Archives de catégorie : Le travail tue

[Saint-Savin] La justice de classe a frappé les ex-salariées d’Aubade

ndPN : pour rappel, un article de la CNT 86

Prud’hommes : la requête des ex-Aubade rejetée

Les 66 ex-Aubade qui contestent le motif économique de leur licenciement n’ont pas été entendues, hier, par les prud’hommes. Leur avocat fait appel.

Le combat des ex-salariées n'est pas terminé.

 

Le combat des ex-salariées n’est pas terminé. – (Photo archives)

Le délibéré est tombé hier, quatorze mois après l’audience : la requête des 66 ex-salariées de l’usine de lingerie Aubade de Saint-Savin est rejetée par le conseil des prud’hommes.

Le juge valide donc le motif économique des 101 licenciements de décembre 2009, mis en avant par la société, et non leur caractère « boursier » dénoncé par Me Giroire-Revalier, l’avocat des plaignantes.

«  Il faut rester optimiste  »

« Très déçu », ce dernier annonce qu’il va faire appel au nom des ex-salariées. Pour lui, les conclusions du juge sur le fond ne sont pas satisfaisantes : « Il est resté sur une appréciation des comptes de la société Aubade France, et pas des comptes de la holding suisse Calida. Or, il est impossible de statuer sur le bien ou le mal-fondé de licenciements sans se mettre à la hauteur de Calida, qui détient 100 % d’Aubade et qui est donc celui qui tire les fils. Par ailleurs, pour statuer, le juge a seulement pris en considération l’activité luxe de la société. Or, à nos yeux, on ne peut pas étudier la viabilité de l’entreprise sans prendre en compte l’ensemble du secteur textile du groupe. »
Lors de l’audience, l’avocat avait pointé du doigt la « volonté capitalistique de Calida de démanteler la production française d’Aubade au profit des filiales tunisiennes. » Une analyse qui n’a donc pas été entendue.
Me Giroire-Revalier soulève un autre point de désaccord : « Le juge n’a pas répondu à une question fondamentale que nous avions soulevée, à savoir l’absence de motivation explicite sur les lettres de licenciement. »
Me François Gaston, l’avocat représentant l’union départementale CGT, associée à la demande des 66 ex-Aubade, partage le sentiment de son confrère : « C’est une grande déception dans la mesure où nous avions énormément investi pour essayer de démontrer le caractère irrégulier des licenciements. »
Il n’en démord pas : « Il s’agit de licenciements d’économies, liés à des choix stratégiques d’entreprise, et non économiques. »
Pour lui aussi, il est « nécessaire d’aller en appel pour avoir une clarification sur les appréciations juridiques. Il faut rester optimiste. »

à chaud

 » Je suis très déçue et révoltée « 

Invité à réagir, Brigitte Péris, ex-déléguée CGT d’Aubade, est « très déçue et révoltée » par la décision prise hier par le conseil des prud’hommes de Poitiers. « Je ne comprends pas la décision des juges. Il n’y en a que pour les patrons. Je ne demandais pas spécialement de l’argent, juste qu’ils soient punis et qu’on reconnaisse notre combat. Il y avait de l’argent et du travail dans cette boîte. On a privé des gens de boulot pour aller produire là-bas (en Tunisie, N.D.L.R.), où les coûts de production sont moins élevés, et ainsi faire deux fois plus de bénéfices. Ça ne va pas s’arrêter là, nous allons faire appel, en espérant, à la longue, être entendues. »

Nouvelle République, Anthony Floc’h, 17 janvier 2012

[Civaux] Le directeur de la centrale en correctionnelle

Le directeur de la centrale de Civaux en correctionnelle

Sept salariés de la centrale de Chooz accusent Jean-Paul Joly, leur ancien directeur, de harcèlement. Il sera jugé mercredi dans les Ardennes.

Jean-Paul Joly dirige la centrale EDF de Civaux depuis 2008.

 

Jean-Paul Joly dirige la centrale EDF de Civaux depuis 2008.

Les plaignants qui s’expriment dans les colonnes du journal L’Ardennais dressent le portrait d’un tyran. « Un adepte du management par la terreur qui a causé des dégâts énormes », ajoute Marie-Pierre Lavandier, du syndicat CFE-CGC. Jean-Paul Joly, directeur de la centrale nucléaire de Chooz de 2001 à 2008, est accusé de harcèlement par sept salariés du site des Ardennes.

Sur la base d’un rapport de l’inspection du travail qui avait été interpellée dès 2007, le parquet de Charleville-Mézières a renvoyé l’actuel directeur de la centrale de Civaux en correctionnelle pour des faits qui remontent à la période 2005-2008. L’audience a été fixée au 18 janvier prochain.
Dans la Vienne, où Jean-Paul Joly est en poste depuis plus de trois ans, ces accusations étonnent. Selon un représentant du personnel, les agents qui ont connu le directeur à Chooz et à Civaux indiquent en effet qu’il a changé de comportement, le jugeant plus « docile ». Tout juste lui est-il reproché, ici, son manque de respect pour les instances syndicales.

