Archives de catégorie : Ni patrie ni frontière

Lacha a été expulsé

L’ignominie étatique accélère la cadence pour briser des familles et des vies.

Nous apprenions il y a un mois l’arrestation de Lacha par la BAC à Limoges. Ce père d’une famille de quatre enfants, installé en France depuis dix ans, ayant vécu à Poitiers mais ontraint de se cacher à cause de la traque policière visant à l’expulser, avait été conduit au centre de rétention administrative de Toulouse.

Il a été expulsé ce mardi 27 mars vers la Géorgie.

Solidarité avec Lacha, sa femme, ses enfants et ses proches, solidarité avec toutes les personnes expulsables, la lutte continue !

Pavillon Noir, 29 mars 2012

[Poitiers] LIBEREZ KEVIN !

400 pour défendre Kevin

Environ 400 personnes, militants et lycéens mêlés, ont bruyamment manifesté hier en centre-ville pour défendre la cause de Kevin, menacé d’expulsion.

Au Congo, il ne connaît personne. On est venu en France il y a six ans parce que son père a été assassiné là-bas. S’il y repart, ce sera une catastrophe… Chantal Kimpéfé retient difficilement ses larmes. Sur les marches de l’hôtel de ville, la mère de Kevin témoigne brièvement.

« Il a construit sa vie ici »

Ils sont venus nombreux pour défendre la cause de son fils, élève de 19 ans du lycée Kyoto arrêté dimanche sur un terrain de foot de Saint-Eloi et menacé d’expulsion vers le Congo pour de précédentes condamnations (voir Centre Presse d’hier): environ 400 personnes, militants associatifs ou politiques et élèves du lycée Kyoto (1), sont rassemblées dès 17h30 devant la préfecture. « Il a fait des bêtises quand il avait 15 ans, mais la double-peine a été supprimée! » tonne Yves Judde, de la Cimade. Plusieurs élèves du lycée Kyoto, dont certains font partie de la classe de Kevin, témoignent spontanément: « Il est très bien intégré, on n’a pas le droit de l’expulser à deux mois du bac! » lance Chloé. « C’est quelqu’un de gentil, de travailleur, explique Maxime. On l’a vraiment vu évoluer: il a construit sa vie ici et visait maintenant un BTS hôtellerie. » Pauline a eu Kevin au téléphone mardi soir: « Il doit être jugé jeudi matin, il attend au centre de rétention dans des conditions très difficiles. » Sa situation suscite en tout cas une vraie mobilisation chez ses camarades. Hier, la plupart des jeunes de Saint-Eloi ont prolongé la manifestation pendant deux bonnes heures au fil d’un défilé qui aura fait plusieurs haltes, notamment devant le commissariat et face à la gare, dans un climat parfois un peu tendu avec les forces de l’ordre.

Aux cris de « Libérez Kevin », une partie des manifestants a fait une halte devant les grilles fermées du commissariat. fdelage

Aujourd’hui, devrait se jouer le destin de Kevin Kimpéfé. Au terme d’une audience qui décidera s’il retourne au Congo. Ou prépare son baccalauréat en France.

(1) Le conseil d’administration du lycée Kyoto s’est fendu hier d’une motion soulignant le « parcours d’insertion positif » de Kevin.

Centre Presse, Frédéric Delâge, 29 mars 2012

ndPN : dès le début de la manif, flics en nombre ; grosses intimidations policières, menaces et insultes à l’adresse des jeunes manifestants ; à la fin de la manif, alors qu’elle se dispersait dans le calme, deux arrestations. Communiqué à venir du comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux.

Mise à jour : deux articles dans la Nouvelle République :

Deux heures de manif agitée pour soutenir Kevin

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté, hier soir, dans la ville pour marquer leur soutien au lycéen de Kyoto menacé d’expulsion.

Après un rassemblement devant la mairie et la préfecture, des jeunes se sont retrouvés devant le commissariat aux cris de « Libérez Kevin ».

Après la stupeur avant-hier au lycée Kyoto à l’annonce de l’arrestation de Kevin Kimpéfé, 19 ans, puis de son transfert au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot en région parisienne, la température est montée d’un cran, hier après-midi, dans le centre-ville. A l’appel de ses amis, d’associations de défense des sans-papiers, de syndicats et de mouvements politiques, quatre à cinq cents personnes se sont retrouvées en soirée devant la préfecture puis, devant la mairie. Avant d’entamer, pour certains, un long périple qui les a menés du commissariat jusqu’à la gare SNCF.

