[Chambon – 37] Hourra pour Lara

NdPN : une femme se bagarrait contre l’implantation d’une antenne relais défectueuse Orange chez elle. Pas facile, surtout quand des tas de voisin-e-s des communes voisines râlent parce qu’il n’y a pas de réseau ! Le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours, saisi par Orange qui souhaitait réparer le relais, a finalement donné raison à Lara Vilatte, considérant qu’Orange occupe illégalement son terrain.

Orange doit démonter son relais de téléphonie

Privés de portable depuis quatre mois, la situation des habitants de quatre communes ne devrait pas s’améliorer, Orange vient de perdre son procès.

Depuis la mi-mars, des centaines d’abonnés d’Orange de plusieurs communes d’Indre-et-Loire et de quatre de la Vienne, Lésigny, Leugny, Mairé et Saint-Rémy-sur-Creuse, sont privées de portable (lire notre édition du 3 juillet).

Des maires proposent des terrains gratuits

En conflit avec le propriétaire du terrain où est implanté son relais haut d’une trentaine de mètres, Orange avait saisi la justice, en l’occurrence le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours. Ce dernier vient finalement de donner raison au particulier. A l’origine du litige, il y a donc ce relais de téléphonie mobile défectueux implanté au début des années 2000 dans une parcelle des vergers de la Garenne, à Chambon (Indre-et-Loire). Or, la propriétaire, Lara Vilatte, refuse de laisser entrer les techniciens des télécoms pour procéder à la réparation. Pour elle, aucun document signé de sa main ne l’y oblige. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours vient de lui donner raison. Au point que, selon la décision rendue, Orange occupe illégalement son terrain. Le juge a donné six mois à l’opérateur pour démonter son relais. Mais Orange a indiqué vouloir faire appel. Cette situation agace prodigieusement les habitants desservis par ce relais de téléphonie mobile. Ils sollicitent régulièrement leurs élus pour trouver une solution de rechange. Des maires proposent de mettre à disposition d’Orange des terrains communaux pour permettre l’érection d’un nouveau pylône sans attendre le règlement judiciaire du conflit actuel.

Nouvelle République, 17 août 2013

Le NPA dans l’impasse électorale

Le NPA, parti issu de la LCR qui nous avait pourtant habitué-e-s à mieux dans sa critique (certes relative) du parlementarisme bourgeois, s’enfonce dans l’impasse électoraliste. Avec une nouvelle campagne de souscription « anticapitaliste » pour lever « un million d’euros »… afin de présenter des candidat-e-s. L’affiche vaut le détour, une perle :

Extrait du Monde (13/08/2013) :

Visant « un peu plus de 1 million d’euros », le NPA « lance un appel au peuple de gauche », pour que « la voix anticapitaliste se fasse entendre« . « On a besoin d’argent, ne serait-ce que pour se présenter aux municipales et aux européennes, un gros combat à mener« , a fait valoir M. Poutou.

Extrait de Libération (13/08/2013) :

Ce mardi matin sur France 2, Philippe Poutou, leader du parti depuis qu’Olivier Besancenot a décidé de se faire plus discret sur le plan médiatique, affirmait : «On n’a plus de financement public suite à nos petits scores électoraux aux législatives de l’année dernière. (…) On lance un appel à la population, aux salariés, au peuple de gauche qui pensent que la voix anticapitaliste doit se faire entendre

Vu sur le site du NPA :

Les dons ouvrent droit à une réduction d’impôts égale à 66% de leur montant dans la limite de 20 % du revenu imposable. Tous les dons effectués avant le 31 décembre 2013 seront déductibles des impôts pour l’année 2014.

Si le NPA en appelle à la « mobilisation », ce n’est qu’en vue d’un débouché électoral et d’une politique d’Etat (eux disent : [des] « perspectives crédibles de la gauche politique et syndicale« ). Vieille illusion mortelle du mouvement ouvrier, ne servant qu’à graisser les rouages du parti, cette machine à fric et à pouvoir écrasant toujours ses propres servants.