 » C’est une usine pas comme les autres  »

« Au-delà des cas particuliers, il y avait véritablement un problème à Chooz », assure l’animatrice de la fédération CFE-CGC de Champagne-Ardenne. « C’était une méthode de direction, une pratique du personnage, sa manière d’être, sa façon de s’adresser aux agents, de mener les affaires… Croyez-vous que l’inspection du travail aurait fait un signalement s’il n’y avait pas eu de problème ? »
Pour la défense de Jean-Paul Joly, Me Jean-Pierre Mignard assure pourtant qu’il ne s’agit que de « divergences sur des choix d’orientation entre la direction et un petit groupe de personnes ». « Nous ne nions pas l’existence d’un conflit mais en renvoyant M. Joly en correctionnelle, c’est une violence à la loi pénale que l’on fait ; la loi pénale est torturée pour infliger une leçon à M. Joly », insiste le célèbre avocat du barreau de Paris. « Nous contestons donc les faits de harcèlement, l’infraction est d’ailleurs extrêmement difficile à établir. »
A la fédération CGT Mines Énergies, Laurent Langlard observe que le conflit intervient dans un cadre très particulier : « Une centrale, c’est une usine pas comme les autres dans laquelle on travaille en vase clos. Tout y est extrêmement sensible. » A commencer par les rapports humains.

Nouvelle République, Baptiste Bize, 16 janvier 2012

[Saint-Savin] Aubade aux prud’hommes

Aubade aux prud’hommes : Chantal veut une bonne somme

66 ex-salariées d’Aubade ont contesté leur licenciement aux prud’hommes. Chantal Barrat, l’une d’elles, attend le délibéré de ce lundi avec impatience.

Chantal Barrat (au premier plan, au centre) lors d'une manifestation à Paris, en fin d'année 2009.

 

Chantal Barrat (au premier plan, au centre) lors d’une manifestation à Paris, en fin d’année 2009. – (Photo d’archives)

Elle a travaillé 27 ans chez Aubade, à Saint-Savin, où elle a occupé à peu près tous les postes : la coupe, la machine, la finition, l’expédition. Chantal Barrat, 47 ans, de Saint-Germain, n’est pas prête d’oublier ce 18 janvier 2010, le jour où « son » usine a fermé. Deux ans après, elle n’a toujours pas digéré : « Il y avait du travail, de l’argent dans cette boîte. On voit des entreprises qui coulent à cause d’un gros problème d’argent. Nous, c’était pas le cas… »

Comme 66 des 103 « petites mains » licenciées à cette époque, la mère de famille n’a eu aucun scrupule à porter l’affaire devant le conseil des prud’hommes de Poitiers, pour y dénoncer le motif « boursier », et non économique, de ce plan social.

«  Je n’ai pas l’intention de sauter d’un pont  »

Le jugement doit être rendu public ce lundi, 14 mois après l’audience. Chantal « espère que ça va aboutir ». Autrement dit que le conseil des prud’hommes va donner raison aux ex-salariées. « Ils (la direction d’Aubade, NDLR) peuvent payer, et ils le méritent. Je passe souvent devant l’usine, et à chaque fois, je vois ces grilles fermées, ça remue ! »
Ce qu’elle attend concrètement de ce jugement ? « Une bonne somme », sourit-elle, assurant ne plus se souvenir du montant exact réclamé par son avocat. Pour mémoire, à l’audience, fin 2010, des indemnités allant de 18 à 32 mois de salaires (soit des sommes allant de 22.000 à 40.000 €) avaient été réclamées.
Un chèque qui pourrait l’aider à boucler des fins de mois parfois difficiles. Et pour cause : depuis son licenciement, la quadragénaire a d’abord connu le chômage, puis six mois de formation d’auxiliaire de vie au Vigeant, suivis de six mois de remplacements à l’ADMR… Et, enfin, un retour à la case chômage le mois dernier.
« A la maison, le budget est serré, on calcule tout, et le moral n’y est pas toujours, explique-t-elle. Heureusement, je suis bien entourée : mon mari et mes enfants sont là, ils ont tous du travail – je touche du bois –, la maison est payée…. »
Chantal avoue que « l’avenir (lui) fait peur ». Mais elle n’est pas du genre à baisser les bras : « Il y a eu des moments difficiles, il y en aura encore Mais je n’ai pas l’intention de sauter d’un pont ! Il y a encore plein de belles choses à faire et à vivre. Mon nouveau métier me plaît bien. C’est physique, mais ce contact avec les personnes, j’aime bien. »
Elle espère « trouver du boulot rapidement », par exemple en maison de retraite. En cette période de vœux, c’est ce qu’on peut lui souhaiter de mieux !