Liberté ! Liberté ! Liberté !

« Kevin, on l’a vu évoluer, maintenant c’est une crème, très travailleur, très impliqué », expliquent à l’envi ses camarades lycéens. « Il a fait des conneries ? Mais il a été condamné à du sursis et du travail d’intérêt général et il a déjà payé. Ne lui infligeons pas la double peine ! » lancent des organisations comme la Cimade. « Ce ne sont pas les sans-papiers qui sont dangereux, ce sont les sans-papiers qui sont en danger », lance le collectif contre les expulsions. « Que ferait Kevin seul là-bas ? Son père a été assassiné par Kabila. Il y a eu 8 millions de morts chez nous », sanglote Chantal, la mère du jeune homme. Les jeunes du quartier de Saint-Eloi, venus en nombre pour défendre un des leurs, veulent montrer leur colère. Bruyamment. Pour eux, il faut libérer Kevin. « Liberté ! Liberté ! Liberté ! », scandent-ils en courant dans les rues, sous les yeux d’une police parfois, elle aussi, au bord de la rupture… Vers 20 h, les jeunes manifestants se retrouvent place d’Armes avant de se séparer et de regagner leur quartier en autobus. Ce matin, Kevin doit être fixé sur son sort, au terme d’une audience qui peut le « rendre » à son pays d’origine ou lui donner le droit de rester sur le territoire national. Dans deux mois peut-être, il passe le baccalauréat.

Nouvelle République, Jean-Michel Gouin, 29 mars 2012

Poitiers: deux mineurs arrêtés après la manifestation de soutien à Kevin

Deux mineurs de 15 et 17 ans ont été arrêtés, hier soir, après la manifestation de soutien à un élève de 19 ans du lycée de Kyoto qui risque l’expulsion. Ils sont soupçonnnés d’avoir commis des dégradations durant la manifestation qui avait été marquée par de brusques montées de tension heri soir. Il n’y a pas eu d’incidents signalés au cours de la nuit dans le quartier de Saint-Eloi fréquenté par les copains de Kevin, contrairement aux craintes exprimées hier au vu du déroulement de la manifestation. La justice devrait statuer aujourd’hui sur un recours présenté par les défenseurs de Kevin qui contestent la légalité de sa rétention administrative au Mesnil-Amelot. La vigilance a été renforcée pour prévenir tout dérapage si une décision défavorable était rendue.

Nouvelle République, 29 mars 2012

ndPN : aucune « dégradation » n’a été commise, toutes les personnes présentes dans la manif pouvant en témoigner ; il ne s’agit là que d’un prétexte de la police pour tenter de justifier ces arrestations arbitraires. Les manifestant-e-s n’ont pas cédé aux provocations policières, faisant preuve à la fois de détermination et de sang-froid. Solidarité avec Kévin et avec les deux manifestants arrêtés !

Mise à jour (2) : Le tribunal a confirmé la validité de l’OQTF, Kevin doit voir le JLD qui statuera sur la validité de la rétention administrative.

Ce n’est pas une crise, c’est le capitalisme !

« If I can’t dance I don’t want to be in your revolution » – Emma Goldman

Le capitalisme, rapport social de domination, se combat aussi en vivant la contestation par l’amour, la fête et le jeu.

C’est ce que nous rappellent ces femmes et ces hommes, en Espagne, qui entrent dans des supermarchés, des banques et des sièges d’entreprises prédatrices.

Qu’on comprenne ou non l’espagnol, ça fait du bien !

[Châtellerault] Médine : la presse « dérape »

ndPN : samedi dernier, la Nouvelle Répugnante avait présenté l’intervention de Médine au café philo du collège Descartes, comme ayant tourné en « dérapage » auquel n’auraient pas « adhéré » « les élèves« . Nous nous étions refusé à relayer cet article, qui par ailleurs osait douter du côté « conscient » de l’artiste en suggérant que ses propos n’avaient pas être tenus devant un « jeune public » : merci pour les jeunes, jugés capables de débattre sur l’islam mais incapables d’entendre un discours engagé contre la stigmatisation des musulman-e-s en France !

