Vous trouverez ici le tract contre l’inauguration de Clinatec le 31 janvier 2012.
Le tract
Fermez Clinatec, le laboratoire de la contrainte
Rassemblement contre l’inauguration de Clinatec, mardi 31 janvier 2012 à 17h30, parvis Louis Néel (Minatec)
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« Avec les électrodes et les implants cérébraux, on peut changer la personnalité de quelqu’un qui était anormal, pour le remettre dans la normalité. On peut faire passer les gens d’un état suicidaire à un état jovial. Faut-il en conclure qu’on peut manipuler les gens et les faire marcher au pas cadencé ? Certes, mais on les fait tellement marcher au pas cadencé par d’autres moyens. » Professeur Benabid, neurochirurgien, promoteur de Clinatec, présentation à Saint-Ismier (38) le 17 janvier 2012.
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Faut-il implanter des électrodes dans le crâne des malades de Parkinson pour calmer leurs symptômes (dans certains cas) par du courant électrique, ou stopper le déversement des pesticides qui fabriquent des malades en quantités industrielles ?
Faut-il stimuler électriquement le cerveau des fumeurs pour les dégoûter du tabac, ou se demander à quels besoins physiques et psychiques répond l’addiction à la nicotine ?
Faut-il envoyer du courant dans le cerveau des anorexiques pour modifier leur comportement alimentaire, ou offrir aux jeunes filles d’autres modèles de silhouettes que celui de squelettes publicitaires ?
Faut-il mettre des implants neuro-électroniques dans le crâne des dépressifs et des suicidaires ou changer les conditions de travail chez France Telecom/Orange et Renault ou à l’hôpital de Lille ?
À Clinatec, on a tranché. Les maladies neurodégénératives et les souffrances psychiques explosent sous l’effet d’un environnement chimique, économique, technologique, social, délétère ? Les neurotechnologues choisissent de gommer les effets du monde-machine pour rétablir l’illusion de la normalité. L’homme-machine, nous y voici. Et c’est à Grenoble, au centre Clinatec, issu du Commissariat à l’énergie atomique/ Minatec, que nos chercheurs et nos industriels l’élaborent, en font la promotion et le mettent en service. Etes-vous fiers ? honteux ? révoltés ? indifférents ? des millions des subventions que vous financez aux laboratoires de la technopole pour aboutir à ce résultat ?
Clinatec est une « clinique expérimentale » destinée entre autres à tester sur des cobayes volontaires des dispositifs électroniques implantables dans le cerveau. Ceci d’une part afin d’agir sur certaines zones neuronales pour corriger des symptômes de maladies (électrodes miniaturisées) ; d’autre part de développer des interfaces cerveau-machine pour piloter « par la pensée » des objets ou des prothèses électroniques (œil, oreille, bras artificiels, exosquelette, etc). Bref, il s’agit d’appliquer les propriétés des nanotechnologies aux neurosciences.
C’est le 31 janvier 2012 que sera inauguré Clinatec, peut-être avec Nicolas Sarkozy, mais de toutes façons en catimini. Ont-ils quelque chose à se reprocher ? Nous avons des choses à leur reprocher.
Comme d’habitude dans la technopole, la liaison recherche-industrie est le moteur du développement de Clinatec. Il est moins question ici de prévenir et de soigner que de chercher des applications rentables à une technologie. Les « kits de stimulation » sont commercialisés par des industriels tels que Medtronic (partenaire du professeur Benabid), toujours en quête de nouveaux débouchés. Comme dit Benabid : « Donnez-moi une maladie, je traite ». En quoi le promoteur de Clinatec est conforme aux préconisations de son collègue Feuerstein, directeur de Grenoble Institut des Neurosciences : « Il est ainsi de la responsabilité de la Région de soutenir les développements futurs de cette thérapeutique fonctionnelle efficace [qui] contribue au rayonnement des équipes régionales remarquables qui la font progresser pour l’optimiser et étendre ses applications, en vue de permettre à Rhône-Alpes de maintenir son rôle pionnier mondial. (…) une collaboration avec le CEA et le LETI devrait être à même de développer de nouvelles innovations technologiques très pointues (…) conduisant vraisemblablement à des retombées industrielles non négligeables. » [1]
Les nouveaux débouchés des implants cérébraux, c’est l’homme-machine. Ce qui soulage des malades sert aussi à « augmenter » des bien-portants (vision nocturne, super ouïe, « cognition augmentée », supermémoire). Déjà, l’armée américaine contraint ses soldats à accepter toute technologie d’augmentation de leurs performances. Ceux qui pourront se payer les prothèses neuroélectroniques gagneront la course à la compétitivité économique et à la rentabilité individuelle. Comme le proclament les hérauts américains des nano-bio-neurotechnologies : « Tout moyen d’améliorer la santé mentale pour augmenter les marges de profit sera recherché. La diffusion des neurotechnologies dans l’industrie créera un nouveau « terrain de jeu » économique sur lequel les individus qui les utilisent auront la capacité d’atteindre un plus haut niveau de productivité que ceux qui ne les utilisent pas. » [2]
Mais la fabrique de quelques hommes « augmentés » produira plus encore des hommes diminués, contrôlés – des robots marchant au « pas cadencé » selon Benabid. Au point que le Parlement européen même s’inquiète de l’usage de cette technologie « par des acteurs puissants pour contrôler les gens. » [3] On peut déjà effacer des souvenirs, en créer de nouveaux, télécommander des rats, des singes et des humains.
