Archives de catégorie : Décroissance libertaire

[Persac – 86] LGV dégage !

La LGV en territoire hostile

Après Lhommaizé, RFF avait donné rendez-vous à Persac pour étudier le tracé du projet de LGV Poitiers-Limoges. Dialogue de sourds.

RFF a fort à faire pour étudier les aménagements de la LGV Poitiers-Limoges en passant outre le débat sur son bien fondé. RFF a fort à faire pour étudier les aménagements de la LGV Poitiers-Limoges en passant outre le débat sur son bien fondé.

La déconvenue de cet opposant au projet de LGV Poitiers-Limoges en dit long. Jérôme Thomas (Réseau ferré de France) vient de lui annoncer qu’il est trop tard pour s’y opposer. C’était le débat public de 2006 qui tranchait ce point. Désormais, le prochain rendez-vous sera l’enquête d’utilité publique (voir « bon à savoir »).

Démarrée avec une audience limitée, la réunion de présentation du projet à Persac s’étoffe d’opposants notoires à la LGV. Si Réseau ferré de France vient y présenter, simulations 3D à l’appui, le tracé de la future ligne TGV, les Persacois, eux, viennent s’opposer au principe même de cette LGV. Ils sont bien aidés par les membres du collectif « Non à la LGV » emmenés par leur président Nicolas Bourmeyster. Au point que le débat va dériver vers une mise en cause systématique du projet. Même si certains riverains réorienteront le débat sur les aménagements paysagers, les rétablissements routiers et les remembrements, le débat reviendra systématiquement sur le bien fondé de cette ligne.

Principe de défiance

Thierry Mesmin n’est pas le dernier à remettre en cause cette ligne. « S’inscrire dans une réflexion sur les aménagements autour du projet, c’est accréditer qu’il va se faire. » Et le sang du conseiller général ne fait qu’un tour quand Jérôme Thomas revendique un accord de principe du conseil général sur la constitution de réserves foncières d’urgence. Un accord que Thierry Mesmin soumet à un vote favorable de l’assemblée départementale et à des financements à obtenir. Sous un feu roulant d’objections, Jérôme Thomas garde un calme méritoire. « Le coût estimé aux conditions économiques de 2010 est de 1,5 million d’euros. Les 2,4 millions d’euros que vous évoquez sont la valeur estimée de l’investissement aux conditions 2020. »« Mais cette ligne TGV n’existe pas ! C’est bien le coût final du projet qui est intéressant », s’exclame Nicolas Bourmeyster. Et Thierry Mesmin d’en rajouter. « La SNCF elle-même conteste le coût, la fréquentation et le prix du billet sur lesquels reposent vos études. On a réclamé à RFF une nouvelle étude et vous continuez à présenter des arguments éculés. Dites-nous plutôt ce que vous comptez faire pour les riverains dont les projets sont bloqués par cette ligne ! » Sur ce point, RFF est clair. Aucun financement n’est prévu à ce stade pour les riverains placés sous cette épée de Damoclès. Pas plus pour les propriétaires qui ne sont pas impactés directement par la LGV. Seule la dépréciation des biens sera indemnisée au cas par cas.

bon à savoir

Un participant finira par poser la question qui résume la défiance de la population vis-à-vis de RFF et des pouvoirs publics. « Qu’est-ce qui peut faire qu’une enquête publique remette en cause le projet ? » Dans l’esprit des riverains de la future ligne LGV, il est clair en effet que les dés sont jetés. Ils ne voient pas comment ils empêcheront le train, dont ils ne veulent pas, de passer chez eux. Même si des projets ont effectivement capoté au stade de l’enquête publique (parcs éoliens, lignes à haute tension…), le sentiment local est qu’on leur impose de Paris un projet dont seules Poitiers et Limoges profiteront et dont ils paieront les impacts. Du côté de RFF, Jérôme Thomas leur donne rendez-vous pour l’enquête d’utilité publique qui devrait avoir lieu durant le second semestre 2012 avant une déclaration d’utilité publique en 2013 et des travaux en 2015.

