Archives de catégorie : Feu aux prisons

Rafle des manifestants au rassemblement devant le CRA de Vincennes

Rafle des manifestants au rassemblement devant le CRA de Vincennes

 

Manifestation-Vincennes : des interpellations

Une centaine de personnes ont été interpellées samedi soir après une manifestation devant le centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, a-t-on appris de source policière, un responsable associatif évoquant de son côté 200 personnes arrêtées.

La manifestation était organisée par des mouvements autonomes, pour dénoncer l’existence des centres de rétention administrative. Selon une source policière, 102 personnes ont été interpellées alors qu’elles tentaient d’atteindre l’entrée du CRA. Quelques échauffourées ont eu lieu, des pétards et fusées ont été lancés, et deux policiers ont été légèrement blessés, selon cette source. Parmi les personnes interpellées, 99 personnes l’ont été pour des vérifications d’identité [Six heures pour un « contrôle » … d’identité ! Trois heures enfermés dans un car, six heures sans autorisation de toilettes, ni avocat, ni coup de téléphone] et trois pour des violences [Deux saisines envoyées à 20 heures par le comico au parquet de paris , sur ces … « violences » par les flics…], selon la même source.

Leur presse (Europe1.fr), 14 janvier 2012 – 22h17

Voir aussi cet article

Et ce témoignage ou encore cet appel à la solidarité

Liberté pour les inculpé-e-s de Toulouse !

Liberté pour les inculpé-e-s de Toulouse !

Depuis huit semaines, quatre jeunes sont en détention préventive à la prison de Seysses près de Toulouse. Ils et elles sont soupçonné-e-s d’avoir participé, en juillet 2011, à une action de solidarité avec les mineurs enfermés, menée dans les locaux de la direction interrégionale sud de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le soutien s’organise.

Les EPM (établissements pénitentiaires pour mineurs) sont de véritables prisons pour enfants, enfermant des mineurs de 13 à 18 ans, souvent issus des classes les plus défavorisées. Créés par la loi « Perben I », ils sont dénoncés par de nombreuses organisations politiques et syndicales (FSU, LDH, Syndicat de la Magistrature, PCF…). Il y a en effet de quoi s’interroger sur les 700 euros par jour dépensés pour chacun des 360 détenus mineurs enfermés dans les EPM, sur les 800 mineurs détenus… quand on compare, par exemple, avec l’hémorragie des budgets consacrés à l’éducation nationale. Ces EPM imposent une gestion schizophrène des mineurs « délinquants », en associant des éducateurs, sensés développer l’autonomie et l’apprentissage, et des matons – dont la fonction est éminemment coercitive. Les organisations syndicales travaillant dans ces EPM en dénoncent régulièrement la gabegie (la FSU, mais aussi la CGT-PJJ qui parle de « cocottes-minutes »). Même un rapport du Sénat se montre accablant. Résultat de cette politique consternante : suicides de mineurs à l’EPM de Meyzieux en 2008, et à l’EPM d’Orvaux en 2010 ; mutineries à Meyzieux en 2007, à Lavaur en 2007 et en 2011 ; tentatives d’évasion… Face à ce constat déplorable, la PJJ surenchérit dans la provocation et la répression les plus abjectes, en qualifiant d’ « irrécupérables » des jeunes détenu-e-s, en réclamant « plus de sécurité » ainsi qu’un « profilage des détenus ». Quant au Parlement, il s’apprêtait l’été dernier à refondre l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, avec la création d’un tribunal correctionnel pour récidivistes de plus de 16 ans !