Médine ne faisait que mettre en garde contre la stigmatisation des musulman-e-s après l’affaire Merah, et critiquait la presse de jouer le jeu, remarque qui n’avait pris que quelques instants au sein d’une discussion riche. Des millions de personnes sont EN EFFET stigmatisées, au quotidien, pour leurs « origines » ou leurs croyances personnelles réelles ou supposées, tant par le gouvernement que par une bonne partie de la presse, mais l’article se concluait par cette phrase hallucinante et déconnectée du quotidien  : « La peur du rappeur ne semble pas fondée. Seulement surprenante. » Ce nouvel article de la Nouvelle République remet (un peu) les pendules à l’heure, avec la réponse de Médine au bigophone :

Médine :  » Mon engagement vise à rassembler « 

Le rappeur Médine est revenu, hier matin, sur les propos tenus, vendredi, lors d’un “ café philo ” au collège Descartes, à Châtellerault.

Lors d’un café philo, vendredi dernier au collège Descartes, à l’occasion de la Semaine de la solidarité, le rappeur Médine avait commenté le drame de Toulouse dont l’épilogue avait eu lieu la veille (notre édition de samedi) : « La réaction des médias est à vomir. Je ne sais pas comment vous le vivez […]Là, ce sont des événements qui sont condamnables en tous points, il n’y a pas à tergiverser […] Mais maintenant la réaction des médias est en train d’aller dans le sens de la stigmatisation. On est train de faire des musulmans l’ennemi public numéro 1. Ce n’est pas une seule personne qui est l’ennemi public numéro 1. Ce sont les musulmans qui, aujourd’hui, vont en pâtir à cause d’un déséquilibré. Voilà, c’est l’histoire de toute ma vie, de tout mon engagement qui vise à rassurer les gens, à rassembler les communautés, à essayer de créer des passerelles entre eux. Un événement et ça détruit toutes les passerelles qu’on a essayé de mettre en place depuis une dizaine d’années ».

«  On a pu croire que je ne condamnais pas ce qui s’était passé  »

Si le rappeur condamnait clairement les événements de Toulouse, sa sortie sur les médias, qui de notre point de vue ont globalement fait preuve de mesure, était contestable. C’est ce dernier point qui a fait réagir notre rédaction dans l’édition de samedi. Médine estime, lui, que ses propos ne prêtaient pas à polémique, dans un débat citoyen devant des collégiens. « Je suis très troublé, nous disait-il hier au téléphone. Ce n’est vraiment pas le bilan que j’ai perçu lors de cette rencontre (avec les collégiens). Je le ressens comme une attaque personnelle, clairement. » Le rappeur réfute catégoriquement le terme de « dérapage ». « Je n’ai pas compris où était le dérapage. Si ce n’est dans les mots : «  Les médias sont à vomir  ». J’aurais dû prendre des précautions […] en distinguant la presse qui dérape et celle qui ne dérape pas. Mais cela a duré 30 secondes dans la rencontre. » Médine refuse surtout qu’on lui prête quelque complaisance que ce soit. « On a pu croire que je ne condamnais pas ce qui s’était passé à Toulouse, en semblant m’opposer aux jeunes. » Les organisateurs (Minimes, Éducation nationale, Ville), réunis hier matin en mairie, ne disent pas autre chose dans un communiqué : « Médine était là pour relayer le discours que ce rappeur «  conscient  » développe depuis une dizaine d’années sur le dépassement des représentations qu’on peut avoir d’une communauté ou d’une autre. » Les mêmes regrettent que leur action – la semaine de la Solidarité – se soit résumée à cette polémique.

commentaire

Amalgames

Lutter contre les amalgames est un exercice tout aussi salutaire que délicat. A Châtellerault, les organisateurs de la Semaine de la solidarité s’y emploient avec une constance et un savoir-faire reconnus. Le café philosophique organisé la semaine dernière sur le thème de l’islam autour du rappeur Médine, en présence de collégiens de Descartes, s’inscrivait dans cette démarche. Nous avons relevé dans les propos de Médine un raccourci sur la presse lorsqu’il a évoqué l’affaire de Toulouse : « La réaction des médias est à vomir ». Formule paradoxale dans une intervention dont l’objectif était précisément de réfléchir aux attitudes qui stigmatisent. Nous avons pointé cette stigmatisation des médias. Mais ce dérapage ne doit pas occulter la qualité de la démarche des organisateurs de la semaine châtelleraudaise de la solidarité ni altérer le sens de l’intervention de Médine et des valeurs citoyennes qu’il porte. Pour éviter tout amalgame, il était donc nécessaire qu’ils s’expriment. Parole que nous nous faisons un devoir de restituer dans cette page.

