Archives de catégorie : Propagande marchande

« La CFDT ne recule devant rien » : le clip syndical le plus ridicule de l’histoire

NdPN : bonne tranche de rire (jaune) avec ce clip électoral de la CFDT, datant du 19 novembre 2012, à l’occasion des élections dans les TPE ayant eu lieu il y a un mois. On l’avait raté, vous aussi peut-être et ce serait fort dommage, vu le pognon que cette super-production a dû coûter aux adhérent-e-s qui cotisent.

On y voit « le plus grand secret du syndicalisme français enfin dévoilé » : des technocrates de la CFDT transforment des salarié-e-s en objets participant à la production « emballés dans du carton« , grâce à leur « connaissance de l’individu au travail« . Bref, une défense éhontée et revendiquée de la transformation du travail vivant en travail mort, un fondement du capitalisme, doublée d’un mépris encore jamais affiché des travailleur-euse-s.

Le comble du grotesque est explosé à la fin du clip, avec Chérèque caressant un salarié transformé en chat empaillé.

Avec la CFDT, la lutte des classes a un bel avenir !

clip cfdt

[Loudun] Argent public à gogo pour un Center Parcs à bobos

NdPN : nous avons plusieurs fois évoqué la gabegie du projet Center Parcs près de Loudun, du groupe capitalo Pierre et Vacances, généreusement subventionné par le conseil général. Encore un massacre en règle du paysage doublé d’un beau détournement d’argent public, pour un projet débile de parc d’attraction sensé distraire les classes dites moyennes qui pourront pioncer dans des simili-cabanes (pardon des « cottages »)… pour rêver à une « nature » qui disparaît justement au quotidien sous les tractopelles du Capital et de l’Etat. La Nouvelle République, qui dans ses voeux de bonne année ne manque de rappeler la « solidarité » indéfectible qu’elle porte à ce projet -ainsi qu’au chantier monstrueux de la LGV, au nom de l’emploi– nous livre quelques chiffres consternants. Ainsi qu’un véritable dossier de pub

Center Parcs : l’année des premiers travaux

Le projet de village vacances dans le Loudunais va entrer dans une phase  concrète sur le terrain. Premiers coups de pioche attendus en février.

Trois ans après l’annonce officielle du projet d’implantation d’un village de vacances Center Parcs (*) dans le Loudunais (sur le territoire des communes des Trois-Moutiers et de Morton), les premiers signes tangibles sont attendus sur le terrain en février prochain. Les différents permis de construire ont été signés en septembre dernier et n’ont pas fait l’objet de recours contentieux, selon le conseil général de la Vienne. Les premiers travaux de défrichement vont donc pouvoir démarrer dès janvier, puis ceux de l’archéologie préventive en février.

La société d’économie mixte sera constituée en janvier

De même que devraient commencer en avril ceux de la future voie d’accès au village vacances qui portera le nom du Domaine du Bois des Daims. Une route d’à peine 2,3 km de long qui va coûter la bagatelle de trois millions d’euros au Département, qui a inscrit cette dépense dans son budget 2013, voté il y a deux semaines. Le début de la construction des bâtiments, en revanche, n’est pas attendu avant le second semestre 2013. Le chantier devrait durer un an et demi, puisque le village doit ouvrir au premier semestre 2015. Les promoteurs du projet annoncent un potentiel de 600 à 1.000 emplois sur le site pendant la durée du chantier. Avant ça, un acte administratif important doit intervenir dans les jours qui viennent : la création officielle de la Société d’économie mixte locale (SEML) du Bois de la Mothe Chandenier qui va prendre à sa charge le financement des équipements collectifs (135M€, dont 68M d’emprunt). Le conseil général de la Vienne en est l’actionnaire majoritaire (19M€), au côté de partenaires publics et privés. Dans la foulée de la constitution de cette société, un bail de 20 ans sera signé avec l’exploitant, le groupe Pierre & Vacances.

(*) Le village comprendra 800 cottages en bois pour une capacité totale d’hébergement de 4.500 personnes et 26.000 m2 d’équipements couverts collectifs (piscine, ferme, spa, restaurants, commerces, équipements sportifs, etc.).

>>> Voir notre dossier spécial Center Parcs dans la Vienne

Philippe Bonnet, Nouvelle République, 6 janvier 2013

De Notre-Dame-des-Landes à la LGV Lyon-Turin : l’Europe des grands projets nuisibles

De Notre-Dame-des-Landes à la LGV Lyon-Turin : l’Europe des grands projets nuisibles

béton partout

De l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à la ligne TGV Lyon-Turin, les grands projets d’infrastructure sont sous le feu des critiques. Des voix s’élèvent pour mettre en cause des projets disproportionnés, et dénoncer leur caractère économiquement et socialement inutile voire écologiquement nuisible [1].

