Archives de catégorie : Écrits

11 novembre 2013… centenaire de la boucherie d’Etat !

Hier 11 novembre, galonnés, bureaucrates et politicards se sont une fois de plus relayés pour parler au nom de tous les pauvres gens « morts pour la France », en réalité des prolos (comme vous et nous) qui ont été assassinés par l’Etat français, soit qu’ils aient été envoyés de force sur le front, n’ayant pour toute alternative que de crever ou de massacrer d’autres prolos, soit qu’ils aient été « fusillés pour l’exemple ».

Ce cynisme serait juste consternant, si les mêmes officiels ne participaient pas à la légitimation d’un Etat toujours aussi nocif en matières d’exploitation et de meurtre des pauvres d’ici et d’ailleurs.

Ce spectacle des successeurs officiel d’assassins en uniformes et en écharpes tricolores, qui félicitant des soldats pour la dernière opération néocoloniale, qui se montrant en vue des prochaines élections municipales, qui pérorant sur le « sacrifice » des anciens en guise de morale pour la jeunesse, déposant des gerbes sur les victimes de leurs prédécesseurs bouffis de pouvoir, demeure, un siècle après la fin de cette horreur… toujours aussi gerbant.

Pour mémoire, voici un tract antimilitariste que nous avions diffusé au restau U, il y a quelques années.

A bas toutes les patries et leurs appels au sacrifice pour le bien des classes dominantes, à bas tous les gouvernements en armes qui prospèrent sur le pillage et la destruction sociale, à bas toutes leurs sales guerres.

Pas de paix avec les dominants, tant qu’ils continueront de parler au nom de leurs victimes d’hier et d’aujourd’hui !

Groupe Pavillon Noir, 12 novembre 2013

Sur la dégradation de la note française par Standard & Poor’s

Suite à la dégradation ce jour même de la note de la dette de l’Etat français par l’agence de notation Standard & Poor’s, le premier Sinistre Ayrault et le Sinistre de l’Economie et des Finances Moscovici y sont allés de leurs jérémiades de laquais, en premiers de la classe indignés de ne pas avoir eu la meilleure note pour leurs bons et loyaux sévices.

Les deux « socialistes » ont pourtant fait ce que le capitalisme ne cesse d’exiger d’eux, en poursuivant des « réformes » de compétitivité et de rationalisation du budget (comprendre : pressurer les salaires directs et indirects et écrabouiller les droits sociaux). Et nos deux calimayrault, pour démontrer leur servilité, de surenchérir sur les réformes des retraites et du marché du travail qu’ils sont en train de mettre en œuvre : on va faire manger toujours plus de spaghettis hard discount tous les jours aux petits vieux et aux précaires, comme les marchés nous le demandent, et les marchés nous tapent sur les doigts ? Z’est vraiment trop inzuste !

N’ayant en vue que leur baromètre d’impopularité virant au rouge avec la grogne sociale, craignant pour leur petit pouvoir de représentants de la misère politique instituée, les deux bureaucrates auraient-ils oublié qu’ils servent l’ogre capitaliste, dont l’appétit de destruction est par définition insatiable ? Standard & Poor’s le dit en tout cynisme : ses perspectives se basent sur l’évaluation des capacités du gouvernement à mettre en œuvre de NOUVELLES réformes structurelles pour « dégager de la croissance » (du capital), c’est-à-dire de nouvelles étapes dans la grande casse sociale pour saigner à blanc les prolos.

Standard des Pauvres argumente son annonce en évoquant les chiffres élevés du chômage en France, qui obéreraient le budget de l’Etat, alors même que ce sont les marchés boursiers qui poussent aux licenciements massifs auxquels on assiste ! La situation illustre bien les contradictions du capitalisme : l’Etat écrase la rémunération de la force de travail au profit du capital comme on le lui demande, en faisant passer la pilule par son vernis social. Mais si les prolos n’ont plus rien en poche, sur quoi le capital va-t-il pouvoir exercer son racket, sinon sur les finances mêmes de l’Etat « social » ?

