Archives de catégorie : Dystopie urbaine

[Poitiers] 145 hectares et 3.000 emplois à l’horizon 2030

Une exposition est présentée à l’hôtel de ville de Poitiers et à la mairie de Migné-Auxances. On y découvre la future zone d’activités République IV.

Après République I, II et III, voici République IV. Il ne s’agit point des régimes présidentiels, mais des zones d’activités économiques de la communauté d’agglomération de Poitiers. Les premières zones – on parle aujourd’hui de pôles – se sont développées sur le territoire de la commune de Poitiers. La quatrième verra le jour à cheval sur Poitiers et Migné-Auxances.

Des équipements mutualisés

Le projet a été initié à la fin des années 2000, quand les emplacements susceptibles de recevoir des entreprises se faisaient rares. Avec la crise, la demande s’est ralentie. Elle existe néanmoins toujours et Grand Poitiers ne veut pas manquer une occasion de voir s’établir un investisseur sur son territoire.
Le futur pôle économique s’étendra sur 145 hectares au nord-ouest de l’autoroute A 10 et de la ligne à grande vitesse actuellement en chantier. Côté route de Parthenay (RD 30), elle se raccordera à Actiparc (Vouneuil-sous-Biard) et aux zones d’activités de Larnay et de la Tardiverie (Biard). A l’opposé, République IV rejoindra Chardonchamp, tout près de l’échangeur autoroutier de Poitiers-Nord. Au passage, la future zone englobera la zone commerciale de La Loge (Migné-Auxances).
Il est prévu d’accueillir les entreprises les plus gourmandes en espaces (plus de 10.000 m2) aux deux extrémités. Les PME qui auront besoin de 3.000 à 10.000 m2 s’implanteraient au-delà la LGV. Les entreprises artisanales (moins de 3.000 m2) pourront s’installer à l’arrière de la zone de La Loge.
Pour accompagner ces implantations, il est d’ores et déjà prévu des équipements mutualisés : une pépinière d’entreprises, un pôle de restauration, une crèche d’entreprises, des salles de réunions et un pôle d’accueil. Tout cela, bien évidemment restant à préciser. A la fois quant au mode de gestion et au dimensionnement de ces équipements.
A l’ambition économique : réaliser un ensemble où travailleraient de 3.000 à 4.000 salariés à l’horizon 2030, Grand Poitiers veut ajouter une ambition esthétique et paysagère. D’ores et déjà des espaces naturels sont annoncés : vergers et vignes seront conservés, des liaisons paysagères seront aménagées et un système de gestion des eaux pluviales mis en place.

à suivre

Concertation

> L’exposition à l’hôtel de ville de Poitiers et à la mairie de Migné-Auxances est la première étape d’une concertation préalable à l’aménagement de la future zone économique.
> Un regret: dans l’hôtel de ville de Poitiers, la dimension de l’exposition est inversement proportionnelle à l’ambition affichée. Les quatre panneaux qui présentent le projet sont présentés dans un couloir au 1er étage d’une des ailes de la mairie. Pour trouver, il est prudent de demander à l’accueil.
> L’exposition est visible jusqu’au 17 mai et il est possible de formuler ses remarques sur un registre.

Jean-Jacques Boissonneau, La Nouvelle République
22/04/2013

[Poitiers]  » Le théâtre est à nous  »

NdPN : du monde contre la privatisation du Théâtre à Poitiers, et tant mieux. Deux remarques néanmoins. D’une part, la pétition ne sert à rien, et les partis qui proposent ce mode de lutte le savent très bien. Mais bon, les élections approchant, faut bien se donner une petite image, et ça ne mange pas de pain. D’autre part, ce serait chouette de voir autant de monde se rassembler lorsque des squats sont évacués à Poitiers, que des gens sont expulsés de leur logement et que des salarié-e-s sont viré-e-s de leurs moyens de production. Le théâtre est à nous ? Tout est à nous, et l’indignation n’a pas lieu d’être que lorsqu’il s’agit de lieux de « culture ».