Nouvelle République, Dominique Guinefoleau, 21 février 2012

La révolution ici et maintenant

La révolution ici et maintenant 

Quand on milite pour l’anarchie, on peut s’interroger parfois sur l’imprégnation de nos idées dans la société où l’on vit ; l’histoire n’étant pas linéaire mais faite de périodes de progrès, de ruptures… et de régressions. Au contraire d’une lutte syndicale (comme l’augmentation des salaires après 2 jours de grève), d’une action écologiste (abandon de la construction d’une centrale nucléaire, d’un incinérateur d’ordures ménagères…), il est parfois difficile de prendre la mesure des « résultats » de notre militantisme libertaire. D’autant plus quand la répression, diffuse ou brutale, côtoie nos vies ; quand les mouvements s’essoufflent ; quand la réalité de cette époque d’attaques antisociales et de destructions écologiques revient inlassablement saper non nos convictions, mais nos espoirs.

Pourtant, notre besace n’est pas vide. Plutôt que de rebuter son monde – pas que les gens, mais aussi nous-mêmes – en invoquant de grandes idées, certes légitimes, mais qui nous font taxer (et parfois dériver) vers un utopisme idéaliste et dogmatique (quand bien même l’anarchisme est par définition un adogmatisme en actes), il peut être bon de réfléchir aux conquêtes en partie issues de nos pratiques, même si le chemin n’est jamais qu’à moitié parcouru. Ainsi, nous évitons de projeter nos rêves dans une eschatologie révolutionnaire (un avant et un après la révolution tant souhaitée), et nous pouvons nous recentrer sur une notion et une pratique de la révolution dans l’ici et le maintenant, une dynamique d’émancipation individuelle et collective. La vieille dichotomie réformisme et révolution se résout dans l’action directe, dans l’énergie d’émancipation et de réappropriation, à l’œuvre dans toutes les sphères de la vie individuelle et sociale. L’anarchie, c’est l’anarchisme. Et à bien y regarder, cette force, cette affirmation permanente de la vie contre la résignation, a œuvré pour transformer la société.

Jadis, la mixité à l’école a été promue et expérimentée dès la fin du XIXème et le début du XXième par des anarchistes, avant de devenir la règle dans le milieu des années 1960. La lutte pour l’objection de conscience au service militaire a donné le statut d’objecteur de conscience – lui-même tombé en désuétude du fait de la fin de la conscription obligatoire. Les anarchistes ont aussi milité pour l’autonomie de la classe ouvrière à travers une organisation fédéraliste des exploité-e-s, d’où furent issues en France les formes d’organisations fédéralistes et confédéralistes des syndicats. Fédéralisme de branche, mais aussi territorial, avec le mouvement des bourses du travail initié par des anarchistes. Malgré leurs dérives bien connues, ces organisations syndicales demeurent un outil de lutte et d’autonomie des « bases ». Bien des conquêtes ouvrières furent obtenues par cet esprit pragmatique d’indépendance et d’auto-organisation, les droits sociaux n’ayant jamais été conquis qu’en débordant les bureaucraties politiques (et syndicales). La laïcité elle-même fut un compromis étatique obtenu sous la poussée d’une lutte antireligieuse résolue. L’union libre fut issue de la popularisation des thèses anarchistes sur l’amour libre. Le droit à l’avortement fut concédé après la constitution de réseaux d’entraide autogérés par des militantes féministes passant elles-mêmes à l’action directe. Des gynécologues libertaires et des militant-e-s anarchistes ont ainsi pratiqué des avortements illégaux, au nom de la liberté de choisir des femmes et en solidarité avec ces personnes. A une époque où la contraception était inexistante, certains anarchistes sont allés jusqu’à la vasectomie pour éviter les grossesses non désirées et ont été condamnés pour cela (affaire des stérilisés de Bordeaux en 1935). Et caetera…