Derrière les lettres « AA » se cache tout simplement une spéculation financière à la baisse sur la dette de l’Etat, dernier filon de la machine à fric emballée dans sa course folle à la ruine, poussant les gestionnaires politiques du capitalisme à restructurer toujours plus en débarrassant l’Etat des derniers oripeaux « sociaux » dont il s’était paré pour relancer la machine du profit après la seconde guerre mondiale. Le profit issu de la sphère productive étant toujours plus réduit voire devenu nul du fait des contradictions du capitalisme, il s’agit d’accroître toujours plus le volume de racket financier sur la dette de l’Etat (elle-même racket de la force de travail présente et à venir), de syphonner toujours plus les services publics et les salaires directs et indirects.

Or à force de transformer tout et n’importe quoi en cadavre pour se maintenir, le Capital sape ses propres bases, en dévorant la main des Etats qui permettent justement les conditions mêmes de son existence, en faisant rentrer le pognon par ses forces armées, en réprimant ou en vaselinant la contestation, en garantissant l’existence de la valeur monétaire elle-même. Une fois disparue l’illusion du vernis social de l’Etat, une fois remis en plein jour dans toute leur violence les piliers régaliens de l’Etat, une fois généralisées la pauvreté, l’exclusion et la précarité qu’engendre le système capitaliste à l’échelle de la planète, les prolos risquent bien de basculer dans la révolte générale. L’argent au feu ? Les capitalistes et les politicards au milieu !

Et l’humanité hélas, si nous ne nous donnons pas les moyens de nous réapproprier le monde et de nous organiser de façon libertaire, égalitaire et solidaire. Face au veau d’or de la destruction sociale, auquel vouent un culte les pantins encravatés des partis politiques qui tous briguent les ors de la république bourgeoise, les seuls A qui offrent une perspective « stable » sont ceux de l’anticapitalisme anarchiste.

Juanito, groupe Pavillon Noir (FA 86), 8 novembre 2013

[Poitiers] Quatre jours de show sécuritaire

Les « acteurs de la sécurité » font leur show de mercredi 16 au samedi 19 octobre, à Poitiers dans l’inénarrable centre commercial des Cordeliers, mais aussi dans d’autres lieux et d’autres villes de la Vienne (notamment chez Dassault, fabriquant réputé de machines… guère sécurisantes pour tout le monde). Pompiers, maîtres nageurs sauveteurs, prévention routière seront présents ; mais aussi flics, CRS et gendarmes. Logique. « Leur vocation c’est votre sécurité », nous dit la Nouvelle République, mais à qui s’adresse donc ce journal ?  Aux prolos que nous sommes, ou aux carnassiers du travail qui s’enrichissent sur notre couenne, craignant qu’on ne leur reprenne tout ce qu’ils nous volent de vie au quotidien ? « Premiers secours » mis au même niveau que la « lutte contre le vol » et les « cambriolages dans les entreprises et les commerces » : on ne ferait pas mieux pour emballer gestes qui sauvent et gestes qui tuent dans le même packaging d’une pseudo cause commune ! Qui nous protègera des exploiteurs, des affameurs et du vol généralisé de nos vies ? Il ne faudra hélas compter que sur nous-mêmes.

securite

Cela dit, félicitons-nous : pendant que les spécialistes de la matraque, du flingue et des menottes seront tout occupés à faire croire au badaud qu’ils « sécurisent » notre quotidien, les salarié-e-s en lutte pour garder leur taf prendront peut-être moins de gaz, de coups de tonfa et de projectiles de flashball dans la tronche ; les « marginaux » seront peut-être moins harcelé-e-s et dégagé-e-s du centre-ville ; les pauvres réduits à chourer de quoi bouffer seront moins gardé-e-s à vue ; les migrant-e-s seront moins arraché-e-s à leurs proches et envoyé-e-s en centres de rétention ; les manifestant-e-s seront moins harcelé-e-s et traîné-e-s en procès pour avoir eu le courage d’exprimer leurs idées. Quatre jours : un petit répit pour nous sentir plus en sécurité face aux milices du capital, vaquant à leur sale propagande sécuritaire. Toujours ça de pris.

