Archives de catégorie : Éducation populaire

[Notre histoire] Sur la scène alternative de Poitiers : 1984-1994 (interview de Luc Bonet)

Sur la scène alternative de Poitiers : 1984-1994

Le militantisme comme moyen de promotion de la musique et des valeurs alternatives.

La fin des années 1980 et le début des années 1990 furent marquées par l’émergence de plusieurs formations musicales poitevines influentes à l’échelle locale voire nationale, à l’instar de Seven Hate ou de Un Dolor. La capitale régionale vit également la naissance de labels musicaux comme « Weird Records » ou « On a faim ! »
Rencontre « live » avec Luc Bonet [1], anarcho-syndicaliste, ex-animateur de « On a faim ! »

D’où vient le label « On a faim ! » ? Luc Bonet : Alors le label On a faim ! c’est la fin des années 80, et il vient du fanzine On a faim !, qui était donc assez connu dans le milieu rock alternatif, et puis dans le milieu anar. Moi j’étais militant anarchiste, j’étais en relation avec Jean-Pierre Levaray, qui était donc l’animateur principal du fanzine et l’idée à cette période là, c’est « tout partait un peu en sucette, donc compliqué, donc l’idée générale, c’était de dire, à la limite comme une maison d’édition, « pourquoi on ne ferait pas un label ? » Pour préserver un certain nombre de choses qui nous semblaient importantes dans le rock alternatif, et puis il y avait une opportunité à Poitiers, c’est qu’on avait des sous, et donc j’ai contacté Jean-Pierre pour lui proposer de faire un label. Il y avait une activité régulière du fanzine, des articles sur la production de la scène mais aussi des cassettes et des disques. Je crois que la compilation « Cette machine sert à tuer tous les fascistes » était déjà sortie. Et puis il y avait des groupes qui étaient un peu soutenus par le fanzine donc il y avait un vivier. L’idée c’était de faire quelque chose de très modeste mais continuer à faire des compilations de manière un peu régulière. La compilation sur des sujets politiques avaient deux aspects intéressants : c’était que d’un coté on parlait politique, donc d’un certain milieu, et d’autre part, une compilation ça voulait dire qu’on contactait les groupes et donc qu’on mouillait un peu les groupes dans une démarche politique. Et puis ensuite, il y a des groupes qui font des choses intéressantes, qui ne trouvent pas… donc encore une fois, c’était une période de crise, donc pourquoi on ne les produirait pas ?

Et donc justement, au niveau des groupes, comment se faisait la sélection ? LB : Alors la sélection, c’était en fait par des cassettes. De fait, le fanzine recevait donc des cassettes de groupes. Il faut rappeler que dans cette période, il faut se remettre on va dire fin des années 1980, le CD émerge à peine et c’est un problème commercial. Et donc ce qui marchait très bien, on est avant internet, c’est la distribution de cassettes et voilà. Donc voilà, le fanzine recevait des choses intéressantes dedans, le fanzine en parlait et donc nous on avait des groupes pour les compilations On a faim !. Donc nous, quand on a commencé, alors je vais employer le « je », parce que c’est quand même essentiellement moi au début du label, ce qui m’a paru important c’est que le label soit déconnecté du fanzine. C’est à dire qu’on avait le même titre, mais chaque structure était autonome. Donc la sélection c’était ce que j’aimais (rire), donc très subjectif quoi. Donc évidemment c’était la qualité musicale et puis la qualité des textes quoi.

Pour partir complètement ailleurs, est-ce qu’il y avait à Poitiers des rapports entre le structures dites « alternatives » ? LB : Non, enfin, nous on ne faisait pas partie du milieu on va dire musical poitevin. Moi je n’y connais rien en musique. Voilà, je ne suis pas musicien, j’ai une oreille disons mais je suis militant politique avant tout. J’allais au Confort Moderne, il y avait la boutique de disques, les concerts et un milieu o les gens se lookaient différemment, etc. Mais non, on ne peut pas parler de liens ayant donné lieu des projets etc. C’était vraiment une démarche complètement autonome, à coté.

