La justice a accepté d’expulser, à la demande de Logiparc, une famille élargie de Roms roumains de 21 personnes dont 11 enfants (9 de moins de dix ans) d’une maison frappée d’un arrêté d’insalubrité et que le bailleur « social » voulait démolir pour on ne sait quel projet. A moins que ce soit uniquement parce qu’il y a des roms à l’intérieur comme l’amènerait à penser la date de la demande de démolir qui est la même que la plainte de Logiparc pour occupation sans droit ni titre, et la même que la venue du directeur adjoint de Logiparc avec une assistante sociale puis avec les huissiers accompagnés d’une dizaine de policiers…
La justice magnanime n’a pas accepté que ce soit immédiatement comme le demandait le bailleur « social » et a accordé quatre mois de délai. Le juge a bien-sûr ordonné que « L’ordonnance soit transmise, par les soins du greffe, au préfet du département, en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées prévu par la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. »
Nous ne nous faisons toutefois pas beaucoup d’illusions à ce sujet car pour le dernier dossier équivalent que le Dal86 a suivi, Mme L, la personne expulsée qui a une fille de 14 ans, a vu son dossier passer au SIAO (Système Intégré d’Accueil et d’Orientation)… 9 jours après la date d’expulsion pour être orientée vers… le CHUS (Centre d’hébergement d’urgence sociale). Avec comme conseil : « Vous pourrez ainsi accéder à une place d’urgence en faisant le 115 » (Lettre de la Croix Rouge du 24 avril 2013).
Comment est-il possible que le SIAO qui a pour principe « le logement d’abord » oriente vers un hébergement surtout d’ « urgence » ? Cette régression nous laisse dubitatifs. Surtout que l’accueil au CHUS est particulièrement indigne et ne respecte pas la loi. Les locaux sont très vétustes et la vie en dortoirs sépare les couples et les familles. Les personnes et les familles doivent sortir à 10h30 le matin et ne pas y revenir avant 16h15 et pas après 21h, et, malgré la loi qui, outre le gîte et l’hygiène, prévoit le couvert, il n’y a pas de repas servis le soir ni a fortiori le midi.
L’affaire ne s’arrête toutefois pas là. Lorsqu’elles sont arrivées au squat l’Etape, deux des filles de Mme L. ont écrit à la préfecture le 11 avril dernier expliquant précisément leur histoire et les conditions précaires dans lesquelles elles vivaient, pour demander une prise en charge. Le 9 avril Mme L. accompagnée de l’une de ses filles s’est rendue à un rendez-vous avec leur assistante sociale à la Maison de la Solidarité. En effet Mme L. et ses deux filles ayant chacune un enfant et touchant l’Aide Sociale à l’Enfance, sont connues et suivies par une assistante sociale ce qui fait que le préfet est peu crédible quand il laisse accroire sur France 3 que ces personnes ne se sont pas faites connaître… Et le 18 avril, Mme L. accompagnée de ses trois filles, ainsi qu’un militant du Dal86, s’est rendue une nouvelle fois à un autre rendez-vous avec leur assistante sociale. Elles ont ré-expliqué leur histoire et leur situation qui était bien-sûr déjà archi connue.
L’assistante sociale leur a précisé que, concernant Mme L. qui était expulsée de son logement et avait un commandement à quitter les lieux le 14 avril – rappelons que l’on était le 9 avril soit seulement cinq jours avant-, qu’elle lui avait fait remplir un dossier pour le SIAO sans lui laisser, vu la liste d’attente, beaucoup d’espoir. Concernant les deux filles de Mme L. qui ont précisé être dans un squat, l’assistante sociale a affirmé n’avoir aucune solution de prise en charge ni même de logement pour elles et ne leur a pas proposé de remplir un dossier pour le SIAO. De plus, lorsque ces personnes lui ont parlé de leurs difficultés de se nourrir, elles et leurs enfants, l’assistante sociale leur a conseillé de se tourner vers les associations caritatives genre maraude et Restos du cœur. Quand le militant du Dal86 a dit qu’il existait avant des tickets alimentaires, l’assistante sociale à répondu que cela n’existait plus, quelle ne pouvait plus faire de cartes de bus même pour les enfants et que la scolarisation des enfants étant une démarche volontaire des parents, elle pouvait à la rigueur leur donner un dossier mais ne les aiderait pas à le remplir.
Et ce n’est pas fini car la DDCS (Direction départementale de la cohésion sociale) a envoyé à l’une des filles de Mme L. un courrier signé du secrétaire général dans lequel elle est informée que l’assistante sociale a fait un dossier SIAO pour elle et qu’elle aura prochainement une solution d’hébergement. Un courrier dans lequel elle est clairement confondue avec sa mère (et est la mère de sa sœur…). Incompréhensible, même pour quelqu’un qui a l’habitude des subtilités bureaucratiques.
Nous faisons l’hypothèse que tout cela : l’expulsion des squats, l’indignité et les carences du CHUS, l’impuissance du SIAO, le défaussement du social sur le caritatif, mais aussi la violation des droits élémentaires des personnes, les discriminations, les procédures administratives ubuesques et les « dysfonctionnements » des services de la préfecture, le torpillage des associations de soutien et d’accompagnement, la désactivation des services sociaux… participe à l’entreprise de dissuasion et d’intimidation des migrants et autres indésirables. Le but des autorités (préfecture-mairie-conseil général) étant, au mieux, de ne pas faire un appel d’air, au pire de passer la patate chaude. Le maire de Poitiers l’a clairement expliqué lors du petit déjeuner avec les associations du 4 mars 2011 : interpellé par Resf86 sur la question de l’hébergement de manière plus générale « le maire est satisfait de son bilan : Poitiers fait plutôt plus qu’ailleurs en moyenne. La mairie ne peut se substituer à l’Etat dans le contexte actuel tout est plus difficile. Les villes sont en concurrence face à l’accueil (ou au non-accueil) des migrants. On ne peut en faire plus car il y a un risque d’afflux de ces personnes « en errance » en provenance des villes moins accueillantes ». VOIR Et l’ex secrétaire général – préfet de la Vienne M. Setbon explique clairement les prises de positions du maire de Poitiers concernant les marchands de sommeil en disant dans la Nouvelle République du 29-06-11 Pour Jean-Philippe Setbon le problème se lève à l’Est NR 29/06/2011 ; « l’action qui a été menée avec la ville de Poitiers depuis 3 ans pour éradiquer les unes après les autres les poches d’habitats insalubres, qui étaient en fait tenus par des marchands de sommeil, a singulièrement rendu plus difficile la venue de sans-papiers. »
Sans commentaires, sauf peut-être ceux de Patrick Coronas (conseiller municipal délégué PCF de Poitiers) dans la Nouvelle République du 29-06-11 :« Je me sens démuni par ces décisions qui sont prises en dehors de toute logique apparente. Je pense pourtant qu’il y a bien une logique sous-jacente qui est de créer la tension chez certaines populations visées. Tout est fait pour rendre la vie impossible à ces gens-là »
Nous ne lâcherons rien – Un toit est un droit
DAL 86, 12 juin 2013