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[Poitiers Municipales] Transports : productivisme à la carte !

a voté

On avait songé à collectionner les perles des candidat-e-s aux prochaines élections municipales, histoire de rire un peu de leur prétention à « nous » représenter. La Nouvelle République nous a devancés aujourd’hui, avec un dossier spécial municipales sur la question des transports, donnant la parole aux aspirants au pouvoir. On va donc avoir le choix entre plusieurs types de relance de la sainte Croissance Economique. Florilège de l’ode au productivisme :

Claeys (PS) : « L‘avenir de Poitiers passe par le développement des flux et celui de la planète par la diminution de la pollution ». « Le viaduc Léon-Blum va permettre la création de la ligne A du BHNS – celle qui desservira notamment le CHU, le campus, le centre-ville et Poitiers Ouest. Rapidité, régularité, fréquences soutenues, confort, design sont ses atouts. Dans deux ans, même ceux qui n’aiment pas le bus prendront le BHNS ».

Et spécial dédicace au maire pour le viaduc Léon Blum, un beau cadeau à Vinci qui aura coûté 300 millions d’euros.

Daigre (UMP) :  « Je créerai une tranche à 0.50 € la ½ heure pour les parkings publics et une grille tarifaire à la demi-heure. J’ouvrirai des places de longue durée au parking Blossac à des tarifs avantageux (4 € la journée et 1 € par jour supplémentaire). Je recréerai des places en surface. On pourra payer son stationnement avec son mobile. »

Notons que la candidate du tout-bagnole propose aussi un bus qui deviendrait peu à peu « gratuit »… une gratuité toute relative, financée par les pauvres : hors de question de faire casquer le patronat, et puis quoi encore ?

Duboc (« centre ») : « Notre projet de transport aérien par câble, Aerolis illustre notre vision novatrice et réaliste du déplacement urbain économique et écologique. Finançable par le Grenelle de l’environnement, il reliera les Couronneries et les 3-Cités au centre par deux lignes complémentaires au réseau de bus qui sera repensé en concertation avec les Poitevins. »

Vitalis, Otolis, Aerolis… et bientôt une piste Skilis et Lugelis, descendant des Couronneries ?

Gaillard (LO) : « des transports publics dignes de ce nom qui desservent correctement les quartiers populaires, où sévissent les bas salaires, la précarité et le chômage, toutes les conséquences les plus brutales de l’anarchie capitaliste. Les travailleurs de Vitalis – qui assurent cette mission de service public – connaissent une situation qui n’est pas différente de celle du reste de la classe ouvrière : sous-effectifs, salaires insuffisants, détérioration du climat social. Pour défendre son droit à la vie, le monde du travail ne pourra compter que sur lui-même et devra se battre contre la bourgeoisie et ses alliés au gouvernement. Pour s’attaquer au chômage, il devra riposter à la rapacité du patronat : interdiction des licenciements, répartition du travail. »

« L’anarchie capitaliste » : on admirera ce magnifique oxymore, vieux comme le trotskysme et la répression de Cronstadt (lolilol, tu l’avais bien cherché Ludo !). En attendant, « l’anticapitalisme » de ce partisan de l’étatisme « communiste », ce summum du capitalisme rationalisé à l’extrême, consiste une fois de plus à proposer de mettre toute la population dans le monde merveilleux du travail salarié, un monde qui a « droit à la vie » – ça fait rêver.

Verdin (FN) : « l’auto est bannie du centre-ville au profit du bus. Le commerce est très pénalisé. (…) Les arrêts minute seront étendus à 20 minutes. Le viaduc des Rocs sera ouvert à tous pour désengorger la porte de Paris. »

Avec le FN, c’est vive le tout-bagnole et priorité au fric pour les commerçants. Ce n’est pas un scoop, l’extrême-droite témoigne de sa fidélité à toute épreuve au patronat, et aux particules fines et brunes pour nous polluer les poumons et la tête.