Nouvelle République, Anthony Floc’h, 16 janvier 2012

[Vouillé] « Monsieur, vous nous avez traités comme des chiens ! »

Le sort des 35 salariés de Collas presque scellé

La société de transports Collas à Vouillé vit, semble-t-il, ses dernières heures. Les salariés ont baissé les bras et n’ont plus qu’un objectif, être indemnisés.

 
Les camions vont certainement rester définitivement à quai. – (photo d’archive : J. Genet)
 

Nous avons demandé au président du tribunal que les choses aillent vite. Deux des 35 salariés (29 personnes à temps plein et six en contrat à durée déterminée) de la société de transport Collas et Associés sont écœurés. Ils viennent de sortir du tribunal de commerce à Poitiers, hier. Leur entreprise, spécialisée dans le fret routier et basée à Vouillé vit ses dernières heures. Il s’agit de la suite logique d’un courrier que tous les salariés ont reçu lundi 2 janvier leur annonçant la liquidation prochaine de leur outil de travail (lire notre édition du 3 janvier dernier).

«  On a été jetés  »

Sans repreneur à l’horizon et avec un passif qui s’élevait à 329.065 euros, le 6 décembre 2011, lors de l’ouverture du plan de sauvegarde, le sort de l’entreprise est presque scellé. La liquidation de la société Collas et Associés vers laquelle on semble s’acheminer ne pourra être confirmée qu’à l’issue des délibérés. Le jugement sera rendu mardi prochain. En attendant, les salariés qui ont baissé les bras depuis l’annonce, par simple lettre, de l’arrêt certain de leur activité, ne prévoient plus aucune action. « Ce que nous savons, c’est que le mandataire judiciaire devait de l’argent à Collas et Associés [NDLR : M. Demeusy avait acheté la société, il y a un an, après deux plans de sauvegarde et une première liquidation] mais comme cette somme d’argent n’a pas été récupérée, on fait les frais de cette querelle entre les deux. Quand la décision de liquidation sera officielle, au bout de quinze jours nous recevrons notre lettre de licenciement. Nous voulons juste être indemnisés. » Les deux salariés ne cachent rien de leur entrevue, au tribunal, avec leur « patron » Jacques Demeusy, directeur des Transports Gérard basés à Villers-le-Sec, près de Vesoul. « Nous lui avons dit que nous étions restés sages. Tout le monde était lassé. C’est la manière surtout qui nous pose des problèmes. On a été jetés. Il s’est d’ailleurs excusé pour cela lorsque nous lui avons dit «  Monsieur, vous nous avez traités comme des chiens !  » ».

Nouvelle République, M.-L. A., 14 janvier

Contre l’éducation marchande et autoritaire !

Mettre nos enfants dans les mains des entreprises

Le saint président l’a dit : il va falloir continuer à réformer l’école. Et que met-il derrière tout cela (lui et ses penseurs) ? Et bien toujours la même logique : celle d’une école de la compétition doublée d’un système éducatif dévoué au monde du travail. Fin de l’émancipation du plus grand nombre, nous passons à l’étape du dressage.

Bien entendu, tout cela est tou­jours amené par de bons mots. Ils vont nous parler « d’auto­no­mie » (pour ne pas dire dépen­dance au privé), de « d’effet de syner­gie » dans un pur style mana­gé­rial, devenu norme dans nos socié­tés. Tout est pré­senté comme une oppor­tu­nité pour nos enfants, l’avenir du pays, la gran­deur de la France (à grand coup de clas­se­ments divers ayant pour but la guerre du savoir, au lieu de son par­tage).

Alors après avoir détruit l’uni­ver­sité (en la livrant au privé, en créant encore et tou­jours plus de dis­cri­mi­na­tions entre les enfants les plus riches et les plus pau­vres), c’est main­te­nant aux lycées et au col­lège unique que les libé­raux veu­lent s’atta­quer (pas qu’UMP que ce soit clair, lisez les notes des cercle de pensée « de gauche », comme Terra Nova, pour voir que l’idée est plus répan­due qu’on ne le pense).

Il y a du fric à se faire pour le privé. Après avoir réussi le tour de force de faire du PPP (Partenariat Public Privé) pour les pri­sons, c’est à nos « chères têtes blon­des » que s’atta­que le sec­teur privé. Mais cela ne suf­fi­sait pas ! Il faut que notre sys­tème éducatif devienne le lieu non de l’émancipation, mais du for­ma­tage pour le monde de l’entre­prise.