 » Le théâtre est à nous « 

Les manifestants ont exprimé leur opposition à la vente de l’ancien théâtre, hier après-midi. – (Photo Patrick Lavaud)

250 à 300 Poitevins, opposés au projet de vente d’une grande partie de l’ancien théâtre municipal, ont manifesté samedi, place Leclerc.

Dans ce lieu, j’ai ri, j’ai pleuré et j’ai rêvé. Cette phrase a été écrite sur un papier kraft posé sur les pavés blancs, devant l’ancien théâtre, place du maréchal Leclerc. Entre 250 et 300 Poitevins, avaient répondu, hier en début d’après-midi, à l’appel à la manifestation lancé sur facebook puis relayé par la presse. Sous le soleil, au rythme de percussions lancées à plein régime, les quinquagénaires et sexagénaires (les plus nombreux) mais aussi des jeunes expriment à travers leurs écrits et leurs mots, leur attachement à ce lieu de culture promis à la vente par le maire ; leur refus de le voir transformé dans sa plus grande partie en commerces.

Les pétitions remises au maire lors du prochain conseil municipal

La Ville co-propriétaire créerait « un espace culturel dédié aux arts plastiques ». Le hall, le foyer, les miroirs de l’atelier Pansart seraient conservés. En guise de réponses, «  Pas de privé dans la cité  », «  le théâtre est à nous  », «  pas de culture dans des boîtes à chaussures  », «  Je veux des marionnettes, pas des chaussettes  », s’étalent sur les affiches. Des militants mettent en avant leur appartenance politique. Europe écologie les verts tout particulièrement. Arnaud Clairand prendra la parole pour lire un poème en alexandrin et brocarder le maire. Les jeunes communistes sont plus discrets. Le NPA et le Parti de gauche se déclarent avant tout co-organisateurs de la manifestation. Parmi les anonymes, Tess, 16 ans : « Je connais l’ancien théâtre depuis que je suis toute petite. Il fait partie de Poitiers. Ce n’est pas normal de le transformer en commerces. Il aurait été préférable d’y laisser le Tap cinéma. Il n’y a quasiment pas de salles de concert. Pourquoi pas ici ? ». Frédérique, 45 ans, déclare : « Les commerces, y’en a marre. Ce n’est pas le bon choix ». Michèle 59 ans, et Monique 62 ans, observent qu’il devait y avoir une concertation avec les habitants or « elle n’a pas eu lieu ». « Il faut que ça reste un lieu culturel. C’est un patrimoine. Il y a assez de galeries marchandes à Poitiers », assènent-elles. « Un lieu de vie et d’expression car de plus en plus de gens veulent parler », souligne France Joubert, militant syndical investi dans la cause de l’Europe. Jacques Arfeuillère (Parti de gauche) pense que cette mobilisation « qui doit étonner le maire » peut faire bouger les lignes. Frédérique a l’espoir qu’il tiendra compte de leur avis. Avant que le rassemblement ne se disloque, Maryse Desbourdes (NPA) annonce que les pétitions * seront remises lors du prochain conseil municipal le lundi 25 mars.

* Sur www.avaaz.org (pétitions citoyennes), 1.700 signatures avaient été recueillies, samedi, à 17 h 45.

Marie-Catherine Bernard, Nouvelle République, 17 février 2013

Théâtre politique

C’est parti ! La campagne des municipales est bel et bien lancée, dans les rangs de la gauche poitevine. Alain Claeys a clarifié la situation, jeudi, en annonçant qu’il sera candidat au renouvellement de son mandat de maire. Des jeunes socialistes à son adjoint à la cohésion sociale, Michel Berthier, en passant par le communiste Jean-Jacques Guérin, beaucoup ont aussitôt salué sa décision. La gauche de la gauche et les écologistes sont désormais contraints, pour leur part, à accélérer le pas. Ils ont déjà trouvé un premier terrain d’affrontement, avec la transformation annoncée de l’ancien théâtre municipal en lieu d’exposition, géré par la ville, et en espace commercial. Vide depuis le départ de la programmation art et essai du Tap cinéma, qui lui a préféré trois salles plus modernes au CGR Castille, le vieux bâtiment des années cinquante devient l’emblème de cette précampagne. Quel meilleur endroit que la place d’Armes pour ces grandes manœuvres ?