Il est impossible de stopper cet engrenage du pire sans une puissante  mobilisation des travailleurs, de la population et de la jeunesse, qui  imposera des mesures d’urgence, remettrera [sic] en cause la propriété  capitaliste et la course au profit. Il n’y a pas d’issue hors d’une  politique anticapitaliste.

Comme quoi le terme « anticapitalisme » recouvre aujourd’hui des acceptions bien différentes, pour ne pas dire divergentes. Pour notre part, en-dehors du fait que nous connaissons la sincérité et l’engagement de nombreux-euses militant-e-s du NPA, nous constatons une fois de plus qu’il n’y a rien à attendre des organisations partidaires électoralistes, de leurs course à l’échalote pour la gestion de la dépossession – qu’elle soit économique ou politique. NPA pour « N’est Pas Anarchiste » ? L’anticapitalisme ne consiste pas qu’à dénoncer la « troïka », le « chômage » ou « l’austérité », ou encore la « propriété privée », mais à s’organiser pour combattre pied à pied toutes les exploitations, toutes les aliénations, toutes les privations, toutes les dominations, fussent-elles d’Etat. Avec des moyens adéquats aux fins émancipatrices. On ne combat pas les rapports de production capitalistes en défendant ni en aménageant le salariat. On ne combat pas la dictature de l’argent avec la course au million d’euros. On ne combat pas l’aliénation représentative avec des campagnes électorales. Et comme on ne combat pas non plus le capitalisme avec internet, rencontrons-nous et organisons-nous concrètement – loin des prestidigitateurs de tout poil.

Pavillon Noir, 15 août 2013

La NR fait un papier sur Victor Barrucand

NdPN : incroyable mais vrai : la NR fait un papier sur le célèbre libertaire poitevin ! Certes, il a cessé d’être actif depuis longtemps – il est mort il y a 80 ans.

Il s’agit de Victor Barrucand.

Pour plus d’infos sur le personnage, voir aussi l’article sur le site des éphémérides anarchistes. Et surtout l’excellent site de Celine Keller, avec de nombreuses rubriques détaillant l’engagement et la créativité de Barrucand.

Victor Barrucand, voyageur libertaire

Il est né un 7 octobre 1864, au numéro 27 de la rue des Cordeliers, au cœur d’un Poitiers bourgeois et commerçant. Ses parents tiennent une boutique de chaussures, toute proche, rue Gambetta. Toute sa vie, Victor Barrucand n’aura de cesse de s’en éloigner tout en conservant pour sa ville natale une belle tendresse. « Beau pays d’où partait mon désir d’univers… » écrit-il en 1909 dans un poème. A la fin du XIXe siècle, il est à Paris, où comme beaucoup de jeunes gens épris d’idéal, il fait des vers… Son idéal à lui, c’est aussi l’anarchie. Ce Victor, outre de la poésie, fait de la politique et modélise même, en 1896, la théorie du « pain gratuit ». Il défend de nombreuses causes, indigné par le sort qui est fait au capitaine Dreyfus…

La musique et l’Algérie

Quelques années plus tard, toujours en quête d’ailleurs, le Poitevin quitte la France. Direction l’Algérie où il devient rédacteur en chef du quotidien « Les Nouvelles ». Il rachète aussi « L’Akhbar », premier journal bilingue du pays, qu’il dirigera jusqu’à sa mort, en 1934. De ce côté-ci de la Méditerranée, Barrucand se mue en « indigénophile » et défend l’extension des droits politiques des musulmans. Curieux de tout, il se fait aussi découvreur de talents. Il s’attache les services d’une certaine Isabelle Eberhardt, dont la vie, les reportages et les nouvelles feront le tour du monde. Dans les années 1920, Victor Barrucand est un homme installé et respecté pour ses qualités de chroniqueur littéraire et musical. Soixante-dix ans après sa mort, notre homme connaît un regain d’intérêt. L’un de ses romans, « Avec le Feu », critique au vitriol de la Belle Epoque, a été réédité récemment par les éditions Phébus.

