Archives de catégorie : Le travail tue

Et pan dans les dents de Cofiroute

Cofiroute condamnée et les huissiers épinglés

User de chèques de voyage détournés est illégal, même pour un huissier. Les prud’hommes annulent les constats réalisés à la demande de Cofiroute.

En 2009, la grande société d'autoroutes avait lancé une vaste opération de contrôle de certains de ses guichetiers

 

En 2009, la grande société d’autoroutes avait lancé une vaste opération de contrôle de certains de ses guichetiers – (Photo d’archives; P. Deschamps)

Un huissier n’est pas au-dessus des lois, bien au contraire. C’est ce que vient de rappeler sèchement le conseil de prud’hommes de Poitiers en donnant gain de cause à deux salariées de Cofiroute et en annulant les constats d’huissiers sur lesquels la société d’autoroute s’appuyait pour justifier leur licenciement.

Durant l’été 2009, la grande société d’autoroute avait lancé une vaste opération de contrôle de certains de ses guichetiers, soupçonnés de détourner à leur profit une petite partie des recettes de péages. Depuis plusieurs années, les sociétés d’autoroute ne rendent plus la monnaie sur les chèques vacances remis en paiement du péage : la différence est censée être versée par le guichetier sur un compte à part. Or, il semble bien que cette procédure n’ait pas toujours été respectée par tout le monde. D’où le déclenchement de la procédure, à un moment où Cofiroute cherchait précisément à se débarrasser de plusieurs dizaines de guichetiers pour les remplacer par des machines automatiques. Après avoir obtenu d’un juge l’autorisation de recourir aux services d’huissiers, Cofiroute a fait « piéger » plusieurs de ses salariés entre Poitiers et Paris, notamment deux femmes à Poitiers-Sud : les huissiers avaient été dotés par Cofiroute, pour payer leur péage, de chèques vacances détournés, dont on ignore l’origine.

Seul son titulaire peut utiliser un chèque vacances

Les guichetières ne pouvant expliquer pourquoi les sommes versées n’apparaissaient pas dans la caisse spéciale ont été licenciées sans indemnité pour faute lourde. Assistées de la CGT, elles ont saisi les prud’hommes. Dans leur jugement rendu hier, les juges élus, qui avaient fait appel pour présider le tribunal à un magistrat professionnel, soulignent que selon le Code du Tourisme, un chèque vacances ne peut en aucun cas être utilisé par une autre personne que celle à laquelle il a été délivré ; toute utilisation abusive d’un tel chèque constitue une infraction réprimée par le Code pénal. Les juges rappellent par ailleurs que la déontologie à laquelle sont tenus les huissiers de justice leur interdit « d’avoir recours à un procédé irrégulier pour recueillir une preuve ». Les constats versés aux débats ont donc été annulés. Si les juges ont admis que les surplus de certains chèques vacances n’avaient effectivement pas été versés là où ils auraient dû l’être, ils ont estimé que Cofiroute n’apportait pas la preuve des détournements. La thèse développée à l’audience par le bâtonnier Gaston, avocat de la défense _ la caisse enregistreuse était trop compliquée à utiliser et trop lente _ est plausible. Par voie de conséquence, les deux licenciements ont été déclarés sans cause réelle ni sérieuse. Cofiroute est condamnée à verser environ 36.000 et 22.000 euros à ses anciennes salariées au titre de leurs indemnités de préavis, congés payés et indemnités de licenciement abusif. La CGT recevra 1.000 € de dommages-intérêts.

Nouvelle République, Vincent Buche, 7 février 2012

[Poitiers] Festival filmer le travail : interview de Mordillat

 » Le travail est le vaisseau fantôme dans notre société « 

Dans le cadre de la 3 e édition du Festival Filmer le travail, le romancier et réalisateur Gérard Mordillat est venu, hier, rencontrer des publics.

Franscisco Ferreira, enseignant l'université de Poitiers et Gérard Mordillat lors de la conférence-débat.

 

Franscisco Ferreira, enseignant l’université de Poitiers et Gérard Mordillat lors de la conférence-débat.

Vous intervenez à quel titre dans ce festival ?

« J’interviens à double titre. Comme romancier. Et puis en tant que cinéaste puisqu’on va montrer lors d’un débat des extraits de la série télévisée que j’ai réalisée sur « Les Vivants et les morts », puis ce soir un film que j’ai réalisé avec Nicolas Philibert qui s’appelle « La Voix de son maître » sur le discours patronal. »

« La Voix de son maître » n’est pas un film récent

« Non, il date de 1978. C’était un travail extrêmement sérieux voire sévère sur le discours patronal. C’est un vrai travail critique où le cinéma est utilisé comme outil critique. Et puis ce film a été censuré à la télévision. Il a fallu attendre treize années plus tard pour qu’il soit enfin diffusé sur le petit écran. »

En quoi ce film est toujours d’actualité ?