Nouvelle République, 28 mars 2012

ndPN (bis) : concluons avec ce titre de Médine, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore ses textes.

[Poitiers] Mobilisation du lycée de Kyoto pour Kévin, retenu au Mesnil-Amelot

Un lycéen expulsable à cause de son casier

Poitiers.   Un élève de 19 ans du lycée de Kyoto, plombé par son casier judiciaire, est en passe d’être expulsé vers le Congo. Ses camarades se mobilisent.

Dimanche 18 h. Un groupe de jeunes joue au foot sur un terrain du quartier de Saint-Eloi. Une patrouille de police arrive. Elle avise l’un des joueurs, Kévin Kimpéfé, invité à décliner son identité. Il est alors embarqué et placé en garde à vue pour infraction à la législation sur les étrangers.

La préfecture rédige dans la foulée une obligation de quitter le territoire à son encontre (OQTF). Le jeune homme de 19 ans est alors emmené au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot en région parisienne. Il risque l’expulsion vers son pays de naissance, la République démocratique du Congo.

Un bon dossier scolaire plombé par le casier judiciaire

Lundi, sa mère prévient son lycée où la mobilisation a pris de l’ampleur, hier. A 14 h, un rassemblement était organisé dans l’enceinte du lycée pour « informer tous les élèves de ce qui se passait », indique une lycéenne. Et pour relayer l’appel au rassemblement prévu ce soir, à 17 h 30, devant la préfecture. « Normalement, il ne pouvait plus faire l’objet d’une rétention, son OQTF était trop ancienne, explique son avocate, Céline Bonneau. Ils l’ont d’abord placé en garde à vue et, après, ils lui ont fait une OQTF toute neuve. Un recours a été déposé pour contester la mesure. Il devrait être débattu, ce mercredi ou jeudi. » Arrivé en France en août 2006, Kévin est scolarisé au lycée de Kyoto depuis 2008. « Il est inscrit en bac pro hôtellerie. Il suit un parcours tout à fait normal, il est très impliqué dans sa scolarité », relève le proviseur, Alain Zenou. La préfecture, elle regarde du côté pénal et vers le casier judiciaire du jeune homme. Alors qu’il était mineur, le tribunal pour enfant l’avait condamné avec d’autres pour une affaire de violences contre un apprenti boulanger agressé à coups de marteau en mai 2010. Juste après ses 18 ans, en décembre 2010, Kévin dépose une demande de titre de séjour, refusée par la préfecture le 31 décembre 2010 au vu de cette condamnation (1). En plus, trois jours plus tôt, le jeune homme était arrêté avec cinq copains, tous soupçonnés d’avoir fabriqué des cocktails Molotov pour en découdre avec une autre bande. Ils avaient été condamnés en février 2011, une peine confirmée en appel en septembre dernier. « Pour nous, ce n’est pas ce qui s’appelle répondre aux critères d’une bonne intégration. C’est la raison pour laquelle le titre de séjour lui avait été refusé, indique le secrétaire général de la préfecture. On avait donné la priorité à la procédure pénale. C’est pour cela que la première OQTF n’avait pas été exécutée. » Pour l’avocate de Kévin, l’argument ne tient pas au regard de son parcours scolaire : « Il était très jeune quand c’est arrivé. En plus, il avait simplement été condamné à du sursis et à des travaux d’intérêt général. » « Il devait passer son bac dans deux mois. C’est pas normal », relevaient ses camarades, hier, descendus en nombre écouter l’appel à la mobilisation. La présence de nombreux lycéens est attendue aujourd’hui pour le rassemblement de protestation.

(1) Il a fait l’objet de huit procédures judiciaires, dont quatre jugées et deux classées, précise une source judiciaire, pour des faits de destruction de biens menaces et chantage…

Nouvelle République, Emmanuel Coupaye, 28 mars 2012

ndPN : merci à la Nouvelle Répugnante de relayer le discours de la préfecture, mais on n’en a rien à battre de ce « casier » ni de ces « critères d’une bonne intégration » ! Kévin vit en France depuis six ans, c’est là qu’il a ses attaches et c’est là qu’il veut vivre, et la solidarité de ses camarades du lycée en témoigne. Sa rétention est ignoble, elle est injustifiable. Régularisation de Kévin et de toutes les personnes expulsables ! Rassemblement solidaire  aujourd’hui mercredi à 17H30 devant la préfecture, à l’appel de plusieurs collectifs solidaires avec les sans-papiers.