Archives de catégorie : Ni patrie ni frontière

Opération militaire au Mali : l’aveu éhonté de Hollande

Faire du Mali une vitrine commerciale du Rafale, une déclaration inouïe de François Hollande (Canard Enchaîné, ce 16 janvier 2013). 

Il y a déjà 40 ans, quand la gauche alternative française se fédérait dans la solidarité contre le camp militaire du Larzac, elle ciblait avec lucidité le cœur du coeur du capitalisme moderne anti-humaniste : le militarisme et son omnipotent secteur industriel et commercial, le secteur le plus profitable dans tous les pays « riches », avant même le pétrole et les assurances sociales privées.

Quand cette gauche alternative s’en prenait par ailleurs avec succès aux sites désignés au grand sacrifice éternel pour le nucléaire civil (Plogoff, Le Pellerin, Le Carnet…), elle n’oubliait jamais, rappelez-vous, la dimension guerrière et militaire de l’économie de l’atome en France.

Mais maintenant, en 2013, nous nous en prenons (avec raison d’ailleurs) à un aéroport nantais bêtement saccageur de patrimoine et gaspilleur de ressources vitales, révélateur impitoyable de la bassesse de la décentralisation clientéliste, mais ce n’est quand même vraiment plus le même enjeu, multiplicateur de conscience libertaire, égalitaire et pacifiste.

Il est vrai que pour domestiquer le peuple français, il a fallu placer les principaux médias français sous le contrôle des marchands d’armes, cas unique dans le monde, et le faire oublier. Admirons l’adresse de François Mitterrand pour faire perdre à sa gauche son éthique humaniste antimilitariste, au profit de leurres marketing finalement inoffensifs ou inopérants comme « Touche pas à mon pote », la « Fête de la musique », ou le baptême d’une prétendue monnaie européenne, aussitôt confisquée par les spéculateurs.

Si l’on en croit le Canard Enchaîné de cette semaine (page 2), François Hollande a visité ce 14 janvier 2013 la base militaire d’Abu Dhabi, « vitrine » de l’armement français.

Sans complexe, il aurait interpellé sur place l’un des pilotes de chasse dont les Rafale sont positionnés à Abu Dhabi : « Il se peut qu’on ait besoin de vos Rafale au Mali ». Certes, on peut comprendre qu’il faille agir pour empêcher les islamistes d’envahir Bamako, mais pourquoi François Hollande a précisé : « Il faudra leur montrer toutes les qualités du Rafale » (aux acheteurs potentiels, d’abord les Émirats) et surtout : « C’est aussi un élément très important de votre mission : montrer que les matériels français sont les plus performants… Merci pour votre double mission : à la fois opérationnelle et… commerciale !…. ».

Au moins c’est dit. Mais on s’étonnera que personne n’ait relevé cet écho du Canard Enchaîné paru avant-hier, ne serait-ce que pour le démentir.

Car cette information non démentie est profondément révélatrice, non seulement de l’addiction des socialistes français aux productions et ventes d’armes qui endeuillent des peuples entiers (qu’ils n’ont jamais tenté de reconvertir en industries humainement utiles et économiquement solvables), mais cela éclaire également la grande énigme de la géopolitique mondiale depuis un demi-siècle :

C’est enfin qu’on comprend la vraie nature analytique du capitalisme américain, dopé par les commandes publiques d’armements, ceci même sans raison pétrolière (comme lors de la guerre au Vietnam des années 1970), et l’unique explication de l’interminable souffrance du peuple palestinien sans jamais que l’Amérique n’ose imposer une paix juste à son protégé israélien : Il n’y a aucune passion nationaliste, religieuse ou ethniciste dans ce drame, mais seulement les calculs glacés des managers des industries occidentales d’armement, notamment américaines et israéliennes, qui ont un besoin vital, elles, de foyers de tension militaire et de haines inexpiables artificiellement entretenues, afin de provoquer l’insécurité et de continuer à vendre encore et encore leurs armements, fut-ce au détriment de leurs propres peuples, qu’elles méprisent.