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’action du 5 juillet dernier. Des personnes solidaires des détenu-e-s mineur-e-s s’introduisent dans des locaux de la PJJ de Labège, elles répandent un liquide puant (de la merde semble-t-il) sur des bureaux et ordinateurs, font quelques tags et laissent des tracts non siglés, solidaires contre la répression croissante qui s’exerce sur les mineurs et dénonçant les EPM. « Pas de violence physique » et « peu de dégâts », dixit le procureur de Toulouse Michel Valet lui-même (Dépêche du Midi, 6 juillet 2011), à peine un accrochage : quand un membre de la PJJ a arraché le sac à dos de l’une des personnes, il s’est pris un petit jet de lacrymo… qui n’a d’ailleurs donné lieu à aucune ITT (interruption temporaire de travail) ni à aucune plainte. Cette « affaire » n’était donc tout au plus qu’une modeste mais claire action de solidarité avec les mineurs frappés par la répression étatique. Qu’est-ce donc, face à la gravité de la situation des jeunes enfermé-e-s en EPM ?

Pourtant plus de quatre mois après les faits, c’est une véritable opération commando qui est lancée par l’Etat : des forces de l’ordre surarmées déboulent dans 7 lieux d’habitation de Toulouse – dont des squats d’habitation. Quinze personnes sont interpellées, dont une famille de sans-papiers. Six sont placées en garde à vue. Quatre sont ensuite placées en détention préventive, une reste inculpée et sous contrôle judiciaire, un dernier est libéré mais comme « témoin assisté ». Leur procès est prévu en mai 2012. Les trois chefs d’inculpation sont très lourds, disproportionnés par rapport aux faits reprochés : « violence commise en réunion sans incapacité », « dégradation ou détérioration du bien d’autrui commise en réunion », et bien sûr la fameuse « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou de dégradations de biens », l’arme estrosique absolue contre les militant-e-s, décidément ressortie à tous les procès. L’ADN des inculpé-e-s, alors qu’ils et elles avaient refusé leur prélèvement, a été pris sur leurs gobelets et couverts pendant la garde à vue. Rappelons que le prélèvement d’ADN (dont sont expressément exemptés les délinquants financiers) est devenu quasi-systématique en garde à vue. Que son refus est considéré comme un délit par l’Etat, pouvant donner lieu, même en cas de relaxe pour l’affaire corollaire, à d’ubuesques convocations ultérieures, voire des condamnations – le « délit » est toujours passible d’un an de prison et 15.000 euros d’amende.

Les inculpé-e-s de Toulouse nient toute participation à l’action du 5 juillet. Pour autant, ils et elles revendiquent et assument leurs convictions politiques et leur engagement militant. Certain-e-s sont des militant-e-s depuis le lycée, qui se sont mobilisé-e-s lors du CPE. Les inculpé-e-s ne font partie d’aucune organisation. Pourtant, la justice et la presse ont ressorti leur épouvantail, en prétendant qu’ils et elles appartiendraient à « l’ultra-gauche ». Cet étiquetage, de même que celui d’ « anarcho-autonome » (qu’on se souvienne de « l’affaire » de Tarnac ou celle de Vincennes) cache mal la volonté manifeste du pouvoir d’instaurer un véritable délit d’opinion, tout en coupant court à la critique nécessaire de leurs institutions.

Quatre d’entre eux-elles sont donc en « détention provisoire », qui s’éternise depuis huit semaines à la maison d’arrêt de Seysses. Sans aucune date annoncée de remise en liberté… Le juge attendrait le résultats des tests ADN – sans doute déjà à sa disposition. Si ces résultats ne correspondent pas, peut-être espère-t-il que les inculpé-e-s coopèrent pour donner des infos sur le milieu militant ? Que les flics puissent ficher d’autres militant-e-s exprimant leur soutien par des actions de solidarité avec les inculpé-e-s ? La détention provisoire bafoue la présomption d’innocence, puisqu’elle applique de fait une peine de détention avant tout jugement, sans compter qu’elle peut être prolongée au bon vouloir du juge. Ce qui prive les détenu-e-s de toute possibilité de relaxe, puisque pour se couvrir, le tribunal condamne toujours les détenu-e-s à une peine de rétention… qui couvre au moins le temps déjà passé derrière les barreaux (faute de quoi le tribunal pourrait être attaqué pour détention arbritraire). La CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) a critiqué la France à ce sujet : il y a de quoi. La moitié de la population carcérale en France correspond à des prévenu-e-s dans l’attente d’un procès, qui peut en certains cas avoir lieu deux ou trois ans plus tard. Là aussi, l’affaire de Labège rappelle celle de Tarnac (avec plus de six mois de détention préventive pour Julien Coupat), ou celle de Vincennes (entre 7 et 13 mois pour 6 Parisien-ne-s demeurant depuis sous contrôle judiciaire).

