tenu à Laodicée en 364, pour fixer les choses. A partir de 364, l’église considéra comme canoniques (c’est-à dire véritables) les évangiles dits de Matthieu, de Mare, de Luc et de Jean ; tous les autres furent déclarés apocryphes, c’est-à-dire hérétiques, faux. Il est à noter, qu’à cette époque, chacun des quatre évangiles retenus par le concile de Laodicée était le livre saint d’une secte importante. Choisir les quatre permettait de créer une véritable église (8), de lui donner la force du nombre. Cependant il n’était déjà plus possible, sous peine de crise, d’unifier les quatre textes dans un seul, d’où les incohérences que chacun peut observer actuellement avec un peu d’esprit critique.

Quant aux petites communautés qui révéraient les autres évangiles, elles ne furent pas assez puissantes pour imposer leur point de vue et furent progressivement détruites ou absorbées.

Mais ceci est une autre histoire.

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

A ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur le sujet, je propose quelques pistes de lecture :

I. KRYVELEV : « DU SENS DES EVANGILES », aux éditions de Moscou (!) Très clair dans sa première partie, bon argumentaire. Difficile à trouver par les temps qui courent.

Bertrand RUSSEL : « POURQUOI JE NE SUIS PAS CHRETIEN » , « SCIENCE ET RELIGION ». Un prix Nobel fait le point. En collections de poche.

« DICTIONNAIRE RATIONALISTE », aux Nouvelles Éditions Rationalistes, 14 rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris. Une véritable mine de renseignements critiques sur tous les aspects du christianisme et de nombreux autres sujets. Excellent rapport qualité/prix.

Prosper ALFARIC : « A L’ECOLE DE LA RAISON, ETUDES DES ORIGINES CHRETIENNES », aux Nouvelles Éditions Rationalistes également. Prêtre, professeur de théologie, Pr. Alfaric devint, à force d’étudier les textes « sacrés », un athée convaincu et convainquant.

Raoul VANEIGEM : « LA RESISTANCE AU CHRISTIANISME », chez Fayard. Philosophe subtil, Vaneigem décortique les hérésies des origines du christianisme jusqu’au XVIIIème siècle. Très riche.

NOTES

(1) Dans la mythologie catholique, Jésus est à la fois fils de Dieu et partie intégrante de Dieu. En effet, Dieu est en même temps un et trois (le père, le fils, le saint-esprit). Dieu -qui est complet dès l’origine-, sous sa forme père, ordonne à Dieu sous sa forme saint-esprit, de féconder une « vierge » pour produire Dieu sous sa forme fils. Mais, du début à la fin, il n’y a qu’un seul Dieu. Ceux qui ont compris peuvent s’adresser à : Monsieur Pape, cité du Vatican, Italie. Ils ont certainement gagné quelque chose.

(2) Pour nos amis latinistes, voici l’extrait en question du décret du Concile : « …Orthodoxorunr Patrum exerrrpla secuta, omues libros tam Veteris quam Novi Testarnenti, cum utriusque unus Deus sit auctor, necraon traditinnes ipsas… pari pietatis ajfectu ac reverervcia suscipit et veneratur… »

(3) Pour « démonter » les philosophes de l’antiquité, un des grands penseurs de l’Église, Saint Justin, appliquait à leurs textes le principe suivant, qui me semble très correct : la vérité ne se contredit pas elle-même. S’il trouvait une contradiction dans les textes des philosophes qu’il étudiait, Saint Justin lesdéclarait faux et les rejetait. Le saint homme aurait mieux fait d’appliquerson principe aux évangiles, cela aurait peut être fait gagner du temps à tout le monde…

(4) Pour tourner la difficulté, certaine éditions intercalent entre les versets 20 et 21 du chapitre 3 un inter-titre, qui voudrait indiquer un changement de sujet. En fait, on est bien dans le chapitre 3 et dans des versets qui se suivent.

(5) Presque toutes les religions ont un livre saint, qui est en réalité un recueil de légendes.

(6) Ces deux passages -à peine quelques lignes et des plus obscures- ont été « glissés » l’un dans les oeuvres de Flavius Josèphe, l’autre dans les « Annales » de Tacite.

(7) Les techniques historiques (recoupages de textes) permettent même de dater avec assez de précision la date à laquelle le faux paragraphe a été glissé dans l’oeuvre de Flavius. II s’agit des alentours de l’an 320.

(8) II n’y a pas de différence de fond entre une secte et une église. Comme le disait un humoriste, « Une église est une secte qui a réussi »