Fraysse (EELV, liste « rouges-verts ») : « Nous rendrons le centre accessible et favoriserons des déplacements moins polluants en augmentant la fréquence des bus (toutes les 10′ en heure de pointe) ; en étudiant dans quelle mesure la gratuité des transports est réalisable, puis en consultant la population par référendum ; en multipliant les points de mise à disposition de vélos ; en créant une carte unique multi-transports (Otolis, bus, vélos) et en installant des parcs relais sur les axes d’entrée de Poitiers avec une tarification à 1 € l’aller-retour. »

Même si, en attendant que le productivisme crève de sa belle mort, on préfère le bus à la bagnole et que cette liste est celle sur laquelle on a le moins envie de taper, on remarquera que la gratuité n’est plus à l’ordre du jour… Il faut dire qu’on a affaire à une politicienne d’EELV. Un parti spécialiste en matière de reculades, en général autant qu’il le faut pour obtenir d’asseoir des fesses vertes sur des sièges confortables. Bref, pour le bus gratuit, faudra étudier, consulter… et en attendant l’hypothétique gratuité repoussée aux calendes grecques, faire payer. Voilà qui devrait plaire à ses colistiers du NPA, qui faisaient de la gratuité des transports en commun leur cheval de bataille.

Pour notre part, nous notons qu’aucun.e candidat.e ne s’est penché.e sur le fait que les déplacements des habitant.e.s, à Poitiers comme ailleurs, sont contraints. Contrainte du travail salarié surtout, dans des emplois aussi chiants pour les esclaves salarié.e.s que nous sommes, que profitables aux patrons et nécessaires au bon fonctionnement de la machine capitaliste. Mais si le salariat était aboli et que les habitant.e.s parvenaient enfin à prendre en main les décisions qui les concernent, il n’y aurait sans doute plus d’élections représentatives, alors chut… votez ce que vous voudrez, mais votez, on vous dit. Comme dirait Fraysse, il faut lutter contre l’abstentionnisme !

Cirque électoral, la suite au prochain numéro…

Pavillon Noir, 28 janvier 2014

Montebourg et le « social-patriotisme »

Montebourg et le « social-patriotisme »

Des tirades de Mélenchon à celles de Le Pen, en passant par celles du PS et de l’UMP, nous assistons depuis quelques années à une résurgence notable du discours « produire français », pour ne pas dire de la préférence nationale, cheval de bataille du FN aujourd’hui enfourché par toute la classe politique au pouvoir. Le nationalisme productif fait hélas de plus en plus d’émules à « gauche », ce qui a de quoi inquiéter. Nous sommes en effet désormais bien loin des discours traditionnels de gauche, marqués par l’internationalisme et la lutte contre le patronat.

Peu après le discours de Hollande, affichant un soutien éhonté au patronat (et salué pour cela par le MEDEF), c’est donc au tour de Montebourg (ministre du « redressement productif » et partisan de la « démondialisation ») de donner aujourd’hui une inflexion clairement droitière à la politique gouvernementale.

Reprenant les termes employés lors de sa conférence de presse hier, il a aujourd’hui répété qu’il préférait, pour désigner le parti auquel il appartient (le PS) le terme de « social-patriote » à ceux de « social-libéral » ou de « social-démocrate ». Les mots sont importants, et lourds de sens : Montebourg définit son idéal comme « patriote », les préférant explicitement aux idéaux « libéral » et « démocratique ». Il a ensuite développé sur son rêve de partenariat, d’une « alliance » entre syndicats et patronat, agrégeant « salariés », « actionnaires » et « patrons » dans un même projet. Il s’est affirmé comme un interventionniste « décomplexé », et a prôné la planification de la révolution industrielle.

Dans un autre article publié aujourd’hui, nous avons évoqué le fait que rien ne distingue, dans les postulats, le discours de l’extrême-droite fascisante de ceux des partis au pouvoir. On nous fera peut-être remarquer que c’est exagéré…

Rappelons alors que les fascismes se sont historiquement développés sur un discours commun :

– un mélange affiché de « socialisme » et de nationalisme. Or « national-socialisme », est-il un vocabulaire différent de « social-patriotisme » ?

– le rejet du libéralisme… et de la démocratie. Avec une dénonciation typique du « capitalisme financier », qui nuirait à un bon capitalisme. Or est-il innocent de préférer l’adjectif « patriote » aux adjectifs « libéral » ou « démocrate », pour compléter le mot « social » ? Est-il innocent de stigmatiser la finance au profit d’un bon capitalisme patriote ?

– la collaboration, « l’alliance » entre syndicats et patronat pour le bien de la nation. Or c’est exactement ce que veut Montebourg.