Peut parler, selon toi, d’un mouvement vraiment politique pour le rock alternatif, à l’échelle nationale et à Poitiers ? LB : Oui, alors c’est un peu, enfin, oui complètement politique, on va dire que les groupes qui étaient écoutés à ce moment là avaient tous une démarche politique. Mais enfin il y a deux aspects, il y a le message politique, on va dire plus ou moins clair avec, bon on peut le critiquer, ce n’est pas forcément terrible, mais après il y avait une forme de démarche qui, elle, est politique. Il y avait une démarche qu était vers quelque chose qui se déroule en dehors du système, pas forcément contre le système, mai toujours en dehors. Et donc ça, moi, comme militant libertaire, c’est ce qui m’intéresse. Pas que le gens soient tous anars, mais qu’ils construisent des choses sur leurs propres capacités. Et ça c’était quand même l’aspect global qui était quand même intéressant là-dedans. Et à chaque fois qu’il y a e des ruptures, avec le phénomène des Garçons Bouchers, ou Mano Negra, ou d’autres, la rupture, elle se faisait là-dessus. C’est à dire des groupes qui allaient spontanément vers le business, et puis les groupes qui restaient sur une volonté de construire quelque chose d’autre. Donc ça, c’était vraiment le point important.

Le mouvement alternatif est souvent lié au mouvement squat. Est-ce que c’était le cas à Poitiers ? LB : Non je n’ai pas connaissance de squats à cette période-là.

Quelles difficultés ont pu se poser à la création et au développement du label ? LB : Les difficultés, c’est d’abord que moi, je n’y connaissais rien (rires). C’est quand même asse gonflé de faire venir un groupe du Jura comme Désert Culturel, leur proposer un studio, etc. e d’ailleurs le studio et le producteur n’étaient pas adapté au son qu’ils voulaient…. En fait si on sortait d circuit simplement cassettes, donc distribué par le fanzine, il fallait une distribution à l’extérieur, don « qui contacter pour la distribution ? » En fait, voilà c’étaient des questions comme ça, donc j’ai eu de contacts avec New Rose et donc New Rose a été notre distributeur. Démarche super volontariste basée sur rien. Après les difficultés en fait, c’étaient finalement, les mêmes que pour d’autre structures. C’est-à-dire à quel moment on faisait la part entre démarche militante et puis un démarche finalement où les groupes voulaient quand même être reconnus. Par exemple pour le discussions avec New Rose, ils s’en foutaient un petit peu de ce qu’on voulait être, par contre ils n voulaient pas passer à côté d’une opportunité. Donc il y avait un travail qui était pas très sérieux a niveau de la distribution, mais ils le faisaient parce que…voilà. C’était vraiment une période charnière « qu’est ce qui allait se passer ? » etc. Je me rappelle d’une discussion avec les mecs de New Rose. Ils se posaient la question « est-ce que le rap allait bouffer le rock ? », ils naviguaient à vue.

Est-ce qu’à Poitiers, comme au niveau national, on peut parler d’un réseau qui se serait tissé ? LB : Oui alors, enfin à Poitiers encore une fois, moi j’étais un peu en dehors. Le réseau c’était certaines salles, et certains libraires, libraires et disquaires indépendants, c’étaient les radios hein, c qu’on appelait les radios libres, avec la création de Radio Béton à Tours. Mais c’est vrai qu’à Poitiers moi, les rapports que j’avais, c’était vraiment d’aller voir des choses de moi-même au Confort Moderne. Le Confort Moderne était quand même important parce que tu te retrouvais dans une ville moyenne, assez peu active enfin voilà, et quelque chose d’assez connu comme le Confort Moderne c’était quand même assez extraordinaire.

Tu en as déjà un peu parlé, mais que penses-tu de la période où s’est créé le label ? LB : C’était une période de crise. Je ne me souviens pas très bien si les Bérurier Noir étaient déjà e procès avec Bondage, etc. Il y avait le phénomène aussi de la scène alternative plus ou moins récupérée, on en a parlé : Garçons Bouchers, Mano Negra… Donc c’était une période de crise a sens ou quelque chose était monté et puis là, visiblement redescendait, sur des problèmes que l mouvement, je parle de manière très très générale, mais que le mouvement n’était pas capable d résoudre. Problèmes essentiellement économiques, c’est parce qu’il y avait crise qu’il y a eu l’idée d créer le label. Voilà on ne voulait pas bouleverser la donne, mais on se disait : « quelque chose es monté, qui concerne beaucoup de gens, donc ce serait trop bête que tout retombe ». Parc qu’effectivement, on savait bien ce que ça voulait dire que tout retombait : c’est que tout retombait au mains du business. Donc après tout, comme souvent dans le milieu libertaire, créer un peu d’ilots d résistance et d’autonomie, c’était un minimum. Donc c’était vraiment une période de crise.