Ces grands projets ne datent pas d’hier : dès les années 90, sous l’impulsion des lobbies patronaux et de la Commission européenne, le développement des infrastructures européennes de transport est mis à l’agenda. L’idée est la suivante : les lacunes de l’infrastructure de transport est une barrière à la libre circulation des produits au sein du Marché unique et, par conséquent, entravait la croissance économique de l’Europe, la « compétitivité », et l’« attractivité des territoires ».

A l’opinion publique, on explique à grands renforts de principes généreux qu’il s’agit d’affermir les liens entre les pays européens voire à moderniser et développer les pays de l’Est… Pourtant, les projets d’infrastructure ont surtout bénéficié aux grandes firmes, qui ont empoché la mise en laissant aux populations le soin de payer l’ardoise écologique et sociale.

(La grande majorité des informations et citations contenues dans cet article est issue du chapitre VIII de Europe Inc, honteusement plagié par nos soins)

***

A partir du début des années 90, de nombreux projets d’infrastructures, gigantesques et abondamment subventionnés, sont mis à l’agenda en Europe dans le cadre du TransEuropean Network (TEN) ou réseau transeuropéen. De nombreux ont déjà été réalisés, comme le tunnel sous la Manche, le pont d’Øresund entre le Danemark et la Suède, plusieurs lignes de trains à grande vitesse, de nombreux élargissements d’aéroports et 12 000 kilomètres de nouvelles autoroutes.

Avec un budget total estimé à 400 milliards d’euros pour près de 150 projets, le réseau transeuropéen (TEN) est le plus important programme d’infrastructures de transport de l’histoire mondiale [2]. Il comprend des milliers de kilomètres de nouvelles autoroutes, des réseaux de trains à grande vitesse, des lignes de fret ferroviaires, des extensions d’aéroports et des voies navigables.

Ce réseau voit le jour grâce à une intensive campagne de lobbying menée tout au long des années 80 et 90 par la Table Ronde des Industriels, un puissant lobby industriel européen [3]. Les grandes firmes européennes ont en effet plusieurs raisons de souhaiter le développement de l’infrastructure des transports :

- Pour les constructeurs automobiles comme DaimlerChrysler, Fiat et Renault, les producteurs de composants électroniques et autres pièces détachées comme Pirelli ou Pilkington, l’expansion du domaine autoroutier en Europe est le synonyme de l’expansion… du domaine du profit.

- Les extensions d’aéroports ouvrent quant à elles de nouvelles perspectives pour les compagnies aériennes ainsi que les constructeurs aéronautiques ; ou encore la construction de lignes à grande vitesse qui ouvrent de nouveaux marchés pour les constructeurs de trains à grande vitesse tels que Siemens, ABB et Alstom.

- Qu’il s’agisse de transports aériens ou routiers, les compagnies pétrolières telles que BP, Petrofina, Shell et Total, ont-elles aussi intérêt à favoriser le développement de grandes infrastructures de transport.

- Enfin, pour les compagnies de travaux publics comme Titan Cement, Bouygues ou Vinci, les projets géants d’infrastructures, amplement subventionné, représentent une source importante et sûre de profits… et garantie par des partenariats public-privé.

Mais les projets d’infrastructures ont aussi un impact sur l’ensemble de l’économie européenne, en développant des grands axes, jugés « stratégiques » pour l’économie, de transports des marchandises et des personnes. Ils ont permis de développer le transport routier de marchandise et d’en réduire considérablement le coût, ainsi que la restructuration par les firmes multinationales de leur production à l’échelle du continent.

Une infrastructure plus rapide telle que le TEN – notamment pour les autoroutes – est aussi une condition favorable aux nouveaux systèmes flexibles de « production à moindre frais ». Encouragés par les multinationales dès les années 1980, ces programmes participent à la production à « flux tendu » effectuée par des sous-traitants spécialisés et soumis directement aux demandes du marché.

- Le lobbying de la Table Ronde

Cette conjonction d’intérêts explique la vigueur avec laquelle la Table ronde des industriels – qui représente les intérêts des plus grandes multinationales européennes – s’est battue pour voir le TEN au cœur de l’agenda des institutions européennes.