– un discours belliciste. Or Montebourg parle en boucle de ministère de « combat », et de « résistance » face à la mondialisation et aux « excès » de la finance. On se rappelle ses vitupérations pour la « démondialisation », contre les « protectionnismes » d’autres pays (Chine, Corée), contre lesquels il faudrait bien « taxer », se défendre. Une vision du monde pour le moins inquiétante, résolument à rebours des valeurs de l’internationalisme.

– un volontarisme de planification économique, affiché comme une « révolution nationale ». Que dire d’une phrase telle que « [l’Etat] doit planifier la révolution industrielle » ? Pour rappel, une citation de Montebourg candidat aux primaires socialistes, dont les accents inquiétants se confirment : « Nous assistons à l’écroulement de l’Ancien Monde et ils nous appartient d’inventer le Nouveau Monde en regardant ce qui se passe ailleurs, dans notre histoire, en piochant dans notre intelligence collective et en nous inspirant de ceux qui expriment de l’amour pour la France« 

Et Montebourg de citer Keynes avec admiration, ce « grand anglo-saxon ». Or Keynes, effectivement proche des capitalistes britanniques (qui comptaient parmi les plus brutaux de leur temps !), s’il est aujourd’hui l’économiste cité par la gauche, a aussi et avant tout été admiré à son époque par les fascistes.

Rappelons que Keynes se disait anti-communiste. Que le keynésianisme et son idéologie ont joué un rôle important dans l’émergence du corporatisme fasciste (collaboration Etat-syndicats-patronat). Que Keynes félicitait vivement la vision économique de Oswald Mosley en 1930… celui qui fondait deux ans après l’Union des fascistes britanniques. Que l’un des keynésiens les plus fervents de son époque fut Hjalmar Schacht, le banquier féru de grands travaux qui organisa une pétition d’industriels et de banquiers à Hindenbourg pour imposer Hitler comme chancelier, et devint ministre du IIIème Reich. Rappelons enfin que Keynes était un admirateur de Francis Galton, partisan du darwinisme social, inventeur de l’eugénisme et de la méthode d’identification par les empreintes digitales.

Les mots ne sont pas innocents.

Montebourg les a prononcés en se rendant aujourd’hui dans le Vaucluse, et notamment à Orange. Dans une démarche électoraliste, dans des terres électorales propices au FN. Il y a rejoint Valls, ministre de l’Intérieur, qui a annoncé par ailleurs une augmentation des zones de sécurité prioritaire (une centaine) et a parlé d’un Etat fort et « qui s’incarne ».

Tout cela dans l’indifférence consternante des syndicats et des organisations de gauche, qui il y a dix ans à peine, auraient hurlé au loup.

On me dira encore que ces remarques sont exagérées. Je répondrais que les choses s’accélèrent très vite, et qu’il est plus que temps de pointer du doigt les manipulations sémantiques, dans un tel contexte de confusion idéologique. Qui aurait pensé que le PS, il y a quelques années à peine, mènerait la politique actuelle ? Qui peut dire ce que les partis au pouvoir, de gauche ou de droite, feront dans quelques années ? La seule différence, c’est le niveau des technologies numériques, que veut encore développer Montebourg, qui servent aujourd’hui au contrôle social et font passer Big Brother pour un ringard. Ces technologies laisseraient bien peu de chance à la résistance, en cas de régime basculant dans la répression pure et dure. Si l’on observe les législations permettant répression et fichage qui se mettent en place en Europe y compris en France, il y a de quoi réagir aux mots employés par les représentants du pouvoir.

Alors oui, la vigilance et la lutte sont plus que jamais de mise.

J., Pavillon Noir, 17 janvier 2014

[Poitiers] Fachos… épiphénomène d’une fascisation institutionnelle

Une fois de plus, la Nouvelle République se fait le relais des groupusculaires activités « militantes » de quelques gugusses poitevins « génération identitaire », qui n’atteignent même pas le nombre de doigts d’une main. Une dizaine d’autocollants consternants ici et là en ville, toujours recouverts par les antifascistes poitevins. Deux-trois tags grotesques ici et là, c’est-à-dire rien, que dalle comparés au nombre de tags et de visuels antifascistes et anticapitalistes qui montrent assez que la rue de Poitiers est, et restera, antifasciste. De fait, les guignols de Génération identitaire ne dépassent pas quelques jeunes paumés sur Poitiers, qui se déplacent en groupe de peur de prendre une raclée. Quant à la menace prétendue que représenteraient les membres de ce groupe ridicule, il ne s’agit que d’intimidation verbale, et encore (n’écoutant que leur courage), face à des individus isolés – comme après la dispersion de la dernière manif lycéenne contre l’expulsion par l’Etat français d’élèves « étrangers », où trois identitaires isolés s’étaient contentés d’une piteuse « quenelle » avant de tourner les talons (trop rebelles les gars).