Quel regard portiez-vous sur les subventions publiques ou privées ? LB : À ce moment là, on ne se posait même pas la question. On ne se posait même pas la question parce qu’on avait cette autonomie financière de départ. Après voilà, il y a vingt ans, je sais très bien dans quel état d’esprit j’étais à ce moment là, l’état d’esprit aujourd’hui, ce serait « on peut y mettre u peu les doigts, il faut garantir notre autonomie ». Aujourd’hui j’ai un certain nombre d’expériences qu font que je pense que manœuvrer avec ces choses là, en étant prudent, on peut manœuvrer. On n s’est pas posé la question vraiment, la question qui taraudait à ce moment là tout ce milieu, c’était l question du business pur quoi, c’est-à-dire : il y avait des groupes qui avaient de l’audience, cette audience ça voulait dire des gens qui viennent aux concerts, des gens qui achètent des disques derrière des radios qui diffusaient des morceaux. Toute cette audience, elle a forcément un caractère économique, et, à partir de cette audience, est ce qu’on peut faire vivre une scène de manière autonome ? Donc voilà, on n’était pas dans le cadre de subventions quoi. Il est évident que par exemple, le Confort Moderne, quand il s’est créé, nous on était très critiques, parce qu’il y avait un armée de ce qu’on appelle aujourd’hui des contrats aidés (c’étaient des TUC à l’époque il me semble) et donc nous on était très critiques là-dessus. Objectivement, le Confort Moderne n’aurait certainement pas pu se monter sans ça, et c’est quand même bien que le Confort existe… Mais nous, ce n’était pas notre préoccupation. Notre préoccupation c’était comment faire par rapport au business, vraiment le subventions, c’est quelque chose qui est quand même très lié à toute production qui demande pas ma de capital. Le Confort Moderne c’est quand même une salle, c’est énorme hein, donc on bâtit, il y’ des personnes derrière. C’est un lieu artistique et pas commercial, comme peut l’être un distributeur de disques, ou un organisateur de concerts, donc forcément la gestion économique et l’autonomie financière va être compliquée, il faut des recettes extérieures au lieu lui-même, après on n’était pae dupe sur l’avenir mais on n’avait pas de réponse par rapport à ça. On n’était pas dupe des efforts de Jack Lang pour organiser, pour créer des festivals à droite à gauche, c’était une manière de s positionner positivement par rapport à la jeunesse. C’est comme ce que tu disais par rapport au squats : en quoi ils étaient importants ? C’étaient des lieux où il se passait des choses, et sans qu personne ne puisse avoir un regard dessus. Après les squats avaient leurs propres limites, y compris financières… Pour le label, les problèmes qui étaient importants, c’était l’organisation de concerts, l tournage, la distribution des skeuds [disques, nda] ce qui pouvait se faire autour de la publicité au bo sens du terme, de rendre public, de faire connaitre, tout cela était hors du champ des subventions.

De manière pragmatique, comment ça se passe à Poitiers en 1989 pour produire un disque, du début à la fin ? LB : Euh, le problème, c’est l’enregistrement, c’est-à-dire la production de manière générale. Et ensuite c’étaient les circuits qui étaient assez connus déjà, puisque, le fanzine avait lui même produit déjà de disques. On travaillait avec New Rose, donc les skeuds étaient un petit peu dans le bac des disquaires. On était déjà dans le réseau fanzine, on se posait des questions par rapport au radios (comment les contacter, se faire connaitre). Toutes ces questions là, on était quand même très novices là-dedans quoi.

La finalité du label, n’était pas comme celle d’un label traditionnel, de promouvoir des groupe et de les amener jusqu’à… LB : Non ce n’était pas ça, c’était vraiment établir une espèce de, comment dire, encore une fois u peu de résistance, permettre à des groupes qui, quand la machine business se met en place, n’auront pas leur place. Et ensuite voilà, le contrat moral entre guillemet, était : on vous permet de faire u album, on essaie de le faire un peu connaitre, et après pour les concerts on avait quelques contacts on pouvait évidemment filer quelques tuyaux, mais le groupe se débrouillait, et puis on n’était pas dupe, si les groupes marchent et ont une certaines audience, ils auraient continué sans nous. Don c’était plus vraiment parce qu’on sentait que la scène était coupée entre les gens, on va dire à la bas qui jouaient dans leur garage, qui faisaient leur truc, et puis l’audience qu’avait permis le rock alternatif et entrainait vers du formatage.