La table ronde a publié deux rapports : « Missing Links » en 1984, et « Missing Networks » en 1991, dont elle fera activement la promotion auprès des institutions européennes. Avec succès : la Commission s’en inspirera activement et le principe du TEN sera repris dans le Traité de Maastricht en 1991 [4], et un organisme de consultation mi-public, mi-privé sera fondé en 1993 pour veiller à son avancement : le Centre européen pour l’étude des infrastructures [ECIS].

Les recommandations de l’ECIS, qui prend le relai de la Table ronde pour promouvoir les grands projets d’infrastructure, seront écoutées attentivement par les dirigeants européens. Le financement de projets public-privé d’infrastructures de transport devient une des pistes prioritaires pour stimuler la « compétitivité » et la croissance européennes.

Le commissaire européen aux transports Neil Kinnock expliquait en 1998 : « Mon objectif […] est de mettre en place les réseaux de transport transeuropéens et leurs extensions en Europe centrale et orientale aussi rapidement que possible afin que nous disposions d’un système de transport européen qui serve efficacement et avec cohérence le Marché unique européen. [5] »

- Le chantage à l’emploi…

Si le TEN est promu activement par les grandes multinationales des transports et l’ensemble du secteur privé, les gouvernements européens ne sont pas en reste : pour eux, les projets de grandes infrastructures sont synonymes de créations d’emploi. Une sorte de compromis keynesiano-libéral où le public, au nom de l’emploi, finance massivement les projets du privé… et garantit ses profits.

En 1998, les gouvernements italien, allemand et français ont ainsi tous soutenu l’idée d’une augmentation des dépenses publiques en faveur du TEN. En novembre, le ministre des Finances allemand, Oskar Lafontaine, et le Premier ministre italien, Massimo D’Alema, souhaitaient l’assouplissement des critères budgétaires de l’Union monétaire, recommandant d’en exempter les dépenses en investissements destinés au transport et aux travaux publics [6]. Cette proposition fut toutefois immédiatement rejetée par la Banque centrale européenne, le Commissaire aux Finances Yves-Thibault de Silguy et plusieurs autres monétaristes.

Le Parlement européen a également demandé à plusieurs reprises aux gouvernements des États membres d’augmenter leurs dotations financières dans le secteur des infrastructures de transport. En octobre 1998, les parlementaires demandèrent aux gouvernements de consacrer 1,5 % au moins, de leurs ressources budgétaires totales au TEN. À nouveau, l’argument utilisé était «

l’effet multiplicateur d’un tel investissement sur l’économie et l’emploi [7]. »

Les réseaux de transport ont toujours tenu une place de choix dans les initiatives européennes en faveur de l’emploi, parmi lesquels le Livre blanc de Delors en 1993 et le «

Pacte de confiance pour l’emploi » de Santer en 1996. Outre les emplois immédiats engendrés par les milliards d’écus consacrés à la construction, la stimulation indirecte du commerce international est supposée créer des tonnes d’emplois. Dans son rapport annuel de 1996, la Commission publiait des estimations concernant les effets du TEN : de 130 à 230 000 emplois seraient générés par les 14 projets prioritaires, et 594 000 à 1 030 000 pour le programme dans sa totalité. Ces chiffres étant dans une large mesure basés sur les calculs de l’ECIS, il est permis de douter sérieusement de leur objectivité. (Europe Inc., chap VIII)

- Grandes infrastructures = emploi ?

Cette équation selon laquelle plus de grandes infrastructures serait synonyme de plus emploi a pourtant été critiquée dès les débuts du TEN.

Publié en 1996 par la Fédération européenne du transport et de l’environnement [T&E], le rapport « Routes et économie » évite le débat officiel pour conclure qu’ « il n’existe aucune preuve ni aucune recherche disponible qui permette de conforter la supposition selon laquelle la construction de routes serait génératrice d’emplois à long terme [8]. »

Cette position trouva un soutien, en 1998, dans le rapport largement diffusé de l’organisation gouvernementale britannique SACTRA (Standing Advisory Commitee on Trunk Road Assessment), qui critique clairement les chiffres de la Commission européenne, soulignant qu’on ne pouvait être convaincu par les affirmations selon lesquelles le TEN créerait de nombreux emplois. Le doute portait en particulier sur le fait que ces projets puissent être un moteur de développement économique pour les régions périphériques : «

Si en certaines circonstances les programmes de transports peuvent générer des bénéfices économiques supplémentaires dans une région ayant besoin d’être régénérée, en d’autres circonstances, l’effet inverse peut se produire [9]. »

Ces critiques n’ont cependant pas convaincu la Commission européenne, qui, dans un rapport publié fin 1998 sur la mise en place du TEN, proclamait comme par le passé que les réseaux d’infrastructure créaient des emplois et qu’ils étaient « vitaux pour la compétitivité européenne [10]. »

(Europe Inc., chap VIII)

- Le coût social de la compétitivité

Est-il vrai qu’un fonctionnement plus fluide du Marché unique européen créera de nouveaux emplois ? Le transport des marchandises d’une extrémité à l’autre du continent crée-t-il des emplois ? En fait, le lien supposé entre l’intensification des transports et la création de nouveaux emplois est des moins certains.