Les motifs qu’invoque le tribunal pour rejeter les demandes de libération émises par des inculpé-e-s de Toulouse frisent le grotesque : il s’agit d’ « empêcher une concertation frauduleuse avec des complices »… alors que les inculpées sont dans la même cellule et que les inculpés se sont côtoyés en promenade les premiers jours. D’ « empêcher une pression sur des témoins ou des victimes »… alors même qu’il n’y a aucune victime, et qu’aucun témoin n’a pu identifier personne. De « prévenir le renouvellement de l’infraction »… alors que les inculpé-e-s ne seraient pas des « récidivistes » mais des « primo-délinquants », s’ils et elles se retrouvaient finalement jugé-e-s coupables. Le tribunal a aussi refusé une demande de remise en liberté s’appuyant sur une promesse d’embauche pour 6 mois à partir de début janvier, jugeant celle-ci non crédible ; pourtant ce détenu a un casier judiciaire vierge, paye un loyer pour son logements et a des revenus. L’appel de l’autre détenu (rejeté) s’est même tenu récemment… sans le concerné.

Lorsque leur pouvoir s’est trouvé contesté, les Etats ont toujours eu recours à la stigmatisation et à l’agression contre une partie de la population : aujourd’hui les sans-papiers et plus généralement les étrangers, les Rroms, les jeunes des quartiers, les jeunes politisé-e-s, les militant-e-s (Conti, etc…), les anarchistes, etc. Ce qui leur permet de semer la peur en espérant détourner le mécontentement populaire contre des boucs-émissaires, si possible choisis de façon à briser les mouvements sociaux. Face à cette volonté de marginalisation et d’atomisation sociale, il y a une réponse claire et déterminée à apporter : la solidarité concrète avec toutes les personnes confrontées à la répression pour avoir contesté l’organisation (anti)sociale actuelle.

De nombreuses actions de solidarité avec les inculpé-e-s de Toulouse ont eu lieu et se poursuivent dans plusieurs villes de France, emmenées par des organisations et collectifs divers : banderoles, tractages, rassemblements, concerts et soirées débats (comme le 14 janvier aux Pavillons sauvages à Toulouse)… Le soutien matériel continue, notamment grâce à la solidarité du CAJ Toulouse (1), pour fournir aux détenus du fric pour cantiner, des bouquins, des vêtements et du courrier, malgré l’obstruction de l’administration pénitentiaire. Les affaires ont mis plusieurs semaines à arriver aux détenu-e-s, dont un n’a pu recevoir ses cours, pourtant envoyés à deux reprises par son Université, que très récemment soit quelques jours à peine avant ses partiels – ce qui compromet l’obtention de ses examens et son année universitaire.

Ici sur Poitiers, le comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux (« antirep 86 ») a réagi très vite, en organisant notamment un rassemblement de soutien et en produisant deux communiqués. Personnellement, je connais un peu deux des détenu-e-s et je pense tous les jours à eux avec le mal au bide. J’ai partagé leur lutte à Poitiers lors de mouvements dans l’éducation. Ils m’ont soutenu lorsque j’étais en grève. Ils dorment aujourd’hui en taule. Mais je sais aussi qu’ils tiennent bon, et qu’ils se savent soutenus. La solidarité est notre seule arme. Elle ira jusqu’au bout, avec toutes les personnes qui se sentent concernées et révoltées.