Et maintenant qu’on sait que François Hollande raisonne pareil…

Lucky, blog Le Monde, 18 janvier 2013

[Poitiers] Le long combat d’Amandine contre le viol au Guatemala

Le long combat d’Amandine contre le viol au Guatemala

Volontaire du Haut-Commissariat pour les réfugiés, Amandine Fulchiron défend la cause des femmes depuis quinze ans en Amérique Centrale.

Le Guatemala est un petit pays d’Amérique centrale au sud du Mexique, gouverné par le général Otto Pérez Molina. Un pays de 15 millions d’habitants qui comptabilise 17 homicides quotidiens et un taux de crimes violents comptant parmi les plus élevés du monde, pour la plupart liés au trafic de stupéfiants. Un pays qui sort lentement de pratiquement quatre décennies de guérilla.

 » Les femmes commencent à parler « 

Près de la moitié des habitants sont d’ascendance Maya, une population qui a subi un effroyable génocide. C’est là que travaille la jeune Poitevine Amandine Fulchiron qui a raconté sa vie au Guatemala lors d’un passage à Poitiers. Elle consacre tout son temps et toute son énergie à défendre le droit des femmes et faire reconnaître le viol comme un crime au sein du collectif Actoras decambio (Actrice du changement) qu’elle a créé. « Les femmes violées sont rejetées par leur communauté ». Amandine Fulchiron met en place tout un processus dans cette société afin que le viol soit reconnu comme un crime et que les agresseurs portent la honte sociale de ces crimes. Et non pas les femmes. « C’est tout un travail émotionnel pour se libérer de la terreur». Aujourd’hui, les victimes commencent à parler. « Au début, elles ne se regardaient même pas dans les yeux. Maintenant, elles sont à l’initiative d’actions de prévention dans leurs villages et peuvent s’exprimer au micro ». Amandine est entourée d’une équipe de treize membres: des femmes métis, des mayas, de cultures différentes. Hélas pour Amandine Fulchiron « Aucun système de justice ne fonctionne dans le pays  et les hommes sont au mieux indifférents ». Dans les campagnes, c’est encore l’homme qui est vu comme l’unique chef de famille, bien que les femmes travaillent également aux champs. « Les parents n’envoient pas leurs filles à l’école car leur place est aux côtés de leurs mères  ». Durant de nombreuses années, l’association était menacée. Puis les hommes au pouvoir les ont laissé tranquilles. « Aujourd’hui, nous sommes sous contrôle ». Les enfants issus de ces viols sont encore un sujet tabou. Pour Amandine Fulchiron, le combat est loin d’être terminé.

L’association poitevine « Ange é là » apporte son soutien au collectif. Tél. 05.49.61.11.43.

Corr. NR, Claude Mazin, Nouvelle République, 19 janvier 2013

[Grèce] La bataille des squats à Athènes

La bataille des squats à Athènes

Le 20 décembre dernier, la police évacuait le plus ancien squat d’Athènes (22 ans), la Villa Amalias. Depuis cette date, la bataille contre l’expulsion des squats s’est nettement réchauffée en Grèce alors que davantage de lieux occupés sont attaqués et des dizaines de personnes arrêtées.

Aujourd’hui samedi 12 janvier, plus de 10 000 manifestants ont défilé dans les rues d’Athènes comme première riposte à la vague répressive.

Il semble maintenant faire peu de doute que l’Etat grec a lancé une attaque importante et soutenue contre les squats et le mouvement anarchiste en général. Au cours des dernières semaines, en plus de Villa Amalias, deux autres squats situés dans le centre d’Athènes ont été attaqués par les forces de police. Ce n’est peut-être que le début d’une opération plus importante. Un rapport confidentiel divulgué suggère que la police grecque a l’intention d’attaquer 40 squats à travers le pays. Après les événements de ces derniers jours, il semble également ne faire aucun doute que si la police devrait mener à bien ce plan, elle devra se battre pour chaque bâtiment.

