Archives de catégorie : Répression

Cent ans après sa création, le « carnet de circulation » est toujours obligatoire

C’est un anniversaire un peu particulier qui est intervenu, lundi 16 juillet, pour les gens du voyage : celui des 100 ans du « carnet de circulation ». Aucune fête particulière n’était toutefois prévue pour commémorer la création de cette pièce d’identité spécifique aux gens du voyage et instaurée le 16 juillet 1912.

Depuis longtemps, le carnet de circulation est en effet l’objet de vives critiques de la part des défenseurs des gens du voyage, qui le considèrent comme la source d’un grand nombre des difficultés sociales des 350 000 à 500 000 Tziganes, Roms ou Manouches installés en France.

A l’origine, le carnet de circulation a été créé  » pour recenser » l’ensemble des personnes avec un mode de vie itinérant en France, explique Louis de Gouyon Matignon, « tziganologue ». Mais au fil du temps, il a de plus en plus été utilisé « comme l’instrument de discriminations » à leur égard, pointe le jeune chercheur, qui est par ailleurs l’assistant parlementaire du sénateur UMP Pierre Hérisson, président de la commission nationale consultative des gens du voyage depuis 2005.

STIGMATISANT

Les contraintes du carnet de circulations sont multiples. Ses détenteurs doivent, dès l’âge de 16 ans, se présenter à un commissariat « tous les trois mois » pour indiquer là où ils se situent. Avant de l’obtenir, ils doivent trouver une « commune de rattachement » où la population de gens du voyage ne dépasse pas les 3 %. Enfin, pour voter, il est impératif de prouver son rattachement à une même municipalité pendant au moins trois années consécutives.

En théorie, il existe quatre sortes différentes de documents de circulation. Les trois premiers s’appellent des « livrets » de circulation. Ils peuvent être de couleur beige, orange ou verte et sont attribués à des gens du voyage qui ne vivent pas dans des habitats en dur mais peuvent justifier de ressources régulières ou d’une activité salariée. Les nécessités de pointer au commissariat sont alors supérieures à trois mois.

Dans les faits, la majorité des gens du voyage dépendent de la quatrième sorte de livret : celui que l’on appelle stricto sensu le « carnet » de circulation. Lui est de couleur marron, et il est obligatoire pour tous ceux qui n’ont pas de revenus fixes et travaillent, par exemple, sur les marchés ou font du porte-à-porte. C’est le plus stigmatisant. Lorsqu’ils présentent ce carnet, beaucoup de gens se voient refuser l’accès au crédit ou à la location de logements.

SUR LES ROUTES L’ÉTÉ

Depuis le début du XXe siècle, les choses évoluent toutefois peu à peu. Le livret ou le carnet de circulation n’empêchent pas d’avoir une carte nationale d’identité. De plus en plus de gens du voyage s’en font donc faire une à leur nom. Ils donnent alors généralement en guise d’adresse les coordonnées de la mairie de leur commune de rattachement « Mais beaucoup ne le savent pas, pointe M. de Gouyon Matignon. Surtout ceux qui sont les plus démunis. »

Cette évolution va de pair avec la sédentarisation d’un grand nombre de gens du voyage : « environ quatre familles sur dix », estime le jeune chercheur, également président d’une toute nouvelle association de défense de la culture tzigane. Ceux que l’on appelle de façon générique les « gens du voyage » investissent en effet de plus en plus dans des terrains en France sur lesquels ils logent la plupart du temps dans leur caravane. L’itinérance est souvent réservée aux mois d’été.

Elise Vincent, lemonde.fr, 17 juillet 2012

[Feu aux prisons] Mutinerie à la prison de Seysses

Une quarantaine de détenus a refusé de réintégrer les cellules, hier à partir de 15 heures, afin de dénoncer les problèmes de cantine, fouille au corps et de parloir.

«Allô ! Bonjour ! On n’est pas rentrés de promenade. On veut des changements à la prison. Il faut le dire !» Depuis l’intérieur du centre pénitentiaire de Seysses, des détenus ont contacté notre rédaction, hier soir, pour annoncer leur mutinerie. Depuis 15 heures et la promenade, une quarantaine d’entre eux avait refusé de réintégrer leurs cellules. Ils dénonçaient leurs conditions d’incarcération «inadmissibles».