Liberté pour les inculpé-e-s, abolition des EPM, abolition de toutes les prisons.

John Rackham, groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 13 janvier 2012

(1) Soutien financier pour les frais de justice et la cantine en prison : envoyez vos chèques à l’ordre de « Maria », CAJ c/o Canal Sud, 40 rue Alfred Duméril, 31400 Toulouse

Incendie du Centre de rétention de Vincennes: peines légèrement allégées en appel

Incendie du Centre de rétention de Vincennes: peines légèrement allégées en appel

La cour d’appel de Paris a condamné vendredi six étrangers en situation irrégulière à des peines de prison ferme, légèrement moins lourdes que celles prononcées en première instance, pour l’incendie en 2008 du Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes.

Un des prévenus accusés d'avoir participé à l'incendie qui avait dévasté le 21 juin 2008 le Centre de rétention de Vincennes, au tribunal correctionnel de Paris, le 25 janvier 2010

Un des prévenus accusés d’avoir participé à l’incendie qui avait dévasté le 21 juin 2008 le Centre de rétention de Vincennes, au tribunal correctionnel de Paris, le 25 janvier 2010
 

Les condamnations des six hommes – trois Maliens, deux Marocains et un Palestinien, âgés de 21 à 38 ans – vont de 6 mois à deux ans et demi ferme. En 2010, le tribunal correctionnel les avait condamnés à des peines de 1 à 3 ans.

Les prévenus, dont la plupart avaient assisté au procès en octobre, étaient absents à la lecture du délibéré, auquel assistaient en revanche leurs avocats et des militants pour la défense des sans-papiers.

Cette décision « n’est pas satisfaisante », parce que ces hommes « restent les victimes d’une politique de l’immigration absolument inacceptable, du fait notamment de l’état dans lequel étaient et sont encore aujourd’hui les centres de rétention », a déclaré à la presse Me Irène Terrel.

L’avocate s’est néanmoins réjouie que la cour ait relevé dans ses motivations que certains équipements du CRA avaient aggravé le sinistre.

Le président, Gérard Lorho, a évoqué en particulier les matelas « combustibles », ainsi que la « structure légère » des bâtiments qui avait favorisé une propagation très rapide de l’incendie.

Le CRA de Vincennes avait brûlé le 22 juin 2008, lors d’émeutes ayant éclaté au lendemain de la mort d’un ressortissant tunisien de 41 ans qui y était retenu, décédé selon les autorités d’une crise cardiaque.

« Dignité et sécurité »

L’incendie n’avait pas fait de blessés graves mais avait dévasté les deux bâtiments du centre qui, avec 249 occupants, pour une capacité de 280, était à l’époque le plus grand de France.

La cour a d’ailleurs évoqué également la « concentration de personnes » de nature à favoriser les « incidents ».

Selon Me Terrel, « les autorités vont être bien inspirées d’écouter ce que dit la cour dans cet arrêt (…) et de prendre un certain nombre de dispositions pour que notre pays accueille les étrangers avec des garanties minimales de dignité et de sécurité ».

La cour d’appel n’en a pas moins considéré que les prévenus n’étaient « en aucun cas que des lampistes ou des boucs émissaires comme le soutient la défense ».

Les incendiaires, selon elle, ont été clairement identifiés au moyen notamment des enregistrements du système de vidéosurveillance du centre, visionnés durant le procès.

Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense avaient mis en cause les conditions d’accueil et de sécurité dans ce CRA.

Un rapport remis au gouvernement 15 jours avant le sinistre avait tiré la sonnette d’alarme, soulignant le « climat de tension et de violence » dans les CRA, en particulier celui de Vincennes. « Le risque était majeur, connu et on n’a rien fait », avait ainsi déploré Me Terrel.