Jean-Michel Gouin, Nouvelle République, 14 août 2013

Pas demain, aujourd’hui ! – Les exigences d’un Albert Libertad

Pas demain, aujourd’hui ! – Les exigences d’un Albert Libertad

Pourquoi l’anarchiste Albert Libertad a-t-il toujours été traîné dans la boue, de son vivant comme par la suite ; pourquoi a-t-il attiré autant de haine et de mépris, y compris de la part de libertaires et d’autres révolutionnaires ? Pourquoi tant d’historiens du mouvement anarchiste ont-ils tenté de le virer de leurs récits, de le réduire à un agitateur pittoresque, voire à un provocateur, ne comprenant pas trop de quoi il parlait ? Les réponses à ces questions sont à la portée de quiconque veut prendre la peine de se plonger un peu dans sa vie, ses activités et ses écrits.

Libertad était de ces anarchistes qui n’économisaient pas leurs flèches. Il ne visait pas seulement les maîtres, mais pointait aussi la résignation des esclaves, la soumission du prolétariat, et les faux critiques qui prêchent la Révolution de demain en échange de l’attente et de l’acceptation de la misère d’aujourd’hui. Il était un caillou dans les chaussures des juges et des riches, contre lesquels il fulminait sans merci, mais aussi des foules qui ont une fâcheuse tendance à toujours suivre. Tirer sur les bergers ne l’empêchait pas de jeter à la face du troupeau la responsabilité de l’existence moutonnière.

Rien d’étonnant à ce que ce miteux vagabond de Libertad, arrivé à Paris sur ses béquilles, se fasse vite une réputation de chamailleur et de bagarreur, dont les mots étaient aussi craints que les cannes. Il saisissait chaque occasion pour affirmer ce qu’il avait à dire : au milieu d’une messe à la cathédrale, lors d’une réunion des socialistes, chez le boulanger, face à son propriétaire, dans la rue.

Mais ne nous précipitons pas à travers sa vie, et prenons plutôt le temps d’une rencontre avec notre Libertad, par-delà les frontières du temps et de l’espace. Ne fût-ce que parce qu’il est des fils parcourant l’histoire qui nous donnent le sentiment de nous y reconnaître, qui renouent avec le passé, avec lesquels on peut dialoguer et, comme c’est sans aucun doute le cas avec Libertad, qui peuvent encore donner un beau coup de pied dans ce qui s’est encroûté ou pétrifié.

« Je ne veux pas échanger une partie d’aujourd’hui pour une partie fictive de demain, je ne veux rien lâcher du présent pour le vent du futur. »

La résignation va presque toujours de pair avec une sorte de promesse d’avenir. Demain ça ira mieux, demain quelque chose changera, demain sera différent. Entre temps, la machine continue de tourner, dévore la vie, et demain reste toujours demain. Chaque compromis au quotidien, chaque petite concession, chaque suicide partiel broie, comme le décrit Libertad, une partie de notre confiance en nous, de notre individualité, de notre volonté de vivre en cohérence avec nos idées. Libertad réduit en miettes tous ceux qui s’emploient à inventer des raisons pour justifier le sursis de la vie ; et il s’acharne plus durement encore contre ceux qui enrobent leur retraite de phrases révolutionnaires.