Bref, ledit groupuscule ne fait qu’adopter une stratégie de spectacle médiatique, typique du Bloc identitaire (voir l’occupation de la mosquée de Poitiers, essentiellement faite par des identitaires venus de l’extérieur du département), avec des autocollants et tags, certes puants, mais minables, et l’entretien d’une page facebook pour tout sommet de propagande intellectuelle. Il s’agit, pour ces quelques fachos en herbe, de pallier à leur activité militante somme toute (et fort heureusement) dérisoire. Et s’il y a toujours eu des tags et des autocs d’extrême-droite, à Poitiers comme ailleurs, il y a toujours aussi eu des antifascistes autrement plus nombreux pour les recouvrir comme il se doit.

Alors pourquoi diantre la NR et l’UNEF relaient-ils ces petites crottes de biques fachoïdes dans l’espace public ? On se rappelle que la NR avait aussi amplement relayé les honteux rassemblements anti-mariage gay, auxquels participaient justement les bouffons identitaires. Nous nous rappelons encore avec amusement ce personnage en combinaison ailée et moule-bite de la « manif pour tous », tiraillé entre tee-shirts roses et bleus, ou les prières de rue avec petites bougies. Nous nous rappelons aussi nos contre-rassemblements joyeux et rageurs, contrecarrant la morgue morne de ces frustrés du cul, malgré l’aide éhontée de la police de Poitiers aux participant.e.s des rassemblements anti-avortement, sexistes, homophobes. Nous n’oublions pas non plus de quel côté se rangeait la police, filmant, harcelant et embarquant nos camarades antifascistes.

Pourquoi donc une telle pub faite par la presse, à quelques gribouillages récents de réacs et fachos (autocs et tags racistes)… comme par hasard juste avant le déplacement de Le Pen à Poitiers, qui viendra soutenir un ex-flic candidat du FN en loucedé dans un hôtel de la route de Paris ?

Nous avons une petite hypothèse : pour les médias comme pour les partis participant au jeu électoraliste, il s’agit de faire monter le bourrichon d’une pseudo-unité « républicaine » et « démocratique » contre l’extrême-droite, à l’approche d’échéances électorales. Aura-t-on encore droit à une manif « anti-Le Pen » à Poitiers, rassemblant le PS et les partis qui postulent au pouvoir municipal ? Ouf, la liberté sera sauve !

Nous pensons que si le pouvoir politique et médiatique fait passer ces quelques partisans d’un fascisme réac et désuet pour une menace réelle, c’est pour mieux occulter sa propre fascisation. Les autoritaires de tout poil sont tous contents : les petits fachos de voir leur petit buzz consistant à se faire passer pour des rebelles anti-système gonflé en baudruche par médias et partis au pouvoir ; lesdits partis et leurs organes de presse de se faire passer pour des grands humanistes dans la lutte contre le Mal Absolu, tout en continuant à distinguer « français » et « étrangers », et en appelant bien entendu à voter pour eux pour faire barrage au « fascisme ».

C’est exactement le même spectacle consternant qui s’est imposé dans les médias lors de la dernière « affaire » Valls-Dieudonné : pour les bienheureux-ses qui ne liraient plus les torchons de la presse mainstream ni ne regarderaient le petit écran, il s’agit donc d’un ministre de l’Intérieur (Valls) qui fait de la promo gratos et juteuse pour un type (Dieudonné) qui divise le prolétariat avec des thèses antisémites (et qui doit sans doute remercier Valls de lui faire de la pub), en interdisant ses spectacles alors même que ledit Dieudonné fait depuis longtemps son beurre grâce à sa figure de pseudo-rebelle anti-système. Le ministre fait mine de lutter contre ces thèses, se donnant l’aura de l’intransigeance républicaine contre le racisme et l’antisémitisme, alors même qu’il harcèle et expulse étrangers et s’acharne contre les campements roms au quotidien, avec une violence autrement plus conséquente que celle de quelques phrases puantes balourdées sur le web ou sur des planches par Dieudonné et ses complices. Merci encore aux médias d’avoir relayé cette « affaire », qui n’a profité qu’à la diffusion de discours antisémites, en légitimant leur posture « anti-système » !