« Parce que toutes les questions posées sont les mêmes : sur la légitimité du capital, sur le pouvoir exercé à l’intérieur de l’entreprise, sur quels types de relation entretenir avec les syndicats, sur quel syndicalisme pouvait-on penser… Et sans le savoir, on a tourné à une moment absolument charnière de l’histoire économique et politique de la France. Quand nous avons tourné en 1976-77, dans toutes les entreprises, il y avait un directeur du personnel. Et lorsque le film est sorti en 78, on était passé à directeur des ressources humaines. Aujourd’hui, on a franchi une marche supplémentaire car les salariés ne sont plus considérés ni comme « personnel » ni même comme « ressource » mais de « variable d’ajustement ».

C’est très pessimiste…

« C’est la réalité. L’alternative est de rompre avec cette logique de quête de profit jusqu’à la folie et de revenir à une autre organisation sociale qui, sans rêver à une égalité parfaite entre les citoyens, en tout cas, tente à rétablir les équilibres. »

Quels rapports entre filmer le travail et la façon dont cela est reçu par le public ?

Le problème, c’est que le travail est le vaisseau fantôme dans notre société. Il est absolument absent de l’univers du cinéma, de la télévision et même des romans. Tout aussi absent de l’univers médiatique.

> Le Festival se poursuit jusqu’à dimanche. www.filmerletravail.org

Nouvelle République, Propos recueillis par Marie-Laure Aveline, 7 février 2012

[Vouillé – 86] Chronique de l’exploitation salariale

L’ancien transporteur écope de 586 amendes !

Vouillé. Les Transports Collas, liquidés en janvier, ont été épinglés pour des dépassements d’horaires en 2009. L’ex-gérant devra régler 586 amendes.

Les Transports Collas ont été liquidés le mois dernier par le tribunal de commerce de Poitiers.

Hasard du calendrier judiciaire, mardi dernier, c’est le précédent gérant de la société, aux manettes en 2009, François Guénard, qui était poursuivi devant le tribunal correctionnel pour une très longue liste d’infractions. Il lui était reproché de ne pas avoir tenu correctement à jour les documents qui sont censés permettre de contrôler si l’entreprise respecte la réglementation sur le temps de conduite. L’ancien gérant, qui ne s’était pas déplacé et qui n’était même pas représenté par un avocat, était également poursuivi pour avoir fait obstacle au contrôle des services spécialisés venus chez lui en novembre 2009. La société connaissait alors une passe difficile. Elle sera d’ailleurs cédée au début de l’année 2010.

Une passe difficile

Les contrôleurs de la société de transport demandaient communication de toutes les feuilles d’enregistrement des mouchards des camions sur une période allant du 1er juillet au 30 septembre 2009. (Ces appareils enregistrent temps de conduite et de repos). Ils exigeaient aussi les fiches nominatives de la quarantaine de chauffeurs employés par l’entreprise. Et là, surprise. Les contrôleurs se sont rendu compte que des chauffeurs roulaient sans avoir inséré leur carte dans le mouchard et que plusieurs feuilles d’enregistrement des données étaient utilisées pour une même journée de conduite. Ils ont alors relevé qu’à 180 reprises, les chauffeurs ont roulé sans mettre en route le mouchard ; qu’à 180 reprises, la durée quotidienne du travail a été dépassée, qu’à 77 reprises, le temps de repos quotidien n’a pas été respecté, qu’à 84 reprises la durée maximale de conduite a été dépassée, qu’à 49 reprises, la durée hebdomadaire maximale de travail n’a pas été respectée… Invité à se défendre devant les contrôleurs en mai 2010, François Guénard avait expliqué que la société se trouvait alors dans une passe très difficile.

6.830 € au total

« Ce sont de gros camions qui circulaient. Ils devaient d’autant plus respecter la réglementation, quand bien même la société était dans une passe difficile », a noté le parquet en réclamant deux amendes de 800 € pour les deux délits, 510 amendes à 30 € pour les contraventions de quatrième classe et 74 amendes à 50 € pour les contraventions de cinquième classe. Le tribunal a confirmé l’addition : l’ancien gérant devra régler 586 amendes pour un total de 6.830 €

Nouvelle République, Emmanuel Coupaye, 6 février 2012

De la mort bien d’cheu nous

No comment…

 « On ne peut que se réjouir et être fier que l’excellence française, ici en matière d’aéronautique militaire, soit ainsi récompensée. Cela démontre aussi que le  » Produire en France  » peut avoir un avenir et un sens économique ! »

Président de l’UMP de la Vienne et conseiller régional, Olivier Chartier revient sur le projet d’achat de 126 Rafale par l’Inde : « Dans un contexte économique très difficile, l’annonce par l’Inde de négociations exclusives avec l’avionneur français « Dassault » est non seulement une très bonne nouvelle pour l’emploi en France mais aussi pour l’emploi dans la Vienne puisqu’une partie de ce fabuleux « chasseur » est produite sur le site de Biard. » Il se dit également « choqué qu’à l’annonce de cette heureuse nouvelle qui n’est ni de droite ni de gauche mais française, les députés socialistes sont restés volontairement prostrés les bras croisés (certains d’entre eux ont même sifflé) refusant ostensiblement de s’unir aux félicitations adressées par l’État et par la majorité présidentielle […] Il y a des sujets sur lesquels la représentation nationale aurait tout à gagner aux yeux des Français à se montrer rassemblée, en particulier lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts de la France et de ses entreprises dans la rude compétition mondiale ».