Le défi qu’il lance à la vie, son exigence, c’est celle de l’immédiat, du tout ici et maintenant. Et pas juste à propos de quelques aspects de la vie, mais bien de chaque expérience, de chaque sentiment, de toute joie et plaisir. Il ne s’agit pas de subsister en attendant le règne de l’abondance, mais de manger, ici et maintenant, manger ce qu’il y a de meilleur. Il ne s’agit pas de s’entasser dans un taudis, mais d’habiter dans une maison, et dans la plus belle qui soit. Il ne s’agit pas de refréner ses désirs sexuels et de les limiter au mariage ou à un seul partenaire pour toujours, mais d’engager, quitte à ce qu’elles se rompent, des relations amoureuses de réciprocité, non pas pour assouvir quelque besoin naturel, mais pour jouir abondamment de tout baiser, de toute caresse, de toute câlinerie.

Irréaliste ! Utopique ! Rêverie ! crie le troupeau en chœur. Certes. Exagérés, excessifs, exigeants, passionnels, voilà les désirs de Libertad. De là part sa révolte. Il ne se satisfait d’aucun placebo – quand la société d’aujourd’hui repose sur leur distribution –, et se confronte ainsi directement aux murs des institutions, aux chaînes de l’exploitation, à la résignation de ses semblables, aux habitudes et aux traditions. L’exigence de l’immédiat fait de chaque aspect de la vie un champ de bataille où il faut en découdre ; où seule la révolte permet d’ouvrir une brèche. Et qu’apporte une telle révolte, demanderont de manière accusatoire les réalistes ? « La joie du résultat est déjà dans la joie de l’effort. Celui qui fait les premiers pas dans un sens qu’il a toute raison de croire bon, arrive déjà au but, c’est-à-dire qu’il a la récompense immédiate de ce labeur. » Le but de la révolte n’est pas séparé des moyens qu’elle se donne, ils sont étroitement imbriqués.

Alors, quoi de surprenant à ce que la révolte de Libertad se serve de toutes les armes et jette par-dessus bord tout légalisme ? Quoi d’étonnant si ceux qui veulent manger ici et maintenant à leur goût, l’arrachent au commerçant qui en a fait une marchandise ? De même, la diffusion du journal l’anarchie, dont Libertad était une des forces motrices, allait de pair avec la diffusion de différents illégalismes (du vol à l’escroquerie en passant par le faux-monnayage) chez les anarchistes ; tandis que s’opérait d’autre part un rapprochement entre la canaille dont grouillait Paris et des cercles anarchistes. Après la mort de Libertad, ce sont de cercles autour de l’anarchie que surgiront « les illégalistes », qui se consacreront à aller piller, les armes à la main, les coffres-forts des banques.

« Qu’importent les gestes mauvais, les gestes inutiles, les gestes empoisonneurs ? Il faut vivre. Or travailler, c’est empoisonner, piller, voler, mentir aux autres hommes. Travailler, c’est mélanger de la fuscine aux boissons, fabriquer des canons, abattre et débiter en tranches de la viande empoisonnée. Travailler, c’est cela pour la viande veule qui nous entoure, cette viande qu’il faudrait abattre et pousser à l’égout. »

Combien de révolutionnaires n’ont-ils pas opposé à l’exploitation une exaltation du travail, dessinant un avenir qui ressemblait plutôt à un grand camp de travail volontaire ? Pas surprenant alors que le mouvement ouvrier -socialistes et syndicalistes inclus- en soit généralement resté à une remise en cause partielle de l’économie, à une critique de ses formes (les conditions de travail, le rapport entre travail et capital) plutôt que de son essence même. La critique du capitalisme doit s’accompagner de celle du travail, si elle veut toucher les fondations de cette société. Libertad ne fustige pas uniquement la propriété, mais aussi le travail en tant qu’activité nocive, non seulement pour soi, sa santé et son esprit, mais aussi pour les autres et l’environnement. Or de nos jours, sans doute encore plus qu’hier, l’économie produit surtout des objets inutiles et toxiques (des appareils cancérigènes à la nourriture industrielle,…).