Ainsi, le nombre de kilomètres parcourus par les poids lourds à travers l’Europe a augmenté de 30 % entre 1991 et 1996 ; sur la même période, le chômage augmentait dans les mêmes proportions. Les projets d’infrastructures de transports rapides sur de longues distances – les autoroutes et les réseaux de trains à grande vitesse en particulier – favorisent généralement une plus grande centralisation de la production. Le TEN procure donc surtout aux grandes firmes un accès facilité aux marchés européens, renforçant leur emprise sur l’économie de l’Union.

Les nouvelles infrastructures permettent en effet à la fois de faciliter les restructurations et délocalisations et bénéficie à un nombre restreint de secteurs industriels, et aux grands groupes intégrés, plus compétitifs, qui concurrencent les petits producteurs locaux « moins efficaces » à travers toute l’Europe. Cette pression exercée par les grands groupes est donc doublement destructrice d’emplois.

(Europe Inc., chap VIII)

C’est toute la perversité de la rhétorique de la « compétitivité » : les gouvernements font tout ce qui est en leur pouvoir pour favoriser les conditions d’exploitation des grandes entreprises au nom de l’emploi. En poursuivant cette logique, les gouvernements contribuent surtout à gonfler les profits des grands industriels… et à accroître la pression sur les marchés et en définitive, sur l’emploi. En d’autres termes, la compétitivité, sur le moyen-terme, c’est plus de chômage !

Des alternatives existent pourtant, pour un développement économique qui ne soit pas exclusivement consacré à soigner les industriels au détriment des salariés :

Le budget considérable du TEN – 400 milliards dans sa première phase – aurait pu être investi en partie dans le transport public local, le logement en milieu urbain et rural ou pour favoriser le travail dans les secteurs de la santé et de l’éducation, de nombreux emplois auraient sans conteste pu être créés. Quant à l’environnement, il aurait été épargné et les économies locales renforcées. Malheureusement, cette solution à la fois logique et rationnelle n’a pas été envisagée par les institutions européennes : à la place, il a servi en grande partie à construire des autoroutes, à faire gonfler le trafic des poids lourds et à fournir des infrastructures au service des grands groupes industriels européens. (Europe Inc., chap VIII)

- Le coût écologique du TEN

Le TEN n’a pas seulement un impact social. Pour les ONG écologistes, la réalisation du TEN pourrait entraîner de graves conséquences sur l’environnement dont, notamment, la destruction de plus de 60 sites naturels de première importance en Europe. On pense notamment à la destruction du bocage nantais, source importante de biodiversité, à Notre-Dame-des-Landes. Autre exemple de ces destructions, celui des Alpes.

Par le biais d’un référendum national « sur la protection des Alpes contre le transit », les Suisses ont décidé en 1994 que tout fret traversant leur pays devrait le faire par voie ferroviaire à partir de 2004. Dans cet objectif, le gouvernement suisse a projeté de taxer lourdement les poids lourds. À l’automne 1998, un second référendum confirma cette mesure.

S’opposant vigoureusement à ces restrictions sur le transit du fret, l’UE soumit le gouvernement suisse à une forte pression pour le faire revenir sur ces mesures, le menaçant par exemple de bloquer six accords commerciaux en cours de négociation. Le ministre des Transports hollandais, Annemarie Jorritsma, menaça même de suspendre les droits d’atterrissage de Swiss Air si la fédération helvétique campait sur sa position.

En décembre 1998, la Suisse finit par plier : le nombre de poids lourds européens autorisés à traverser le pays sera de 250 000 en 2000 et 450 000 en 2003, un accès illimité fut accordé aux camions plus légers à partir de 2001 et le tarif maximum prévu de 350 écus par voyage fut réduit à 200 écus. Les organisations écologistes suisses se sont néanmoins vigoureusement opposées à ce marché et l’accord final pourrait encore fort bien être refusé par la population suisse au cours d’un nouveau référendum.