Car qu’est-ce que visent réel­le­ment les poten­tats au pou­voir si ce n’est flat­ter encore et tou­jours ceux qui les ont aidé à arri­ver là ? Le rêve c’est les USA et le passé. Les USA pour le sys­tème « dit au mérite » (autre­ment dit à la nais­sance, au fric, plus qu’autre chose) et le passé pour l’idée de reve­nir aux « écoles de métiers ». Aux ouvriers et à leurs enfants la joie des « nou­vel­les for­ma­tions ouvriè­res » (sur­tout dans l’aide à la per­sonne aujourd’hui) et aux cadres / cadre sup et leurs enfants la joie de la repro­duc­tion sociale.

Car, si le sys­tème éducatif fran­çais tel qu’il existe (exis­tait devrions nous dire) était lar­ge­ment cri­ti­qua­ble, il avait au moins le mérite d’offrir l’oppor­tu­nité d’une base com­mune, d’un vivre ensem­ble (à amé­lio­rer, certes) et d’ouvrir une réelle pers­pec­tive d’émancipation (qu’il aurait fallu aug­men­ter, certes) par son côté « touche à tout ».

Seulement, depuis plus de 30 ans main­te­nant, métho­di­que­ment, tout est détri­coté. De la carte sco­laire qui est vidée de son but pre­mier (la mixité sociale), en pas­sant par l’Université qui se retrouve dépen­dante des fonds privés (pour la recher­che comme pour les moyens d’ensei­gne­ments) pour sur­vi­vre, en ajou­tant l’appren­tis­sage dont l’âge d’entrée a été dimi­nué au profit de filiè­res direc­tes, véri­ta­ble enfer­me­ment dans un métier.

Tout est mis en place pour une reprise en main par le « monde de l’entre­prise » du sys­tème sco­laire. Dans un seul et unique but : un retour en arrière fort, une obli­ga­tion de dépen­dre du monde de l’entre­prise.

Car là où le chô­mage a joué son rôle « régu­la­teur des luttes » espéré par le patro­nat ces der­niè­res années, il ne suffit plus. Et c’est bien pour tenter de pal­lier à un sou­lè­ve­ment d’ampleur que les liens entre « métiers » et « for­ma­tion éducative » sont res­ser­rés.

Imaginez demain l’uni­ver­sité Auchan, l’école pri­maire MacDonald, etc… Retour aux « écoles pro­fes­sion­nel­les » comme les écoles Renault ou Michelin du passé. Enfermement du tra­vailleur dans le moule patro­nal, inca­pa­cité d’en sortir et de faire contre­poids. Acquis de base limité au métier, pour une exé­cu­tion plus facile et rapide. Robotisation de l’humain.

Bien entendu, cer­tains par­lent des forces syn­di­ca­les qui pour­raient s’oppo­ser à cela, retrou­ver leurs rôles avant tout émancipateurs. Peut-être, mais en com­bien de temps ? Et sur quelle base, quels moyens, dans une société ou la capa­cité d’émancipation se rap­pro­chera de zéro de plus en plus (on ne demande même plus de savoir lire, mais de savoir exé­cu­ter aujourd’hui). La télé­vi­sion a lobo­to­misé les esprits en quel­ques années, ima­gine-t’on réel­le­ment que la fin de la lec­ture aidera en plus ?

Au final, la des­truc­tion de l’école « répu­bli­caine », même si elle pou­vait être un but quel­que part pour aller vers une école plus liber­taire, se fait aujourd’hui vers l’excès (l’extrême) inverse. En tuant le peu de col­lec­tif que l’école offrait, les tenants du libé­ra­lisme économique (capi­ta­lisme) sont par­ve­nus à faire de l’école ce qu’elle ne doit pas être : un énorme centre d’appren­tis­sage pro­fes­sion­nel. Avec en plus une pro­pen­sion très élevé à la repro­duc­tion sociale, pro­pen­sion qui n’ira pas en s’arran­geant.

Alors bien entendu, il nous faut, tous, être aux côtés de ceux qui lut­tent (et donc lutter) pour sauver l’école. Tout en gar­dant en mémoire que ce n’est qu’une étape pour aller ensuite vers une autre école, plus émancipatrice et ouverte.

Sans quoi, nos enfants ris­quent de vivre la fameuse révo­lu­tion inter­net et des tech­ni­ques de com­mu­ni­ca­tion de la pire façon qu’il soit : en étant eux-mêmes trans­for­més en simple donnée d’un jeu comp­ta­ble entre mul­ti­na­tio­na­les.

PS : volontairement, ce texte se concentre sur l’école. Il est évident que la misère va aussi en augmentant, et que les laissés-pour-compte du système servent avant tout le système lui-même, en tant que repoussoirs. Avec comme phrase clef : « Estime-toi heureux d’avoir du travail, toi au moins t’es pas à la rue / au chômage ».

Rebellyon, 13 janvier 2012