« L’indigné » Père Patrice et France 3, contre les indignéEs et « l’anarchie »

« L’indigné » Père Patrice et France 3, contre les indignéEs et « l’anarchie »

France 3 nous a concocté ce lundi une belle interview : celle de la nouvelle mascotte « indignée »/anti-indignéEs des médias, au service d’un pouvoir que les mouvements sociaux dérangent :

http://www.dailymotion.com/video/xlwc0j_patrice-gourrier-le-pretre-indigne_news

On y voit des extraits vidéo de gens au visage dissimulé, défiant la police, passer à l’écran au moment même où père Patrice dénonce les indignés locaux de Poitiers. En ayant le culot (que lui confère la calotte ?) de les assimiler à des « récupérateurs » de l’indignation. Au final, cette séquence n’est pas tant l’indignation d’un curé, qu’une dénonciation des indignéEs.

Qu’il ne s’agisse pas d’images locales mais d’un bidouillage vidéo pathétique ne semble pas avoir dérangé au montage (à moins qu’il y ait un espèce de Colisée à Poitiers et que j’aie raté un coche dans les projets pharaoniques de coeur d’agglo ?). Pas plus que de donner tribune et semblant de crédibilité à quelqu’un qui juge les indignéEs sans jamais être venu à la moindre assemblée : belle démonstration d’investigation journalistique ! Passons sur l’assimilation, acceptée par la journaliste sans sourciller, de « l’anarchie » à la « violence » (on a l’habitude). Mais que dire enfin de la « laïcité » prétendue d’un service public de journalisme, qui d’un côté tait ou minimise les assemblées d’indignéEs à Poitiers, et de l’autre légitime les analyses ahurissantes d’un type sous prétexte qu’il porte une soutane, sans broncher lorsqu’il conclut sur l’affirmation que l’indignation des chrétiens est la seule issue ?

Puisque la journaliste martèle que Père Patrice est un « indigné », voyons toute la crédibilité à donner à cette indignation, en rappelant les propos que le curé tenait sur un plateau télé, il y a de cela quelques années :

http://www.dailymotion.com/video/xf99fp_patrice-gourrier-lettre-ouverte-au_news#rel-page-1

A l’époque de sa « lettre ouverte au prochain pape », on y constate que père Patrice :

-critiquait la soutane en refusant de la porter à la télé (« j’ai jamais aimé les robes », « la tradition demande la simplicité des vêtements »)… mais qu’il ne semble avoir à présent aucune répugnance à parader en robe noire dans les colonnes de la PQR ou sur les plateaux télé (la soutane, on a beau dire, ça pose son homme quand la nécessité de casser les mouvements sociaux l’impose).

-critiquait le fait qu’un pape exerce encore ses fonctions après 75 ans, quand la tradition exige des évêques, y compris celui de Rome, qu’ils renoncent à leur charge passé cet âge fatidique… alors que père Patrice encense aujourd’hui dans la presse un pape Benoît XVI qui déclare pas moins de quatre-vingt quatre piges au compteur !

-condamnait par ailleurs le même Ratzinger (aujourd’hui Benoît XVI) comme faisant partie de ces conservateurs intégristes grenouillant autour de Jean-paul II de façon « sordide », en « profitant » de prendre le pouvoir sur le pape… à présent, père Patrice ne tarit plus d’éloges pour Benito seizième, aux positions violemment sexistes, homophobes et transphobes, anti-avortement et anti-contraception. Positions que Patrice Gourrier dénonçait aussi hier, et semble avoir aujourd’hui absoutes… sans doute ses priorités ont-elles changé ?

Pour un curé qui assène, à chaque communiqué dans les médias, sa détestation de « l’anarchie », on peut donc trouver ses positionnements un peu anarchiques… à moins que sa véritable priorité, et celle des médias qui relaient largement son discours, soit de discréditer les indignéEs qui se rencontrent pour de vrai, sans l’intermédiaire d’un journaliste ou d’un curé.

Mais c’est pas comme si on avait pas l’habitude : si l’indignation de l’Eglise a souvent été à géométrie variable en fonction du contexte, elle a toujours été en bonne place, aux côtés de la propagande de l’Etat et des patrons, pour la répression des mouvements sociaux. Lorsque le pouvoir est en position de force pour cogner, silence religieux. Lorsqu’il est mis en difficulté, on se positionne bien vite contre ses contestataires, au nom du tri du bon grain de l’ivraie…

Médias, curés, vous aurez beau cracher sur les gens, sur leur « poing levé » en signe de cette solidarité et de cette indépendance que vous haïssez… sachez qu’il y en aura toujours pour dénoncer vos pauvres petits sermons !

Juanito, 25 octobre 2011