L’expulsion de l’un des plus anciens squats à Athènes, Villa Amalias, le 20 décembre a été la première coup porté. Peu de temps après a eu lieu un raid contre un autre local occupé dans l’ASOEE [Université de sciences économiques]. Juste après la tentative de réoccuper la Villa Amalias, le 9 janvier, la police a ciblé le squat Skaramanga. Un plan de la police qui a fuité dans les grands médias grecs suggère que la prochaine étape de cette attaque viserait jusqu’à 40 bâtiments occupés dans toute la Grèce. Le raid sur Skaramanga était probablement prévu pour une date ultérieure, mais il a été avancé en représailles à la réoccupation de la Villa Amalias. Plutôt que d’être des raids isolés, les événements de la semaine écoulée semblent faire partie d’une stratégie de répression dirigée directement contre le mouvement anarchiste en Grèce.

Tout au long des dernières années d’agitation sociale déclenchées par les séries continuelles de sévères mesures d’austérité, les idées et les actions de résistance ont pris de l’importance en Grèce. Au cours des derniers mois, il y a eu une augmentation marquée des tactiques répressives contre toute la partie de la société qui pourrait offrir une résistance. Les travailleurs en grève ont été attaqués, des journalistes couvrant la corruption ont été arrêtés, les rafles contre les migrants ont conduit à 60.000 arrestations, et de nouvelles armes telles que des canons à eau ont été déployées. Ces dernières attaques montrent que les squats vont être la prochaine cible de la répression étatique.

Face à cette attaque, les gens ne sont pas restés passifs et se sont lancés dans la défense des squats et de leurs communautés. Le jour le plus dramatique et le plus rude jusque-là a certainement été le 9 janvier. Tôt le matin, il y a eu une tentative audacieuse de réoccuper Villa Amalias. Des dizaines de personnes ont réussi à s’introduire à l’intérieur du bâtiment, malgré une présence de la police. Rapidement cependant d’importants renforts de police ont été envoyés et le bâtiment a été envahi de nouveau. Cela a conduit à l’arrestation de près de 100 personnes qui ont été emmenées au poste de police en criant le slogan traditionnel « la passion pour la liberté est plus forte que les prisons ». Dans un communiqué publié par les arrêtés, ils démontrent clairement leur détermination à ne pas baisser les bras face à la répression : « Nous avons réoccupé la surveillée Villa Amalias en sachant pertinemment que nous allions être attaqués et, sans doute, arrêtés. Nous le ferons à nouveau, autant de fois qu’il le faudra, pour celui-ci et pour tout autre espace social de la résistance de ceux d’en bas qui pourrait être attaqué. Nous le disons encore une fois, inlassablement : ni leurs armes, ni leurs calomnies ne peuvent nous effrayer. »

Dès que les informations sur l’occupation et l’attaque de la police se sont répandues, d’autres actions ont eu lieu dans la ville. Les bureaux du parti gouvernemental DIMAR [Gauche Démocratique] ont été brièvement occupés en solidarité jusqu’à ce que lui aussi soit investi par la police, conduisant à 40 autres arrestations. Les protestations se sont ensuite déplacées vers le centre d’Athènes avec les forces de police utilisant des gaz lacrymogènes pour évacuer les gens du bâtiment du ministère des Finances. Ce fut à ce moment-là que le squat Skarmanga a été attaqué avec huit autres personnes détenues. Tout au long de la journée, il y eu des manifestations, des rassemblements et des assemblées à en soutien actif avec les squats et les détenus. À la fin de la nuit, les forces de police avaient envahi le quartier d’Exarchia, qui est considéré comme une sorte d’espace autonome.

Le nombre total d’arrestations s’est élevé à environ 150, ce qui signifierait le nombre le plus important d’anarchistes arrêtés en une seule journée depuis 15 ans. Beaucoup d’entre eux font face à des poursuites accusations dont les 92 de Villa Amalias, qui, au moment d’écrire ces lignes, sont encore détenus à la préfecture de police.