Une étude de la Commission européenne note que le transport de fret à travers les Alpes a augmenté de 75 % entre 1992 et 2010. Le ressentiment et la colère publics grandissent également dans les pays alpins membres de l’Union situés, écologiquement menacés par le nombre croissant de poids lourds traversant de vallées étroites et la construction d’une nouvelle infrastructure de transport pour s’adapter à l’accroissement prévu de la circulation.

(Europe Inc., chap VIII)

Mais la destruction d’espaces naturels protégés est loin d’être la seule conséquence écologique néfaste de l’explosion des grands projets d’infrastructures.

Au fur et à mesure que se mettait en place le réseau transeuropéen dans tous les pays de l’Union, le trafic a augmenté de manière considérable – et particulièrement la circulation routière – bien au-delà des limites écologiquement raisonnables. Entre 1985 et 1995, la quantité de gaz carbonique générée par le transport routier a augmenté d’un tiers. Greenpeace estime de 15 à 18 % l’augmentation des émanations de gaz carbonique relatives au secteur des transports [11]. (Europe Inc., chap VIII)

***

Les grands projets d’infrastructure mis en œuvre dans le cadre du TEN posent de nombreuses questions : la « compétitivité », dont ils seraient les moteurs, est-elle vraiment synonyme d’emploi, de lendemains qui chantent et de modernité ? Faut-il poursuivre envers et contre tout la bétonisation des espaces naturels, et continuer à faire gonfler les chiffres du fret malgré le réchauffement climatique ?

Comment, après la crise de 2008, des projets qui prévoient le financement public de projets économiquement, socialement et écologiquement contestés au bénéfice de grands groupes industriels peuvent-ils encore, en période d’économies budgétaires, se retrouver à l’agenda des gouvernements ? Que penser de la manière dont ils ont été décidés, en dehors du débat public, entre technocrates, gouvernants et grands industriels ?

Et surtout, que penser du modèle de développement dont ils s’inspirent, où les territoires doivent être aménagés en fonction des besoins du secteur privé, quelles qu’en soient les conséquences sociales ou écologiques ?

Car c’est bien d’un modèle de développement qu’il s’agit, pensé par et pour les grands groupes industriels contre les intérêts de la majorité… et dont la crise n’a semble-t-il pas permis la remise en cause. Un modèle duquel, pourtant, il devient urgent de sortir ; de même qu’il est urgent d’en finir avec des projets qui ne font qu’accentuer la crise sociale et écologique au bénéfice de quelques-uns.

Coupé, collé et rédigé par les Dessous de Bruxelles

[1] Consulter, par exemple, le site de l’ACIPA (http://acipa.free.fr/) concernant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et le site du collectif No-TAV Savoie (http://www.no-tav-savoie.org/)

[2] Commission européenne, « 1998 Report on the Implementation of the Guidelines and Priorities for the Future », Bruxelles, 1998

[4] Un projet de 12 000 nouveaux kilomètres d’autoroutes, intégré au programme général, fut présenté en 1991 par la Commission. Plus tard dans l’année, la décision de réaliser trains à grande vitesse, canaux et aéroports fut incorporé au Traité de Maastricht

[5] Propos de Kinnock, commissaire au Transport, lors de la conférence « Combler les fossés du financement de l’infrastructure », à Amsterdam, le 31 mars 1998.

[6] Tim Jones, « Commission Urges Euro Area to Boost Investment », European Voice, 26 novembre 1998.

[7] Les PME ont également demandé à la Commission « de proposer de nouvelles formes de financement à long terme et de possibilités d’obtenir plus facilement des capitaux spéculatifs » cité dans Rory Watson, « MEPs Warn of Funding Shortfall Threat to TENs », European Voice, vol. 4, n° 40, 5 novembre 1998.

[8] T&E, « Roads and the Economy », Bruxelles, 1996.

[9] « Transport Investment, Transport Intensity and Economic Growth », rapport intérimaire du Standing Advisory Commitee on Trunk Road Assesment, publié le 9 février 1998 par le département britannique de l’Environnement, des Transports et des Régions.

[10] Commission européenne, « 1998. Report on the Implementation of the Guidelines and Priorities for the Future », Bruxelles, 1998, p. 5.

[11] Greenpeace Suisse, Missing Greenlinks, « Examination of the Commission’s Guidelines for a Decision about the Trans-European Networks and Proposal for Ecological Restructuring », 1995.