Alain Defaye, Nouvelle République, 17 février 2013

[Poitiers] Noël, les marchandises et les voleurs : le capitalisme comme organisation de la rareté

NdPN : le capitalisme ne se caractérise pas par « l’abondance » (si ce n’est celle de déchets et d’invendus, dont on prive l’accès aux pauvres), mais par la privation, la rareté organisée, sans quoi il n’y aurait plus de prix ni de vente, étape aussi indispensable que la production dans la valorisation du capital. En pleine période de fêtes, où les exploité-e-s tentent d’oublier quelques jours la galère en se faisant plaisir autour d’une bouffe et de petits cadeaux, les magasins sont ainsi étroitement surveillés par les féroces de l’ordre, garants de la dite rareté, toujours prêts à réprimer les gens ayant l’outrecuidance de vouloir se procurer ce qu’ils ne peuvent payer. Outre les cas présentés ci-dessous dans la presse locale, nous avons ainsi remarqué la présence discrète mais « efficace » des flics dans un grand magasin du centre-ville, rappelant qu’en société capitaliste, ces fonctionnaires jouent avant tout le rôle de vigiles du profit.

Le travail des voleurs de plus en plus compliqué

Toute la soirée, les gendarmes ont patrouillé sur la zone commerciale  du Futuroscope, hier. Histoire de dissuader les voleurs.

La période des fêtes de fin d’année est traditionnellement une époque bénie pour les voleurs : les entrepôts des magasins regorgent de marchandises et les caisses des commerçants sont généralement bien remplies en fin de journée. A fortiori comme hier soir quand on est à 48 heures de Noël.

Pour dissuader les malfrats de venir vadrouiller sur la première zone commerciale du département (celle du Futuroscope à Chasseneuil-du-Poitou, avec ses 140 enseignes), la compagnie de gendarmerie de Poitiers, sous les ordres du commandant Guillaumot, s’est déployée hier soir jusqu’à une heure avancée (21 h 30) : 26 gendarmes en patrouilles pédestres ou à moto, des éléments de l’escadron départemental de sécurité routière, plus l’hélicoptère de Tours avec son projecteur, ont méthodiquement quadrillé le secteur. L’idée était non pas d’interpeller qui que ce soit mais de se montrer, de rassurer commerçant et clients, et de renouveler les conseils en matière de sécurité. Cette opération s’est effectuée sous la houlette du parquet de Poitiers qui, seul, peut autoriser le contrôle et la fouille des véhicules suspects.

en savoir plus

Bien qu’un tel dispositif n’ait pas été prévu à Châtellerault, les gendarmes s’y sont montrés redoutablement efficaces en interpellant, en fin d’après-midi, une bande de voleurs d’Europe de l’Est, repérés à Dangé-Saint- Romain. Ils avaient, quelques minutes auparavant, effectué plusieurs vols dans le magasin d’usine Aigle, à Ingrandes.

Nouvelle République, 23 décembre 2012

Ingrandes-sur-Vienne: ils pillent le magasin Aigle et se font arrêter

Un groupe de ressortissants de l’Europe de l’est a profité de la foule qui se pressait cet après-midi dans le magasin d’usine Aigle d’Ingandes pour faire main basse sur divers articles. L’alerte a été rapidement donnée mais les voleurs avaient eu le temps de disparaître. La gendarmerie a immédiatement mis en place des patrouilles dans tout le Châtelleraudais. Les voleurs auraient été interpellés en fin d’après-midi aux environs de Dangé-Saint-Romain.

Nouvelle République, 22 décembre 2012

L’Union européenne finance plus de 190 programmes de recherche sur la sécurité et la surveillance

2013 : comment l’Europe se prépare à espionner ses citoyens

Biométrie, vidéosurveillance, drones, détection des comportements anormaux, modèles mathématiques pour identifier des suspects… L’Union européenne finance plus de 190 programmes de recherche sur la sécurité et la surveillance. Au grand bénéfice des industriels, qui recyclent les technologies militaires pour surveiller les populations. Alors qu’un nouveau programme de recherche est en cours de discussion à Bruxelles, l’Europe continuera-t-elle à céder aux lobbys industriels et à investir des milliards dans le marché de la sécurité ?

