On avait songé à collectionner les perles des candidat-e-s aux prochaines élections municipales, histoire de rire un peu de leur prétention à « nous » représenter. La Nouvelle République nous a devancés aujourd’hui, avec un dossier spécial municipales sur la question des transports, donnant la parole aux aspirants au pouvoir. On va donc avoir le choix entre plusieurs types de relance de la sainte Croissance Economique. Florilège de l’ode au productivisme :
Claeys (PS) : « L‘avenir de Poitiers passe par le développement des flux et celui de la planète par la diminution de la pollution ». « Le viaduc Léon-Blum va permettre la création de la ligne A du BHNS – celle qui desservira notamment le CHU, le campus, le centre-ville et Poitiers Ouest. Rapidité, régularité, fréquences soutenues, confort, design sont ses atouts. Dans deux ans, même ceux qui n’aiment pas le bus prendront le BHNS ».
Et spécial dédicace au maire pour le viaduc Léon Blum, un beau cadeau à Vinci qui aura coûté 300 millions d’euros.
Daigre (UMP) : « Je créerai une tranche à 0.50 € la ½ heure pour les parkings publics et une grille tarifaire à la demi-heure. J’ouvrirai des places de longue durée au parking Blossac à des tarifs avantageux (4 € la journée et 1 € par jour supplémentaire). Je recréerai des places en surface. On pourra payer son stationnement avec son mobile. »
Notons que la candidate du tout-bagnole propose aussi un bus qui deviendrait peu à peu « gratuit »… une gratuité toute relative, financée par les pauvres : hors de question de faire casquer le patronat, et puis quoi encore ?
Duboc (« centre ») : « Notre projet de transport aérien par câble, Aerolis illustre notre vision novatrice et réaliste du déplacement urbain économique et écologique. Finançable par le Grenelle de l’environnement, il reliera les Couronneries et les 3-Cités au centre par deux lignes complémentaires au réseau de bus qui sera repensé en concertation avec les Poitevins. »
Vitalis, Otolis, Aerolis… et bientôt une piste Skilis et Lugelis, descendant des Couronneries ?
Gaillard (LO) : « des transports publics dignes de ce nom qui desservent correctement les quartiers populaires, où sévissent les bas salaires, la précarité et le chômage, toutes les conséquences les plus brutales de l’anarchie capitaliste. Les travailleurs de Vitalis – qui assurent cette mission de service public – connaissent une situation qui n’est pas différente de celle du reste de la classe ouvrière : sous-effectifs, salaires insuffisants, détérioration du climat social. Pour défendre son droit à la vie, le monde du travail ne pourra compter que sur lui-même et devra se battre contre la bourgeoisie et ses alliés au gouvernement. Pour s’attaquer au chômage, il devra riposter à la rapacité du patronat : interdiction des licenciements, répartition du travail. »
« L’anarchie capitaliste » : on admirera ce magnifique oxymore, vieux comme le trotskysme et la répression de Cronstadt (lolilol, tu l’avais bien cherché Ludo !). En attendant, « l’anticapitalisme » de ce partisan de l’étatisme « communiste », ce summum du capitalisme rationalisé à l’extrême, consiste une fois de plus à proposer de mettre toute la population dans le monde merveilleux du travail salarié, un monde qui a « droit à la vie » – ça fait rêver.
Verdin (FN) : « l’auto est bannie du centre-ville au profit du bus. Le commerce est très pénalisé. (…) Les arrêts minute seront étendus à 20 minutes. Le viaduc des Rocs sera ouvert à tous pour désengorger la porte de Paris. »
Avec le FN, c’est vive le tout-bagnole et priorité au fric pour les commerçants. Ce n’est pas un scoop, l’extrême-droite témoigne de sa fidélité à toute épreuve au patronat, et aux particules fines et brunes pour nous polluer les poumons et la tête.
Fraysse (EELV, liste « rouges-verts ») : « Nous rendrons le centre accessible et favoriserons des déplacements moins polluants en augmentant la fréquence des bus (toutes les 10′ en heure de pointe) ; en étudiant dans quelle mesure la gratuité des transports est réalisable, puis en consultant la population par référendum ; en multipliant les points de mise à disposition de vélos ; en créant une carte unique multi-transports (Otolis, bus, vélos) et en installant des parcs relais sur les axes d’entrée de Poitiers avec une tarification à 1 € l’aller-retour. »
Même si, en attendant que le productivisme crève de sa belle mort, on préfère le bus à la bagnole et que cette liste est celle sur laquelle on a le moins envie de taper, on remarquera que la gratuité n’est plus à l’ordre du jour… Il faut dire qu’on a affaire à une politicienne d’EELV. Un parti spécialiste en matière de reculades, en général autant qu’il le faut pour obtenir d’asseoir des fesses vertes sur des sièges confortables. Bref, pour le bus gratuit, faudra étudier, consulter… et en attendant l’hypothétique gratuité repoussée aux calendes grecques, faire payer. Voilà qui devrait plaire à ses colistiers du NPA, qui faisaient de la gratuité des transports en commun leur cheval de bataille.
Pour notre part, nous notons qu’aucun.e candidat.e ne s’est penché.e sur le fait que les déplacements des habitant.e.s, à Poitiers comme ailleurs, sont contraints. Contrainte du travail salarié surtout, dans des emplois aussi chiants pour les esclaves salarié.e.s que nous sommes, que profitables aux patrons et nécessaires au bon fonctionnement de la machine capitaliste. Mais si le salariat était aboli et que les habitant.e.s parvenaient enfin à prendre en main les décisions qui les concernent, il n’y aurait sans doute plus d’élections représentatives, alors chut… votez ce que vous voudrez, mais votez, on vous dit. Comme dirait Fraysse, il faut lutter contre l’abstentionnisme !
Cirque électoral, la suite au prochain numéro…
Pavillon Noir, 28 janvier 2014