Les Dessous de Bruxelles, décembre 2012

Nantes, capitale verte européenne : L’imposture écologique

Nantes, capitale verte européenne : L’imposture écologique

Exemple parfait d’une politique de propagande verte, Nantes Métropole s’est vu décerné le Trophée de la capitale verte de l’Europe alors que la mairie socialiste entend bétonner 2 000 hectares de terres agricoles pour construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

La commission européenne a retenu la candidature de Nantes pour être capitale verte européenne en 2013. Les critères sont multiples : l’utilisation durable des terres, la nature et la biodiversité, la qualité locale de l’air, la pollution sonore, la gestion des déchets… Avec la construction de l’aéroport, l’expropriation de paysans, et donc un développement urbain conçu au détriment de l’environnement, des écosystèmes et des populations, ce trophée reçu par la ville relève de la propagande verte ou greenwashing. Il représente un enjeu politique important pour la mairie de Nantes et son projet d’aéroport d’une part et d’autre part pour le PS et sa stratégie de démocratie participative, visant à noyauter et étouffer les contestations.

- Etouffer les contestations

Jean-Marc Ayrault expérimente ainsi les limites et les bénéfices de cette stratégie à l’échelle locale pour mieux les appliquer à l’échelle nationale. Pour parer à d’éventuelles résistances, la mairie a décidé de lâcher des subventions. Il y aura un appel à projet citoyen en direction des associations pour l’île de Nantes, chapeauté par la Samoa – organisme chargé de l’aménagement de l’île de Nantes – dont l’ancien président n’est autre qu’Ayrault. Un autre concerne le trophée « Nantes, capitale verte européenne » pour lequel la mairie prévoit une enveloppe de 150 000 euros et un prix de 5 000 euros pour les associations dont les projets seront retenus. Les médias seront présents et l’objectif est de donner l’image d’une métropole écolo/verte et d’en faire une vitrine de la démocratie participative chère au PS. Il s’agit de faire oublier le point noir que représente l’aéroport Notre-Dame-des-Landes et de présenter Nantes comme une ville innovante en matière de démocratie, puisqu’a priori à Hambourg et Vitoria Gasteiz (Pays Basque), les citoyens n’ont pas été associés à la dynamique « capitale verte » et ce fameux label européen fut plutôt perçu comme une arnaque.

- Collusion des associations

Des divergences existent entre les différentes associations écologistes nantaises. D’un côté, celles qui veulent participer à cet appel à projet en se targuant d’y trouver un moyen de dénoncer l’aéroport sont souvent dépendantes des subventions délivrées par Nantes Métropole (jusqu’à un million par an et ont des salariés). De l’autre côté, il y a celles qui souhaitent boycotter cet « appel citoyen » en refusant de cautionner le greenwashing. Pour ceux qui contestent la construction de l’aéroport, l’enjeu est de saisir cette initiative pour dénoncer la mascarade écologique et mettre en avant l’hypocrisie de la mairie qui se présente comme un modèle de développement durable mais qui bétonne 2 000 hectares de terres agricoles à 10 kilomètres de Nantes. L’appel à projet met en lumière la collusion entre la mairie socialiste et une bonne partie du monde associatif écolo nantais qui explique en partie la faiblesse de la contestation anti-aéroport sur la ville. L’opposition centrale à l’aéroport repose fortement sur le monde agricole local et les habitants directement concernés (communes périurbaines, squatteurs de la ZAD). Un des enjeux reste de mobiliser plus fortement la population nantaise encore peu préoccupée par cette lutte. Il y a pourtant l’exemple historique de la mobilisation de 1997 contre le projet de centrale nucléaire du Carnet, aux portes de Nantes, qui avait été abandonné, nous rappelant que la résistance peut continuer à se développer.

Maud et Stéphanie (AL Nantes)

http://www.ainfos.ca/fr/ainfos09772.html

Vu sur Indymedia Nantes, 1 janvier 2013

Lobotomisation à grande vitesse : au sujet des « emplois » (l’avaleur travail)

Image vue sur le blog de Fred et René

Aujourd’hui la Nouvelle République remet le couvert en encensant une fois de plus le chantier de la LGV Tours-Bordeaux (voir ici et ). Une fois de plus, l’argument principal est celui de la création d’emplois que susciterait ladite ligne à grande vitesse.

Passons sur les arguments écologiques, par trop évidents : les paysages lunaires et désolés du chantier, ouvrant la terre à ciel ouvert à coups d’explosifs, montrent eux-mêmes en un saisissant raccourci à quoi ressemble le système actuel – celui d’une destruction massive des espaces et des sociétés.