En traitant des problèmes de santé publique du point de vue le plus étroit – les symptômes plutôt que les causes – et le plus réductionniste – les neurones plutôt que la personne – les promoteurs de Clinatec se comportent en techniciens et non en médecins. Leur conception mécaniste de l’homme, conforme à l’idéologie technicienne au pouvoir, irrigue le projet de monde-machine, rationalisé, optimisé, machinisé, bref, anti-humain. Écoutez plutôt ces deux neurobiologistes en vue : « L’avènement des cerveaux machines pourrait modifier de façon radicale la manière dont nous pourrons interagir avec notre entourage. Quelle défaite pour les fanatiques de l’âme et de ses mystères ! À moins qu’il ne s’agisse simplement d’une défaite de l’humain, s’il faut en croire le chœur des lamentations des humanistes transis. » [4]
Dévoyer la recherche dans les neurotechnologies est un choix politique, et non technique. Les décideurs suivent les chercheurs qui promettent de « révolutionner nos vies », construisent à leur demande Clinatec avenue Félix Esclangon, le financent (2,2 millions d’euros pour la Ville de Grenoble) et en assurent la promotion. Rien à voir avec un quelconque processus naturel – ce progrès qu’on n’arrête pas : il s’agit d’un projet porté, programmé, calculé. Avons-nous voulu cette révolution sociale et anthropologique ? L’homme-machine est-il votre rêve pour vos enfants ? Qu’importe, il faudra obéir.
Avec les neurotechnologies, nous franchissons un seuil dans l’histoire de l’Homme. Nous vous parlons du techno-totalitarisme, de l’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine. Tout ce qui est possible sera réalisé. Nous vous parlons de la société de contrainte par possession technologique. Par possession, on entend l’état de ceux que gouverne une puissance technologique, qui les prive de la libre disposition de leur pensée ou de leurs actes et en fait l’instrument de sa volonté. En termes de gouvernance pour le pouvoir, une population de cyborgs, d’organismes pilotés, d’hommes bioniques, bio-électroniques, d’hommesmachines enfin, est insurpassable. Nous vous parlons de la cyber-police, de la neuro-police, de la police totale, d’un dispositif permettant au pouvoir de contraindre les sans-pouvoir à exécuter ses volontés tels des marionnettes, un robot, un individu sous hypnose. On voit que la technologie est la continuation de la police, du pouvoir politique par d’autres moyens, et que cybernétique et neuro-technologie couronnent ce rationalisme policier qui prétend faire de nous des insectes sociaux et de l’humanité une fourmilière machine.
C’est maintenant que nous pouvons encore décider. Et vous, que voulez-vous ?
Pièces et main d’œuvre & les Humains Associés
Pour en savoir plus : L’Industrie de la contrainte, par Pièces et main d’œuvre et Frédéric Gaillard (Editions L’Echappée, 2011), ou www.piecesetmaindoeuvre.com.
[1] www.grenoble-universites.fr/1163429…
[2] M. Roco, W. Bainbridge : « Managing Nano-Bio-Info-Cogno innovations – Converging technologies in society », 2005
[3] Etude « Human enhancement », parlement européen, mai 2009. Traduit par nos soins.
[4] Jean-Didier Vincent, Pierre-Marie Lledo, Cerveau sur mesure (éditions Odile Jacob, 2012)
dimanche 29 janvier 2012 par PMO & les Humains Associés
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