Ils portent des noms étranges : Tiramisu, Pandora, Lotus, Emphasis, Fidelity, Virtuoso… En apparence, ce sont d’inoffensifs acronymes. En réalité, ils cachent 195 projets européens de recherche dans le domaine de la sécurité et de la surveillance. Des projets relativement inquiétants pour nos libertés. Et financés par l’Europe dans le cadre de partenariats public-privé.

Exemple le plus emblématique : le projet Indect (« Système d’information intelligent soutenant l’observation, la recherche et la détection pour la sécurité des citoyens en milieu urbain »), lancé il y a quatre ans, dénoncé fin octobre par des manifestations dans toute l’Europe. Indect vise à permettre une « détection automatique » des menaces et des situations dangereuses – comme les cambriolages – ou « l’usage d’objets dangereux » – couteaux ou armes à feu. Tout est bon pour combattre « le terrorisme et d’autres activités criminelles comme le trafic d’êtres humains ou la pornographie pédophile ». Et assurer la sécurité des citoyens… Sauf qu’il s’agit aussi avec Indect de détecter « automatiquement » (sic) les comportements suspects, à partir d’images de vidéosurveillance, de données audio ou échangées sur le net. Bienvenue dans Minority Report !

Détecter les comportements « anormaux »

Concrètement, Indect est un système de surveillance, qui, à partir d’images et de sons captés dans l’espace public et d’informations glanées sur Internet, alerterait les services de police en cas de situation jugée dangereuse : des personnes immobiles dans une rue passante, un mouvement de foule, des véhicules qui roulent au ralenti, un appel louche sur un réseau social. Ces critères « d’anormalité » seront définis par les forces de sécurité… Le tout alimentera un moteur de recherche. En plus d’espionner l’espace public, Indect assurera « la surveillance automatique et en continu de ressources publiques, comme les sites web, forums de discussion, réseaux P2P ou systèmes informatiques individuels ». Mais rassurez-vous : des outils pour masquer certaines données privées, comme les visages ou les plaques d’immatriculation sur les images vidéos, sont prévus. Les informations doivent être cryptées avant leur transmission aux services autorisés. Ouf !

Parmi les instituts de recherche qui participent au projet, aux côtés de plusieurs polices et entreprises [1], celui de l’université de Wuppertal en Allemagne est spécialisé en sécurité des transports et en protection civile contre les catastrophes. L’université vante les effets positifs que pourraient avoir ces techniques pour prévenir une situation comme celle de la Love Parade de Duisbourg, en 2010, où 21 personnes sont mortes dans un mouvement de foule.

Dans le cadre d’Indect, il développe des modèles mathématiques pour évaluer, à partir d’images de vidéosurveillance, la vitesse des objets, ou « pour détecter le mouvement dans un domaine dangereux, comme les voies dans une gare », explique le porte-parole de l’université, Johannes Bunsch – le seul officiellement autorisé à parler du projet. Courir pour attraper un train, réagir avec un geste brusque, et vous voilà dans le moteur de recherche auquel se connectent les services de police. « Le système peut très bien détecter une personne nouant ses lacets dans un magasin ou prenant des photos dans un hall d’aéroport, et considérer cela comme un comportement “anormal”. En réalité, le système ne sait pas s’il s’agit d’un comportement indésirable. Il détecte simplement un comportement qui s’écarte des comportements normaux que nous lui avons appris », illustre le professeur Dariu Gavrila (cité par le site Owni) qui, au sein de l’université d’Amsterdam, travaille sur des algorithmes pour détecter les comportements agressifs.

Car le but affirmé d’Indect est bien de lutter contre la criminalité et le terrorisme, non pas d’éviter les carambolages sur les autoroutes ou les mouvements de panique tragiques. Et ce, grâce à l’Union européenne qui finance 75% du projet (15 millions d’euros au total). « Nous ne développons que des procédés techniques, se défend prudemment le porte-parole. La compétence de décider comment utiliser la technologie revient aux politiques ». C’est bien là le problème : qui contrôle ces programmes de recherche et à qui bénéficieront-ils ?