Tu l’as dit tout à l’heure, quand tu as débuté dans le label, tu étais complètement novice. On voit au niveau du fanzine que, tant au niveau du contenu que de la forme, qu’au fil du temps et des numéros, on a une production quasi-professionnelle. Est-ce qu’on a retrouvé ça au niveau du label ? LB : Euh, enfin moi, je n’ai pas eu le temps de voir cette progression, parce que j’ai quitté le label assez vite. Mais le label On A Faim ! a continué après avec une nouvelle équipe mais il y avait cette volonté là. C’est-à-dire qu’en fait, par exemple dans la nouvelle équipe, est arrivé un couple parisien Gil était un dessinateur, donc il avait certaines exigences esthétiques, Martine était plus au fait de choses administratives, donc quelque chose d’un peu plus pro qui se mettait en place. Donc après, il faudrait voir la suite du label lui-même quoi. Mais, enfin, il n’y avait pas de raison pour qu’on ne fasse pas quelque chose qui ne soit pas agréable ou un peu pro. Ça veut pas dire grand-chose agréable e un peu pro, mais tu peux avoir des choses qui soient faites de manière foutraque, parce que c’est comme ça et il y a des choses qui sont faites de manières foutraque parce que c’est une esthétique voulue. Nous on a fait un petit fanzine, il y avait un coté foutraque, mais il était voulu, donc voilà, c’est une question esthétique. Je pense que la démarche du zine (au départ je rappelle que c’est avant le ordinateurs etc,) donc on tape à la machine, on fait des découpages aux ciseaux, on colle, donc voilà il faut imaginer l’esthétique punk, elle correspond aussi à certains état d’esprit imaginatif. Entre le zine de Poitiers, vu par 30 personnes et le zine national vu par 500 ou 1000, il y a une différence ! Il y a un logique interne et donc encore une fois, même chose pour le rock alternatif. Industriel au bon sens d terme, c’est-à-dire qu’ il y a des métiers qui se mettent en place.

Et toi quand tu fondes le label, est ce que tu as dans l’optique d’en faire ton métier, en quelque sorte de travailler pour ça ? LB : Pas du tout, c’est-à-dire pour moi c’est un acte politique. À ce moment là, Je militais à la Fédération Anarchiste. Donc c’est du militantisme avec un coté un peu artistique, voilà, parce qu j’aimais la musique que j’écoutais, quelque chose qui n’était pas strictement militant. Alors plus tard dans le label, je ne sais pas très bien, ce n’est pas toujours très clair comme ça, mais bon je pense que les copains qui après ont repris le label n’étaient quand même pas dans cette démarche là, mai ils y pensaient peut-être en se rasant le matin….

Penses-tu que ce qui s’est passé en termes de mouvement alternatif aux États-Unis puisse être mis en lien avec ce que vous avez fait chez On a faim ! , y a-t-il eu des passerelles ? LB : Des passerelles non. Je ne pense pas qu’il y ait eu des passerelles. D’abord avec les États-Uni c’est compliqué, c’est-à-dire que, dans un milieu militant, les passerelles, elles se font par de connaissances un peu plus précises. Donc notre contexte, il restait européen, alors c’est vrai que l’Europe c’était quand même l’exemple italien, avec les centres sociaux qui commençaient à émerger s’organiser. Je me souviens avoir visité des squats berlinois très organisés, ça, ça nous inspirait Mais les États-Unis, pas directement, je crois qu’il y a des différences de culture, et puis de taille. U groupe connu aux States c’est en nombre de « fans » quelque chose d’énorme par rapport à l’Europe Ce qu’on voyait c’était que ce milieu persistait, et ne se trouvait pas prisonnier du business apparemment comme chez nous. Une vraie scène alternative, c’est quand même ce qui manquai particulièrement en France. Et c’est ce que des groupes comme les Bérurier Noir n’ont pas réussi faire, ce n’est pas une critique, mais on peut voir que ce n’est pas une fatalité. Des groupes comme The Ex, NoMeansNo, existent encore dans une démarche alternative.

Alors justement, en terme de vente, est-ce que les productions On a faim ! ont trouvé un échO auprès du public ? LB : Les compilations se vendaient relativement bien, alors moi les chiffres… je te disais, je ne saiS pas, alors relativement bien ça va être autour des 1000, quoi. En fait, de mon temps, on a fait assez peu de choses à part les compilations, donc c’était Désert Culturel, des choses comme ça, et là c’était quand même beaucoup plus modeste, quoi, c’était quelques centaines.

La politique de prix des disques, j’imagine qu’elle était en adéquation avec vos idée politiques ? LB : Oui, on essayait de faire les choses le moins cher possible. Alors après c’est toute la difficulté d’édition. La distribution prend sa marge, etc. Et puis on devait éditer sur plusieurs support (cassettes, vinyles, CD), c’était quand même compliqué…

Et dans le cadre de cette crise, est-ce qu’il a pu exister des coopérations entre le label On faim ! et d’autres labels ? LB : Des coopérations, ce serait un grand mot, disons qu’il y avait deux types de réseaux : il y avait le réseau lui-même, qui lui était donc en crise forte et puis après, il y avait le réseau anar. Dans le réseau anar, y avait un autre label qui est arrivé à survivre, qui était un label historique qui s’appelait VISA Donc la coopération, ça passait surtout par Jean-Pierre et par le fanzine, et ça se situait plutôt e termes de publicité encore une fois au bon sens du terme. C’est-à-dire, on croisait entre le productions VISA et les productions On a faim !, et puis quelques plans on va dire techniques etc.

