LGV Poitiers-Limoges imposée aux forceps

La 147 aux abois, la LGV passe

La LGV Poitiers-Limoges devient un peu plus concrète avec la présentation en réunions publiques du tracé. Mais l’hostilité contre elle ne s’est pas calmée.

La LGV existe, sur ordinateur. Mais pas dans l'esprit des futurs riverains qui n'en veulent pas.

La LGV existe, sur ordinateur. Mais pas dans l’esprit des futurs riverains qui n’en veulent pas.
 

Ce que je vois c’est qu’on veut une 2X2 voies qu’on n’aura pas et qu’on aura une LGV qu’on ne veut pas. La réflexion en sourdine dans les rangs du public lhommaizéen de la réunion publique sur le tracé de la LGV Poitiers-Limoges en dit long sur le dialogue de sourds qui préside autour de ce projet ferroviaire.

Face à une quarantaine de personnes plus ou moins riveraines du futur tracé de 112 km entre les deux capitales régionales, les représentants de Réseau ferré de France ont fort à faire pour recadrer le débat. Même s’ils ont annoncé d’emblée qu’ils sont là pour présenter un projet de tracé, des aménagements destinés à en réduire l’impact et pour écouter suggestions, remarques et demandes de modifications, l’audience ne l’entend de cette oreille. Pour les Lhommaizéens, la LGV est tout simplement inutile, trop chère et surtout n’est pas la RN 147 doublée espérée depuis 30 ans au moins (lire « ça fait polémique »). Inutile car les 38 minutes de trajet entre Poitiers et Limoges concurrenceraient les 95 minutes (chiffres RFF contestés par les usagers) du TER actuel. TER qui, à leurs yeux, pourrait être modernisé à moindre coût. Pour RFF, jamais on n’atteindrait les performances du TGV avec un TER sauf à accepter des nuisances supérieures. Et surtout, on n’atteindrait pas les 2 heures exigées pour relier Paris à Limoges.

Où et comment ?

La LGV serait trop chère (1,6 milliards d’euros) dans une période de crise. Les opposants doutent d’ailleurs du chiffre. RFF explique que les 2,7 milliards que ses opposants évoquent comprennent des coûts pour l’exploitant hors infrastructure. Et quand RFF avance une fréquentation de 2,2 millions de voyageurs par an, ce sont carrément des rires incrédules qui montent de la salle. « Le TGV est un train de riches », s’exclame un spectateur. RFF présente à l’appui la fréquentation actuelle (1,8 millions de voyageurs) de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. Les représentants de RFF tentent bien à plusieurs reprises de recadrer le débat. « La LGV se fera parce qu’un débat public et une enquête publique ont déjà conclu qu’elle devait se faire. » On n’est plus là que pour décider où et comment elle passera. La force de la simulation 3D du tracé finit par l’emporter et le public s’inquiète désormais des nuisances du chantier, de l’implantation des équipements, des aménagements paysagers…

ça fait polémique

Cette LGV souffre indéniablement d’arriver dans un territoire qui pleure sa desserte routière depuis 30 ans. « Ça fait 30 ans qu’on demande le doublement de la RN 147 et il suffit de 3 ans pour sortir un projet de tracé pour cette LGV. C’est bien une question de volonté ! » s’emporte un Lhommaizéen. Depuis des années en effet, les élus du Sud Vienne s’époumonent littéralement à réclamer le doublement de la RN 147. L’arrivée de ce projet de LGV Poitiers-Limoges est passée pour une provocation. Et ce n’est pas le débat public sur le sujet qui a apaisé les esprits. Trop souvent, les opposants au projet ont eu l’impression de parler dans le vide. Quitte à se mettre à dos leurs homologues limousins demandeurs à bon droit, les élus du Sud Vienne dénoncent un projet qui nuit à la desserte locale et à l’aménagement du territoire. Ils réclament à corps et à cris le doublement de la RN 147, quitte à refuser de financer le chemin de fer tant que la RN 147 n’avance pas. RFF argumente sur le fait que la DREAL, maître d’ouvrage de la 147, ne dispose pas des mêmes moyens d’étude. Mais surtout, les responsables du projet expliquent que le couplage de la LGV avec la 147, auquel ils ont veillé sur tout le parcours, permettra un doublement de la 147 à moindre coût.

Nouvelle République, Dominique Guinefoleau, 31 janvier 2012