Police et entreprises dans le comité d’éthique

Pour répondre aux critiques, Indect s’est doté d’un comité d’éthique. Sa composition laisse songeur : parmi les neuf membres, on retrouve deux chefs des services de police impliqués et un industriel d’une des entreprises participantes… Son principe semble pour le moins ambigu : « La maxime « si vous n’avez rien fait de mal, alors vous n’avez rien à craindre » n’est valable que si tous les aspects de la justice criminelle fonctionnent parfaitement, dans toutes les occasions. » [2] Faut-il comprendre qu’un citoyen qui tombe par erreur dans les mailles sécuritaires d’Indect n’aura que peu de chance de s’en sortir !? « Les comités d’éthique qui accompagnent les projets comme celui d’Indect sont plutôt des alibis, estime l’eurodéputé allemand Jan Phillip Albrecht (Vert), qui a fait partie du comité d’éthique du projet Addpriv, qui vise à créer  des outils pour limiter le stockage de données jugées inutiles et rendre les systèmes de vidéosurveillance « plus compatibles » avec le droit à la vie privée des citoyens.

Indect est loin d’être le seul programme espion généreusement financé par l’UE. Arena [3] vise à créer un système mobile de surveillance, et est subventionné à hauteur de 3 millions d’euros. Subito repère les propriétaires de bagages non identifiés. Samurai signifie « surveillance des comportements suspects et anormaux à l’aide d’un réseau de caméras et de capteurs pour une meilleure connaissance des situations » [4], dans les aéroports et les espaces publics. Il s’agit d’un système de vidéosurveillance avec caméras fixes et mobiles – sur des agents de police en patrouille par exemple –, équipées de capteurs permettant de suivre une personne, de retrouver le propriétaire d’un bagage abandonné ou celui d’un véhicule garé dans un lieu public. Des essais se sont déroulés en 2009 dans l’aéroport londonien d’Heathrow. Bruxelles lui a accordé 2,5 millions d’euros.

L’enveloppe européenne pour ces dispositifs s’élève à 1,4 milliards d’euros sur cinq ans [5]. Cette future surveillance généralisée se décline dans les transports ferroviaires, les aéroports, et sur les mers, avec des projets notamment conçus pour refouler les migrants. Ce programme soulève de nombreuses questions, d’autant qu’il échappe à tout contrôle démocratique et toute objection de la société civile. « Les représentants de la société civile, les parlementaires, tout comme les organisations en charge des libertés civiles et des libertés fondamentales, dont les autorités de protection des données, ont largement été mis de côté », alerte un rapport commandé par le Parlement européen en 2010 [6]. Vive l’Europe des citoyens !

Une politique de surveillance façonnée par les industriels

Pas d’élus ni d’organisations non gouvernementales, mais une omniprésence des grandes entreprises du secteur de la sécurité et de la défense ! En particulier les Français : le groupe aéronautique franco-allemand EADS, et ses filiales Cassidian et Astrium, participent à près de 20 projets différents.  Thales France en suit 22 projets et en coordonne cinq. Sagem et Morpho, deux filiales du groupe français Safran, participent à 17 projets, qui incluent la mise au point de drones de surveillance, ou la conception de passeports et de fichiers biométriques. Chacun avec des millions d’euros de subventions. Des recherches qui assureront sans nul doute de nombreux débouchés pour ces technologies sécuritaires, en Europe et au-delà.

Pourquoi une telle présence ? « Ce sont en majorité de grandes sociétés de défense, les mêmes qui ont participé à la définition du Programme de recherche européen en matière de sécurité, qui sont les principaux bénéficiaires des fonds », pointe l’étude du Parlement européen. Plusieurs multinationales – dont, côté français EADS, Thales, ou Sagem [7] – ont étroitement participé à la définition du programme de recherche lui-même. Depuis 2003, leurs représentants et PDG conseillent la Commission européenne sur le sujet, via différents groupes de travail et comités, qui ont pour mission d’établir les priorités de la politique européenne de recherche en sécurité [8]. A se demander qui, des multinationales ou des institutions élues, définit la politique de sécurité européenne ! « Ce qui intéresse les entreprises du secteur, ce n’est pas tant de surveiller les populations que de faire de l’argent », analyse Jean-Claude Vitran, de la Ligue des droits de l’homme.