Et donc ce réseau de publicité (fanzines, radios libres etc.), est ce qu’il a été efficace pou l’activité d’On a faim ! ? LB : Hum, oui… oui et non. Enfin, parce que ce réseau là, si tu veux, il y avait la partie très pratique donc lui était efficace. Mais en termes de pub, c’était quand même très limité. C’était une période u peu charnière, on sentait bien qu’on était à la queue de la comète. C’était moins le problème de notre réseau qu’en fait, derrière, un réseau qui était déjà orienté vers quelque chose qui était beaucoup plu commercial. La nouvelle équipe du label, a choisi un positionnement moins militant, qui était aussi u positionnement musical spécifique (plus dub/reggae que rock).

Le label était un outil de propagande : donc a-t-il réussi a rallier des gens à la cause libertaire ? LB : Ce n’était pas le but, on voulait participer à maintenir une scène alternative, et à l’intérieur de cette scène une référence anar. On a échoué me semble-t-il mais parce que la scène alternative, du moins telle qu’on l’imaginait alors, a échoué.

Quel bilan tires-tu de ton action au sein de On a faim !? LB : Je me suis bien amusé et j’ai vécu beaucoup d’angoisse, voilà. Non c’est vrai que le label su cette période là (encore une fois, le label a continué après moi, c’est quand même en grande partie o va dire une aventure personnelle, beaucoup d’angoisse). Je pense qu’après, j’ai aussi eu un ouverture sur du réel, c’est-à-dire pas seulement être dans la propagande anar par exemple, participe a des manifs, faire des communiqués de presse, ces choses quoi, le goût de construire on dira…

[Poitiers] Bas les pattes sur la famille Guirassy !

NdPN : Dans une interview donnée au Monde le 27 juin, le nouveau sinistre de l’intérieur Manuel Valls confirme qu’il ne procédera pas à davantage de régularisations de migrant-e-s sans papiers que son prédécesseur.

Illustration à Poitiers… mais lutte solidaire !

Les parents de Jean-Mermoz une nouvelle fois mobilisés

C’est la troisième famille de Poitiers-Ouest sous la menace d’une obligation de quitter le territoire. Une décision que personne ne comprend.

Regroupement des parents hier matin avant l’ouverture de l’école pour soutenir les familles.

Le papa travaillait aux abattoirs de Bressuire. La maman avait trouvé des vacations comme femme de chambre dans les hôtels du Futuroscope. Le couple se trouvait séparé toute la semaine pour des raisons professionnelles. Une séparation qui a poussé l’administration préfectorale à envoyer une obligation de quitter le territoire au père puis à la mère. Dans le quartier de Poitiers-Ouest, cette décision – apprise tardivement – a suscité hier une mobilisation des parents de l’école Jean-Mermoz.

A Poitiers depuis fin 2010

Originaires de Guinée, Sankoum et Souadou Guirassy sont arrivés à Poitiers fin 2010. Les quatre enfants, tous nés dans notre pays, sont aujourd’hui scolarisés à l’école élémentaire ou maternelle Jean-Mermoz. Le plus grand Ousma, 11 ans, Mamahaoua, la fille, 8 ans et demi, et les deux plus jeunes garçons, Momtar, 5 ans et demi, et Sankhoumba, 3 ans et demi. La surprise est tombée il y a quelques mois déjà quand le papa a reçu une OQTF. Son dossier est devant la cour administrative d’appel à Bordeaux, après avoir été évoqué devant le tribunal administratif de Poitiers. Ce jeudi matin, c’est la maman qui sollicite l’annulation de l’OQTF devant le tribunal de Poitiers. Michaela Horrault, de l’association de parents d’élèves de Jean-Mermoz : « On ne comprend pas une telle décision de la part de l’administration préfectorale. La maman est très impliquée dans la vie de l’école. Comme elle parle le français, elle intervient comme interprète auprès des familles guinéennes. Sans compter qu’un des enfants a des soucis de santé. Un programme d’aide a été mis en place au sein de l’école. » Depuis la réception de l’OQTF, les parents ont perdu leur emploi. Leur seule ressource : l’aide de 250 € apportée par le conseil général. Ce qui accroît leur désarroi. Les parents restent mobilisés pour deux autres familles dont l’avenir est toujours en pointillés. Ils ont reçu le soutien de quatre conseillers municipaux de Poitiers : Abderazzak Alloumi, Anne Joulain, Francette Morceau et Nathalie Rimbaud-Raitière.

