[Indonésie] Les mineurs papous toujours en lutte

[INDONESIE] Les mineurs papous toujours en lutte !

 

La longue grève des mineurs papous perturbe les cours du cuivre et de l’or

BALI (INDONÉSIE), ENVOYÉ SPÉCIAL – C’est une grève lointaine qui paralyse depuis des semaines les activités d’une gigantesque mine d’or et de cuivre située au pied d’une montagne reculée, dans l’extrême orient de l’Indonésie. Une province peuplée en majorité par des tribus de l’ethnie papoue. Mais pour lointaine qu’elle soit, cette grève observée par plus d’un tiers des 23 000 mineurs est en train de faire flamber les cours sur les marchés mondiaux : possédée à 90,6 % par le géant américain Freeport McMoRan – le reste étant détenu par l’Etat indonésien –, cette mine recèle l’une des plus grandes quantité mondiale de cuivre et d’or.

Les mineurs protestent contre des salaires insuffisants compte tenu de leurs conditions de travail, des dangers qu’ils prennent et du coût de la vie dans cette province reculée de Papouasie, située à plus de 4 000 kilomètres à l’est de la capitale, Djakarta. Cela fait plusieurs semaines que la colère gronde dans la zone, où plus de 8 000 mineurs, en majorité papous, bloquent les routes d’accès, empêchant les non grévistes d’accéder au chantier. Le conflit est entré dans son troisième mois, le 16 novembre, sans aucun signe de règlement à l’horizon. Les appels du président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, à une « résolution appropriée » de la querelle sont restés sans réponses.

GRAVES ATTEINTES AUX DROITS DE L’HOMME

La province où est située la mine englobe la partie occidentale d’une très grande île dont les régions orientales forment l’Etat de Papouasie Nouvelle Guinée, indépendant depuis 1975, après une longue tutelle australienne et allemande. Appelée province de « Papua » en indonésien, l’ouest de cette même île fut hollandaise avant d’être rattachée formellement à l’Indonésie en 1969.

Depuis, cette région est des plus instables : un conflit largement ignoré du monde extérieur perdure entre des séparatistes papous et l’armée indonésienne, restée toute puissante dans cette province placée sous quasi contrôle militaire. Et interdite aux journalistes occidentaux. Les soldats indonésiens sont perpétuellement accusés de graves atteintes aux droits de l’homme contre la population indigène. Des milliers de manifestants ont encore défilé, le 14 novembre, dans la capitale provinciale, Jayapura, pour réclamer l’indépendance.

Les mineurs de la mine Glasberg, qui sont payés l’équivalent de 1,50 dollar de l’heure, exigeaient, au début du mouvement, une augmentation vingt fois supérieure à leurs actuels émoluments, soit 30 dollars. Ils ont ensuite revu à la baisse leurs demandes, proposant 4 dollars. En face, les Américains ont suggéré une augmentation de 35% par rapport au tarif actuel de 1,50 dollar, c’est-à-dire 53 cents de plus… Les grévistes ont refusé. Depuis, c’est l’impasse.

MANQUE À GAGNER POUR DJAKARTA

L’affaire coûte fort cher à Freeport McMoRan et à l’Indonésie. L’entreprise américaine, qui avait affiché des profits de 5 milliards de dollars tirés de l’exploitation de la mine en 2010, a annoncé des pertes se chiffrant à 19 millions de dollars par jour depuis le début de la grève. Le gouvernement de Djakarta a recueilli, grâce aux revenus de la mine, 1,4 milliard de dollars en impôts et royalties durant le premier semestre 2011, selon le quotidien The Jakarta Globe. On imagine le manque à gagner pour Djakarta.

Freeport a beau affirmer qu’une partie de ces revenus collectés par l’Etat sont reversés à la province et comptent pour 68% du budget de cette dernière, tel n’est pas l’avis des grévistes. Selon certains d’entre eux, rencontrés par un correspondant local de l’AFP, « les écoles publiques et les centres de soins sont en nombre insuffisants et trop éloignés les uns des autres ». En outre, les Papous affirment toucher encore moins que leurs collègues d’Afrique et d’Amérique latine.« Durant toutes ces années, je n’ai jamais reçu ni promotion, ni augmentation », a confié Nus Magay, un mineur. « Et pourtant, a-t-il tonné, je travaille pour une compagnie minière de classe internationale ! »

Presse bourgeoise et colonialiste – Bruno Philip (Le Monde), 21/11/2011

Voir les précédentes luttes menées par les salarié.es contre Freeport ici et