Recycler les technologies militaires

C’est que le marché européen de la sécurité vaut de l’or. Entre 26 et 36 milliards d’euros. Et 180 000 emplois, selon la Commission européenne, qui estime qu’au cours des dix dernières années, la taille du marché mondial de la sécurité « a quasiment décuplé, passant de quelque 10 milliards d’euros à environ 100 milliards d’euros en 2011. » [9] Mais Bruxelles craint pour la compétitivité des firmes européennes. La solution ? Développer « un véritable marché intérieur des technologies de la sécurité », explique Antonio Tajani, vice-président de la Commission en charge des entreprises. Un marché essentiel pour consolider la position des entreprises du secteur. Pour y parvenir, Bruxelles veut exploiter les synergies « entre la recherche en matière de sécurité (civile) et la recherche dans le domaine de la défense ». Une stratégie duale : les technologies développées à des fins militaires peuvent aussi se vendre sur le marché intérieur de la sécurité civile, pour la surveillance des migrants, des citoyens, des transports et des espaces publics.

« Les industriels de la défense sont conscients que le marché militaire peut s’appliquer à la sécurité civile. Et qu’ils peuvent en faire leurs choux gras », ajoute Jean-Claude Vitran. Les entreprises du secteur profitent des fonds de soutien à la recherche, à tous les niveaux. En plus du volet sécurité du programme de recherche européen, au moins sept pays européens ont lancé depuis des programmes nationaux, dont la France, avec le programme « Concepts, systèmes et outils pour la sécurité globale » de l’Agence nationale de la recherche. Le secteur n’est visiblement pas soumis à l’austérité.

Vers un contrôle plus grand du Parlement ?

Et ce n’est pas terminé ! Ce septième programme-cadre européen prendra fin en 2013. Mais l’industrie de la sécurité n’a pas de souci à se faire. Le budget du prochain programme, Horizon 2020, valable pour la période 2014-2020, devrait augmenter. La commission de la recherche et de l’industrie du Parlement européen a adopté le 28 novembre une première proposition [10]. Le montant global alloué à la recherche dépendra des discussions entre chefs de gouvernement des pays membres. Une chose est sûre : un volet entier sera de nouveau dédié à la sécurité civile, qui devrait recevoir 2,1% du montant global du programme-cadre. Soit 1,6 milliard d’euros. L’industrie de la sécurité dispose d’un allié au cœur du processus législatif européen. L’un des rapporteurs du texte Horizon 2020, le député conservateur allemand Christian Ehler, est président du conseil d’administration de la German european security association (GESA), une organisation lobbyiste qui regroupe des représentants de l’industrie allemande de la sécurité, de la recherche et des politiques.

« 2 % du paquet recherche, c’est beaucoup trop. Si ça n’avait tenu qu’à nous, il n’y aurait pas eu de chapitre « sécurité » dans ce programme, souligne Philippe Lamberts, eurodéputé belge (Vert), autre rapporteur du projet Horizon 2020. Le budget européen de recherche n’est pas énorme. Il faut choisir ses priorités. Il y a d’autres domaines de recherche qui sont plus brûlants pour la sécurité européenne, comme l’indépendance en énergie ou en ressources. »

Les élus verts du Parlement européen ont réussi à introduire des critères d’impact social dans le programme. Tous les appels à projets dans le domaine de la sécurité devront être soumis à une évaluation préalable de leurs conséquences, sur les droits fondamentaux par exemple. « Auparavant, le facteur principal pour choisir les projets, c’était la croissance potentielle de la branche, rappelle le député vert Jan Philipp Albrecht. Il faut des lignes directrices, liées au respect des libertés. Nous avons des restrictions éthiques similaires dans le domaine de la recherche sur les cellules souches. Il faut que soit clairement établi dans quel cadre on a le droit de chercher pour recevoir les fonds européens, et dans quelle limite. » Et surtout permettre aux citoyens de garder le contrôle sur un ensemble de projets qui peuvent remettre sérieusement en cause les libertés publiques. A moins que la « compétitivité » des grands groupes du secteur de la sécurité ne prenne, une fois de plus, le dessus.

