NdPN : c’est l’une des failles du capitalisme : entre grands chantiers inutiles, existe aussi la concurrence. Dans la bagarre opposant les élus locaux pour leur Center Parcs à bobos à proximité de Loudun, et Vinci pour l’exploitation d’une nouvelle carrière de granulats pour sa LGV, le préfet a tranché hier en faveur de Vinci, en passant en force contre les élus locaux. Encore une victoire arrachée par Vinci, avec la complicité de l’Etat PS et la bénédiction de la ministre de l’écologie Batho… Et un paysage ravagé. Le préfet a pris sa décision à la veille de son départ, de même que sur la question du syndicat unique de l’eau dans la Vienne. Une belle leçon de « démocratie », pour toutes celles et ceux qui croient encore en ce simulacre.
Contre l’avis des élus le préfet dit oui à la carrière
Les travaux d’extraction pourraient commencer dans les tout prochains jours.
Saint-Léger-de-Montbrillais. Le préfet de Région a signé hier l’arrêté autorisant Vinci à exploiter une carrière de granulats très contestée.
Sans surprise, Yves Dassonville, le préfet de Région qui doit prendre sa retraite la semaine prochaine, a annoncé hier qu’il venait de signer un arrêté autorisant la société Vinci construction terrassement à exploiter au lieu-dit « Le Moulin-à-Vent » (commune de Saint-Léger-de-Montbrillais) une carrière de granulats. Ceux-ci seront destinés aux remblais de la future ligne ferroviaire à grande vitesse Sud Europe Atlantique.
Pour le préfet, il n’existe aucun motif de dire non
Le préfet, qui affirme que la ministre de l’Écologie Delphine Batho « ne s’est pas opposée à cette signature », n’a donc pas tenu compte des nombreuses interventions d’élus de tout bord (hormis la plupart des élus locaux) opposés à ce projet de carrière de 4 hectares, situé dans le prolongement d’une première carrière abandonnée le long de la route de Saumur. « On est dans un état de droit, martèle Yves Dassonville. Je vois mal comment je pourrais refuser l’autorisation à cette carrière. Le dossier a été examiné sous toutes les coutures. Supposons que je ne donne pas l’autorisation, immédiatement Vinci m’attaque et immédiatement Vinci gagne. » Le préfet fait valoir qu’il n’existe aucun motif administratif ou environnemental de s’opposer à ce projet, qui constitue « la moins pénalisante des solutions ». Ce projet a d’ailleurs obtenu l’avis favorable du commissaire enquêteur chargé de l’enquête d’utilité publique, puis de la Commission départementale de la nature. L’arrêté préfectoral stipule que Vinci est autorisé à exploiter la carrière et à concasser les granulats jusqu’au 31 décembre 2013, de façon à ne pas interférer avec le chantier du futur Center Parcs des Trois-Moutiers, situé à 5 km de là. Le site devra être réhabilité au plus tard le 31 mars suivant. Les travaux d’extraction pourraient commencer dans les tout prochains jours. Hier soir, Gérard Leclerc, porte-parole de l’Association de protection du patrimoine architectural et rural (Appar), principal opposant au projet, a indiqué qu’un recours administratif est à l’étude. Il a dénoncé « un coup de force sous la pression d’intérêts privés », précisant : « On se demande ce qui a bien pu se passer. Jusqu’à avant-hier, on nous disait que le préfet laisserait la décision à son successeur. »
Vincent Buche, Nouvelle République, 26 janvier 2013
Incompréhension et colère des élus
Ségolène Royal présidente de la Région
Je m’étonne que le préfet puisse prendre une décision aussi lourde de conséquences, à quelques jours de sa fin de fonction. Cet arrêté préfectoral intervient malgré l’avis négatif de tous les élus du territoire et alors que le ministère de l’Environnement avait pris soin de consulter tous les élus locaux qui sont contre cette ouverture. Cette décision va ralentir les travaux de Center Parcs et les activités nouvelles ainsi que les emplois qui doivent être créés.
Jean-Pierre Raffarin sénateur de la Vienne
Je suis surpris que Mme Batho (ministre de l’Écologie, proche de Ségolène Royal, NDLR) n’ait pas demandé au préfet de protéger l’environnement dans ce nord de la Vienne pour lequel nous avons choisi le développement durable. On a voulu inscrire Center parcs ans une stratégie de développement durable. Cette décision ne me paraît pas compatible avec ce choix. En général, c’est un ministre qui donne des ordres au préfet et non pas l’inverse. Quelle est l’autorité de Mme Batho ? Et quelle est l’influence de Mme Royal sur Mme Batho ?
Claude Bertaud président du Département
Je regrette la décision prise par la commission départementale de la nature, qui a donné un avis favorable. Je souhaite que la ministre Delphine Batho prenne une décision qui ne suive pas ce vote (1). Si l’exploitation de la carrière a finalement lieu, il faudra que nous soyons certain qu’elle s’arrête avant la fin 2013.
Véronique Massonneau députée
Je suis à la fois surprise et très déçue de cette décision, ayant clairement fait savoir depuis plusieurs mois mon opposition à ce projet, non seulement au préfet de région mais également à la ministre de l’Écologie, qui m’avait consultée. Je suis très inquiète des conséquences de cette décision, qui va entraîner un trafic intense de poids lourds dans le secteur du chantier de Center Parcs, avec des nuisances inévitables pour les riverains des communes avoisinantes. Alors que des solutions alternatives existent, il est regrettable de porter ainsi atteinte à l’exemplarité souhaitée pour les chantiers de la LGV et du Center Parcs, en terme de respect de l’environnement et de la population locale.
(1) En fait, la ministre n’a pas le pouvoir de revenir sur la décision du préfet. Seul le tribunal administratif peut désormais suspendre puis annuler l’arrêté contesté.
Nouvelle République, 26 janvier 2013