« Anti-système » les fachos, vraiment ? Mais que répètent les identitaires dans leurs discours miteux, sinon la même chose que le pouvoir ? A savoir qu’il serait nécessaire d’expulser les « étrangers » ? Que 732 aurait vu l’occident refouler l’islam ? Que l’homme et la femme ont des essences différentes ? Que les homos ne devraient pas avoir les mêmes droits ? Que les classes dominantes et dominées doivent « s’unir » dans la nation ? Etc. Ces âneries ne sont que l’écho des discours gouvernementaux produits par la droite comme par la gauche contre les étrangers pour promouvoir le capitalisme dans son aspect d’économie d’échelle et diviser le prolétariat ; l’écho des mythes nationalistes gouvernementaux encore propagés par les manuels scolaires de la république sur une anecdotique bataille qui n’avait rien de religieux, pour promouvoir la théorie néoraciste du « choc des civilisations » et l’intervention colonialiste occidentale dans des pays aussi pauvres que riches en ressources naturelles ; l’écho des attaques gouvernementales partout contre les droits des femmes (voir la baisse des moyens concrets de l’IVG en France, voire la marche vers l’interdiction d’avorter comme en Espagne) ; l’écho du refus par le gouvernement de la PMA pour les lesbiennes ou encore du rejet de l’enseignement du genre à l’école (alors que la définition de ce qui serait « masculin » ou « féminin » ne relève bien évidemment que de la culture, en l’occurrence une culture patriarcale), toujours dans l’optique d’une séparation et d’une d’essentialisation des individus selon leur sexe, sous couvert de « parité » dans la misère politique et économique ; l’écho d’un nationalisme, d’un « produire français » et d’un « partenariat social » Etat-patronat-syndicats, pour étouffer la plus que jamais nécessaire lutte de classe.

En fait de « rebelles anti-système », les imbéciles d’extrême-droite ne sont que les perroquets criards des discours éternels du système autoritaire de l’Etat et du capitalisme : la division des dominé.e.s et des exploité.e.s. en catégories étanches imposées aux prolétaires, pour les empêcher de se révolter contre leurs véritables exploiteurs et dominateurs. La véritable fascisation en cours, typique des périodes dites de « crise », montre avant tout son sale groin dans les sphères du pouvoir économique, politique et médiatique, et elle y est autrement plus efficiente et dangereuse. Cette fascisation est le corollaire d’une offensive capitaliste tous azimuts, avec la démolition des droits sociaux, la précarisation toujours accrue des salarié.e.s et des chômeur.euse.s, la répression policière et juridique grandissante des gens en lutte. Le pouvoir étatique et capitaliste répond partout aux luttes sociales par la division des dominé.e.s et par le renforcement de dispositifs de répression et de contrôle social.

Pour nous, l’antifascisme ne consiste donc certainement pas à faire « l’unité républicaine » avec un PS dont toute l’histoire est jalonnée de violences coloniales, racistes et discriminatoires au même titre que la droite*. Le PS, à Poitiers comme ailleurs, cautionne sans réserve des institutions telles que la police et la « justice », qui montrent clairement de quel côté elles se rangent à chaque rassemblement anti-fasciste : flics faisant un cordon de protection autour des réacs et crânes rasés qui les applaudissent, flics harcelant les antifascistes, les filmant, et parfois les frappant, les embarquant en garde-à-vue et les traînant au tribunal. Rappelons qu’à l’issue d’une manif en hommage à Clément Méric, un militant a récemment été condamné à payer une amende, et des dommages et intérêts pour « outrage » à un chef de la police locale, suite à une chansonnette antifasciste chantée dans le cortège contre la police. Les partis qui se prétendent « antifascistes » n’ont pas daigné montrer le bout du nez au procès pour soutenir le camarade. Un militant de la « gauche de la gauche » nous avait même auparavant sorti, tout indigné par ladite chansonnette, que les policiers étaient des prolétaires nécessaires à la bonne application des lois de la république.

