La « révolution des patates » : quand les Grecs décident de se passer des supermarchés
Alors que les revenus dégringolent et que le coût de la vie augmente, les Grecs ont trouvé le moyen de payer trois fois moins cher leur kilo de pommes de terre.
Certains parlent déjà d’une « révolution des patates »… Tout a commencé il y a deux semaines dans la ville de Katerini (nord), quand un groupe d’activistes locaux a lancé un site qui propose aux consommateurs de commander directement leurs pommes de terre aux fermiers. Les acheteurs peuvent ensuite récupérer leur commande à un point de rendez-vous pendant le week-end. Le succès a été immédiat. Ces deux dernières semaines, les cultivateurs locaux ont vendu 100 tonnes de pommes de terre. À Thessalonique, des apprentis agriculteurs se sont inspirés de cette réussite pour lancer à leur tour un programme de vente directe. Des dizaines d’autres villes comptent également suivre le mouvement.
Ce procédé permet aux fermiers de vendre leur marchandise à un prix plus élevé que celui payé par les distributeurs mais à un prix moins élevé que celui proposé par les supermarchés aux consommateurs, si bien que les cultivateurs comme les acheteurs se retrouvent gagnants.
La Grèce traverse une crise économique sans précédent. Les vagues de mesures d’austérité successives se sont traduites par une augmentation des impôts, une réduction drastique des salaires et des pensions de retraite, ainsi que par une montée en flèche du taux de chômage. Aujourd’hui, un Grec sur cinq est sans emploi et le pouvoir d’achat des ménages est plus que jamais en berne.
Elias Tsolakidis est membre de la Pieria Volunteer Action Team, le groupe d’activistes qui a lancé le projet de vente directe à Katerini.
Nous avons eu cette idée il y a un mois, quand nous avons entendu parler de manifestations d’agriculteurs désespérés par le prix auquel les distributeurs voulaient acheter leur marchandise. Plutôt que de les vendre à perte à un intermédiaire ou de les laisser pourrir, ils ont choisi de les donner gratuitement aux passants. C’est là qu’on s’est dit : « Pourquoi ne pas supprimer l’intermédiaire ? ».
Nous avons donc lancé ce site qui permet aux gens de commander et d’aller chercher leurs patates sur un parking, directement dans le camion du fermier. Avant, les agriculteurs vendaient leurs pommes de terre 12 cents le kilo alors que leur seule production leur coûte deux fois plus cher. Mais maintenant, ils arrivent à les vendre 25 cents le kilo et c’est encore trois fois moins cher que dans un supermarché !
Jusqu’à présent, nous avons organisé deux journées de distribution des commandes. Lors de la première, il y a deux semaines, les fermiers ont vendu 25 tonnes de marchandises à plus de 500 personnes. Lors de la seconde, ils en ont vendu 75 tonnes à plus de 1100 personnes. Un succès que je n’aurais même pas oser imaginer. Certains clients sont pauvres ou sans emploi mais d’autres, plus aisés, sont venus pour soutenir l’initiative. Je pense que si nous avons tant de popularité, c’est parce qu’aujourd’hui on est tous unis — il n’y a plus vraiment de classes sociales, c’est dur pour tout le monde.
Ce qui est intéressant, c’est que dès que les gens ont commencé à acheter ces pommes de terre, tous les supermarchés locaux ont lancé des promotions, certains faisant passer le prix du kilo de 70 à 35 cents. Mais c’est toujours plus cher que ce que nous proposons.
Des gens nous appellent des quatre coins du pays et même de la capitale où ils voudraient lancer la même initiative. La demande est gigantesque. Bientôt, on proposera d’autres produits. On est actuellement en train de demander aux habitants ce dont ils ont le plus besoin. On envisage de lancer la même opération pour la farine, le riz, l’huile, etc.
Leur presse (Elias Tsolakidis, Observers.France24.com, 8 mars 2012)