Nouvelle République, 3 février 2012

[Paris] Occupation du siège de l’ONF

Le siège de l’ONF à Paris occupé pour « une gestion durable de la forêt »

Il était 7 heures du matin, mardi 31 janvier, quand près de quatre-vingts gardes forestiers ont entrepris d' »emballer » le siège de l’Office nationale des forêts (ONF), dans le 12e arrondissement de Paris. Ces syndicalistes du Syndicat national unifié des personnels de la forêt et des espaces naturels (Snupfen, affilié à Solidaires) ont déroulé, du haut de la cinquantaine de mètres de la tour, d’immenses bâches agricoles noires sur lesquelles ils avaient écrit en blanc « Quelle forêt pour nos enfants ? » Alors que le thermomètre descendait en dessous de 0 °C, « une température douce » pour ces hommes venus de Franche-Comté, d’Alsace ou de Lorraine, et que le vent s’engouffrait avec force sous les toiles accrochées non sans mal, les militants ont aussi peint en vert sur le trottoir, la couleur de leurs polaires et de leurs bonnets, « – 700 emplois ». C’est le nombre des suppressions de postes prévues à l’ONF dans le contrat d’objectif 2012-2016.

Pascal Viné, directeur général de l’office, venu discuter avec les occupants, concède que ces suppressions auront des conséquences. « Les agents voient bien que les missions qui leur sont confiées sur le terrain se font avec moins d’agents », dit-il en détaillant les 563 emplois de fonctionnaires à supprimer d’ici à 2016, ainsi que les 180 postes d’ouvriers forestiers (de droit privé). « Personne n’est mis à la porte, il s’agit de non remplacements, mais l’impact est important », ajoute M. Viné.

 

Les syndicats, eux, font les comptes et rappellent « les mille emplois déjà supprimés en dix ans ». L’ONF compte aujourd’hui quelque 6 300 fonctionnaires et 3 100 ouvriers forestiers. Derrière les suppressions de postes annoncées se jouent, pour les hommes en vert, les capacités de l’office à gérer les forêts, l’avenir de la biodiversité et de l’économie de la filière bois, vantée par le chef de l’Etat à de nombreuses reprises.

25 SUICIDES EN 7 ANS

Il y a aussi un profond malaise, une forte inquiétude qui, amplifiés par des conditions d’isolement et de « management agressif », selon le Snupfen, se sont traduits par un nombre de suicides impressionnant : vingt-cinq en sept ans, six pour le seul été 2011. Peu enclin à faire de la publicité à ces gestes désespérés, dus souvent à de multiples causes, le syndicat a néanmoins décidé de se porter partie civile sur deux cas, pour accompagner les familles de ces deux victimes qui, elles, ont porté plainte contre la direction de l’ONF.

Devant la porte entravée du siège, Jean-Jacques, garde forestier en Moselle, apostrophe le directeur. « Vous ne soupçonnez pas la souffrance sur le terrain, lui dit-il. La semaine dernière, un collègue a été à deux doigts de se foutre en l’air, il avait son pistolet de service sur la table de la cuisine et il m’a dit que si son épouse n’était pas là, il se serait tiré une balle dans la tête. » Silence compréhensif mais gêné de Pascal Viné. Jean-Jacques reprend. « C’est lourd, j’ai discuté longtemps avec cet agent et j’ai été obligé d’en parler à son chef de service », poursuit-il. Selon lui, « la responsabilité de l’encadrement est directement engagée ». Lui-même a des problèmes. Pascal Viné lui suggère de lui écrire directement.

Le climat social est tellement délicat que la direction a décidé l’an dernier de réaliser une enquête interne. Elle s’est conclue, vendredi 27 janvier, par la remontée des questionnaires remplis par 40 % des fonctionnaires et 20 % des ouvriers. Résultats à venir.

Au-delà de leurs conditions de travail, les gardes forestiers veulent attirer l’attention sur l’avenir de la forêt et dénoncer « le désengagement de l’Etat qui met en péril la gestion durable de la forêt ».

Philippe Berger, secrétaire général du Snupfen, dit vouloir attendre un rendez-vous avec le ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire. En début d’après-midi, mardi, une proposition était faite au syndicat de rencontrer le ministre le 6 février. Les militants devaient décider de lever l’occupation, sans pour autant relâcher la pression. « Nous pouvons être patients : gérer une forêt nécessite de savoir prendre son temps, explique Sylvestre Soulié, responsable syndical de Franche-Comté. Les politiques doivent comprendre que nous sommes les meilleurs experts de ce patrimoine, capables d’analyser les effets du temps et des modifications climatiques sur les écosystèmes et que, même d’un point de vue économique, la gestion ne peut se faire sans nous. »

Rémi Barroux, 31 janvier 2012