Ainsi, il semble que nous soyons entrés dans une phase nouvelle et dangereuse en Grèce. L’Etat a choisi sa prochaine cible et les gens se demandent qui sera le prochain attaqué. Cependant, au lieu de la peur, les gens ont réagi avec courage et les liens de solidarité se sont renforcés. Les événements du 9 Janvier montrent que les gens ne sont pas s’incliner et qu’ils résistent à la répression ensemble [ainsi plus de 1000 personnes à une assemblée de solidarité dans la Polytechnique, plus de 1500 personnes rassemblées le 9 dans la soirée devant les locaux du quartier général de la Police d’Athènes]. Le raid originel sur Villa Amalias a eu lieu il y a trois semaines et pourtant la bataille continue. La communauté de la Villa n’a pas été écrasée. À la lumière de cette réalité, le plan à la police pour attaquer des dizaines d’autres squats semble soudain très ambitieux, car ils auront à se battre pour chacun d’entre eux. Selon les termes des détenus : « Contre l’ouragan de la répression, nous allons dresser la tempête de solidarité ! »

Source : Battle for the squats in Athens

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D’après les informations disponibles, les 40 personnes arrêtées pour l’occupation des locaux du parti gouvernemental Gauche Démocratique ont été libérées sans charges. Par contre, les 93 personnes détenues pour la réoccupation de la Villa Amalias et les 8 arrêtés dans le squat Skaramanga, soit un total de 101 personnes, sont maintenues en détention et visées par des poursuites judiciaires sans que les détails soient encore connus. On parle d’inculpations pour « désordres publics » et « visages masqués ».

On ne compte plus les actions de solidarité. A Athènes, dans diverses villes, régions et îles de Grèce (barricades enflammées, dégradations de locaux des partis politiques et d’établissements bancaires, grandes banderoles visibles accrochées, interventions « contre-informatives » dans des studios de radio-TV, mini-attentats…), mais aussi ailleurs, à San Francisco, Mexico, en Australie et même à Goa, en Inde. Une manifestation est appelée samedi à Athènes « en solidarité avec les squats Villa Amalias et Skaramanga, avec tous les squats et espaces occupés, avec les structures de contre-information auto-organisées ». D’autres manifestations sont convoquées dans plus d’une douzaine de villes de Grèce.

La manifestation, partie de l’Université, s’est dirigée vers le tribunal d’Evelpidon où les manifestants ont stationné un bon moment pour exiger la libération des détenus qui passaient devant les juges. Dans la soirée, un communiqué annonça que 42 des personnes arrêtées allaient être remises en liberté.

Les premières informations et photos montrent des milliers de manifestants. 10.000 personnes est le chiffre avancé par la plupart des commentaires (certains parlent de 12.000 et plus). De son côté, la police n’a compté que 3000 manifestants. C’est de toute évidence la plus importante manifestation de l’aire politico-sociale anarchiste/antiautoritaire à Athènes depuis des années.

Un premier compte-rendu :

12 janvier 2013 : un cri de liberté, de solidarité et d’espoir dans la lutte contre la répression et le totalitarisme

Les manifestations de masse organisées le samedi 12 Janvier dans 14 villes à travers le territoire de l’État grec étaient une première réponse à la récente vague de répression déclenchée par le régime contre les squatters, les centres sociaux auto-organisées, les radios libres et les activistes sociaux. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre les appareils répressifs étatiques et paraétatiques, la fascisation de la société et l’imposition du totalitarisme.

Athènes : Une des manifestations les plus massives de l’histoire du mouvement anarchiste

A Athènes a eu lieu l’une des manifestations les plus massives et les mieux organisées de l’histoire du mouvement anarchiste et antiautoritaire. Pendant environ deux heures, plus de 10.000 personnes ont marché dans une bonne partie du centre-ville, en criant des slogans contre la répression, le rôle du gouvernement et de la police, et en faveur des détenus de la réoccupation du squat de Villa Amalias.

La manifestation d’aujourd’hui a été convoquée par divers collectifs anarchistes, antiautoritaires et libertaires, des squats et des centres sociaux autogérés, des assemblées de quartier et certains partis et groupes de la gauche extraparlementaire. La manifestation était appelée à 12h00 dans les Propylées de l’ancienne université d’Athènes. La manifestation s’est ébranlée deux heures plus tard. Cette fois-ci, elle ne s’est pas dirigée vers le Parlement et la place Syntagma, mais est allé devant le tribunal d’Athènes, de l’autre côté du centre-ville. Les plus de 10.000 manifestants sont passés par le squat Skaramanga, expulsé le 9 Janvier, et par la Faculté des sciences économiques et commerciales dans laquelle, le 28 décembre 2012, la police a fait une descente, arrêtant 17 immigrés, faisant irruption dans le local autogéré de l’université et y confisquant les équipements de la radio libre 98FM.