L’avocat général avait quant à lui requis la confirmation du jugement de première instance.

Selon la Cimade, une organisation intervenant dans les CRA, il existe 27 de ces centres en France, d’une capacité totale de près de 2.000 places, destinés à accueillir des étrangers en situation irrégulière avant leur éventuelle reconduite dans leur pays.

 AFP, 13 janvier 2012

Pour expliquer « l’affaire » de Labège

POUR EXPLIQUER UN PEU L’« AFFAIRE DE LABÈGE »

Depuis maintenant près de deux mois, quatre jeunes hommes et femmes sont en détention « provisoire » à la maison d’arrêt de Seysses, sans qu’aucune date ait jamais été avancée concernant leur remise en liberté. Et on retrouve dans leur « affaire » un scénario désormais bien rodé pour la police et l’institution judiciaire : d’abord la criminalisation des personnes arrêtées, au moyen de l’étiquetage « ultra-gauche » ; puis une détention « provisoire » qui s’éternise ; enfin, un prélèvement d’ADN dont le refus est sanctionné pénalement…

Le 14 novembre dernier, une centaine de gendarmes mobiles ont opéré une impressionnante rafle à Toulouse dans sept lieux d’habitation (pour la plupart des squats) et interpellé une quinzaine de personnes (dont une famille de sans-papiers) ; ils ont ensuite mis six d’entre elles en garde à vue. Ces personnes ont toutes nié les faits qui leur sont reprochés ; elles ont juste reconnu un engagement militant (pour la plupart depuis le lycée avec le mouvement anti-CPE) et ont refusé le prélèvement d’ADN. Quatre sont donc présentement en détention, une autre jeune femme a été inculpée mais placée sous contrôle judiciaire, et un jeune homme a été libéré mais en tant que « témoin assisté ».

Les arrestations intervenues à Toulouse entrent dans le cadre de l’« affaire de Labège » : le 5 juillet 2011, une dizaine de personnes non identifiables ont pénétré dans les locaux de la direction interrégionale de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ, organisme qui dépend du ministère de la Justice) à Labège, dans la banlieue de Toulouse. Ce groupe a déversé des excréments sur des ordinateurs et des bureaux, tagué quelques slogans sur des murs, et laissé sur place des tracts non siglés dénonçant l’accentuation permanente de la politique sécuritaire à l’encontre des mineur-e-s avant de se volatiliser quelques minutes plus tard.

L’action visait donc clairement la ligne répressive de l’Etat – dénoncée par une partie des éducateurs eux-mêmes, notamment en 2002 lors de la création des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). En mai dernier, en effet, une révolte a éclaté à l’EPM de Lavaur, dans le Tarn. L’administration pénitentiaire et la PJJ y ont répondu par l’intervention des équipes régionales et de sécurité (ERS), des mesures d’isolement, des conseils disciplinaires et des transferts. La PJJ a alors déclaré qu’une partie des jeunes détenus étaient « irrécupérables », et elle a demandé « plus de sécurité, un profilage des détenus et une reconnaissance de la pénibilité [du] métier ». Au début de l’été, le Parlement s’apprêtait de plus à adopter une refonte de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, comprenant entre autres la création d’un tribunal correctionnel pour les récidivistes de plus de 16 ans en ce qui concerne des délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement.

Toujours est-il que l’action de Labège s’est déroulée sans violence – hormis un bref lâcher de bombe lacrymogène en direction d’un membre de la PJJ quand celui-ci a arraché le sac à dos d’un membre du groupe (il n’a eu aucun arrêt de travail et n’a pas porté plainte). Le procureur de la République, qui s’est déplacé sur les lieux avec le préfet le lendemain, a de plus remarqué lui-même que l’action menée « n’a[vait] finalement fait que peu de dégâts ». D’où l’évidente disproportion de l’opération lancée quatre mois plus tard par des forces de l’ordre surarmées pour procéder à une vague de perquisitions et d’arrestations à Toulouse, sur la base du sac laissé sur place à Labège (si ce sac semble bien appartenir à un des prévenus, ce dernier affirme l’avoir perdu lors de son déménagement en juin dernier).