Nouvelle République, Jean-Jacques Boissonneau, 28 juin 2012

[Notre histoire] Le temps des cerises (1866)

Le temps des cerises – Cora Vaucaire (1955)

Paroles

Quand nous chanterons le temps des cerises, Et gai rossignol, et merle moqueur Seront tous en fête ! Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur ! Quand nous chanterons le temps des cerises Sifflera bien mieux le merle moqueur !

Mais il est bien court, le temps des cerises Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant Des pendants d’oreilles… Cerises d’amour aux robes pareilles, Tombant sous la feuille en gouttes de sang… Mais il est bien court, le temps des cerises, Pendants de corail qu’on cueille en rêvant !

Quand vous en serez au temps des cerises, Si vous avez peur des chagrins d’amour, Evitez les belles ! Moi qui ne crains pas les peines cruelles Je ne vivrai pas sans souffrir un jour… Quand vous en serez au temps des cerises Vous aurez aussi des chagrins d’amour !

J’aimerai toujours le temps des cerises, C’est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte ! Et dame Fortune, en m’étant offerte Ne saurait jamais calmer ma douleur… J’aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur !

Jean-Baptiste Clément (1866)

Le temps des cerises

C’est en 1866 que le chansonnier et révolutionnaire Jean-Baptiste Clément écrit les paroles de la future romance Le Temps des Cerises. Né le 31 mai 1837 à Boulogne-sur-Seine, dans la région parisienne, ce fils d’un riche meunier avait rompu avec sa famille et gagna sa vie dès l’âge de 14 ans comme ouvrier monteur en bronze. Par la suite, il exerça divers métiers (marchand de vins, terrassier, journaliste) et s’installa Butte Montmartre à Paris. Militant pour la république, il connut très tôt les prisons impériales sous Napoléon III. Doctrinaire exalté, un aperçu de ses idées se lit dans une feuille fondée par ses soins, et qui lui vaudra d’ailleurs quelques condamnations en raison de ses nombreuses attaques contre le pouvoir en place :  » A bas les exploiteurs ! A bas les despotes ! A bas les frontières ! A bas les conquérants ! A bas la guerre ! Et vive l’Egalité sociale.  » Orateur écouté des foules, partisan convaincu de la révolution du 4 septembre, militant très actif lors de l’insurrection parisienne du 18 mars 1871 (délégué à la Commune de Paris, il avait succédé à Clémenceau en mai 1871 comme maire de Montmartre), Jean-Baptiste Clément dut s’exiler à Londres durant 8 années : condamné à mort par contumace en 1874, amnistié en 1879, il rentrait à Paris l’année suivante. Délégué à la propagande par la Fédération des Travailleurs Socialistes, il parcourut la province et fonda notamment la Fédération Socialiste des Ardennes. Usé par tant de lutte et de combats politiques, il s’éteignait le 23 juin 1903 à Paris, à l’âge de 66 ans…

Les chansons de Jean-Baptiste Clément qu’il écrivait dès l’âge de 20 ans, dont les plus connues sont : Quatre-vingt-neuf, L’Eau va toujours à la rivière, Fournaise, Ah ! le joli temps… eurent un certain succès populaire, en partie grâce au talent d’interprétation de Joseph Darcier, le futur interprète des chansons de Gustave Nadaud. Il se produisait alors à L’Eldorado. On lui doit également plusieurs recueils de chansons : Les traîne-misère, Les gueux, Le Bonhomme Misère, Connais-tu l’Amour ?, et parmi toute sa production, l’un de ses airs est plus particulièrement connu des jeunes enfants qui le fredonnent encore de nos jours. Il est d’ailleurs bien loin des idées révolutionnaires de son auteur, puisqu’il s’agit de la ronde Dansons la capucine !..

Un beau soir de 1867, Jean-Baptiste Clément allait trouver Antoine Renard (1825-1872). Originaire de Lille, cet ancien ténor de l’Opéra s’était reconverti dans le music-hall et se produisait au café-concert de L’Eldorado. Ouvert en 1858 et situé 4 boulevard de Strasbourg, dans le Xe arrondissement parisien, cet établissement à la fois café et salle de spectacles accueillait alors le compositeur d’opérettes Hervé qui y dirigeait l’orchestre. Il le pria de mettre en musique son poème Le Temps des Cerises, ce qu’il fit quelque temps plus tard. Cette chanson devint ensuite l’hymne de tous les communards et des ouvriers. Ce n’est qu’après son retour d’exil que Jean-Baptiste Clément ajouta en 1882 la dédicace :  » A la vaillante citoyenne Louise, l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871 « . Ce jour là, avec Eugène Varlin et Charles Ferré, tous deux plus tard condamnés à mort et fusillés, Clément se trouvait sur la dernière des barricades ; Louise Michel, la  » Vierge rouge  de la Commune « , était de la partie.