Pour nous anti-autoritaires, l’antifascisme ne consiste pas qu’à combattre directement (et comme il se doit !) les activités de quelques racistes agités en recouvrant leurs autocollants stupides, en leur signifiant que les rues ne sont pas à eux ou en faisant des manifs antifascistes. Bien sûr qu’il faut le faire, pour leur rentrer le nez dans le sable, parce que leur discours peut séduire d’autres personnes aussi politiquement paumées qu’eux, dans un tel contexte actuel de démolition tous azimuts des liens sociaux, et de colère grandissante contre la bureaucratie d’Etat. Mais notre antifascisme consiste aussi et surtout à combattre radicalement la source véritable de toute dynamique fascisante, c’est-à-dire à lutter pied à pied contre la domination patriarcale, étatiste et capitaliste, sous toutes ses formes ; à commencer par ses formes institutionnelles écrasantes qui, par leurs politiques toujours plus agressives et aliénantes de précarisation, de stigmatisation discriminatoire, d’expulsion, de gentrification, de répression policière et de contrôle social à tout-va, ne cessent de s’attaquer à nos vies !

Hier, maintenant et toujours : action directe contre le fascisme.

J., Pavillon Noir, 17 janvier 2014

* Pour rappel, quelques phrases de ces célèbres figures de la gauche, démontrant que celle-ci n’a pas attendu le gouvernement actuel pour justifier ses politiques racistes : « Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » (Jules Ferry, 1885). « Nous admettons qu’il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu’on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation » (Léon Blum, 1925). « Des Flandres jusqu’au Congo, s’il y a quelques différences dans l’application de nos lois, partout la loi s’impose et cette loi, c’est la loi française » (François Mitterrand, 1954).

[Poitiers] Artistes de l’urbanisme, ou l’art du sécuritaire

NdPN : présentation d’une des trois « œuvres d’art » qui agrémenteront le jardin du Puygarreau, ouvrant le 15 février prochain juste derrière la mairie. Il s’agit de la grille qui fermera l’accès au jardin pendant la nuit. A l’image de la mairie mécène du projet, la conceptrice de ladite grille semble s’être donné beaucoup de mal pour gommer la fonction sécuritaire du dispositif, pour conférer à la fonction de « contrainte » une apparence de « qualité »… ainsi qu’elle le dit elle-même. La clôture de l’espace social renvoie en effet à la nature même du capitalisme, celui des espaces « privés » aussi bien que « publics », qui compartimentent l’espace pour contrôler les hommes depuis l’âge des enclosures. Comment conférer à un dispositif liberticide des aspects positifs ? Comment gommer ses fonctions sécuritaires ? Encore une fois, au-delà de la « subversivité » du discours à l’aide de laquelle les artistes stipendiés par les pouvoirs tentent de justifier leurs oeuvres, on constate qu’ils participent in fine à des projets injustifiables, leur fonction ne consistant qu’à légitimer un système barbare par une couche de vernis. Ce n’est pas parce qu’un artiste énonce avec ruse la nature liberticide du dispositif qu’il habille, qu’il n’est pas pour autant responsable de sa mise en œuvre (voir la fameuse main jaune de Châtellerault). Car c’est bien l’une des grandes forces du capitalisme que de digérer et s’approprier toute sa critique : le nihilisme, paradigme du Capital, n’apparaît plus que sous sa propre critique désabusée, à l’image de tous ces comiques de plateaux télé gagnant leur croûte sur le maquillage du néant. Car ce qui apparaît in fine du pouvoir, c’est que malgré toute son horreur manifestée, il serait écrasant, invincible. Histoire de rappeler à la populace déprimée qu’elle est impuissante (voir le Léviathan de Kapoor) ? L’œuvre d’art dans l’espace public, en imposant cyniquement la représentation de l’omniprésence du pouvoir, ne raille pas le pouvoir qui nourrit son artiste, mais les habitants ! Nous reviendrons prochainement sur une autre œuvre qui hantera ce jardin, « l’Obélisque brisé » de Didier Marcel ; artiste ayant déjà produit quelque chose de semblable à Dijon… et dont la production au service d’un urbanisme de gentrification, prenant l’aspect d’un arbre totémisé sur une place de la liberté bien éloignée de 1848, par-delà la dénonciation apparente de l’ordre établi, mérite déjà toute notre critique.

Tout l’art d’ouvrir le jardin de Puygarreau

Le jardin de Puygarreau ouvrira sa grille au public poitevin le 15 février. Commandée à l’artiste Élisabeth Ballet, elle est avant tout une œuvre.