A la fin de leur garde à vue, les lourdes inculpations que le juge a prononcées à l’égard de cinq personnes ont été les suivantes : « – Participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou de dégradations de biens ;

  • violence commise en réunion sans incapacité ;
  • dégradation ou détérioration du bien d’autrui commise en réunion. » En dépit du fait que ces personnes n’appartiennent à aucune organisation et que l’action de Labège n’a pas été revendiquée, l’étiquette « ultra-gauche » qui a été collée sur leur dos et sur leur dossier, et que les médias ont reprise, a suffi à les criminaliser (l’ordonnance de placement en détention provisoire concernant un des prévenus affirme ainsi que celui-ci « reconnaît son appartenance à un mouvement d’extrême gauche, lequel est à l’origine des faits reprochés comme en attestent les tracts laissés sur place » ; or le terme d’« ultra-gauche » qui lui a été attribué pendant la garde à vue ne représente en rien une organisation). Et ce malgré l’absence de preuves jusqu’à ce jour, car l’instruction court toujours. De même que l’« appartenance à la mouvance anarcho-autonome » et d’autres qualificatifs de ce genre, l’étiquetage « ultra-gauche » sert ainsi depuis des années maintenant à créer un véritable délit d’opinion.

Par ailleurs, le refus opposé par les « inculpé-e-s de Labège » à un prélèvement d’ADN va leur valoir un procès, début mai, quoique cet ADN leur ait de toute façon été prélevé contre leur gré en garde à vue (sur les gobelets et couverts utilisés pour se restaurer durant ce laps de temps). Les avocats des inculpé-e-s se sont à une exception près abstenus de faire appel de la mise en détention, sur l’idée que le juge attend les résultats des tests pour décider de leur libération ou non ; mais on peut sérieusement en douter, après sept semaines de détention. Il est bien plus probable que ces résultats sont déjà connus, et qu’il s’agit plutôt pour le juge de laisser mariner toute cette jeunesse en prison, dans l’espoir de la faire craquer et avouer ou du moins « coopérer » (tout en observant qui se mobilise pour les soutenir, aussi et bien sûr, afin d’alimenter les fichiers et de trouver d’autres « coauteurs » de l’action incriminée), surtout si le résultat des tests n’a pas « démontré » la culpabilité des inculpé-e-s. Rappelons que le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a la particularité d’être alimenté de force – le prélèvement est « juridiquement contraint » car, en garde à vue, l’officier de police judiciaire a l’obligation d’informer le prévenu qu’il peut refuser ce « prélèvement biologique », mais en ajoutant aussitôt que « ce refus constitue un délit », et pas des moindres, puisque le code pénal prévoit jusqu’à un an ferme et 15 000 euros d’amende. Une situation kafkaïenne, étant donné le nombre de gens qui, relaxés du délit pour lequel on leur demandait leur ADN, demeurent poursuivis pour le délit de refus de prélèvement ; c’est qui plus est un « délit continu » : tant que l’on persiste dans son refus, on peut être convoqué à tout moment pour une nouvelle demande de prélèvement. Cette situation fait que certains ont porté leur cas devant la Cour européenne des droits de l’homme (voir http://www.slate.fr/story/47639/adn…).