«On a une mauvaise cantine, même des chiens n’en voudraient pas, ont-ils expliqué depuis la prison tandis que l’équipe régionale d’intervention et de sécurité (Eris) tentait de rétablir l’ordre. Nous avons aussi des problèmes avec les parloirs. Quand les familles viennent de Paris ou Marseille pour nous voir 45 minutes, s’ils ont une minute de retard, ils ne rentrent pas. Et, après les parloirs, les fouilles sont trop poussées, on se sent dégradés. Que font-ils des droits de l’Homme ? On en a ras-le-bol ! Et quand on revendique, on nous menace de partir à Tarbes, loin de chez nous.»

Hier, la mutinerie a fait tache d’huile à l’extérieur de la prison. La compagne d’un détenu a confirmé : «En tant que visiteurs, nous avons des difficultés pour les rencontrer. Je viens de loin et une fois sur trois on m’empêche de le voir.»

À l’image de manifestants classiques, les détenus ont donc librement communiqué leurs revendications et commenté les événements. «Les Eris sont là. Ils ont des flashballs.»

Des portables à la pelle

Après six heures de mutinerie, les services pénitentiaires sont parvenus, sans heurts, à faire rentrer les détenus dans leurs cellules vers 20 h 45. Deux d’entre eux, considérés comme les meneurs, ont été placés en quartier disciplinaire.

Hier, le syndicat pénitentiaire des surveillants non-gradés n’était surpris ni de la mutinerie, ni de la présence de téléphones portables à Seysses. «Chaque année, c’est la même chose, ont décrit Jérôme Massip, secrétaire général national, et Nicolas François, secrétaire local. ça exprime bien le laxisme de l’administration. On a enlevé l’autorité au personnel. On parle des droits des détenus. Mais tout ça se fait au détriment des conditions de travail des personnels»

Quant au «fléau du portable, il n’y a rien de surprenant. On en retrouve à la pelle. On dénonce mais il ne se passe rien !»

Hier soir, malgré nos appels, nous ne sommes pas parvenus à joindre la direction de la prison de Seysses mobilisée sur l’événement.

Claire Lagadic, ladepeche.fr, 16 juillet 2012

[Expulsion à visage humain] Mayotte : un 2e centre de rétention va être construit d’ici fin 2014

Un deuxième centre de rétention administrative (CRA) va être construit « d’ici fin 2014 » à Mayotte, qui fait face à un afflux de migrants clandestins sans commune mesure avec la métropole, a-t-on appris vendredi de source gouvernementale.

Ce 101e département français, dans l’océan Indien et voisin de seulement 70 km de l’île d’Anjouan (Comores), a expulsé l’an passé 26.405 personnes dont 5.389 enfants, selon les chiffres officiels, et ne dispose que d’un CRA de 60 places, constamment surpeuplé.

« Le CRA actuel présente des conditions indignes, donc un projet de construction d’un nouveau CRA est en cours, la livraison est prévue fin 2014 », a déclaré à l’AFP cette source, précisant que « le dossier suit son cours » et que « le choix de l’architecte a déjà été fait ».

A Mayotte, où ne s’applique pas le droit commun du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), « la durée moyenne de rétention est de 20 heures », a-t-on précisé de même source.

Ainsi, la circulaire du ministère de l’Intérieur rendue publique le 7 juillet recommandant d’assigner les familles de sans-papiers avec enfants à résidence plutôt que de les placer en rétention ne s’applique pas à Mayotte.

« Pour ce qui est, dans l’immédiat, des conditions d’accueil, le préfet de Mayotte a reçu du gouvernement des instructions pour mettre en place un dispositif spécifique pour les familles d’ici à septembre », a ajouté la même source, parlant de « locaux provisoires et adaptés ».

« Il est difficile d’assigner à résidence des gens qui n’en ont pas de décentes, et l’alternative de l’assignation à résidence en hôtel n’est pas réaliste à Mayotte vu l’offre hôtelière », a-t-on expliqué.

De fait, la plupart des Comoriens en situation irrégulière habitent dans des bidonvilles, dédales de cahutes de tôles, souvent sans eau ni électricité.