Mon travail porte sur la limite, sur le seuil, sur les différences entre l’intérieur et l’extérieur, mais c’est la première fois que je fais une grille fonctionnelle, se réjouissait hier la plasticienne parisienne Élisabeth Ballet, retenue dans le cadre de la commande publique artistique de Cœur d’agglo pour réaliser l’œuvre associée à la « fermeture » des jardins de Puygarreau. Confiée à la société poitevine Pain, la réalisation de la grille est actuellement en cours et prendra fin avant le 15 février, jour de l’ouverture au public du jardin.

«  Pas trop sécuritaire  »

Présente hier sur le site, Élisabeth Ballet a commenté son œuvre : « On a beaucoup travaillé avec Yves Pétard sur les détails techniques liés à la stabilité. Ce qui m’intéresse, c’est de transformer les contraintes en qualités. » Minimaliste, l’œuvre intitulée Tourne-sol est en acier inoxydable satiné. Elle se distingue de ses voisines les grilles ouvragées de l’hôtel de ville et de l’hôtel Jehan-Beaucé. « Elle est plus légère, plus transparente, pour une grille, elle n’est pas trop sécuritaire », souligne l’artiste. De 38 mètres de longueur, elle a une hauteur qui décroît de 4,40 m à 2 m du côté de l’entrée des jardins : « Elle ne comporte aucune ligne horizontale, on a l’impression qu’elle glisse à l’inverse du terrain. » Et si la grille va permettre de fermer le jardin pendant la nuit, elle n’en reste pas moins une œuvre. « C’est la singularité de ce projet, explique David Perreau, directeur artistique, réussir à créer une intensité dans ce site réunissant trois interventions artistiques. »

à suivre

> Le jardin de Puygarreau. Dernière pierre au projet de Cœur d’agglo, l’aménagement se veut un lieu convivial où se mêlent jeux d’enfants, espace paysager et œuvres d’art (ouverture le 15 février). > En chiffres. Sur une superficie de 1.000 m2, ce jardin en terrasses aux (futures) allures de sous-bois comprendra 12 arbres, 5 arbrisseaux et de nombreux arbustes. Le coût global des travaux est de 1.000.000 € > Trois œuvres artistiques sont installées dans le jardin : « Aire/air/erre/ère » de Pierre Joseph, « L’obélisque brisé » de Didier Marcel et « Tourne-sol » d’Élisabeth Ballet. > Élisabeth Ballet. La créatrice de la grille est née à Cherbourg en 1957, elle vit et travaille à Paris. Artiste de renommée internationale, son travail est visible sur le site elisabethballet.net.

Dominique Bordier, Nouvelle République, 16 janvier 2014

Valeurs et réalité présente

Valeurs et réalité présente

Les « valeurs » anarchistes, c’est quoi ? Liberté, égalité, solidarité… ah oui ? Qu’on les prenne un à un ou ensemble, ces mots ne veulent rien dire si nous les abstrayons de nos situations réelles.

Un patron pourra se sentir tout à fait partisan de ces notions, s’il se targue de la liberté… d’entreprise et du libre marché, de l’égalité… des chances, et de la solidarité… nationale via les cotisations sociales versées par « lui » à l’Etat – ou de cette solidarité… caritative quand il « donne aux pauvres ». Or la libre entreprise et le libre marché n’existent pas, parce qu’il n’y a de contractualité qu’entre égaux, et que le capital n’est pas réparti également puisque c’est sa raison d’être même que d’être monopolisé. Donc pas d’égalité des chances, d’autant plus que l’inégalité intrinsèque au capitalisme s’applique tout aussi bien à ce fameux « capital culturel » délimité par le cadre étriqué de normes sociales. Et pas de solidarité non plus, puisqu’elle n’est ici que la rustine sur la jambe de bois de la guerre totale au vivant, ne faisant que cautionner, avec une auto-légitimation bien misérable, la concurrence féroce qu’implique le système actuel de domination sociale.

On le voit bien ici, ces termes abstraits ne sont donc que des slogans, qui s’avèrent même de véritables alibis pour l’ordre établi – s’ils ne sont questionnés, affinés, contextualisés.