Juanito, Pavillon Noir, 17 octobre 2013

Banderole raciste sur la mosquée de Poitiers…

Ce matin du 11 octobre 2013, près d’un an après l’occupation de la mosquée de Poitiers par les fachos de Génération identitaire, une banderole raciste a été retrouvée ce matin par des gens qui se rendaient à la mosquée. Elle portait l’inscription « Islam dehors », message puant évoquant implicitement un « dedans » qu’il faudrait défendre contre une menace de l’Islam, soit le gros délire habituel de nationalistes bas du front, rappelant étrangement le « 732 » des crétins identitaires il y a un an.

Voilà des mois que les fachos essaient d’apparaître sur Poitiers, et pas qu’avec des visuels minables (rapidement recouverts), mais aussi en participant aux « veillées » homophobes. Loin de leur mettre des bâtons dans les roues, les autorités stigmatisent sans arrêt les migrant-e-s, et répriment les antifascistes. Dernier événement en date, la répression policière du contre-rassemblement qui s’opposait aux « veilleurs », un collectif homophobe où ont été aperçus les membres de Génération identitaire Poitiers, applaudissant les flics qui embarquaient les camarades antifascistes.

Ces petits fachos en herbe ne font pour l’instant pas le poids, car ils savent bien que la rue n’est pas à eux. A nous de rester vigilant-e-s et solidaires, et de bien leur faire comprendre, à eux et aux politiciens qui rivalisent de propos immondes pour grappiller des voix aux élections, que leur racisme ne passera pas.

Fachos hors de nos vies.

Pavillon Noir, 11 octobre 2013

Réponse au texte « La question du droit en anarchie – Ses sources, la justice et la police »

Réponse au texte « La question du droit en anarchie – Ses sources, la justice et la police », de Pierre Bance

Pierre Bance a proposé un nouveau texte sur Grand angle libertaire, sur les formes que pourraient prendre le droit, la justice et la police en société anarchiste. C’est un texte dérangeant – dans le meilleur sens du terme, parce qu’il pose de nombreuses questions, et que ça fait toujours du bien de se secouer les puces. Si les anarchistes ont toujours combattu l’Etat, qui repose en pratique sur ces dispositifs régaliens, comment régler autrement nos conflits ?

Or nous n’avons pas attendu ce texte pour tenter de résoudre nos conflits. La question la plus intéressante à mon sens, celle que me pose en tout cas ce texte, ne consiste pas à me demander quelles formes pourraient adopter le droit, la justice ou la police en « anarchie » (en « société anarchiste »). La question la plus intéressante, c’est pourquoi un tel texte, ce qui m’a conduit à me questionner sur les rapports entre anarchie et anarchisme. Sur l’anarchie en tant que société instituée, et sur l’anarchisme en tant que dynamique sociale.

Pierre Bance l’annonce dès le début du texte : il s’agirait de faire des propositions, démonstrations, explications et  descriptions, acceptables par le plus grand nombre, bref il s’agirait pour nous d’être crédibles, au lieu de nous cantonner à l’incantatoire. Il s’agirait aussi de nous préparer, en cas de mouvement révolutionnaire, à énoncer des propositions réalistes, alternatives au droit bourgeois, en vue de « l’application » d’une politique alternative. Il s’agirait, en somme, de nous engager dans une nécessité de décrire ce à quoi pourrait ressembler l’anarchie, au sens de société anarchiste, avant même d’y être, si tant est que nous y soyons un jour.

Or ces deux intentions du texte me posent problème en elles-mêmes. Je ne souhaite pas être crédible par des propositions, mais par la pratique anarchiste collective dans laquelle je m’inscris ici et maintenant. Si cette pratique collective nous épanouit, nous nous renforçons, aussi bien en nombre qu’en possibilités concrètes de changer nos vies. Si elle nous plombe le moral et nous embourbe, nous ne risquons pas de nous renforcer… et tant mieux, parce qu’à la tristesse de ce monde, nous ajouterions alors la tristesse de formes d’organisation inadéquates. Il ne s’agit pas d’être crédibles, c’est-à-dire de susciter une foi en quelque chose de futur, mais d’agir dans le présent. Je ne nie pas la nécessité que se répandent des pratiques anti-autoritaires, mais la seule propagande par des mots ou des propositions est inutile. Les actes sont toujours plus « crédibles » que les mots, parce qu’ils ne demandent pas aux autres de croire, mais leur proposent d’agir avec nous dans quelque chose qui existe déjà. Nous le constatons au quotidien.