La manif est ensuite passée devant le tribunal d’Athènes, où elle s’est arrêtée pendant environ 30 minutes en criant des slogans en solidarité avec les 93 détenus qui, à ce moment-là, se trouvaient à l’intérieur du tribunal. Cet après-midi, pour la seconde fois en trois jours de détention, ils ont comparu devant un juge. Les forces répressives de la Démocratie ont interdit aux gens d’entrer dans le tribunal. Même les journalistes (à l’exception d’un petit nombre d’accrédités), même les familles des détenus n’ont pas pu pénétrer dans les locaux du tribunal lorsque les accusés se trouvaient face aux juges. Il s’agit là d’un « détail » de plus dans cette orgie répressive qui est resté complètement inaperçu par les médias de désinformation grecs et internationaux. Selon les informations qui nous parviennent par des médias de contre-information et des camarades, à 20 heures, 42 détenus ont été libérés dans des conditions restrictives.

Après être passé par le tribunal, la manif s’est dirigée vers le quartier d’Exarchia, où elle s’est dissoute. Comme mentionné plus haut, la manifestation a traversé plusieurs quartiers centraux qui sont densément peuplées ; ainsi, énormément de gens ont pu être les témoins oculaires de sa massivité et de sa combativité, et pourront comparer ce qu’ils ont vu et entendu avec les mensonges de la télévision et des autres médias de propagande massive sur le mouvement anarchiste, antifasciste et plus généralement sur le mouvement social qui résiste au totalitarisme moderne.

Quelques-uns des slogans criés : « La solidarité est l’arme des peuples, guerre à la guerre des patrons » ; « La passion pour la liberté est plus forte que toutes les prisons » ; « Si nous ne résistons pas dans tous les quartiers, nos villes vont devenir des prisons modernes » ; « Les flics ne sont pas les enfants des ouvriers, ce sont les chiens des patrons » ; « Flics, TV, néo-nazis, tous des déchets qui travaillent ensemble ».

Source : 12 de enero de 2013 : un grito de libertad, solidaridad y esperanza, en la lucha contra la represión y el totalitarismo

Autres photos de la manif : ici et

[Traductions : XYZ]

Vu sur le site de l’OCL, 12 janvier 2013

Contre l’intervention militaire de l’Etat français au Mali

Le président Hollande a décidé hier d’une intervention militaire au Mali, sur l’invitation de cet « Etat ami », contre « le terrorisme ».

La droite et l’extrême-droite se sont évidemment empressées d’approuver cette option, rejetée par Mélenchon. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, grands défenseurs des guerres désintéressées, soutiennent le gouvernement français dans cette décision.

Or au Mali la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît, fait souligné par de nombreux observateurs spécialistes de la région, affirmant depuis de nombreux mois qu’il est plutôt « urgent d’attendre ». Les proches des otages retenus désapprouvent quant à eux cette intervention, craignant pour la vie de leurs proches captifs.

Le « Nord » du Mali est en effet désigné, dans un amalgame délibérément confus, comme occupé par des « terroristes ». Alors que des Touaregs autonomes, notamment ceux du MNLA, laïc et divergent des islamistes d’Ansar Dine, y luttent à la fois contre les islamistes et l’Etat malien, en remportant des victoires. L’indépendance de l’Azawad a été condamnée par de nombreux gouvernements d’Etats africains, craignant eux aussi pour leur pouvoir. Et par la France.

Au passage, rappelons que l’Etat malien a aussi perpetré son lot d’exactions et de massacres dans la région. Cette intervention de l’Etat malien consiste surtout pour lui à rétablir une souveraineté militaire sur les populations du Nord du Mali, dont nous n’avons rien à attendre de bon.

Quant à la France, les objectifs réels sont multiples. Une « bonne guerre » peut ressouder l’opinion autour d’un gouvernement PS qui déçoit, et favoriser le lobby de l’armement. Bien entendu, il s’agit aussi de maintenir des liens de « coopération », militaire et économique… la Françafrique a la vie dure.