Par les détentions « provisoires » qui s’éternisent, l’institution judiciaire entre également, et une fois de plus là encore, en complète contradiction avec la « présomption d’innocence » censée former le socle de la justice française. Il n’est que de voir la population des prisons, composée pour moitié de prévenu-e-s dans l’attente d’un procès qui peut avoir lieu deux ou trois ans plus tard. Ou se rappeler l’expérience pénitentiaire de Julien Coupat (plus de six mois) ; et, encore plus fort, celle des six Parisiens qui sont traduits en justice en mars prochain : entre sept et treize mois de « provisoire », avec un placement sous contrôle judiciaire ensuite (leurs quatre affaires ont été rassemblées sous le prétexte d’une même « association de malfaiteurs dans un but terroriste » – voir notamment l’article de Camille Polloni paru sur Inrocks.com le 19 janvier 2011 : http://www.lesinrocks.com/actualite…).

Depuis leur arrivée à la maison d’arrêt, la situation des « inculpé-e-s de Labège » n’a pas évolué : chaque fois que le tribunal a dû réexaminer leur incarcération, il a choisi de les maintenir en prison. Les motifs qu’il invoque demeurent :

  • « d’empêcher une concertation frauduleuse avec les complices », alors que les deux jeunes femmes ont été enfermées dans la même cellule et que les deux jeunes hommes ont effectué leurs promenades ensemble durant leurs premiers jours à la maison d’arrêt ;
  • « d’empêcher une pression sur les témoins ou victimes », alors que dans l’action de Labège il n’y a pas eu de victimes et qu’aucun témoin n’est en mesure d’identifier ses responsables.
  • « de prévenir le renouvellement de l’infraction », alors qu’il ne s’agirait pas de récidivistes mais de « primo-délinquants », selon le jargon judiciaire, s’il s’avérait qu’ils et elles sont coupables.

L’attitude du tribunal à l’égard du seul prévenu qui a fait appel de sa mise en détention puis, débouté, a déposé une demande de remise en liberté montre bien que pour ce tribunal la culpabilité des inculpé-e-s est acquise. Lors de l’appel, qui s’est déroulé en présence de ce prévenu et dont l’audience était publique, la juge a lu le texte de l’ordonnance de placement en détention provisoire et s’est s’exclamée lorsqu’il a été question de la PJJ : « C’est parfaitement hilarant, quand on connaît le dévouement du personnel de la PJJ ! » ; peu après, c’est son collègue qui s’est écrié, à la mention que les inculpé-e-s avaient refusé le prélèvement d’ADN par conviction politique, qu’il ne voyait « vraiment pas » comment on pouvait associer les termes « ADN » et « politique »… Après quoi, ce tribunal a demandé au prévenu s’il avait quelque chose à ajouter, et, relevant qu’on le qualifiait d’« ultra-gauche » dans l’ordonnance de mise en détention, il a voulu savoir ce que le tribunal entendait par là en précisant qu’il était prêt à en débattre puisqu’il n’appartenait à aucune organisation. Autrement dit, il a répondu sans arrogance, mais sans se laisser démonter ni baisser la tête dans l’attitude attendue de repentance, partant de culpabilité admise. Inacceptable, pour le tribunal – d’où le commentaire suivant, à la fin de l’arrêt de la cour d’appel le maintenant en détention : « Son attitude laisse présumer qu’il agit délibérément même s’il conteste formellement les faits. » La demande de remise en liberté s’est soldée quant à elle en deux temps trois mouvements dans le bureau du juge : celui-ci a campé sur ses positions, en motivant son refus de remettre l’inculpé en liberté par les arguments précédemment utilisés, mais en ajoutant cette fois qu’il ne croyait pas à la promesse d’embauche obtenue pour six mois à compter du 2 janvier 2012. Autrement dit, après avoir en novembre invoqué un manque de « garanties de représentation » pour mettre cet inculpé en détention (au prétexte qu’il n’avait pas repris une inscription à la fac en septembre mais s’était inscrit à Pôle emploi), cette proposition de travail n’a pas davantage satisfait le tribunal : il a laissé en prison cet inculpé malgré un casier judiciaire vierge, l’existence d’un logement loué et de revenus (modestes mais réels), et sans avancer la moindre preuve corroborant les accusations portées à son encontre.