D’autre part, et cela va avec, je ne souhaite pas « appliquer » à « la société » mes vues. C’est aux concernés eux-mêmes de développer leurs pratiques, adaptées ou non des pratiques que nous mettons en place, et cette inspiration, cet échange d’expériences, ne peut dépendre de fait que de notre capacité à résoudre les problèmes que nous vivons ici et maintenant, à l’échelle sociale aussi bien qu’à l’échelle de nos petites organisations formelles ou informelles. Le fait que Pierre Bance recourt aux mots de démocratie et de majorité, s’inscrit dans une tendance hélas largement partagée, y compris chez les anarchistes d’aujourd’hui, à n’imaginer les choses que selon les logiciels mêmes qu’ils combattent : « la société » unique, et non infiniment multiple ; la « démocratie » comme légitimation des majorités ou de leurs représentants (y compris mandatés de façon impérative et révocable) de contraindre des minorités à des décisions. A cet égard, l’exemple du « Code de la route » donné par Pierre Bance, comme d’autres donnent celui du train pour tenter de légitimer la nécessité de fonctionnements démocratiques parfois contraignants (il s’agit quand même de dégager des habitants et de massacrer des paysages), lui aussi abstrait des conditions économiques et politiques présidant à la mise en oeuvre de ces technologies loin d’être socialement neutres, est significatif. Personnellement, j’ai abandonné ma voiture et je considère le système de l’automobile comme un suicide social et écologique, que je combats, c’est pourquoi j’essaie de faire autrement, à la mesure de mes forces individuelles et des solutions collectives que je tente de trouver avec mes amis quand je souhaite me déplacer et les rencontrer. Cela ne veut pas dire que je n’y recours pas de temps à autre ni que je condamne les automobilistes, ce qui serait stupide : je ne suis pas abstrait du monde de domination où je vis. Je veux seulement dire que je m’inscris dans une dynamique, aussi bien de lutte que d’affirmation, ici et maintenant, contre un modèle destructeur socialement et écologiquement, qui nous a été imposé.

D’autre part l’anarchie, c’est-à-dire une société anarchiste, constituée, pour ne pas dire un Etat anarchiste où tout serait parfait, où tout serait figé, cela ne m’intéresse pas. Au nom de quoi d’ailleurs, aurais-je la prétention de révéler aux autres un modèle de société sorti de mon chapeau, dans laquelle ils vivraient mieux ? Je ne veux tout simplement pas d’un monde parfait, et s’il m’arrive de rêver, je fuis toute projection dans un monde rêvé et abstrait à plaquer sur notre réalité présente. Je me défie des idéologues, fussent-ils autoproclamés anarchistes. La « révolution » est ici et maintenant, et la fameuse « phase de transition » l’est aussi. Je me méfie de tout modèle de société future, d’autant plus s’il s’abstrait des situations que nous vivons ici et maintenant, desquelles nous nous dépêtrons comme nous pouvons, et que nous transformons pragmatiquement, à la mesure de nos besoins et de nos forces.

Je ne crois pas non plus aux « anarchistes », et me vois mal me définir anarchiste contre des méchants autoritaires, non seulement parce que je me connais trop bien pour me prétendre débarrassé de mes aliénations mentales et de mes sales habitudes, mais parce que l’anarchisme désigne, dans son sens premier lui-même, une dynamique vers d’autres relations sociales, tendant à foutre par terre les rapports de subordination, de sujétion, d’exploitation, explicites ou tacites. Tout seul, je ne suis ni anarchiste ni autoritaire. C’est avec les autres que je construis des relations différentes, transformant des rapports de domination en des liens solidaires. Et ces relations ne sont jamais totalement libres, ni totalement autoritaires : elles sont infiniment plus complexes que cela, et se travaillent. C’est à chaque individu et à chaque collectif, dans sa relation et son interdépendance aux autres, qu’il subit ou qu’il impose, malgré lui ou de son plein gré, qu’il incombe de réfléchir et d’agir, de lutter, de s’affirmer. Je préfère donc le mot anarchisme, comme dynamique sociale de construction de liens solidaires, de transformation de la nature des relations actuelles, qui sont des rapports marchands et de domination. C’est une dynamique toujours vivante, jamais acquise pour toujours, parce qu’à toute situation nouvelle, il y a de nouvelles questions et problèmes, et des réponses nouvelles du collectif, plus ou moins adéquates, et jamais totalement prévues. Nous ne pouvons pas nous reposer sur autre chose que nous-mêmes.