Auteur de romances et autres chansons : Le Chasse neige, Le Bonheur des Champs, Le Couteau de Jeannette, Fille des champs, Le Barde Gaulois…, Antoine Renard fit éditer, du moins au début, son Temps des Cerises chez J. Kybourtz, 40 Passage du Havre à Paris (édité de nos jours chez Salabert). Il dédicaça sa partition  » A mon ami Anatole Lionnet « . Celui-ci, ami de Gounod qui le rendit dédicataire en 1855 de sa mélodie Mon habit (Heugel), composait lui-même des airs et romances, comme cet Hymne d’amour ou Le petit pioupiou, chantés et enregistrés au début du siècle par le baryton de l’Opéra Jean Noté et André Marchal.

Si Le Temps des Cerises fut au départ un chant révolutionnaire, elle n’est plus aujourd’hui qu’une jolie chanson d’amour dont le succès ne se démentit jamais. Depuis le début du siècle, de nombreux artistes l’ont interprété, certains avec beaucoup de talent : André Dassary, Suzy Delair, Tino Rossi, Charles Trenet, Yves Montand, Mouloudji, Nana Mouskouri, Michel Fugain, Colette Renard… et plus récemment Juliette Gréco (1994), Demis Roussos (1996), Florian Lambert (1998) et Marie-Denise Pelletier (2000)…

Denis Havard de la Montagne, repris sur Maldoror.org

[Poitiers] Zo Prod fête ses 15 ans

http://www.zoprod.com/

15 ans et une pêche d’enfer

Le collectif artistique Zo Prod invite samedi les Poitevins dans son usine pour fêter ses quinze années de créativité autour des arts de la rue. Histoire.

Zo, c’est au départ une dizaine de personnes, on bricolait chacun dans notre coin et on a décidé de louer et de gérer ensemble un lieu, raconte aujourd’hui Jean-Luc Auvin, l’un des trois « historiques » du collectif, on était tous amateurs, soit musicien soit plasticien, on venait de l’industrie, du commerce ou du secteur socioculturel et quasiment personne n’avait de formation artistique. Au-delà de l’éclectisme qui caractérise alors le groupe, « pour chaque personne c’était alors un choix de vie, l’expérimentation d’un autre fonctionnement sans hiérarchie verticale. C’est pour ça qu’on est véritablement un collectif et pas une compagnie », assure rétrospectivement Jean-Luc Auvin.

Le bruit du métal comme marque de fabrique

L’univers punk en héritage et le bruit du métal comme marque de fabrique, c’est autour du travail du fer que le collectif s’est forgé ses lettres de noblesse aux accents ouvriers. La construction du char La Bête (à la demande du Confort moderne) pour la Techno parade en 1999 est alors un tournant, celui de la mutation de Zo en Zo Prod marquant l’acquisition d’une licence de spectacle. Située en retrait de l’avenue de Paris, l’ancienne usine (propriété de la ville) occupée depuis maintenant deux ans par Zo Prod (après son départ du quartier des Montgorges) est le creuset de l’expérience au quotidien du groupe de créateurs (pour la plupart intermittents du spectacle). Tournée principalement vers les arts de la rue, l’activité de « Zo » se décline sous trois formes principales : la production de spectacles et d’installations (Ferbotten, Konstructor, La Famille Tuvora…), la construction de machineries pour d’autres compagnies et l’accueil d’artistes en résidence. Dans l’un des ateliers, on travaille aux ultimes soudures de la dernière création maison : « Pièces uniques en série », atelier mobile de sérigraphie. « Samedi ça fonctionnera », assure l’une des trois sérigraphes attitrées du collectif après avoir relevé son casque de soudeur. « Si ce n’est pas le déluge, on attend dans les 2.000 personnes », estime à la louche Jean-Luc Auvin. Une belle entrée au paradis en fer de « Zo » pour « Pièces uniques en série » avant son premier déplacement dès la fin juin à Sotteville-les-Rouen pour « Viva cité », l’un des plus grands festivals d’art de rue de l’hexagone.