C’est aux habitant-e-s du nord-Mali qu’il revient de se libérer et se gérer eux-mêmes, et avec eux que nous sommes solidaires contre cette intervention militaire multi-étatiste. L’islamisme (qu’on ne peut par ailleurs réduire à une seule forme dans cette zone de l’Afrique) peut le mieux être combattu… par les populations locales, qui l’ont assez démontré ! Or l’attitude de la France quant aux islamistes est plus qu’ambiguë jusqu’à aujourd’hui, certains observateurs affirmant même que la France a pu creuser le lit de l’islamisme par certains choix stratégiques dans la région. Le discours de l’Etat français contre les populations touarègues est en revanche clairement répressif, depuis le début.

Solidarité avec les populations prises entre l’étau de la répression étatique et les exactions d’islamistes mafieux ! à bas toutes les guerres impérialistes !

Pavillon Noir, 12 janvier 2013

[Mexique] L’EZLN annonce les prochaines étapes (El Kilombo)

Communiqué du Comité révolutionnaire autochtone clandestin – Commandement général de l’Armée de Libération National Zapatiste, Mexique.

l’EZLN annonce les prochaines étapes (El Kilombo)

Sous-commandant Marcos

Au peuple du Mexique,
Aux peuples et gouvernements du monde,
Frères et soeurs,
Camarades,

Le 21 décembre 2012, dans les premières heures du matin, nous nous sommes mobilisés à plusieurs dizaines de milliers d’indigènes zapatistes et nous avons pris, pacifiquement et silencieusement, cinq municipalités du sud-est de l’État mexicain du Chiapas.

En traversant les villes de Palenque, Altamirano, Las Margaritas, Ocosingo et San Cristobal de las Casas nous vous avons regardé et nous nous sommes regardés en silence.

Nous n’apportons pas un message de résignation.

Nous n’apportons pas la guerre, la mort et la destruction.

Notre message est un message de lutte et de résistance.

Après le coup d’état médiatique qui vient de propulser l’ignorance au pouvoir fédéral, une ignorance mal dissimulée et encore plus mal maquillée, nous nous sommes montrés pour leur faire savoir que s’ils ne sont jamais partis, nous non plus.

Il y a 6 ans, une partie de la classe politique et intellectuelle a cherché quelqu’un qu’elle pouvait rendre responsable de sa défaite. À cette époque, dans les villes et les collectivités, nous luttions pour la justice dans un Atenco* qui, alors, n’était pas encore à la mode.

A cette époque, ils nous ont calomniés, puis ont tenté de nous réduire au silence.

Malhonnêtes et incapables de voir qu’ils sont eux-mêmes le levain de leur propre ruine, ils ont essayé de nous faire disparaître à coups de mensonges et de silence complice.

Six ans plus tard, deux choses sont claires :

– Ils n’ont pas besoin de nous pour échouer.

– Nous n’avons pas besoin d’eux pour survivre.

Nous, qui ne sommes jamais partis, contrairement à ce que tous les medias ont essayé de faire croire, nous nous manifestons à nouveau, comme les autochtones zapatistes que nous sommes et que nous continuerons d’être.

Ces dernières années, nous nous sommes renforcés et nous avons considérablement amélioré nos conditions de vie. Notre niveau de vie est plus élevé que celui des communautés autochtones environnantes inféodées au pouvoir officiel, qui reçoivent des aumônes qu’elles gaspillent en alcool et autres sottises.

Notre habitat s’améliore sans détruire l’environnement avec des routes étrangères à sa nature.

Dans nos villages, la terre qui autrefois servait à engraisser le bétail des ranchs et des propriétaires terriens, sert maintenant à faire pousser du maïs, des haricots et des légumes qui agrémentent nos repas.

Notre travail nous donne la double satisfaction d’avoir de quoi vivre honorablement et de contribuer à la croissance collective de nos communautés.

Nos enfants vont à une école qui leur enseigne leur propre histoire, celle de leur pays et du monde, ainsi que la science et les techniques nécessaires, pour grandir sans trahir leurs origines.