Le ministre des Outre-mer Victorin Lurel, attendu à Mayotte à partir de dimanche soir et jusqu’à lundi, devrait préciser la mise en oeuvre de ces instructions.

Presse coloniale (AFP), 13 juillet 2012

[Anti-THT] Retour sur le week-end de résistance à la ligne THT, par quelques un-es du groupe « médical »

Nous publions ci-dessous un texte écrit par plusieurs militants ayant participé au week-end de résistance du Chefresne contre la THT.

Du 22 au 24 juin dernier a eu lieu un week-end de résistance à la construction de la ligne THT (Très Haute Tension) Cotentin-Maine. Ce week-end s’inscrit dans la continuité de réflexions, d’informations et d’actions collectives menées depuis plusieurs mois. Les deux premiers jours étaient consacrés à des échanges entre locaux et militants-es antinucléaires venus-es d’un peu partout ; le dimanche étant une journée d’action dont la finalité était double, à savoir rendre visible cette résistance et saboter l’avancée des travaux sur la ligne THT.

Retournons plus précisément sur cette journée :

Deux cortèges sont partis du camp, l’un marchant vers la mairie du Chefresne, l’autre vers les pylônes. Ces deux cortèges étaient totalement solidaires, en lien permanent, et poursuivant la même volonté politique. Au sein de ces deux cortèges nous étions une vingtaine de personnes, toutes antinucléaires, à s’être constituées comme un groupe « médical » autogéré en capacité d’assumer les premiers secours. Nous tenons à bien préciser que nous n’étions pas là en tant que prestataires de services, mais bien en tant que personnes participant activement a la construction de la lutte collective contre le nucléaire et son monde.

Au sein même de cette équipe médic, nous nous inscrivons dans une perspective politique d’échanges et de transmissions de savoirs et pratiques, rejetant les notions d’experts et de spécification des tâches.

Nous écrivons ce texte afin de faire un constat précis des événements et de dénoncer les violences « policières » assumées et préméditées par la préfecture de la Manche qui ont eu lieu ce dimanche 24 juin. Parce que cette journée n’est ni à oublier ni à banaliser, et qu’elle marque une nouvelle fois l’impunité et la monstruosité militaire, il nous semble important que ces constats et ces dénonciations soient diffusés largement aussi bien au cercle antinucléaire, aux professionnels en contact avec les victimes, qu’à n’importe qui ayant à faire aux forces de l’ordre. Cela, à la fois en solidarité avec nos amis-es et à visée d’auto-médiation.

Les moyens utilisés par la gendarmerie, outre les effectifs évidemment conséquents, étaient tous employés en vue de nuire et de blesser avec une détermination forte, pensée et assumée. Pour le cortège se dirigeant vers les pylônes THT était déployé un arsenal comprenant des grenades explosives dites assourdissantes ou de désencerclement, des grenades lacrymogènes et des matraques. Les tirs, au lance grenades ou à la main, étaient sciemment dirigés vers les personnes, arrivant au niveau du visage le plus souvent. Rappelons que les grenades sont mortelles lorsqu’elles sont lancées à tir tendu (pratique interdite par la loi), ce qui était le cas et qui devient une norme. L’attaque a débuté de façon immédiatement brutale (à environ 200m du camp) avec des blessés-es graves dès la première charge, et n’a pas diminué d’intensité même lors de notre repli vers le camp. Et même lorsque des cordons de sécurité étaient constitués par nous-même autour de nos blessés-es et qu’ils signalaient verbalement aux bleus la situation, les charges et les tirs ont continués exactement avec la même violence. L’autre cortège a essuyé des tirs de grenades lacrymogènes, sans sommation, au bout d’à peine quelques centaines de mètres de marche, ce qui a entrainé son repli immédiat.

En ce qui concerne les blessés-es :

une personne a été blessée à l’œil de manière très grave, elle a été transférée d’un hôpital périphérique au CHU de Caen le jour même, sa vision est largement amputée par une hémorragie du vitré et le pronostic est réservé quant à la récupération de son acuité visuelle.

une personne a subit un traumatisme crânien grave avec atteinte de l’œil suite à un tir tendu de grenade, il a été opéré le soir même. Il souffre d’une triple fracture du massif facial et la rétine de son œil a été touchée par la violence du choc. Sa vision est également altérée de manière irréversible à 1/20ème.