Mais retournons un peu la critique contre nos réflexes confortables, et voyons un peu le fond de nos « valeurs » : un libertaire qui se déclarerait « libre », « égal » aux autres, et « solidaire », s’abstrait aussi de sa situation réelle. De quoi est-il réellement et présentement « libre », lui qui de fait se trouve enfermé, tout comme quiconque, dans des rapports sociaux de dépendance économique, politique et sociale, que n’éclipseront jamais de simples résolutions théoriques et pratiques ? « Egal »… aux plus pauvres que lui, aux femmes, aux individus racialisés, psychiatrisés, etc., ah oui vraiment ? Et « solidaire » de qui, sinon de qui se rapproche de son idéologie, et encore, en fonction de ses moyens réels ?… de toute évidence limités à des queues de cerise. En quoi peut-il par ailleurs se flatter d’échapper à tout dogme, d’être « libre dans sa tête » ? Vanité de l’éducationnisme.

Nous ne pouvons nous affirmer comme libres, égaux et solidaires qu’autant que nous nions désespérément nos dépendances à des dispositifs oppresseurs, que nous éludons nos positions respectives dans le cadre d’une société hiérarchisée et donc inégalitaire, que nous nous dissimulons nos difficultés à nous organiser de façon à bouleverser réellement l’ordre établi avec les autres opprimés et exploités.

Il n’y a pas d’anarchie ni d’anarchistes, il n’y a que de l’anarchisme, comme dynamique vers moins d’aliénation et de répression, moins d’inégalité et d’exploitation, moins de concurrence et de narcissisme. Certes, encore faudrait-il saisir ce qui nous motive réellement, dans toutes nos participations « actives » à des « dynamiques » anarchistes et à des « mouvements ». A bien y regarder, à bien gratter… pourquoi ce besoin de nous manifester comme anti-autoritaires/anarchistes/libertaires/communistes/etc. ? Pourquoi mettons-nous tant en avant des valeurs, des slogans et des images, des actions, pourquoi mobiliser, afficher, apparaître, dire ? Pourquoi cet impératif convenu et tacite de nous « organiser » ? Nous répondons souvent que c’est ce que nous désirons vraiment, face à l’ordre établi, à la domination, à la société du spectacle, etc.

Vraiment ? Désirons-nous réellement la fin du patriarcat, de l’Etat et du capitalisme, ou désirons-nous nous rattacher à une identité et des valeurs qui nous distingueraient de la routine morne, comme individus originaux, exceptionnels, à part, voire au-dessus ? Par la surabondance de nos expressions et il faut bien l’avouer, de nos gesticulations, désirons-nous  réellement participer à, voire susciter, des mouvements sociaux amenant à un seuil révolutionnaire, ou nous convaincre nous-mêmes qu’un autre monde est possible, à la mesure de notre nullité à questionner et modifier, en profondeur, nos situations présentes ? Désirons-nous réellement nous organiser, ou nous sentir au chaud avec des potes dans un entre-soi autosatisfaisant, avec l’occasion de se faire des plans cul de temps à autre, entre deux séances de biture ou d’écran numérique  ?

A bien y regarder, nous ne « valons » évidemment pas moins ni mieux que les autres. Valeurs ou réalité présente ?

Mes sensations, ici et maintenant, du monde qui m’entoure, mes sentiments, mes peurs et mes désirs, qui m’agitent ici même, tels quels ; les gestes et les paroles des gens que je rencontre ; mes pensées confrontant tout cela avec les expériences passées et les projets de celles à venir… En-dehors de la présence à cette réalité présente, à toutes ces réalités présentes, il n’y a que de l’idéologie, de l’illusionnisme, de la prestidigitation. Du divertissement. L’idéologie ne nous rend pas plus heureux, conscients, vivants. Elle ne fait que dévier l’attention à nous-mêmes, aux autres et au monde, disperser nos consciences, paralyser nos capacités d’analyse et d’action. L’idéologie obère et occulte, ce qui se trouve là, ici, maintenant.

Or ici, maintenant, ce sont toujours le lieu et le temps exactement adéquats pour cesser de nous projeter sur les écrans du spectacle social et intime. Le lieu et le temps d’en finir avec l’absence, la routine et ces habitudes qui nous étouffent. Le lieu et le temps d’observer en nous et autour de nous, en silence, la réalité présente, au lieu de regarder ailleurs avec nos lunettes palliatives. Ici et maintenant, la réalité dans tout ce qu’elle a de misérable, d’automatique, de mortifère, de révoltante. Mais aussi la réalité infiniment multiple, aventureuse, poétique et vivante, quand nous prenons le temps de l’observer en silence, quand nous reconstituons nos forces, pour vivre au lieu de mourir à petit feu.

A nous de jouer. Un peu de silence, s’il-nous-plaît.

J., Pavillon Noir