Rachel Knaebel

Photo : CC Solo (Une) / CC L’N’Y (caméra) / CC makerbot (Lego) / CC Fotomovimiento

Notes

[1Douze instituts de recherche, dont l’école d’ingénieur INP de Grenoble – qui n’a pas répondu à notre demande d’informations –, quatre entreprises allemandes et autrichiennes et la police de Pologne et d’Irlande du Nord.

[2] Lire ici.

[3] Architecture for the Recognition of threats to mobile assets using Networks of multiple Affordable sensors, Arena.

[4] Suspicious and abnormal behaviour monitoring using a network of cameras and sensors for situation awareness enhancement

[5] Le programme cadre européen dispose d’un budget de 51 milliards d’euros attribués à la recherche pour la période 2007-2013, dont 1,4 milliards pour le volet « Sécurité ».

[6A télécharger ici.

[7] Mais aussi BAE Systems, Ericsson, Saab, Siemens…

[8] Le « Groupe de personnalités » (GoP) en 2003, puis le Comité de conseil de la recherche européenne en sécurité (European Security Research Advisory Board, Esrab) en 2005. En 2007, un troisième comité est créé pour accompagner cette fois le 7ème programme cadre de recherche – le Forum européen pour la recherche et l’innovation en sécurité (Esrif).

[9] Lire leur communiqué.

[10] Sur la base d’un premier projet de la Commission. Le texte sera voté en plénière au Parlement européen dans le courant de l’année 2013.

Bastamag, 19 décembre 2012

[Tours] Mobilisation des salariés de l’Entr’Aide Ouvrière du secteur social

Tours : mobilisation des salariés de l’Entr’Aide Ouvrière du secteur social

URGENCES… IL Y A URGENCE !!! Dans bon nombre de villes, le secteur social est entrain de craquer, notamment les dispositifs d’hébergement d’urgence. Tours n’y échappe pas. Une cinquantaine d’enfants, d’hommes et de femmes, bien qu’ayant appelé le 115, restent tous les soirs à la rue. Certains n’appellent même plus.

En novembre 2012, les salariés du 115 ont fait valoir leur de droit de retrait. Le service n’a pas fonctionné pendant plusieurs jours. Ces salariés ne supportent plus de devoir répondre « non » à la plupart des appels de personnes en détresse.

Le fonctionnement du dispositif d’accueil d’urgence est devenu intolérable tant pour les usagers que pour les salariés du secteur social. Bien souvent les familles sont accueillies dans des hôtels infâmes, ou dans une salle à manger d’hôtel transformée en dortoir avec 15 matelas à même le sol, sans qu’aucune intimité ne soit respectée. Cette « salle commune » (dixit le directeur de la Direction Départementale de Cohésion Sociale) qui existe depuis 1 an devait être fermée officiellement le 19 novembre. Or, des femmes et des enfants y sont encore hébergées. Récemment, un logement a été loué pour accueillir une quinzaine de femmes et d’enfants. Dans quelques jours, les conjoints et pères de ces familles devraient passer la nuit dans un bus garé près de ce lieu d’hébergement. Quotidiennement, des familles sont séparées : lorsqu’il y a de la place, la mère et ses enfants sont hébergés ; le conjoint et père reste à la rue. Bon nombre demandeurs d’asile n’ont que le ciel pour toit.

Si l’Etat appliquait la législation qu’il est censé faire respecter, plus personne ne resterait à la rue contre son gré.

Il en va de même pour les collectivités territoriales, notamment le Conseil général et la mairie.

Quelques exemples

* En février 2012, le Conseil d’Etat, dans un arrêt, a institué le droit à l’hébergement comme étant une liberté fondamentale. Cela signifie que toute personne appelant le 115 doit pouvoir être hébergée le soir même.