Aujourd’hui ? Sur les 10-15 dernières années, on peut encore relever des victoires, issues de la diffusion des idées et des pratiques portées par de nombreuses personnes aux idéaux anarchistes. Dans une émission de Daniel Mermet de début février, consacrée à un fictif « alter gouvernement » de gauche, avec des ministres militant-e-s d’Attac et autres, on a pu entendre le pressenti « ministre à la ville » (Paul Ariès) dire qu’il mettrait en place la gratuité des transports en commun, alors que ce catho de gauche et électoraliste n’est pas anar. Certaines villes sont d’ailleurs déjà passées à la gratuité des transports en commun. Or cette revendication politique a longtemps été portée par le mouvement libertaire, dont la Fédération Anarchiste n’était pas la dernière. Le cercle d’influence s’est donc bien élargi. De même, la pratique du prix libre est née dans la mouvance anarcho-punk et s’est depuis largement diffusée dans les forums sociaux locaux, y compris pour les repas. Dans cette mouvance anarcho-punk, la gratuité des cds et des concerts est expérimentée pour s’affranchir de l’esprit de marchandise. La prise de décision au consensus, avec attention portée au temps de parole de chacun-e, au contrôle en assemblée de l’action des commissions ou des mandaté-e-s, est aussi désormais pratiquée dans bien des forums sociaux, avec des participant-e-s venant pourtant d’horizons très différents, y compris de partis à la tradition beaucoup plus hiérarchiste… Chez les indigné-e-s aussi, malgré un manque parfois criant de « culture » politique, ces pratiques ont fleuri. Dans le film « Tous au Larzac », on a pu voir que c’était la prise de décision au consensus qui prédominait dans les assemblées et apportait satisfaction (une seule fois il y a eu vote, à la fin du mouvement).

En ces temps de régression sociale, il est bon pour le moral de se rappeler que, si nous sommes pour une révolution réappropriatrice et autogestionnaire, pour autant une partie de nos idées vogue, que quelques-unes germent sans qu’on ne sache pourquoi celles-là plutôt qu’une autre.

L’anarchisme a toujours défendu une pratique d’alternatives en actes ici et maintenant, indissociable d’une aspiration révolutionnaire globale.

Continuons !

Stef (groupe Vannes / Lorient) et Juanito (groupe Pavillon Noir Poitiers), 21 février 2012

À Exarhia, les anarchistes perpétuent la tradition contestataire de leur quartier

Les médias bourgeois n’ont pas l’habitude de relayer des interviews d’anarchistes, les anarchistes évitant d’ailleurs le plus souvent de leur adresser la parole. C’est pourquoi nous relayons cet article qui pour une fois, n’est pas à charge :

À Exarhia, les anarchistes perpétuent la tradition contestataire de leur quartier

Pointés du doigt au lendemain des violences qui ont éclaté le 12 février à Athènes, les anarchistes grecs se défendent de n’être « que des casseurs ». Rencontre avec un jeune militant au cœur d’Exarhia, quartier d’Athènes réputé frondeur.

À Exarhia, les anarchistes perpétuent la tradition contestataire de leur quartier
 

« Que cela soit clair, je ne représente aucun mouvement. Ce que je vais vous dire n’est que mon opinion personnelle, je ne suis leader ou porte-parole de personne », prévient d’emblée Nikólaos, ses yeux noirs plantés dans ceux de son interlocuteur. Une introduction dans la droite lignée des idées qu’il défend, « Ni dieu, ni maître ». Ce militant anarchiste de 36 ans accepte difficilement de parler à un journaliste. S’il le fait, c’est pour, dit-il, que les gens à l’étranger comprennent que les anarchistes grecs « ne sont pas que des casseurs ». Le rendez-vous a été fixé à Radio-Bubble dans le quartier d’Exarhia, à Athènes. Un lieu hors du commun : mi-café mi-studio d’une radio citoyenne. « Nous ne sommes plus uniquement dans une guerre sociale, soutient l’homme. Nous sommes aussi dans une guerre médiatique. »

 
Radio-Bubble, mi-café, mi-studio de radio.

Au lendemain du 12 février, où de violentes émeutes ont éclaté dans le centre de la capitale grecque, les médias et le monde politique s’étaient empressés de pointer du doigt les militants anarchistes et d’extrême gauche. Le même scénario s’était produit en 2008, lorsque jeunes et forces de l’ordre s’étaient affrontés plusieurs jours de suite après la mort d’un adolescent, tué par la police dans une rue d’Athènes. « La différence majeure avec 2008, c’est que dimanche [12 février], sur la place Syntagma, les gens nous ont applaudis, affirme Nikólaos. Les travailleurs, les gens de la classe moyenne, jeunes, vieux, étudiants… Nous étions tous au même endroit pour lutter contre les mêmes choses. » Si, selon lui, la protestation a dégénéré, c’est parce qu’en face les forces de l’ordre ont dégainé matraques et gaz lacrymogènes sans raison contre des manifestants pacifiques.