Evidemment, le refus du travail ne signifie pas le refus de toute activité, comme ont essayé de nous le faire croire les marxistes et leurs cousins pendant plus de 150 ans. Ce refus signifie par contre le choix de l’activité qui a du sens, de l’activité qui satisfait, aussi bien nos besoins matériels que nos passions et désirs les plus fous. Voilà pourquoi Libertad parle tellement de joie et de plaisir. Face aux funèbres sirènes de l’usine, il joue la mélodie de la vie.

« Ce n’est pas avec la quantité de la foule qu’on fait un mouvement, c’est avec sa qualité. Et si c’est presque impossible d’avoir cette qualité de la foule, disons que ce sera avec la qualité de ceux qui jetteront les foules sur les voies de la révolte. »

Libertad ne s’est jamais efforcé de séduire ou de charmer les masses. Au contraire, il maniait le fouet pour fustiger leur résignation, leur collaboration avec la domination. On ne trouvera chez Libertad pas un mot en faveur de ce qui est ou veut faire « masse » : du « peuple » au « prolétariat », des partis aux syndicats. Il fulmine contre les foules qui vont à la caserne pour accomplir le service militaire, qui se traînent vers les usines pour aller se crever au travail, qui sont prêtes à lyncher quiconque offense leur morale (à base de monogamie, d’honneur, de patrie et de religion). Mais il ne voulait rien avoir à faire non plus avec les tours d’ivoire, ce mépris bourgeois pour la plèbe qui n’est pas alimenté par l’orgueil individuel, mais par le dégoût. Il savait saisir chaque occasion pour discuter et aussi éliminer les obstacles qui parsèment le chemin vers le libre développement de l’individualité. Quant à ceux qui n’en voulaient rien savoir, ils ont tâté de ses béquilles.

Le parcours de sa vie est traversé par le fil du quantitatif et du qualitatif. Loin de pousser des cris d’allégresse quand des milliers de gens descendent dans la rue, il dirige immédiatement son regard vers le contenu de cette protestation, vers les moyens dont elle ose se doter, au-delà de la légalité, vers les obstacles qu’une révolte arrive à détruire d’emblée. A plusieurs reprises, il suggérera qu’une œuvre de chirurgien est indispensable, affirmant en même temps la force « purificatrice » du feu anonyme qui consume les usines et les institutions. Selon Libertad, il ne faut pas chercher la qualité chez la masse amorphe, elle suivra toujours les bergers de service. La diffusion d’idées anarchistes ne sert pas à entraîner les gens dans un éternel combat pour quelque Paradis, mais doit les encourager à vivre ici et maintenant en hommes libres, débarrassés de tout préjugé moral et religieux. Libertad tenait beaucoup à cette diffusion, à cette propagande comme on l’appelait à l’époque. Il avait presque toujours des brochures et des journaux anarchistes dans sa poche ; il organisa inlassablement avec d’autres compagnons les fameuses Causeries Populaires, des soirées où étaient discutés tous les thèmes imaginables. Ces causeries avaient lieu toutes les semaine en divers endroits, dans les faubourgs de Paris comme dans d’autres villes, et connaissaient un grand succès. Elles attiraient tant de personnes et étaient si passionnées qu’elles se terminaient souvent en bagarre – contre les flics… ou entre soi.

« Pour entretenir le culte des morts, la somme d’efforts, la somme de matière que dépense l’humanité est inconcevable. Si l’on employait toutes ces forces à recevoir les enfants, on en préserverait de la maladie et de la mort des milliers et des milliers. Si cet imbécile respect des morts disparaissait pour faire place au respect des vivants, on augmenterait la vie humaine de bonheur et de santé dans des proportions inimaginables. »

Libertad n’était pas le premier à le dire, ni le dernier : cette société aime la mort et refoule la vie. Partout, ses habitudes et ses coutumes, son travail et ses structures, sa morale et ses valeurs sèment la mort, empoisonnent et écrasent. Et quand la mort n’est pas au rendez-vous, la vie elle-même est dénuée de sa plénitude, de sa multiplicité infinie d’expériences et de sentiments, pour se voir réduite à une espèce d’ersatz qui suffit pour tenir le coup, qui nous fait survivre. Et tandis qu’on rend hommage aux morts, tout en méprisant les vivants, on se suicide à petit feu, et jour après jour nous détruisons une partie de nous-mêmes.