Plaçons-nous donc d’abord sur le terrain de l’ennemi, l’économie. Si l’on veut bien jouer cet exercice intellectuel (pour ne pas dire la contorsion) consistant à adopter le point de vue de la social-démocratie, si l’on n’admet que le cadre capitaliste pour envisager une société meilleure (la LGV est largement soutenue par les élu-e-s PS) : la LGV est déjà un non-sens total.

Ce chantier pharaonique est économiquement ruineux pour les exploité-e-s, avec des subventions énormes données à perte par l’Etat et les collectivités locales à Vinci – comme pour tous les PPP (partenariats public-privé), dont les contribuables assument seuls les pertes et les capitalises encaissent seuls les profits. Les montants délirants de ces investissements publics, en pleine période dite de « crise » où un nombre croissant de gens connaissent des conditions de (sur)vie de plus en plus inacceptables, posent en eux-mêmes la question flagrante : où va l’argent ?

Quant aux fameuses « créations d’emplois », il faut souligner d’une part que la recrudescence d’emplois suscités par le chantier est tout à fait éphémère (comme l’admet d’ailleurs la NR). D’autre part, et cela va avec, il faut rappeler qu’à terme, comme pour toute concentration/rationalisation des moyens de production, d’échange et de distribution en système capitaliste, ce chantier n’est qu’un prélude de plus à une nouvelle baisse structurelle des emplois. En effet, la LGV désertifiera un peu plus les régions traversées et isolées par le train à grande vitesse ; la dynamique de métropolisation des espaces urbains desservis par la ligne (devenant un peu plus des noeuds d’échange accaparant toute l’activité humaine) répond quant à elle à une logique éminemment capitaliste : rationaliser l’appareil productif de façon à réduire, précisément, le coût de main-d’oeuvre… ayant pour conséquence, comme depuis plusieurs décennies, l’approfondissement du chômage. Quand la machine remplace globalement l’homme, le chassant de la sphère productive, les emplois suscités par l’élaboration de l’outil ne servent qu’à réduire globalement l’emploi.

La LGV n’est qu’un aspect du dispositif capitaliste global consistant à concentrer le capital, à maximiser le profit et à réduire globalement la rémunération de la force de travail.

Néanmoins, si profit privé et bien commun sont éminemment incompatibles et si le social-capitalisme est par définition un mensonge, ces chantiers sont loin d’être illogiques, malgré leur apparente absurdité en termes socio-économiques.

Ils répondent en effet à la logique actuelle d’un capitalisme aux abois. On peut même dire que ces chantiers délirants sont actuellement inévitables, si l’on se condamne à rester dans les paradigmes d’une organisation capitaliste de la société. Si dans le monde entier, avec l’aval de gouvernements de gauche comme de droite, ces chantiers prolifèrent, c’est pour une raison précise : le capitalisme productif ne rapporte plus assez. Et ce, depuis la fin des années 1960, précisément parce que le machinisme a marginalisé l’homme au sein du processus de production/valorisation. D’une part les investissements en machines ont pris une part prépondérante dans les investissements globaux, réduisant la part de l’investissement en force de travail humain à une portion toujours plus congrue… alors que c’est uniquement sur l’exploitation du travail humain que le profit se réalise. D’autre part, la production peine à s’écouler, au sein d’un marché prombé par la stagnation relative des salaires par rapport à la masse croissante du capital en circulation.

Le capitalisme ne peut fuir éternellement ses contradictions avec de vieilles recettes ; c’est pourquoi il se restructure périodiquement, en colonisant et en défrichant de nouveaux « gisements de profits ».

C’est la financiarisation de l’économie mondiale qui a permis, à partir des années 1970, de prolonger le maintien du profit capitaliste. D’une part en organisant la spéculation sur les profits productifs à venir, du moins susceptibles de venir. Et d’autre part en encourageant le crédit chez les salariés mal payés, pour permettre de maintenir la consommation. Tour de passe-passe, fuite en avant ? Certes, on l’a manifestement vu lors de la crise de 2008 ; n’empêche que cette restructuration a permis de maintenir le système (et les emplois avec, n’en déplaise aux « anti-libéraux » de gauche).

Le hic, c’est que la spéculation sur les profits à venir dans l’activité productive exige elle aussi, tout de même, que la production se poursuive un minimum. Sous peine de doute trop flagrant sur la réalité de la production, ce fondement incontournable, même avec mille tours de magie, de l’économie ; sans activité productive minimale pour faire illusion, il y a doute généralisé, et donc éclatement de la bulle financière, et donc dévalorisation massive du capital, et donc paralysie totale de l’économie, bref, disparition de la valeur elle-même, et effondrement pur et simple du capitalisme. Adieu juges, flics, notaires : les populations affamées se ruent sur les biens redevenus communs. Et ça, pour les possédants et les dominants, c’est pas très glop.