* Dans bon nombre de foyers d’urgence, le nombre de nuits d’hébergement est limité. A Tours la règle des 3 nuits est appliquée en toute illégalité. Le Code de l’action sociale et de la famille précise que « toute personne accueillie dans une structure d’urgence doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer… jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée… vers une structure d’hébergement stable ou de soins ou vers un logement… »

* Toute femme ayant au moins un enfant de moins de 3 ans doit être prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, qui dépend du Conseil Général, comme l’impose le Code de l’action sociale et de la famille. Ainsi si elle est à la rue, elle doit être hébergée avec ses enfants.

* Le Conseil D’Etat stipule dans 3 arrêts que l’Etat est obligé d’assurer l’hébergement, la vêture et la nourriture pour tous les demandeurs d’asile. La préfecture de la région Centre a imposé un dispositif d’urgence totalement illégal. Après 7 nuits d’hébergement ceux-ci sont jetés à la rue si les autorités préfectorales le décident.

* le maire et/ou le préfet peuvent réquisitionner des logements vides lorsque des personnes ne peuvent se loger. Etc., etc.

Sous prétexte que les finances se réduisent, on ne peut plus accepter qu’on bafoue les droits des usagers et que l’on dégradent les conditions de travail des salariés du secteur social. Des moyens, il y en a ! Il n’y a pas assez de places d’hébergement. Pourquoi le Préfet et/ou le maire ne réquisitionnent-ils pas des locaux ou des logements vides pouvant accueillir dignement des personnes à la rue, alors que la loi l’autorise ? Il y en aurait 5000 à Tours selon l’INSEE.

Comme tous les ans, la préfecture a déjà un dispositif hivernal de prêt proposant des conditions d’hébergement insatisfaisantes. Comme tous les ans, elle attend une significative de la température pour qu’il soit mis en œuvre.

Plusieurs associations du secteur social se mobilisent pour obtenir des locaux afin d’ouvrir des places d’hébergement d’urgence supplémentaires. Elles organisent une nuit de la solidarité le 5 décembre à partir de 19 heures, place de la Préfecture.

La lutte pour obtenir des moyens supplémentaires est une condition nécessaire mais non suffisante pour le respect de la dignité des usagers et l’amélioration des conditions de travail des salariés du secteur social. Si la dignité des usagers n’est pas respectée, il y a tout lieu de craindre que ce nouveau dispositif conduise encore une fois à générer des conditions inhumaines envers les usagers. Les travailleurs sociaux seront toujours en contradiction avec les deux piliers qui fondent leur profession : l’aide à la personne et le respect des droits des usagers en les aidant à les faire valoir.

Nous exigeons que :

toute personne, quelque soit son statut administratif, sollicitant le 115 puisse être hébergée dans des conditions respectant sa dignité et ses droits

toute personne hébergée en urgence puisse bénéficier d’un accompagnement social et qu’une orientation réelle et concrète lui soit proposée ; il faut en finir avec le turn-over fondé sur le nombre limité des nuits d’urgence

les familles ne soient plus séparées

toute femme ayant au moins un enfant de moins de 3 ans soit prise en charge avec ses enfants par l’ASE

les hôtels infâmes ne soient plus des lieux d’hébergement.

NOUS APPELONS LE 5 DECEMBRE A 19 H PLACE DE LA PREFECTURE A SE MOBILISER POUR :

LE RESPECT DE LA DIGNITE ET DES DROITS DES USAGERS ET DES SALARIES

L’OBTENTION DE MOYENS SUPPLEMENTAIRES NOTAMMENT L’OUVERTURE DE LOCAUX POUR DES HEBERGEMENTS DIGNES

CONFERENCE DE PRESSE MERCREDI 28 NOVEMBRE 2012 A 15 H dans les locaux de Sud Santé (hôpital Bretonneau) 299 rue Victor Hugo 37 000 Tours (face aux locaux de SOS Médecins)

Tours, le 29/11/2012

Sections syndicales SUD, FSU et CGT et des salariés de l’Entr’Aide Ouvrière