On assiste ainsi, grâce aux innombrables lois sécuritaires adoptées depuis une dizaine d’années, à la criminalisation d’une certaine jeunesse radicalisée : selon ses besoins du moment, l’Etat réprime les jeunes de banlieue ou les « jeunes » en général, les « étrangers » ou les sans-papiers, les Roms, les « anarcho-autonomes », les activistes politiques ou les participants à des mouvements de la contestation sociale. Les milieux tour à tour en butte à la répression se trouvent à la merci du pouvoir. D’une part, parce que la détention « provisoire » peut être prolongée, selon le bon vouloir des juges, pendant des mois et des mois voire des années – une situation qui a plusieurs fois incité la Cour européenne des droits de l’homme à critiquer la France là-dessus aussi et à lui demander de revoir cette pratique. D’autre part, parce que le refus de prélèvement d’ADN est sanctionné pénalement et de façon répétitive.

Pareille situation démontre, s’il en était besoin, l’urgence de la contrer par l’affirmation d’une solidarité concrète envers les personnes en butte à la répression parce qu’elles contestent le système capitaliste et son organisation sociale. Seule la manifestation de cette solidarité peut leur éviter la marginalisation dans laquelle l’Etat cherche à les piéger et vers laquelle la répression tend trop souvent à les pousser. Il faut dénoncer haut et fort la perversité d’une détention « provisoire » qui revient à faire exécuter une peine avant même qu’un jugement ait été rendu – d’autant plus que semblable procédé anéantit toute possibilité de relaxe lors du procès : quand celui-ci finit par avoir lieu, le tribunal condamne à une peine couvrant la durée de la préventive, afin de ne pas être attaqué en justice pour détention arbitraire. Alors, décidément, ne laissons plus faire !

Françoise (Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux)

PS : Un deuxième détenu qui avait fait appel suite au refus de sa demande de mise en liberté a vu ce refus confirmé.

Droite, gauche… feu à toutes les prisons !

Prison: 24.000 places en plus d’ici 2017, dont une partie en partenariat public-privé

Les députés ont voté mercredi soir la création de 24.000 places de prisons supplémentaires d’ici 2017, dont une partie sera construite dans le cadre de partenariats public-privé (PPP), et dont certaines seront réservées aux détenus condamnés à moins d’un an de prison.

« C’est une nécessité absolue aujourd’hui », a plaidé le député Eric Ciotti UMP) qui avait remis avant l’été un rapport au chef de l’Etat sur l’inexécution des peines pénales, en réponse à une opposition qui taxe ce projet de « fuite en avant ».

Il s’agit de réduire de 35.000, sur 87.000 actuellement, le nombre de peines en attente d’exécution d’ici 2017. Ces peines ne concernent que les délits, et non les crimes.

Toujours à même horizon 2017, le texte révise le classement des établissements pénitentiaires: « sécurité renforcée », « normale », « adaptée » et « à sécurité allégée ». Ces dernières structures, 6.000 au total, seront destinées aux « courtes peines », soient « inférieures ou égales à un an » de prison. Une partie de ces places sera construite dans le cadre de partenariats public-privé, prévoit le texte.

« Tout est concentré sur l’enfermement ferme », a déploré Dominique Raimbourg (PS). « Nous ne sommes pas opposés à toute construction », a-t-il expliqué, estimant qu’il faut « 65.000 places », soit égal au nombre actuel de détenus, et faire en sorte de « remplacer les vétustes ».

« Cela veut dire 15.000 surveillants en plus, je ne suis pas sûr que vous avez les budgets », a interrogé pour sa part l’ancienne ministre de la Justice socialiste, Marylise Lebranchu. Concernant les PPP, elle a estimé que « cela coûtera plus cher » et que « cela rapportera à des grands groupes ». La nouvelle prison de Lyon, construite en PPP, avait connu à son ouverture des déboires en 2009.

AFP, 12 janvier 2012