Les femmes zapatistes indigènes ne sont pas à vendre comme des marchandises.

Les Indiens du PRI [parti traditionnellement dominant au Mexique] fréquentent nos hôpitaux, nos cliniques et nos laboratoires parce que, dans ceux du gouvernement, il n’y a ni médicaments ni matériel médical ni médecins ni personnel qualifié.

Notre culture s’épanouit, non pas isolément, mais en s’enrichissant du contact avec les cultures d’autres peuples du Mexique et du monde.

Nous gouvernons et nous nous gouvernons nous-mêmes en privilégiant toujours la conciliation sur la confrontation.

Et tout cela nous l’avons fait tout seuls car, non seulement le gouvernement, les politiciens et les médias qui les accompagnent ne nous ont pas aidés, mais ils nous ont combattus et nous avons dû résister à toutes sortes d’attaques.

Nous avons démontré, une fois de plus, que nous sommes qui nous sommes.

Notre présence a été longtemps silencieuse. Aujourd’hui, nous ouvrons la bouche pour dire que :

Premièrement – Nous réaffirmons et renforçons notre appartenance au Congrès National Indigène, espace de rencontre des peuples autochtones de notre pays.

Deuxièmement -. Nous allons reprendre contact avec les compagnons qui ont adhéré à la Sixième Déclaration de la Jungle de Lacandón, au Mexique et dans le monde.

Troisièmement -. Nous tenterons de construire les ponts nécessaires aux mouvements sociaux qui ont surgi et continueront de surgir, non pas pour les diriger ou les supplanter, mais pour apprendre d’eux, de leur histoire, de leurs chemins et de leurs destins.

Pour cela nous avons constitué des équipes formées d’individus et de groupes de différentes régions du Mexique pour soutenir les Commissions de la 6e Déclaration et les Commissions Internationales de l’EZLN ; ces équipes de soutien deviendront des courroies de transmission entre les bases de soutien zapatistes et des individus, groupes et collectifs qui adhérent à la Sixième Déclaration au Mexique et dans le monde entier, et qui continuent de vouloir et d’oeuvrer à la construction d’une alternative de gauche non institutionnelle.

Quatrièmement -. Nous maintiendrons la même distance critique que par le passé vis à vis de la classe politique mexicaine dans son ensemble, qui prospère aux dépens des besoins et des espoirs des gens humbles et simples.

Cinquièmement – En ce qui concerne les mauvais gouvernements fédéraux, étatiques et municipaux, exécutifs, législatifs et judiciaires, et les médias qui les accompagnent, nous déclarons ce qui suit :

Les mauvais gouvernements de tout le spectre politique, sans aucune exception, ont fait tout leur possible pour nous détruire, nous acheter, nous soumettre. PRI, PAN, PRD, PVEM, PT, CC et le futur parti RN, nous ont attaqués militairement, politiquement, socialement et idéologiquement. Les grands médias de communication ont essayé de nous faire disparaître, d’abord en nous calomniant de façon servile et opportuniste, puis en faisant preuve d’un silence complice. Ceux que ces médias servaient et qui les faisaient vivre, ne sont plus et ceux qui leur ont succédé à présent ne dureront pas plus que leurs prédécesseurs.

Comme nous l’avons prouvé le 21 décembre 2012, ils ont tous échoué. Il revient donc aux instances fédérales exécutives, législatives et judiciaires de décider si elles vont continuer dans la voie de la contre-insurrection qui n’a donné aucun résultat à part les mensonges maladroits et débiles des médias ou bien si elles vont reconnaître et respecter leurs engagements en accordant aux Indigènes les droits constitutionnels et culturels inscrits dans les « Accords de San Andrés » signés par le gouvernement fédéral en 1996 alors dirigé par le parti qui détient à nouveau le pouvoir exécutif aujourd’hui.

