Archives de catégorie : Se trouver

Appel à un collectif mayennais contre la ligne à très haute tension

APPEL A UN COLLECTIF MAYENNAIS CONTRE LA LIGNE THT

Depuis sept ans, des dizaines de milliers de personnes (de la Manche, de la Mayenne, de l’Ille et Vilaine et du Calvados) vivent dans l’opposition à une ligne Très Haute Tension programmée pour être installée de Raids (50) à Beaulieu (53).
Alors que depuis décembre 2011, les chantiers de pylônes ont démarré et que avec eux la violence d’état d’état et de RTE s’abat sur ces populations, (signatures forcées, travaux de destruction engagés légalement ou pas, etc…). Face à cette situation, et ce malgré un énorme travail associatif de Mayenne Survoltée notamment, pour porter devant la justice les abérrations de cette ligne T.H.T., nombre d’individus ont décidé que l’heure était à l’action directe pour tenter d’enrayer ce « rouleau compresseur » et appellent chacun à y participer avec les moyens qu’il jugera bon pour nuire matériellement à l’avancée du chantier. Si nous sommes contraints à ces pratiques c’est que l’opposition populaire à ce projet  n’a, depuis que le projet est connu, rencontré uniquement que mépris et arrogance de la part de l’état et de RTE que chacun aura compris qu’il n’y avait rien à attendre de ces institutions. C’est seulement en s’organisant s’organisant par nous-mêmes avec nos moyens que nous pourrons freiner la toute puissance de l’état.
C’est pourquoi, aux cotés des associations qui fournissent toujours informations et recours juridiques face à ce projet néfaste, certains d’entre nous ont souhaité créer un collectif de lutte contre la T.H.T.
Le collectif se veut être un soutien pour les habitants et habitantes qui se trouveraient démunies face au travail de destruction qu’effectue RTE contre ce qui a été, pour elles et eux, des lieux dans lesquels il et elles ont toujours vécu et/ou travaillé. Le collectif  souhaite accompagner leur colère et les prémunir de tout acte de désespoir qui pourrait s’ajouter à leur sentiment d’impuissance, et souhaite également effectuer un travail d’information de la population contre la propagande produite par RTE quant à l’avancée, soi-disant sans « incidents », des travaux.  Le collectif souhaite la réappropriation de cette lutte par la population afin qu’elle y participe activement, et souhaite travailler contre toutes les formes de résignation. Le collectif se veut ouvert à toutes les initiatives et à toutes les personnes souhaitant s’informer ou participer à cette lutte. Le collectif refuse toutes formes de récupération politique. Le collectif assumera toutes les formes d’actions, sans distinction de leur « violence », tant qu’elles n’atteignent pas l’intégrité physique des personnes travaillant à la construction ou à la protection des lignes. Qu’elles soient produites par les habitants de la région ou les personnes venant de l’extérieur, les actions seront assumées également. Le Collectif veut éviter les rivalités, peu constructives, entre des locaux et des non locaux. C’est lorsque la détermination se double d’une organisation collective horizontale (autrefois nommée démocratie directe), que ce que nous récoltons n’est pas seulement de la confiance et de la force, c’est aussi le sentiment profond d’être en train de reprendre nos affaires en main.
Si la Mayenne, comme le Chefresne, est aujourd’hui en résistance ce n’est n’est pas seulement contre les dégats sur la santé que RTE elle-même impute à reconnaître implicitement en rachetant les maisons à moins de 100 m de son réseau THT. Ce réseau THT est intimement lié à la production nucléaire et assumé comme telle par EDF justifiant cette ligne THT par l’EPR en construction. C’est donc également une résistance à l’industrie nucléaire que nous poursuivons aujourd’hui. Mais ces lignes THT et la centralisation de la production électrique dont elles sont la résultante ont également une autre signification. Avec la multiplication de ces projets en France et en Europe, nous savons aujourd’hui que l’état et l’industrie ont décidé de faire de  l’électricité un marché spéculatif international se donnant les moyens d’un d’un réseau international de distribution pour vendre l’électricité de l’EPR au Maroc, en Angleterre ou ailleurs. On est bien loin du souci affiché par EDF de sécuriser la distribution en France et notamment dans l’Ouest. C’est donc aussi contre la démence productiviste et le règne de l’économie que nous rentrons en résistance.
Pour continuer à amplifier la lutte, débattre et fixer de nouveaux rendez vous, nous proposons de nous retrouver lors d’un assemblée du collectif de lutte contre la T.H.T. le jeudi 3 mai à 20h30 à la Baconnière (53) salle de la mairie.
Ce n’est que le début ! La ligne THT ne passera pas !
Plus d’infos :https://lists.riseup.net/www/subscribe.stop-tht
Valognesstopcastor.noblogs.org  et Stop-tht.org

NdPN : contre le nucléaire et son monde, nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes ! Voir les dernières déclarations du candidat Hollande à ce sujet…

Nestor Makhno – sur le premier mai (1928)

Le premier mai, symbole d’une ère nouvelle dans la vie et la lutte des travailleurs

La journée du premier mai passe dans le monde socialiste pour la fête du travail. Cette fausse définition a tellement pénétré la vie des travailleurs qu’effectivement, dans beaucoup de pays, ils le célèbrent ainsi. Le premier mai n’a rien d’un jour de fête, cependant. Non que les travailleurs doivent rester ce jour-là dans les ateliers ou dans les champs. Les travailleurs de tous pays doivent se réunir dans chaque village, dans chaque ville, organiser des réunions de masse, non pour fêter quoi que ce soit, ainsi que le voudraient les socialistes étatistes et en particulier les bolcheviks, mais pour faire le compte de leurs forces, pour, déterminer les possibilités d’une lutte armée directe contre un ordre pourri, lâche, esclavagiste, fondé sur la violence et le mensonge. En ce jour anniversaire, il est plus facile aux travailleurs de se rassembler, de manifester leur volonté collective, de discuter en commun tout ce qui concerne les questions essentielles du présent et de l’avenir.

Il y a plus de quarante ans, les travailleurs américains de Chicago et des environs se rassemblèrent ce jour-là. Ils écoutèrent les discours de nombreux orateurs socialistes, et ceux des anarchistes surtout, car ils avaient assimilé les idées libertaires et se mettaient franchement du côté de leurs partisans. En ce jour, les travailleurs américains tentèrent de s’organiser pour exprimer leur protestation contre la domination infâme du capital et de l’Etat.  C’est ce dont parlèrent les libertaires américains Spies, Parsons et d’autres. Des provocateurs à la solde du capital interrompirent le meeting, qui s’acheva par le massacre de travailleurs désarmés, suivi de l’arrestation et de l’assassinat de Spies, Parsons et d’autres camarades.

Les travailleurs de Chicago et des environs ne se rassemblaient pas pour fêter la journée du premier mai. Ils étaient là pour résoudre en commun les problèmes de leur vie et de leurs luttes. Actuellement aussi, partout où les travailleurs se sont libérés de la tutelle de la bourgeoisie et de ses alliés sociaux-démocrates (mencheviks ou bolcheviks), partout où ils tentent de le faire, ils considèrent le premier mai comme l’occasion d’une rencontre pour s’occuper de leurs affaires directes et préparer leur émancipation. A travers ces aspirations, ils affirment leur solidarité avec les martyrs dont ils honorent la mémoire. Ils sentent bien qu’il ne peut s’agir pour eux d’un jour de fête. Non, pour les travailleurs conscients, le premier mai ne peut être la fête du travail, comme les socialistes professionnels voudraient nous le faire croire !

Le premier mai est le symbole d’une ère nouvelle dans la vie et la lutte des travailleurs, une ère qui leur présente chaque année de nouveaux combats, plus difficiles et plus décisifs – contre la bourgeoisie, pour la liberté et l’indépendance qui leur sont arrachées, pour la réalisation de leur idéal social !

Nestor Makhno

Diélo trouda – n° 36 – mai 1928 (traduction alexandre Skirda)

NdPN : rendez-vous ce matin à 11h au Clos-Gaultier (Trois Cités – Poitiers) pour un cortège contre l’esclavage salarial

[Châtellerault] La Bourse du travail a cent ans

NdPN : La Bourse du travail de Châtellerault a cent ans ! Elle fait paraître demain une brochure  sur les luttes ouvrières locales.

A cette occasion, on relira les articles de Normand Baillargeon ou de David Rappe, sur les origines anarchistes et plus spécifiquement anarcho-syndicalistes de ces bourses du travail. Ces travaux nous rappellent que le syndicalisme des origines proposait comme but ultime « la disparition du salariat et du patronat » et considérait que « l’émancipation intégrale des travailleurs ne peut se réaliser que par l ‘expropriation capitaliste ».

A Poitiers, pour toutes celles et tous ceux qui, syndiqué-e-s ou non, veulent réaffirmer ces objectifs, rendez-vous à la manifestation de demain, mardi premier mai, dans le cortège contre l’esclavage salarié.

***

La Bourse du travail compile cent ans de vie ouvrière

Pour ses cent ans, la Bourse du travail fait paraître ce mardi une brochure  retraçant la vie ouvrière du Châtelleraudais. Cent ans de luttes et de conquêtes.

Al’occasion de ses cent ans, la Bourse du travail publie une brochure ce mardi. De la création de la maison des syndicats à la lutte des Fabris ou des fondeurs, en passant par la Manu, le Front populaire ou encore Mai 1968, elle revient sur les événements marquants des luttes dans le Châtelleraudais.

> La bourse ou la vie syndicale. La Bourse du travail de Châtellerault, située rue Cognet, c’est la maison des syndicats. Elle est créée dans l’Hôtel Brochard, ou immeuble Moreau, le 20 décembre 1911 sous la poigne de Clément Krebs, alors adjoint au maire, puis inaugurée le 13 avril 1912. > Première victoire du prolétariat. 65 ouvriers maçons et tailleurs de pierre de Châtellerault font grève contre leur patron et se constituent en association ouvrière en 1906. > La Manu. En 1910, plus de 90 % des syndiqués de Châtellerault et près de la moitié des syndiqués de la Vienne travaillent à la Manufacture. > Boulangers dans le pétrin. En janvier 1920, les ouvriers boulangers (suppression du travail de nuit et un repos hebdomadaire obligatoire) et les ouvriers des usines Roche (Cenon-sur-Vienne) entrent en conflit contre leurs patrons. Ils exigent une revalorisation de leurs salaires. > Perquisition chez les « cocos » châtelleraudais. A la suite de l’arrestation du Polonais, dit « Fantomas », pour espionnage, on recherche en 1932 des documents de la Défense nationale relatifs à la fabrication du nouveau fusil-mitrailleur. > La nuit des ligues fascistes. Coup de force contre le régime parlementaire le 6 février 1934 à Paris. Le journal Le Front populaire de la Vienne s’indigne des « punitions qui pleuvent sur les ouvriers de la Manu », dont un ingénieur, surnommé « Le Négus », brûle le journal CGT à l’atelier central. > Premiers chômeurs. Création d’un comité de chômeurs à la Bourse du travail en 1935. > 1er mai 1936. C’est le Front populaire, les grèves… en France. Dans la Vienne comme à Châtellerault, c’est la droite et l’échec du Front populaire. Aucun candidat de gauche n’est élu. La Vienne a voté à l’inverse de la France. > « Plus vite ! » Note du directeur de la Manu le 31 mars 1941 : « Il faut marcher plus vite, il faut travailler plus vite, il ne faut plus se promener, il ne faut plus faire causette avec ses camarades, il faut du travail et du rendement. » > La rafle du 23 juin 1941. Un instituteur raconte que des communistes sont arrêtés « sur décision de la Gestapo et sur exécution de la Feld-gendarmerie avec appui de la police française ». 24 sont déportés. > La Grande grève à la Manu. En 1942, les listes de départ STO sont « de plus en plus longues ». Les ouvriers décident d’une grève surprise. > L’après-guerre. C’est le temps des grèves avec les postiers, gaziers et électriciens (août 1953), de l’augmentation importante du coût de la vie… > On ferme, on ouvre ! Fermetures programmées de la Manu et de la base américaine de Saint-Ustre à Ingrandes-sur-Vienne. Arrivée de nouvelles entreprises : Jaeger, Sochata, Hutchinson, Sfena… > Mai 1968. 23 usines en grève, 16 occupations. Mouvements à la Sochata, à la Mac, chez Duteil, Blereau, AMS, Mescle, Semis, Hawk… Accords de Grenelle et fin de conflit. Ex : 30 % de hausse de salaire à Hutchinson. > La décennie de la grève (1970-1980). Chez Hutchinson, Jaeger, Rivet, Micromeca… > Châtellerault, ville morte. Une manifestation d’ampleur a lieu le 6 juillet 1978 pour la défense de l’emploi et la revalorisation du pouvoir d’achat. > Cent ans de CGT (1995). Claude Baury réalise une sculpture. > Les années 2000. Liquidation des « Fabris » le 16 juin 2009, reprise des « Fonderie Alu » (ex-Montupet) par Saint-Jean-Industries…

« 100 ans de vie ouvrière à Châtellerault, le journal des luttes ». Brochure tirée 300 exemplaires. Prix : 12 €. En vente à partir de ce mardi à la Bourse du travail de 9 h à midi (100ansboursetravail@ voila.fr).

Les syndicats appellent à se rassembler ce mardi à 10 h 30 devant la Bourse du travail. Au programme, remise de médailles à douze récipiendaires et distribution de tracts.

en savoir plus

Un siècle d’histoire, trois mois de travail

« 100 ans de vie ouvrière, le journal des luttes », c’est un ouvrage qui relate, sous forme chronologique, la vie ouvrière du Châtelleraudais à travers ses luttes. Il rassemble et s’appuie sur des archives de la CGT, des documents tirés d’ouvrages d’historiens, ainsi que de témoignages d’ouvriers, acteurs de la vie ouvrière châtelleraudaise. Cet almanach, c’est 116 pages de textes et photos inestimables qui ont réclamé un travail impressionnant de la part de ses auteurs, dont le rédacteur en chef, Joseph Chotard. « On a mis trois mois pour faire ce travail de compilation. On a surtout puisé dans les archives de la CGT, longtemps le seul syndicat, et qui archivait. La CFTC est apparue en 1919, la CFDT en 1964, la CGC en 1944 et FO en 1947. » L’Association pour la célébration des cent ans de la Bourse du travail de Châtellerault, à l’origine de cette brochure, va la mettre en vente ce mardi 1er mai, Fête du travail et des travailleurs. Tout un symbole.

Nouvelle République, Denys Frétier, 30 avril 2012

John Holloway – Nous sommes la crise du Capital et nous en sommes fiers !

« Nous sommes la crise du capital et nous en sommes fiers ! »

Intervention de John Holloway (New York le 18 mars 2012).

C’est pour moi une vraie joie d’être ici, mais cela me fait peur, parce que, en réalité, c’est la première fois que je prends la parole dans le cœur de l’Empire du mal. Je tiens également à remercier expressément les gardes de l’aéroport pour m’avoir laissé entrer dans le pays et vous rendre visite, dans cette terre de la « liberté », pour m’avoir permis de venir vous voir, ici, dans votre prison. Peut-être qu’ils m’ont laissé entrer parce qu’ils n’ont pas réalisé l’existence d’une mutinerie dans la prison, une rébellion dans le cœur de l’Empire.

Nous sommes ici pour célébrer 2011, qui inonde la nouvelle année, 2012. Une année pleine de révoltes glorieuses dans le monde entier, parce que grâce à notre désobéissance, il est clair que nous sommes, nous, la crise du capital. Nous sommes la crise du capital et nous en sommes fiers. Assez, assez de dire que ce sont les capitalistes les coupables et la faute des banquiers. Le sens même de ces mots est non seulement absurde mais aussi dangereux, car elle nous constitue en victimes. Le capital est une relation de domination. La crise du capital est une crise de la domination : les dominants ne sont plus en mesure de nous dominer de manière efficace. Alors, nous sommes allés dans les rues pour manifester en déclarant que c’était de leur faute. Mais que disons-nous exactement ? Qu’ils devraient nous dominer de manière plus efficace ? Il est préférable de prendre l’explication la plus simple et dire ceci : si la relation de domination est en crise c’est parce que les dominés ne sont pas assez dociles, parce qu’ils ne se prosternent pas suffisamment. L’insuffisance de notre soumission est la cause de la crise.

Le capital n’est pas seulement un système d’injustice, c’est un système qui accélère l’exploitation, qui intensifie la destruction. Cela peut être théorisé de multiples manières, à travers la loi de la valeur, la formation de la valeur et son temps nécessaire, selon les sociétés, ou les théories de la baisse tendancielle des profits. Cependant, ce qui importe c’est que le capital est dans une dynamique d’attaque. Il y a un mouvement sans fin d’accélération, une éternelle transformation de ce qu’est le travail capitaliste. Cela ne signifie pas seulement une intensification du travail dans les usines, mais aussi une soumission croissante, tous les jours, de tous les aspects de la vie à la logique du capital.

L’existence même du capital consiste à serrer constamment la vis et la crise est tout simplement la manifestation de ce que la vis n’est pas serrée aussi vite qu’elle le devrait, qu’il y a une résistance quelque part. Résistance à travers les rues et les places, peut-être, résistance organisée, bien sûr, mais aussi peut-être la résistance des parents qui veulent jouer avec leurs enfants, des amoureux qui veulent rester une heure supplémentaire dans leur lit, des étudiants qui pensent qu’ils ont besoin de plus de temps pour la réflexion critique, des humains qui rêvent encore d’être humains. Nous sommes la crise du capital, nous qui ne nous soumettons pas assez, nous qui ne courons pas assez vite.

En réalité, la crise a deux issues. La première consiste à nous excuser, à demander pardon pour notre manque de soumission, et ensuite à demander plus de travail. « S’il vous plaît, exploitez-nous plus et nous travaillerons plus dur et plus rapidement, nous allons soumettre tous les aspects de nos vies au capital, nous allons oublier toutes les bêtises infantiles du jeu, de l’amour et de la pensée. » C’est là la logique du travail aliéné, la logique inefficace de la lutte à travers le travail, ce qui se conçoit comme la lutte du travail aliéné contre le capital. Le problème de cette issue est que non seulement nous perdons notre humanité, mais aussi nous reproduisons le système qui nous détruit. Si, au final, nous parvenons, chose très improbable, à contribuer à surmonter la crise du capital, alors le capital continuera plus vite, plus vite, plus vite à soumettre chaque forme de vie. Et puis viendra une autre crise, et puis une autre, et encore une autre, et ainsi de suite, mais pas ainsi pour toujours, car il se peut que nous ne soyons pas loin de l’extinction de l’humanité.

L’alternative, parce que je pense que c’est la seule alternative, consiste à déclarer ouvertement que non, désolés, nous sommes la crise du capital et nous n’allons pas nous mettre à genoux, nous n’allons pas accepter ce que nous fait le capital, nous sommes fiers de notre manque d’obéissance et de notre refus de nous soumettre à la force désastreuse du capital. Nous sommes fiers d’être la crise du système qui nous détruit.

Regardez la Grèce, l’épicentre de la crise économique et du crédit aujourd’hui. Là-bas, la crise est tout à fait une crise de la désobéissance. Les capitalistes et les politiciens disent que les Grecs ne se soumettent pas beaucoup, qu’ils ne travaillent pas assez dur, qu’ils aiment bien faire la sieste et sortir le soir et qu’ils doivent maintenant apprendre ce que signifie d’être un vrai travailleur capitaliste. Et en donnant une leçon aux Grecs, ils ont aussi l’intention d’en donner une aux Portugais, aux Espagnols, aux Italiens, aux Irlandais et à tous les désobéissants du monde.