Voir notre vidéo sur lanouvellerepublique.fr

> Le collectif. Fondé à Poitiers il y a quinze ans par une dizaine de personnes, le collectif artistique compte aujourd’hui quatorze membres dont deux salariés administratifs. Jean-Luc Auvin, Cécile Chamard, Julia Henaud, Alain Kolpak, Christine Dgeat, Sébastien Giraud, Armelle Chenu, Baptiste Savit, Sandra Proux, Loïc Bernardeau, Poy, Anne Hubert, Francis Reverdy et Soline Rouland composent aujourd’hui Zo Prod. > Les résidences. L’association accueille régulièrement des résidences de création dans ses murs. La compagnie Humains gauches (de Poitiers) y prépare actuellement sa nouvelle création. > le programme de samedi. – De 14 h à 18 h : Pascal Perroteau (spectacle pour enfants), Chap’de Lune (cirque), Hod’up steady (rock). – De 18 h à 20 h. Fred Abrachkoff (humoriste), La Quinte (chanson), La Revieille (vielle à roue de secours). – De 20 h à 2 h. Between the riot (rock), Un Dolor (rock), Cie Humains gauches (clowns), Antihéro (rap), Révérant Poy (DJ), Guemo & Meyso (DJ).

Zo Prod fête ses 15 ans, 11, chemin du Quai-d’Embarquement, entrée libre, restauration sur place. Renseignements : 05.49.36.02.16. www.zoprod.com

Nouvelle République, Dominique Bordier, 16 juin 2012

8 nouvelles traductions anars du CATS

Le Collectif Anarchiste de Traduction et de Scannerisation (CATS) de Caen (et d’ailleurs…) vous annonce aujourd’hui la mise en ligne de 8 traductions, librement téléchargables et diffusables sur notre site à l’adresse suivante http://ablogm.com/cats/ . En voici une brève présentation :

– Entretien avec Abraham Guillen : Entretien de 1978, tiré de la revue anar espagnole « Bicicleta ». Guillen, anarchiste exilé, combattant de la révolution espagnole, auteur de livres sur la stratégie de la guérilla et sur l’autogestion, y raconte ses relations avec certaines guérillas latino-américaines des années 60 et 70 auprès desquelles il a parfois joué un rôle « d’assesseur politico-militaire ».

– Ni Dieu, ni maître, ni mari : la Voz de la Mujer (Argentine 1896-97) : Un aperçu de ce journal anarchiste argentin, tourné vers les femmes des classes populaires, qui fut une des premières expressions anarcha-féministes au monde.

– Un Young Lord se souvient : Un témoigne de Richie Perez sur les multiples luttes (sur la santé, l’éducation, contre les brutalités policières etc…) menées par le Parti des Young Lords, issu de la communauté portoricaine de New York. – Les Young Lords et les premiers gangs portoricains de Chicago : Un entretien avec Mervin Mendez sur la genèse des Young Lords de Chicago (assez différents culturellement et socialement de celles et ceux de New York), sur la communauté portoricaine de cette ville et sur les premiers gangs qui en furent issus.

– Les femmes à l’usine FIAT – Italie 1970 : Un article paru dans Lotta Continua sur la féminisation de la main d’œuvre ouvrière chez FIAT, l’espoir patronal de trouver chez les femmes une force de travail docile et un moyen de diviser les luttes ouvrières radicales qui émergeaient, la situation sociale et culturelle des femmes ouvrières….

– Féminisme italien, opéraisme et Autonomie dans les années 1970 : Un texte qui survole les courants du féminisme italien issus de l’opéraisme et de l’autonomie, qui se mobilisèrent particulièrement contre les violences faites aux femmes et pour la rétribution du travail reproductif (au sens de reproduction de la force de travail à travers les tâches éducatives, ménagères, de soins, de réconfort affectif et sexuel…).

– Le soulèvement de Sibérie occidentale 1921-1922 : Un petit texte qui survole ce soulèvement paysan massif opposé à la dictature bolchevique et déclenché par les politiques drastiques de réquisitions alimentaires du pouvoir rouge.

– Guerre de classe en Finlande 1918 : 2 courts textes, le premier sur la tentative méconnue de révolution prolétaire en Finlande et sur son écrasement par les réactionnaires locaux et le deuxième sur l’activité de marins russes anarchistes en Finlande lors de la Guerre Civile.

On publiera encore une série de traductions dans quelques semaines avant de marquer une pause estivale.

Il nous reste encore pas mal de textes à traduire en anglais (et aussi un peu en espagnol), on continue donc à en appeler aux bonnes volontés pour prendre en charge certaines traductions. On peut nous contacter à l’adresse mail suivante : catscaen(a)voila.fr

Merci aux quelques personnes qui nous filent des coups de mains pour les traductions. Merci de faire tourner l’information et de faire connaître notre site et les modestes ressources qu’il contient. Salutations anarchistes.

Mail du CATS, 16 juin 2012