Le misérabilisme régnant dans les cercles révolutionnaires est une vraie plaie. Non seulement l’attitude qui consiste à attendre tel ou tel moment conduit souvent à l’abandon et à la dépression, mais elle nous bouffe aussi peu à peu la vie. En attendant des temps meilleurs, on se contente de nourriture insipide, de logements insalubres, on se perd en petits compromis avec des propriétaires, des fonctionnaires, des patrons. Et au fur et à mesure, ces petits compromis en deviennent des grands, une espèce d’attitude face à la vie. On s’efforce de se convaincre que les « années folles de notre jeunesse » étaient une rébellion sans contenu ; on s’adapte ; la pression du milieu est trop grande et la révolte paraît trop exigeante. Les désirs indomptables, la joie de la révolte laisse la place à la logique de gains et de pertes, de résultats et de rapports de force réalistes, de calculs. Les idées se transforment en politique ; les désirs deviennent des analyses et, pas à pas, on oublie que la joie est dans l’agir même, dans le fait même de parcourir notre propre chemin. Que la subversion commence dans nos propres vies, en ce moment même – et qu’aucun mirage, pas plus qu’un quelconque réalisme, ne nous fera renoncer à la joie que nous procure notre œuvre destructive.

Libertad aspire sans trêve à la vie pleine, il refuse toute séparation entre ses différents aspects. Sa révolte est indivisible, ne supporte pas d’ajournement et s’exprime à tous les moments – opportuns ou pas, souhaités ou pas, petits ou grands. Pour lui, pas de fossé entre les grandes batailles et les petits combats, il entremêle tout à tort et à travers, parce que partout c’est son individualité, c’est lui qui est en jeu et se met en jeu.

[Traduit du néerlandais. Paru comme introduction dans Albert Libertad, Niet morgen, vandaag !, Tumult Editions, Bruxelles, avril 2011.]

Des textes de Libertad.

Vu sur Non Fides, 8 août 2013

[DAL 86] Nouveau squat sur la Communauté d’Agglomération de Poitiers

Nouveau squat sur la Communauté d’Agglomération de Poitiers

Plusieurs familles soit 25 personnes dont 17 enfants de 5 jours à 16 ans habitent depuis le 25 juillet dans une maison dans laquelle, étant en état de nécessité, elles sont entrées par la porte ouverte.

Cette maison en bon état général, appartient à France Domaine, un service à compétence nationale du  Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique qui a été créé le 1er janvier 2007 et qui a pour mission d’évaluer, d’acheter, de vendre, de prendre à bail ou de concéder l’usage des biens immobiliers, appartenant au domaine public ou privé des personnes publiques et dont celles-ci ont décidé la cession.

Donc cette maison appartient à l’Etat. Ce qui aura l’avantage de faciliter sa réquisition par le préfet : « Sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire, le représentant de l’Etat dans le département peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximum d’un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d’habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés, en vue de les attribuer aux personnes mentionnées à l’article L. 641-2. » (Article L641-1 du Code de la construction)

Nous pourrions même suggérer au Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique de mettre à disposition de la préfecture – c’est-à-dire à l’Etat de mettre à sa PROPRE disposition – cette maison pour loger ces 25 personnes.