« Face à la violence de l’État, il faut savoir se défendre »

Nombreux sont les témoignages d’Athéniens, de tous les bords politiques, qui corroborent les dires du militant. « Beaucoup de Grecs prennent en ce moment conscience des manipulations policières et médiatiques : le but de la manœuvre était de vider la place Syntagma. Ce soir du 12 février, des images très calmes du Parlement ont été diffusées au journal télévisé, alors que des dizaines de milliers de personnes manifestaient juste à côté et suffoquaient sous les gaz lacrymogènes », poursuit Nikólaos en touillant rageusement son café.

« Face à la violence de l’État, il faut savoir se défendre », lâche-t-il. Si les théories anarchistes rejettent toute idée de violence, dans les faits, les choses se passent autrement. « Quand on n’a plus le choix face à un État violent, il faut réagir, insiste le jeune homme. La violence, pour moi, commence quand on a les poches vides et qu’on n’a plus rien à manger. Le capitalisme est une violence quotidienne. » Lors des affrontements du 12 février, les militants ont essentiellement pris pour cible des banques, des multinationales et des magasins de luxe. « Mais on ne souhaite pas le chaos, la violence n’est pas une fin en soi, précise le militant. C’est un outil. La seule réponse à tout cela, c’est l’auto-gestion et la démocratie directe. » En résumé, pas d’État, pas de gouvernement, toutes les décisions concernant la communauté devraient être prises collectivement, en assemblée.

Exarhia, vitrine de l’anarchisme grec

 
 

 De l’idéologie à la pratique, il n’y a qu’un pas, que le quartier d’Exarhia a allègrement franchi il y a près de 40 ans. On n’y compte plus le nombre de soupes populaires organisées, d’immeubles et de lieux publics occupés, de squats, de lieux de débats… Impossible de dissocier l’anarchisme grec de ce quartier, et inversement. C’est là, dans les années 1970, que se sont concentrées les révoltes étudiantes contre la dictature des colonels. Depuis, la tradition contestataire d’Exarhia ne s’est jamais démentie. C’est toujours dans ces petites rues aux murs couverts de graffitis et d’affiches anarchistes que prennent aujourd’hui racine les contestations contre le gouvernement grec.

« Je pense que ce qu’on voit dans ce quartier est un phénomène unique sur la planète, estime Nikólaos. À un kilomètre du Parlement et des institutions financières du pays, on y cible toutes les défaillances du système et on y expérimente des alternatives. » Avec un succès populaire grandissant. L’année dernière, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont afflué au festival anti-autoritaire organisé dans le Nosotros, un immense squat à la fois café, centre culturel et assemblée populaire. Des anarchistes arrivent régulièrement de toute l’Europe pour s’imprégner de l’expérience grecque et tenter d’exporter dans leur pays le modèle d’Exarhia. Ypopto Mousi, animateur d’un journal-citoyen à OmniaTV, télévision en ligne, alter ego de Radio-Bubble, et observateur averti du milieu libertaire estime à plus de 10 000 le nombre de militants anarchistes à Athènes. Ces dernières années, il a vu affluer vers ces mouvements des gens d’horizons bien plus divers qu’auparavant. « Dans la société, assure-t-il, beaucoup de gens sont des anarchistes qui s’ignorent. » 

 
Dans le quartier d’Exarhia, les anarchistes ont investi un parking et l’ont transformé en square. (Crédit : Gaëlle Le Roux/FRANCE 24)
 
France 24, Gaëlle Le Roux, 20 février 2012

 

Cancérogènes : dans l’éolien aussi

Cancérogènes : dans l’éolien aussi

Le leader mondial de la production de pales d’éoliennes, l’entreprise danoise LM Wind Power (730 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010), est pointée du doigt par ses ouvriers. Plusieurs témoignages dénoncent des problèmes respiratoires ou des maux de tête qui seraient liés à une exposition au styrène, un « cancérogène possible », selon l’OMS, présent dans les résines de polyester utilisées pour la production de pales.

L’inspection du travail danoise a ainsi recueilli en dix ans 786 plaintes relatives à des maladies professionnelles ou à des accidents du travail liés à des expositions aux substances chimiques au sein des usines de LM Wind Power. En ces temps de transition énergétique, développer les énergies renouvelables c’est bien, se préoccuper de la santé de ceux qui y travaillent, c’est mieux !

Source : European Trade Union Institute (Etui)

Ivan Du Roy, Basta Mag, 20 février 2012