C’est ce rôle de caution d’un productivisme, en apparence absurde, que jouent actuellement et en toute logique capitaliste les multiples partenariats public-privé. Ces immenses chantiers de béton et d’acier, aussi laids qu’inutiles socialement, ne sont utiles qu’à la tentative de pérennisation du capitalisme, en garantissant le maintien du minimum de profits productifs juteux nécessaire à la crédibilité de la valeur globale et de sa circulation.

Voilà pour le côté économique.

A notre sens, ce qu’il faut aussi attaquer, c’est ce pseudo-argument des capitalistes, repris en choeur par leurs bardes politiciens et journalistes, de la création d’emplois. Parmi tant de laideur, de destruction écologique, de ruine d’argent public, de destruction d’espaces communs de vie, l’emploi demeure le seul et ultime argument pour soutenir ce consternant projet de LGV (comme du reste tous les PPP). L’emploi est le grand retranchement argumentaire des capitalistes et de leurs petits copains du PS et de la NR.

Or, si l’on veut bien cesser de penser « croissance », « emploi » et « réindustrialisation » comme les sources de notre bonheur sur Terre : pourquoi les gens veulent-ils des emplois salariés (c’est-à-dire exploités et aliénés, où l’on prélève sur eux un profit, et où ils n’ont aucune capacité de décider de la nature de la production) ? Pour se procurer de l’argent, monsieur le DRH, pas pour se « réaliser »… Et pourquoi les gens veulent-ils avoir de l’argent ? Pas pour être « libres », monsieur le politicien, mais pour s’assurer de pouvoir payer les besoins nécessaires à la vie, qui sont tous marchandisés puisque les gens ne disposent plus des moyens de les produire par eux-mêmes (on les leur a confisqués). Pourquoi faut-il payer, dans un monde qui produit déjà bien plus qu’il n’est nécessaire pour couvrir les besoins de tous les humains qui peuplent cette planète ? Pas pour être « honnête », monsieur le juge, mais pour éviter de s’exposer au risque d’être broyé par le cerbère étatique flic-juge-maton.

Le travail salarié est comme l’argent : il est un dispositif pour maintenir la domination, la hiérarchie et les inégalités, la privation et la rareté, dans un monde qui croule sous des richesses potentiellement disponibles pour tous. Le travail est l’activité humaine dévoyée par la contrainte, par la menace réelle de crever de faim et de froid, assumée par la répression permanente des forces de « l’ordre ». L’emploi n’est pas un but en soi : il n’est qu’un moyen de survie. Les gens ne travaillent pas comme salariés pour se réaliser : il n’y a nul besoin de contraindre les gens au travail, ni d’argent, pour les voir s’organiser pour produire ce dont ils ont besoin, si tant est qu’ils possèdent les moyens de produire ces choses par eux-mêmes.

Plutôt que de nous satisfaire de « créations d’emploi » temporaires, par des capitalistes qui ne les créent que pour accroître leur profit et leur domination sur nous tous, organisons-nous enfin plutôt pour en finir avec le travail contraint ! Et si ce n’est pour l’abolir ni le déserter totalement dans l’immédiat, puisque le capitalisme est une dictature que l’on ne renverse pas par des déclarations d’intention, luttons au moins pour nous réapproprier les moyens de décider vraiment de nos vies. Organisons-nous au maximum pour produire et nous procurer ce dont nous avons vraiment besoin, en-dehors du monde du salariat. Et quand nous sommes contraints de travailler, organisons-nous pour détourner l’appareil productif et pour saboter le profit, afin de nous répproprier les moyens de décider par nous-mêmes sur nos vies : c’est là l’origine et le sens véritable du syndicalisme.

S’organiser signifie aussi se défendre, collectivement, contre les attaques du capitalisme qui semble précipiter le monde dans sa chute en avant. LGV Lyon-Turin, chantiers du nucléaire et leurs pylônes, aéroport de Notre-Dame-des-Landes… la résistance contre ces dispositifs capitalistes ne s’organise pas que sur un refus théorique ou sur une argumentation économique. Elle se construit aussi par les expérimentations concrètes d’autres façons de vivre, d’autres sociabilités, en même temps que l’organisation d’une défense aux stratégies aussi multiples que complémentaires.

Employons-nous à ne plus être employés.

Juanito, 29 décembre 2012