Or le droit, la justice et la police sont des façons de « régler » les conflits qui vont intrinsèquement à rebours d’une dynamique anarchiste collective, parce qu’ils sont indissociables de l’Etat, au sens de système de domination sociale. En imposant une règle, ils nous empêchent de nous régler les uns avec les autres, de nous organiser de façon pragmatique pour solutionner nos problèmes et démultiplier notre puissance. Ces institutions sont la traduction de l’aliénation collective, et les outils de la dépossession sociale et politique. De même que la monnaie, elle aussi évoquée par Pierre Bance. Elles n’existent que par défaut, comme l’ombre de notre incapacité collective, comme le revers de ce que nous ne parvenons pas à vivre ensemble dans l’épanouissement mutuel et la solidarité. Ce sont des institutions figées, calcifiées, personnifiées et donc dépersonnificatrices, incapables de résoudre les questions toujours nouvelles que pose et se pose la société réelle, au sens de l’ensemble des relations entre les humains, et les relations que ceux-ci entretiennent avec leur environnement.

Les solutions du passé ne seront jamais entièrement adaptées à celles de demain. Sans questionnement collectif permanent, le marbre du droit apparaît, avec ses cohortes de « représentants » politiques ès législation, ses partis et leurs programmes péremptoires. Sans responsabilisation individuelle et collective permanente, la spécialisation judiciaire en juste, en adéquat et en textes sacrés apparaît, avec ses armées de juges, de procureurs, d’avocats. Sans solidarité permanente, aussi bien en amont qu’en aval des conflits inévitables et même nécessaires, la répression physique et psychologique apparaît, avec ses forces armées, ses soldats, ses flics et ses prisons, mais aussi ses spécialistes de la gestion caritative et paternaliste. Nous pourrions aussi parler de l’éducation nationale, qui n’impose son bourrage de crâne et sa vision magistrale de l’apprentissage que là où nous ne parvenons pas à mutualiser nos savoirs et nos savoir-faire, dans un réseau d’éducation populaire et libertaire.

Je me méfie de l’anarchie, je me méfie de tout programme ; je suis dans l’anarchisme, du mieux que je peux. Penser qui plus est à l’anarchie en recourant, pour être crédibles (mais pour quelle raison éprouverions-nous même le besoin de l’être ?), à des pratiques et des méthodes constitutives de ce que nous combattons, montre bien que sans pratique réelle, ici et maintenant, nous nous condamnons à penser le futur de façon étriquée et du reste, pour le coup, tout aussi peu convaincante que réductrice du présent.

Il ne s’agit pas de s’abstraire du monde présent, par l’incantation et un volontarisme élitiste ou l’appel à une désertion totale complètement illusoire. Bien sûr que le droit, la justice, la police, la monnaie et la voiture existent et modèlent ce monde et ma vie, dans un combat permanent de ces institutions morbides avec les forces collectives de l’émancipation sociale. J’ai parfois eu recours au droit, à des juges, et il m’arrivera peut-être de recourir aux flics en cas de problème insoluble par manque de force collective. Il m’arrive de conduire une voiture et j’utilise presque tous les jours de la monnaie pour me procurer certaines choses dont j’ai besoin. Hélas ; et il y a bien d’autres contradictions encore dans ma vie, entre ce qui existe et ce que je souhaiterais vivre, notamment dans la sphère des questions affectives. Mais j’ai aussi envie, en permanence, de vivre et de faire autrement, et je m’organise pour cela, pour lutter et vivre autrement. Pas tout seul, pas seulement en prenant ma plume, mais avec les autres qui, eux aussi à leur mesure, luttent et expérimentent autre chose, en partant de leurs désirs. Et je n’ai pas envie de mettre de l’eau dans ce bon vin qui m’enivre, pas envie de couvrir de plus de merde encore cette poésie qui circule entre nous.

Juanito, groupe Pavillon Noir (FA 86), 11 octobre 2013