Ces deux personnes ont nécessité une évacuation en urgence. Or, la préfecture a volontairement saboté l’arrivée des véhicules médicalisés sur le camp. Les consignes étaient données de bloquer le premier véhicule médicalisé à quelques dizaines de mètres du camp. Une journaliste présente sur les lieux a constaté ce blocage par un cordon de gendarmes, ce qui a certainement permis son lever. Le deuxième a carrément été réquisitionné par la gendarmerie. Ces deux victimes ont donc attendu plus d’une heure trente. Peut-on parler d’autre chose que de cynisme et de sadisme ?

une autre personne a eu une plaie importante au niveau du front (coup de matraque), ayant nécessité des points de suture. Les blessés-es restants (environ 20) sont consécutifs aux multiples explosions de grenades assourdissantes et de désencerclement. En explosant, des impacts métalliques se logent dans les chairs en profondeur jusqu’à plusieurs centimètres sous la peau, sectionnant potentiellement nerfs et artères. Ainsi, une blessée a été transférée au CHU et 15 éclats ont été constatés (jambe os, genou, vagin, sein, bras). L’un d’entre eux a carrément sectionné un nerf de l’avant bras. Elle a été opérée (ce qui ne signifie pas qu’on lui ait retiré tous les éclats de son corps) mais garde des séquelles motrices et sensitives des doigts. Les autres gardent leurs éclats dans leur corps, ce qui n’est pas sans poser problème, à court comme à long terme. A noter : le médecin régulateur du SAMU, avec qui nous étions en lien, était harcelé par le chef de cabinet de la préfecture afin de fournir les identités des blessés-es et leur hôpital de destination. Si lui et d’autres soignants-es s’en sont tenu au secret médical, des employés-es de l’hôpital d’Avranches ont sciemment communiqué avec la gendarmerie préférant être indic plutôt que soignant… Chapeau les collabos ! Des policiers étaient également en faction devant certains hôpitaux du coin. Il a aussi été signalé de véritables barrages policiers (en ligne sur la route avec tenue de combat) arrêtant tous les véhicules et contrôlant les identités. Et ils ont même été jusqu’à surveiller l’entrée du CHU de Caen où deux fourgonnettes et « une ligne » de gardes mobiles attendaient sur la voie d’accès. La répression prime clairement sur l’assistance. Enfin, malgré la solidarité entre nous tous, le sentiment d’effroi laisse, pour certains-es d’entre nous, des marques dans nos psychés qui mettront du temps a cicatriser… Marques façonnant, mais n’effaçant rien de notre désir de révolte.

Notre propos n’est pas « de pleurer sur notre sort » car nous savions dans quoi nous nous impliquions. Nous ne sommes pas dupes, la France est un État policier qui montre son vrai visage quand on s’attaque à ses piliers fondateurs, notamment l’industrie nucléaire. Certes cela n’est pas nouveau, mais mérite d’être rappelé sans cesse. L’État ne supporte pas sa contestation, et avoir du sang sur les mains ne lui fait pas peur. Et ce texte a pour but d’informer, encore et toujours, que la violence étatique n’est pas que symbolique, mais s’incarne aussi dans le corps de nos compagnes et compagnons touchées-s.

source : site de l’Organisation Communiste Libertaire, 17 juillet 2012

« On croyait que ça allait s’arranger avec la préfecture pour les étrangers, mais c’est pire qu’avant ! »

Une fois par mois, les associations de soutien aux sans-papiers de retrouvent devant le palais de justice. Mercredi soir, Yves Judde, de la Cimade 86, et les représentants des autres associations se sont étonnés que rien ne bouge. Au contraire.

« On attendait de voir ce qui allait se passer avec le nouveau gouvernement et la préfecture. De ce côté-là, c’est pire qu’avant, notamment avec la responsable du service des étrangers. » Et de citer plusieurs cas jugés emblématiques que la mauvaise foi ambiante. Notamment celui d’un Camerounais. « On lui a dit qu’il ne figurait pas dans la liste des métiers en tension. Il travaille pourtant dans la restauration, c’est n’importe quoi ! La préfecture lui a répondu que pizzaïolo, ce n’était pas de la restauration ! »

Presse préfectorale (La Nouvelle République), 7 juillet 2012