Maladies neurodégénératives : « rien n’est fait pour enrayer la pandémie »

Maladies neurodégénératives : « rien n’est fait pour enrayer la pandémie »

Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale contre la maladie d’Alzheimer – youpi. L’occasion de rappeler que si médias et spécialistes évoquent souvent l’explosion du nombre de malades, les causes de cette explosion sont rarement abordées, voire jamais. Un « oubli » que tentent de réparer Marie Grosman et Roger Lenglet, auteurs de « Menaces sur nos neurones. Alzheimer, Parkinson… et ceux qui en profitent. » Entretien.

Cet entretien a été publié dans le numéro 9 de la version papier d’Article11

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C’est un livre uppercut, dérangeant. Et qui assène des vérités que bien peu veulent entendre. Dans Menaces sur nos neurones (Actes Sud, 2011), Marie Grosman et Roger Lenglet1 dissèquent au scalpel l’affolant développement des maladies neurologiques en France. Au premier rang de celles-ci, la maladie d’Alzheimer – 800 000 à 1 million de Français en souffrent déjà, 225 000 nouveaux cas sont recensés chaque année –, mais aussi la maladie de Parkinson, l’autisme, la sclérose en plaques, etc. Là où pouvoirs publics et instances médicales officielles s’entendent pour ne parler que de traitements, les auteurs de Menaces sur nos neurones mettent à jour les causes de cette explosion et les raisons de la paralysie de la prévention.

S’appuyant sur de multiples études scientifiques publiées dans des revues internationales de référence, l’ouvrage trace un tableau effrayant des agressions contemporaines subies par nos cerveaux : mercure, pesticides, aluminium, plomb, PCB, PBDE, particules ultrafines, ondes électromagnétiques… Une « folle bacchanale » d’éléments neurotoxiques conséquence d’« un demi-siècle de prolifération de substances chimiques, de lobbying industriel, d’indulgences calculatrices et de refoulement des questions de santé embarrassantes ».

En 1999, lors de la présentation d’une étude menée sur la présence d’aluminium dans l’eau du robinet, un haut fonctionnaire avait supplié Marie Grosman et Roger Lenglet, qui l’avait rédigée, de rester discrets : « N’affolez pas la population. Surtout, ne créez pas de panique ! » Les instances officielles voudraient qu’il en soit aujourd’hui de même pour leurs conclusions sur les maladies  neurodégénératives. Peine perdue : ils comptent bien continuer le combat.

Quand vous avez commencé cette enquête, vous pensiez déboucher sur un constat si accablant ?

Roger : « En partie. Pour les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, les chiffres montrant qu’il y a une véritable explosion du nombre de malades sont connus depuis un certain temps. Mais nous n’imaginions pas que l’ensemble des maladies du cerveau soit concerné. Ni que la catastrophe progresse aussi rapidement. Ça paraît pourtant évident dès qu’on se penche sur les études épidémiologiques, les témoignages des professionnels de la santé ou les conclusions des colloques en neurologie.

L’ampleur du déni nous a également soufflés. Alors que le niveau de connaissances est désormais très élevé, la prise en compte de ces données se révèle d’une faiblesse hallucinante. Ce que nous avions déjà remarqué sur nos sujets de prédilection (le scandale du mercure pour Marie, celui de l’aluminium pour moi), à savoir l’immobilisme absolu en matière de prévention, se vérifie en fait à tous les stades. »

Marie : « Une étude du Collège européen de neuropsychopharmacologie, publiée en septembre 2011, a montré que plus de 38 % des habitants de l’Union européenne souffrent de maladies ou troubles neurologiques. Ces affections sont responsables de plus de la moitié des Années vécues avec une incapacité (AVI2), bien davantage que le cancer ou le diabète. Et les projections s’avèrent effrayantes : elles prévoient de 115 à 130 millions de malades d’Alzheimer dans le monde à l’horizon 2050. Malgré ce constat terrible et ces perspectives accablantes, rien n’est fait pour enrayer la pandémie. »

Pourquoi le volet prévention est-il si négligé ?

Roger : « L’attention de l’ensemble des acteurs de la santé se polarise sur les profits potentiels : traitements et accompagnement, maisons médicalisées, recherches de brevets pour de nouveaux traitements et pour des tests de diagnostic précoce, etc. Comme la prévention n’a rien de rentable, personne ne s’en charge. Quelle entreprise va investir dans une campagne contre les expositions aux produits neurotoxiques sans le moindre bénéfice en vue ? Par contre, les investissements dans les traitements sont d’autant plus lucratifs que la pandémie est quasi exponentielle.

La recherche médicale est désormais totalement vampirisée par le privé. Même la recherche publique est devenue la sous-traitante des intérêts du privé. Si l’État ne met pas un centime dans la prévention, personne ne le fera.

S’y ajoute le fait que les études mettant en évidence les causes de ces maladies ne sont lues que par les spécialistes du sujet. Nous nous trouvons dans une situation schizophrénique, comparable à celle de l’amiante dans les années 1990 : il a fallu que les malades eux-mêmes se mobilisent massivement pour finalement imposer l’idée qu’il fallait interdire la substance cancérigène. »

Marie : « Il est difficile de faire passer un message de prévention quand les causes sont multiples. Pour les maladies du cerveau, c’est souvent le cas : s’il y a des situations où la substance neurotoxique est assez puissante pour provoquer à elle seule la maladie neurologique (c’est le cas du mercure et de certains pesticides), nous sommes généralement plutôt confrontés à un « effet cocktail ». La configuration idéale pour un déni massif – même si les différents facteurs de risque sont identifiés, notamment grâce aux recherches épidémiologiques et toxicologiques. »

La situation semble sans issue…

Marie : « Notre cerveau est soumis à une multitude de toxiques présents à faible dose dans notre environnement, et agissant souvent en synergie. Mais il serait dramatique de prendre prétexte de cette complexité pour ne rien faire. D’autant que ce n’est pas insurmontable : il est possible d’abaisser l’exposition à telle et telle substance en remplaçant son usage par des produits non-toxiques. L’interdiction d’utiliser le plomb comme additif dans l’essence a ainsi réduit de façon importante l’exposition de la population à ce redoutable neurotoxique, responsable de déficits cognitifs chez de nombreux enfants. »

Roger : « Des solutions concrètes existent. Il faut se battre à tous les niveaux, comme ça a été le cas contre l’amiante ou contre les éthers de glycol, malgré les pressions des industriels concernés. Le règlement REACH, qui impose d’enregistrer et d’évaluer les substances chimiques au niveau européen, en est une belle illustration, même s’il comporte encore des failles importantes pour les substances dont la production ne dépasse pas une certaine quantité. Depuis 2006, la majorité des substances mises sur le marché doit faire l’objet d’une évaluation, avec le risque d’un éventuel retrait de licence. Les industriels parlaient d’ « Armageddon économique », mais REACH a finalement vu le jour. C’est un début.

Nous nous sommes également rendus compte qu’il était possible d’imposer des accords commerciaux à condition que les ONG s’organisent pour amplifier leur pression. Ce que fait Marie avec le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en est un bon exemple : elle est la représentante pour la France et l’Europe des ONG mobilisées pour l’interdiction de l’usage du mercure. Sur ce dossier important, un accord international d’interdiction avec 125 pays est sur le point d’aboutir.  L’argument qui consiste à dire que la machine infernale est lancée et impossible à stopper est criminel. La situation exige simplement toute notre énergie face à des lobbies industriels capables de payer des légions de représentants à longueur d’année pour défendre leurs produits délétères. »

L’explosion de ces pathologies est toujours imputée aux deux mêmes causes : le vieillissement de la population et l’amélioration du diagnostic. Que répondez-vous lorsqu’on vous oppose ces arguments ?

Marie : « L’amélioration du diagnostic est une évidence, mais il faut garder à l’esprit les proportions. Prenons l’exemple de l’autisme : un diagnostic plus précoce ne suffit pas à expliquer la multiplication sidérante des cas. Aujourd’hui, on dénombre 600 000 personnes autistes en France, et le nombre d’enfants concernés a été multiplié par 50 en 17 ans. Par définition, le vieillissement de la population n’est évidemment pas en cause pour l’autisme.

Même dans le cas de la maladie d’Alzheimer, considérée comme une maladie du grand âge, de plus en plus de « jeunes » sont touchés : la France compte aujourd’hui de 30 à 50 000 malades de moins de 60 ans. Même les adolescents commencent à être concernés : le plus jeune cas a été décelé à 13 ans. »

Roger : « Si les personnes âgées sont plus touchées, c’est essentiellement en raison du temps de latence entre l’exposition aux causes et le déclenchement de la maladie. Il en va de même pour les cancers. C’est ce délai qui permet tous les scandales sanitaires. Plus le temps de latence est long, plus il est facile d’ignorer les causes. L’amiante avait donné lieu à un discours semblable, façon : « C’est une maladie de vieux, il faut bien mourir de quelque chose. » Mais les expositions à l’origine de la maladie remontaient à 30 ou 40 ans auparavant ! Imputer la maladie à la vieillesse est un abus de langage qui crée un obstacle intellectuel. C’est confondre la cause et le contexte d’apparition. »

Marie : « De nombreuses études permettent de comprendre la progression de l’épidémie et le fait qu’elle n’est pas liée à la vieillesse. Une étude de l’université de Southampton, portant sur tous les pays de l’Union européenne, a par exemple analysé l’évolution des décès dus à des maladies neurologiques entre 1979 et 1997, chez les personnes de moins de 74 ans. Sa conclusion : le nombre de ces décès a été multiplié par trois en moins de 20 ans. L’auteur principal, Colin Pritchard, a confié : « Ce qui me fait réellement peur, ce n’est pas qu’ils sont plus nombreux, mais qu’ils sont de plus en plus jeunes. » Bien que l’étude ait été publiée dans un journal scientifique réputé (Public Health), personne n’en a parlé en France. »

Les médicaments contre Alzheimer sont inefficaces ou dangereux, à l’image de l’Aricept dont vous écrivez que « le rapport bénéfice/risque est caricatural ». Pourquoi continuent-ils à être prescrits en masse ?

Marie : « C’est un scandale. Concernant ces médicaments, tout le monde est d’accord, sauf les labos et leurs porte-voix : à quelques exceptions près, ces traitements sont inefficaces et n’améliorent pas le bien-être. Ils ont par contre des effets indésirables, dont certains très graves, ce que démontrent plusieurs études. Il y a également eu des alertes récurrentes de la revue Prescrire à ce sujet.

Nous pensions que les choses changeraient après la plainte d’une association contre la Haute Autorité de Santé (HAS), l’accusant de n’avoir pas respecté ses propres règles déontologiques sur les conflits d’intérêts (notamment la règle consistant à écarter les avis des experts rémunérés par les producteurs des médicaments concernés). Il semblait impossible que la HAS maintienne sa recommandation en faveur de ces médicaments. Ce fut pourtant le cas : si le « service médical rendu » a été abaissé d’« important » à « faible », ces traitements continuent à être remboursés à 65 %. C’est aberrant : des centaines de milliers de personnes sont traitées avec ces médicaments dangereux et inutiles. »

Vous écrivez en conclusion : « Le mélange de genres entre l’affairisme, l’expertise et la recherche a littéralement endigué la prise en compte des données scientifiques qui échappent aux injonctions lucratives et aux perspectives de brevets. » Comment en est-on arrivé là ?

Roger : « Se pose d’abord la question de l’omerta, qui ne concerne pas uniquement la rétention volontaire d’information, mais également l’autocensure, la peur de dire des choses, la discrétion… En outre, les différents acteurs de cette tragédie forment un puzzle, imbriquant aussi bien les labos que les leaders d’opinion ou les politiques. On y retrouve tous les ingrédients typiques du lobbying, avec des gens qui manipulent l’opinion et ont intérêt à ce que rien ne change. Notamment à cause de l’effet d’aubaine économique autour de ces maladies. D’où le déni, ce désir général de ne pas soulever le tapis.

Autre ingrédient classique : le son de cloche officiel est donné par ceux-là mêmes qui ont des intérêts dans la manière de poser le sujet et les solutions. Une configuration qu’on retrouve dans de nombreux scandales sanitaires (sang contaminé, nuage de Tchernobyl, amiante, éthers de glycol, exposition des ouvriers aux radiations dans les centrales nucléaires…). »

Marie : « Même lorsque les responsables sont pris les doigts dans le pot de confiture, comme dans le cas du Mediator, la réforme en profondeur – pourtant promise – ne vient jamais. Ce qui est fait reste très superficiel. »

Roger : « La prévention n’est envisagée que si elle ne menace  aucun intérêt important. Par exemple s’il s’agit de causes infectieuses : alerter sur les dangers d’un microbe est plus facile que pointer la responsabilité d’une substance commercialisée par de grands groupes industriels. D’autant que ces derniers financent des études pour obtenir des résultats favorables à leurs produits. L’exemple des méfaits du téléphone portable est significatif. Dès la fin des années 1990, deux sortes d’études sont apparues – celles financées par les opérateurs affirmaient que l’usage du portable était inoffensif ; les autres concluaient à près de 80 % à sa nocivité.

Nous sommes tous embarqués à bord d’un avion de plus en plus grand et de moins en moins stable. Ceux qui en ont clairement conscience ne sont pas assez nombreux ni pris au sérieux. Pour le portable, massivement utilisé dans le monde entier, les risques encourus s’avèrent pourtant énormes. La mondialisation du risque nous promet le pire. L’actuelle pandémie de maladies du cerveau n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend. »

Alors que votre livre traite d’une question de santé publique fondamentale, les médias n’en ont quasiment pas parlé…

Roger : « Nous nous y attendions. Les journalistes ont peur de s’aventurer dans des domaines qu’ils ne maîtrisent pas et qui mettent gravement en cause des personnalités de premier plan, aussi bien des politiques (je pense en particulier aux ministres de la Santé et de l’Environnement) que des chefs d’industrie et des experts officiels. C’était pareil pour l’amiante avant 1995 : les journalistes craignaient la technicité des dossiers et se montraient incrédules devant l’énormité du déni. Et puis, les lobbies ont eu toute liberté pour répandre leur propagande dans les médias, notamment à la télévision.

Ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change matraquent le public. Le discours des gros leaders d’opinion sur la maladie d’Alzheimer, des gens ayant souvent des liens d’intérêt avec les firmes concernées (rémunérations pour les expérimentations sur les patients, participations financières…), est très représentatif. Le simple fait de rappeler leur situation schizophrène les rend furieux. À l’image du professeur Dubois : ce chef du service neurologique de la Pitié-Salpêtrière s’est offusqué du fait qu’un journaliste de France soir ose le lui rappeler. Dans son cas, pourtant, il s’agissait seulement d’admettre une évidence. Cette attitude est d’autant plus regrettable que la loi impose aux professionnels de santé de faire mention de ces liens d’intérêt chaque fois qu’’ils s’adressent au public. »

Marie : « Beaucoup de spécialistes refusent de prendre un peu de hauteur vis-à-vis du consensus dominant. Quand je suis passée sur France Culture, le responsable de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière de la Salpêtrière, le Pr Agid, devait être présent. Mais il a annulé sa venue après avoir lu notre ouvrage, qu’il a qualifié de « livre anti-scientifique et anti-médical ». Un comble au regard du nombre d’études sur lesquelles nous nous appuyons. De telles critiques font penser à celles de Claude Allègre : désigner les contradicteurs comme obscurantistes permet d’éviter de débattre avec eux. »

Roger : « Ce monsieur Agid oublie nos parcours respectifs et les dossiers que nous avons défendus depuis vingt ans : affaires de l’amiante, du mercure, de l’aluminium, du manque d’indépendance de l’agence du médicament, etc. S’agit-il de combats obscurantistes ? En réalité, le milieu des mandarins n’a pas fait ce travail de synthèse et d’alerte. Leur cécité se trouve du même coup gravement mise en cause. »

1 Marie Grosman, agrégée en Sciences de la vie et de la terre, est spécialiste en santé publique et en santé environnementale. Roger Lenglet est philosophe et journaliste d’investigation en santé publique.

2 Terme médical. Il s’agit de mesurer les années de vie perdues parce que vécues dans un état autre que « en pleine santé ».

Vu sur Article 11, 21 septembre 2012

Le Monde libertaire n°1681

Le nouveau Monde libertaire est sorti, dans tous les bons kiosques ou à prix libre en nous contactant. Comme d’hab, un exemplaire est déposé au Biblio Café (rue de la cathédrale), consultable sur place. Voici le sommaire et l’édito (avec trois liens vers les articles lisibles en ligne sur le site du ML). Bonne lecture !

Sommaire du Monde Libertaire # 1681 du 20 au 26 Septembre 2012

«Le travail c’est bien une maladie, puisqu’il y a une médecine du travail.» – Coluche 

Actualité
Lutte des classes plus que jamais, par Fabrice, page 3
PSA, oeil pour oeil, page 4
Une basilique occupée, page 4

Ubuesques pantalonnades de Justhom, page 5
La météo syndicale de J.-P. Germain, page 6
Les pauvres à la belle étoile, par E. Vanhecke, page 7
La chronique néphrétique de Rodkol, page 8
Arguments
Travestissement néolibéral, par J. Langlois, page 9
Dossier santé, par Moriel, J.-M. Destruhaut et M. Silberstein, page 11
International
Congrès de l’IFA à Saint-Imier, les pendules à l’heure, par Fred, page 17
Expressions
Trois panthères en prison, par J. Lesage de La Haye, page 18
Benoist Rey en coffret, par Paco, page 19
Mort de la Voix au chapitre à Saint-Nazaire, page 20
Mouvement
Hommage au vététan de l’insoumission en Turquie, A. Roulland, page 21
Radio libertaire, page 22
Agenda, page 23
Illustrations
Aurelio, Kalem, Krokaga, Némo, Slo, Valère

Editorial du Monde Libertaire # 1681 du 20 au 26 Septembre 2012

Deux ans de serrage de vis libéralement annoncés par Hollande. Et comme on a un peu l’habitude des glissements progressifs, gageons que la vis devrait se serrer encore, par petits coups vicieux, et que les deux ans doivent être vus comme plutôt élastiques. On ne prend pas de risques à supposer aussi que ce sont encore les plus pauvres qui vont souffrir de la dégradation probable du service public et des éventuelles répercussions sur l’économie et le chômage qu’aura le retrait de quelques dizaines de milliards d’euros de la circulation réelle, au profit des banques, c’est-à-dire de la spéculation financière. Et il est à peu près certain que ça sera en pure perte.
L’État a totalement capitulé depuis trente ans devant le capital et son idéologie, le libéralisme. Ceux-là mêmes qui déshonorent le socialisme en arborant son nom, et qui devraient être porteurs, si ce n’est de liberté, du moins d’un point de vue collectif incarné par l’État, se font les serviteurs dociles du capital. Ils sont tout bonnement incapables de sortir de la vision libérale du monde. Un exemple: un grand patron du luxe trouve d’excellentes raisons de devenir Belge. En adoptant le point de vue d’un gouvernement réformiste, devons-nous pleurnicher ? Bien sûr que non. Juste tout lui prendre, jusqu’au dernier bouton de culotte, pour lui apprendre à déserter l’effort commun. Qu’Arnault s’en aille, mais qu’il s’en aille en slip !
Faute donc d’avoir trouvé le levier de la trappe aux riches, nos soi-disant socialistes sont condamnés à courir derrière le cul des banques avec un grand balai pour ramasser ce qui voudra bien en tomber, à chercher l’argent dans les poches des pauvres, où il n’est pas, et à entériner les suppressions d’emplois qui se succèdent.
Quant à nous, nous nous garderons bien d’arbitrer les querelles de ce couple infernal, l’État et le capital, même si l’un des deux a pris sur l’autre un ascendant pathologique. Nous nous tenons, comme toujours, dans le camp des opprimés, des exploités, des dominés. Nous défendons toujours l’idée d’un service au public non étatique, autogéré par les personnels et les usagers. Nous proposons l’expropriation par les travailleurs des moyens de production et la gestion directe des entreprises et des infrastructures. Les réformistes ont capitulé, et face au monstre ne restent que l’anarchie et la révolution.

[Poitiers] La droite « décomplexée »

En visite hier à Poitiers, François Fillon (en campagne pour la présidence de l’UMP) a affirmé, selon des propos rapportés par la Nouvelle République de ce 21 septembre 2012 :

« Je veux aller chercher les électeurs qui ont voté pour le Front national et ceux qui ont voté pour François Hollande, les modérés, les électeurs du centre. »

Ce n’est pas nouveau. La répression à l’égard des étrangers mise en oeuvre sous le gouvernement dudit Fillon démontre qu’il n’a pas attendu d’être en campagne pour la présidence de l’UMP… pour mettre en oeuvre les thèses du front national, « normalisant » ainsi un discours xénophobe abject, sous un pauvre vernis républicain.

A la fin de l’article, voici ainsi ce que nous rapporte le journal : les militants sont « à présent décomplexés« , « l’un d’eux allant jusqu’à s’inquiéter de voir des minarets remplacer « nos clochers » « .

Dans la ville aux cent clochers, la seule mosquée à minaret a déjà plusieurs fois été l’objet de tags racistes ; mais selon ce militant UMP elle serait déjà de trop… monsieur Fillon, vous avez fait un beau travail pour « décomplexer » vos électeurs ces dernières années.

L’article conclut de façon ambiguë : « Le rassembleur sait l’ampleur de la tâche qui l’attend à la tête du parti. »

Pour le débarrasser du racisme qui s’y exprime ? Vu le bilan de Fillon, premier ministre d’un gouvernement dont l’une des marques de fabrique fut la persécution des étrangers, on peut en douter. La « tâche qui l’attend » nous fait plutôt froid dans le dos. Et on ne comptera pas sur le PS, qui prend le relais de la droite pour maintenir la cadence infernale des reconduites à la frontière et expulser des camps de Roms.

Dans le contexte de « crise », c’est-à-dire d’attaque structurelle et massive de la classe capitaliste contre le prolétariat mondial, l’arme de la diversion et de la division xénophobe et raciste est partout à l’oeuvre, rappelant d’autres époques de sinistre mémoire. Bénéficiant de la décomposition des organisations syndicales et révolutionnaires, ainsi que de la confusion généralisée des idées, le racisme revient en force, partout en Europe. Les lamentables débats promus par les médias, autour du concept fumeux de « choc des civilisations », participent à l’entreprise de sape de la solidarité de classe contre les dominants et les exploiteurs communs.

Combattons le racisme partout, qu’il se pare de « produisons français » ou de « laïcité » sélective. Ce ne sont pas les discours économiques chauvins, de la gauche stalinienne relookée Mélenchon à la droite « décomplexée », qui feront avancer cette solidarité. A nous d’inverser la tendance, en participant à construire la solidarité et l’autonomie de tou-te-s les exploité-e-s.

Pavillon Noir, 21 septembre 2012

Une étude secrète révèle l’horreur OGM

Oui, les OGM sont des poisons !

Des chercheurs français ont étudié secrètement, pendant deux ans, 200 rats nourris au maïs transgénique. Tumeurs, pathologies lourdes… une hécatombe. Et une bombe pour l’industrie OGM.

C’est une véritable bombe que lance, ce 19 septembre à 15 heures, la très sérieuse revue américaine « Food and Chemical Toxicology » – une référence en matière de toxicologie alimentaire – en publiant les résultats de l’expérimentation menée par l’équipe du français Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen. Une bombe à fragmentation : scientifique, sanitaire, politique et industrielle. Elle pulvérise en effet une vérité officielle : l’innocuité du maïs génétiquement modifié.

Lourdement toxique et souvent mortel

Même à faible dose, l’OGM étudié se révèle lourdement toxique et souvent mortel pour des rats. A tel point que, s’il s’agissait d’un médicament, il devrait être suspendu séance tenante dans l’attente de nouvelles investigations. Car c’est ce même OGM que l’on retrouve dans nos assiettes, à travers la viande, les œufs ou le lait.

En 2006, c’est comme un véritable thriller que commence cette recherche, dont le maître d’œuvre, Gilles-Eric Séralini, divulgue lui-même les conclusions dans un ouvrage à paraître la semaine prochaine (« Tous cobayes ! », Flammarion, en librairie le 26 septembre).

Nom de code In Vivo

Jusqu’en 2011, les chercheurs ont travaillé dans des conditions de quasi-clandestinité. Ils ont crypté leurs courriels comme au Pentagone, se sont interdit toute discussion téléphonique et ont même lancé une étude leurre tant ils craignaient un coup de Jarnac des multinationales de la semence.

Le récit de l’opération – nom de code In Vivo – évoque la très difficile récupération de semences de maïs OGM NK 603, propriété brevetée de Monsanto, par le truchement d’un lycée agricole canadien. Puis la récolte et le rapatriement des « gros sacs de jute » sur le port du Havre fin 2007, avant la fabrication de croquettes dans le secret le plus total et la sélection de deux cents rats de laboratoires dits « Sprague Dawley ». Bilan ? Glaçant : « Après moins d’un an de menus différenciés au maïs OGM, confie le professeur Séralini, c’était une hécatombe parmi nos rats, dont je n’avais pas imaginé l’ampleur ».

Vidéo Dans l’Obs : Oui, les OGM sont des poisons par LeNouvelObservateur

Pathologies lourdes, tumeurs mammaires

Tous les groupes de rats, qu’ils soient nourris avec le maïs OGM traité ou non au Roundup, l’herbicide de Monsanto, ou encore alimentés avec une eau contenant de faibles doses d’herbicide présent dans les champs OGM, sont frappés par une multitude de pathologies lourdes au 13e mois de l’expérience. Chez les femelles, cela se manifeste par des explosions en chaine de tumeurs mammaires qui atteignent parfois jusqu’à 25% de leur poids. Chez les mâles, ce sont les organes dépurateurs, le foie et les reins, qui sont atteints d’anomalies marquées ou sévères. Avec une fréquence deux à cinq fois plus importante que pour les rongeurs nourris au maïs sans OGM.

Comparaison implacable : les rats OGM déclenchent donc de deux à trois fois plus de tumeurs que les rats non OGM quel que soit leur sexe. Au début du 24° mois, c’est-à-dire à la fin de leur vie, de 50% à 80% des femelles OGM sont touchées contre seulement 30% chez les non-OGM.

Surtout, les tumeurs surviennent nettement plus vite chez les rats OGM : vingt mois plus tôt chez les mâles, trois mois plus tôt chez les femelles. Pour un animal qui bénéficie de deux ans d’espérance de vie, l’écart est considérable. A titre de comparaison, un an pour un rongeur, c’est à peu près l’équivalent d’une quarantaine d’années pour un homme…

Exiger des comptes

C’est forte de ces conclusions que Corinne Lepage, dans un livre qui paraît vendredi 21 septembre (« La vérité sur les OGM, c’est notre affaire », Editions Charles Léopold Mayer), entend bien exiger des comptes auprès des politiques et des experts, français et européens, des agences sanitaires et de la Commission de Bruxelles, qui se sont si longtemps opposés et par tous les moyens au principe d’une étude de longue durée sur l’impact physiologique des OGM.

Cette bataille, l’ex-ministre de l’Ecologie et première vice-présidente de la commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire à Strasbourg, la mène depuis quinze ans au sein du Criigen (Comité de Recherche et d’Information indépendantes sur le Génie génétique) avec Joël Spiroux et Gilles-Eric Séralini. Une simple association 1901 qui a pourtant été capable de réunir de bout en bout les fonds de cette recherche (3,2 millions d’euros) que ni l’Inra, ni le CNRS, ni aucun organisme public n’avaient jugé judicieux d’entreprendre.

Une étude financée par Auchan et Carrefour

Comment ? Autre surprise : en sollicitant la Fondation suisse Charles Léopold Mayer. Mais aussi les patrons de la grande distribution (Carrefour, Auchan..), qui se sont réunis pour l’occasion en association. Depuis la vache folle, ces derniers veulent en effet se prémunir de tout nouveau scandale alimentaire. A tel point que c’est Gérard Mulliez, fondateur du groupe Auchan, qui a débloqué les premiers financements.

L’étude du professeur Séralini laisse donc présager une nouvelle guerre meurtrière entre pro et anti-OGM. Les agences sanitaires exigeront-elles de toute urgence des études analogues pour vérifier les conclusions des scientifiques français ? Ce serait bien le moins. Monsanto, la plus grande firme mondiale de semences transgéniques, laissera-t-elle faire ? Peu probable : sa survie serait en jeu. Pour une seule plante OGM, il y a une centaine de variétés. Ce qui impliquerait au moins une dizaine d’études de 100 à 150 millions d’euros chacune !

Le temps de la vérité

Sauf que, dans cette nouvelle confrontation, le débat ne pourra plus s’enliser comme par le passé. Dés le 26 septembre, chacun pourra voir au cinéma le film choc de Jean-Paul Jaud, « Tous Cobayes ? », adapté du livre de Gilles-Eric Séralini, et les terribles images des rats étouffant dans leurs tumeurs. Des images qui vont faire le tour de la planète et d’internet, puisqu’elles seront diffusées sur Canal+ (au « Grand Journal » du 19 septembre) et sur France 5 (le 16 octobre dans un documentaire). Pour les OGM, l’ère du doute s’achève. Le temps de la vérité commence.

Nouvel Obs, 19 septembre 2012

Contrôles d’identité : Manuel Valls enterre le projet du récépissé

Contrôles d’identité : Manuel Valls enterre le projet du récépissé

La mesure faisait partie des « engagements pour la France » du candidat François Hollande : un récépissé délivré à chaque contrôle d’identité effectué par la police. Manuel Valls annonce mercredi matin dans la presse qu’il renonce à mettre en place cette mesure sur laquelle il se dit « sceptique » depuis le début. En réponse, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, charge son ministre de l’Intérieur de lui remettre un rapport sur les contrôles d’identité.

L’annonce,  dans les colonnes de Libération ce mercredi, n’est pas formelle mais elle est  sans équivoque : l’idée de récépissé pour les contrôles d’identité est bel et  bien enterrée par le ministre de l’Intérieur. « Ce n’est pas une nouvelle, j’ai  toujours été sceptique sur le sujet« , déclare Manuel Valls, peu enclin  dès le début à soutenir un dispositif pourtant imaginé pour lutter contre le  délit de faciès.

Il  faut dire que la mesure avait aussi soulevé la méfiance de la Commission  nationale informatique et liberté (CNIL), qui craignait la création d’un  nouveau fichier de données privées sur la population. Manuel Valls, de son côté,  avait déjà annoncé réfléchir à d’autres dispositions, comme le retour des  matricules sur les uniformes d’agents de police, et avait déjà intimé à ses  troupes de bannir les tutoiements abusifs.

Une  promesse de campagne

La  réaction de Matignon a été immédiate : Jean-Marc Ayrault a annoncé mercredi  matin, sur RTL, qu’il chargeait Manuel Valls de lui remettre un rapport sur les  contrôles d’identité pour « recréer de la confiance, éviter tout dérapage,(…)j’attends ses propositions et ensuite je prendrai ma décision » a précisé le Premier ministre.

Il y a trois semaines, le Premier ministre avait déjà évoqué la mise en place du récépissé, rappelant qu’il s’agissait de la 30e promesse de campagne de François Hollande. Manuel Valls, lui, devrait revenir sur le sujet lors d’un discours programmé mercredi, et qui doit présenter, devant les responsables policiers et militaires, ses orientations en matière de sécurité.

Le  principe du récépissé a émergé après une étude réalisée au début de l’année  par Human Rights Watch, qui pointait la France  du doigt à propos de ses contrôles de police : selon une enquête menée en 2009  dans plusieurs endroits parisiens, « un Noir ou un Arabe ont  respectivement 6 et 7,8 fois plus de chance d’être contrôlés qu’un  Blanc ».

Site France Info, 19 septembre 2012