Et dans une telle situation, il y a deux options. La première, c’est de dire non, non, nous sommes des bons travailleurs, nous voulons juste plus d’emplois et nous allons prouver combien nous pouvons bien travailler, nous allons reconstruire le capitalisme en Grèce. Et l’autre consiste à dire, oui, vous avez raison, nous sommes paresseux et nous allons nous battre pour notre droit à la paresse. Nous allons nous battre pour pouvoir faire les choses à notre rythme, de la manière que nous pensons correcte, nous allons nous battre pour notre sieste, pour sortir le soir. Alors, nous disons non au capital et au travail capitaliste, parce que nous savons tous que le travail capitaliste a littéralement détruit la terre, qu’il détruira les conditions de l’existence humaine. Nous devons construire une nouvelle forme de vie sociale.

La première solution, dire que nous sommes de bons travailleurs, semble plus simple, plus évidente, mais peut-être ne sera-t-elle qu’une illusion, car la plupart des commentateurs disent que la récession en Grèce durera de nombreuses années, quel que soit le niveau de la conformité des Grecs.

Si vous voulez savoir à quoi ressemble la prorogation de l’échec du capital, sans aucun espoir de changement radical, regardez au-delà de la frontière de votre pays, la tragédie au Mexique, ou plus près, regardez, regardez vos centres-villes… L’autre option, celle qui consiste à dire non au capital et établir une relation sociale différente, c’est ce que beaucoup de Grecs essaient maintenant, par choix ou par nécessité. Si le capital ne peut pas fournir la base matérielle de la vie, alors nous devons la créer d’une autre manière, en créant des réseaux de solidarité, en proclamant « aucune maison sans électricité » et en formant des équipes d’électriciens pour reconnecter le courant aussitôt qu’il a été coupé, à travers le mouvement « Je ne paie pas » les hausses d’impôts ou les péages, à travers le « mouvement des patates », par lequel les agriculteurs distribuent directement leurs pommes de terre et légumes en ville à des prix très bas, à travers des marchés d’échanges, par la création de jardins communautaires et le retour à la campagne. Et en outre, par la récupération des entreprises, d’un hôpital et d’un journal. Il s’agit d’une manière complexe et très expérimentale d’aller de l’avant, où il n’y a pas de ligne politique juste ni aucune pureté révolutionnaire. Très probablement, ces formes préfigurant une nouvelle vie sociale ne sont pas encore assez fortes pour assurer notre survie et des engagements sont encore nécessaires. Mais c’est clairement la direction dans laquelle nous devons pousser — clairement la direction dans laquelle nous poussons et sommes poussés nous-mêmes.

Le monde que nous essayons de créer est un monde sans réponses, un monde où nous marchons en interrogeant, le monde d’une expérimentation. Mais nous sommes guidés par notre « non » à l’inhumanité, à l’obscénité et au caractère destructeur du système capitaliste. Guidés aussi par une étoile utopique distillée à partir des espoirs et des rêves de siècles de lutte.

La crise, donc, nous confronte à ces deux options. Soit nous prenons la grande route de la subordination à la logique du capital, avec la pleine connaissance que cela mène directement à l’auto-extinction de l’humanité. Soit nous empruntons les chemins hasardeux — de nombreux chemins — de l’invention de mondes différents ici et maintenant, à travers les fissures que nous créons dans la domination capitaliste. Et à mesure que nous inventons de nouveaux mondes, nous chantons haut et fort que nous sommes la crise du capital. Nous sommes la crise de la ruée vers la destruction de l’humanité… et nous en sommes fiers. Nous sommes le monde nouveau en train de surgir et qui dit : « Capital, dégage ! »

John Holloway New York, 18 mars 2012

ndPN : rendez-vous à Poitiers pour un cortège contre l’esclavage salarié, le 1er mai à 11H, au Clos-Gaultier (Trois Cités).