Il reste au gouvernement de l’État à décider s’il y a lieu de poursuivre la stratégie malhonnête et méprisable de son prédécesseur si corrompu et menteur qu’il a pris l’argent du peuple du Chiapas pour s’enrichir, lui et ses complices, et acheter sans vergogne la voix et la plume des médias, plongeant ainsi le peuple du Chiapas dans la misère pendant que les forces de la police et des paramilitaires essayaient d’empêcher les communautés zapatistes d’améliorer leur organisation sociale ; ou bien, si, au contraire, avec justice et sincérité, l’Etat acceptera de respecter enfin notre existence et de se rendre à l’idée qu’une nouvelle forme de vie sociale est en train de fleurir dans le territoire zapatiste du Chiapas, au Mexique. C’est une floraison qui attire d’ailleurs l’attention des honnêtes gens partout sur la planète.

Il appartiendra aux autorités locales de décider si elles vont continuer longtemps encore à avaler les mensonges que les organisations anti-zapatistes ou prétendument « zapatistes » leur racontent pour qu’elles attaquent nos communautés, ou si ces autorités vont enfin utiliser l’argent qu’elles ont pour améliorer la vie de tous leurs administrés.

C’est au peuple du Mexique qui s’implique dans les luttes électorales et la résistance, qu’il appartiendra de décider s’il nous voit toujours comme des ennemis ou des rivaux sur qui décharger sa frustration engendrée par des fraudes et une violence qui, finalement, nous affectent tous, et si dans sa lutte pour le pouvoir il va continuer à s’allier avec ceux qui nous persécutent ; ou bien s’il reconnaît enfin en nous une autre façon de faire de la politique.

Sixièmement – Dans les prochains jours, l’EZLN, à travers les Commissions de la 6e Déclaration et les Commissions Internationales annoncera une série d’initiatives, civiles et pacifiques, pour continuer à marcher avec les autres peuples natifs du Mexique et du continent et avec ceux qui au Mexique et dans le monde résistent et luttent à partir de la base et à gauche.

Frères et soeurs,
Camarades,

Avant, nous avions la chance de bénéficier d’une attention honnête et noble de la part de divers médias. Nous avions exprimé notre reconnaissance alors. Mais leur attitude a changé notablement par la suite.

Ceux qui pensaient que nous n’existions que grâce aux médias et que le siège de mensonges et de silence qu’ils avaient élevé autour de nous aurait raison de nous, se sont trompés. Nous avons continué d’exister sans caméras, ni micros, ni stylos, ni oreilles, ni regards.

Nous avons continué d’exister quand ils nous ont calomniés.

Nous avons continué d’exister quand ils ont essayer de nous museler.

Et nous voici, nous existons toujours.

Notre chemin, comme nous venons de le démontrer, est indépendant de l’impact médiatique, il repose sur le fait d’intégrer le monde et tout ce qu’il contient, sur la sagesse indigène qui guide nos pas, sur la conviction inébranlable que notre dignité est en bas et à gauche.

À partir de maintenant, nous allons choisir nos interlocuteurs, et, sauf exception, nous ne pourrons être compris que par ceux qui ont marché avec nous et qui continuent de marcher avec nous, sans céder à la pression médiatique ni à la mode du temps.

Ici, non sans beaucoup d’erreurs et de difficultés, nous avons mis en place une autre manière de faire de la politique. Très rares sont ceux qui auront le
privilège de l’expérimenter et d’apprendre directement d’elle.

Il y a 19 ans, nous les avons surpris en prenant leurs villes dans le feu et le sang. Aujourd’hui, nous avons recommencé mais sans armes, sans mort, sans destruction.

De la sorte, nous nous différencions de ceux qui, quand ils détiennent le pouvoir, sèment la mort chez ceux qu’ils gouvernent.

Nous sommes les mêmes qu’il y a 500 ans, 44 ans, 30 ans, 20 ans, les même qu’il y a quelques jours.

Nous sommes les Zapatistes, les plus petits, ceux qui vivent, luttent et meurent dans le coin le plus reculé du pays, ceux qui ne renoncent pas, ceux qui ne se vendent pas, ceux qui ne se soumettent pas.

Frères et sœurs,
Camarades,

Nous sommes les Zapatistes, et nous vous embrassons.

Démocratie !

Liberté !

Justice !

Depuis les montagnes du sud-est mexicain.

Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène – Le Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale,

Sous-commandant Marcos.

Mexique. Décembre 2012 – Janvier 2013

Vu sur legrandsoir, 2 janvier 2013