D’autant plus que ces familles ont été virées comme des malpropres de leur modeste campement de Chasseneuil-du-Poitou par une ordonnance sur requête du propriétaire du terrain la SAS QUARTZ PROPERTIES dont le siège social se trouve 7 rue de l’Amiral d’Estaing, 75116 Paris, rendue le 2 juillet dernier par Mme Gracieuse Lacoste, présidente du Tribunal de grande instance de Poitiers et tamponnée du TGI le… DIMANCHE 21 juillet. Rappelons qu’une ordonnance sur requête est une décision de justice expéditive rendue unilatéralement, c’est-à-dire qu’elle concerne uniquement le demandeur. « L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » (article 493 du nouveau Code de procédure civile). En l’espèce, elle repose sur une confusion certainement volontaire entre « gens du voyage » et « Roms » et elle a été motivée parce que « les personnes rencontrées sur place par l’huissier ont refusé de décliner leur identité ». Ce qui est un gros mensonge de l’huissier réitéré lorsqu’il est venu notifier les familles le 22 juillet sans l’ordonnance… et a dit qu’il revenait le lendemain avec. Il n’est revenu que le surlendemain ne faisant signer personne prétextant encore que personne n’a voulu décliner son identité.

Ces manigances sont extrêmement dommageables pour les familles et leurs enfants. Car, en cas d’expulsion d’un campement, le préfet a le devoir d’appliquer la circulaire interministérielle du 28 août 2012, signée par 7 ministres (dont le ministre de l’Intérieur), qui demande expressément aux préfets en préalable à toute évacuation « l’établissement d’un diagnostic et la recherche de solutions d’accompagnement dans les différents domaines concourant à l’insertion des personnes (scolarisation, santé emploi, logement/mise à l’abri). » Le moins que l’on puisse dire c’est que l’Etat ne s’embarrasse pas de respecter les lois qu’il s’impose à lui-mêmes. Pour ce campement, rien n’a été fait de ce qui est préconisé par la circulaire, ni la mobilisation des services de l’Etat et des acteurs locaux concernés dès l’installation du campement, ni l’établissement d’un diagnostic, ni la mise en place d’un accompagnement.

Il est donc hors de question que la police viennent expulser manu militari ce nouveau squat. D’abord parce que ce serait une violation de domicile. En effet, “la demeure est inviolable dès lors que l’occupant peut se dire chez lui “quel que soit le titre juridique de son occupation” Cass. crim. 13 oct. 1982, préc. confirmé par Cass. crim. 23 mai 1995, préc.). Ainsi […] la protection est reconnue à l’occupant sans titre ne pouvant arguer d’une quelconque autorisation, dès qu’il habite les lieux depuis un certain temps. Ainsi, les squatteurs vivants depuis plusieurs semaines dans les lieux sont dans leur domicile dont ils ne peuvent être expulsés par la force publique qu’en vertu d’une décision judiciaire exécutoire (Cass. crim. 22 janv. 1957, Bull. crim., n°68). Il est difficile de fixer une durée minimale en deçà de laquelle l’éviction des intéressés pourrait être réalisée sans décision de justice ; les services de police devraient se montrer prudents au delà de 48 heures (V. Chapus et Chemin, Centre. doc. et inf. pol. nat. Bull. n°13, janv. 1982)”. Carole Frazier, Violation de domicile, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz , mars 2001.

Y pénétrer constituerait une véritable VIOLATION de DOMICILE

Pour la police au sens de l’article 432-8 du Code pénal

  • Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende. [souligné par nous]

Pour le propriétaire au sens de l’article 226-4 du Code pénal

  • Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

D’autre part, contrairement çà ce qui s’est passé pour le précédent campement, le préfet doit impérativement appliquer la circulaire interministérielle du 28 août 2012 : mobiliser les services de l’Etat et les acteurs locaux concernés dès l’installation du campement, établir un diagnostic global (pour prendre en compte l’ensemble des problématiques : situation administrative, état de santé, logement, emploi, scolarisation,…) et individualisé (afin de prendre en compte les spécificités de chacune des familles et de leur projet) de la situation de chacune des familles ou personnes isolées, mettre en place d’un accompagnement, notamment en matière de prise en charge scolaire et de parcours de soins.

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56 Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h et tous les mardis soirs de 17h à 18h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers