Archives de catégorie : Construction du désert

[Chasseneuil-du-Poitou – 86] LGV : le ministre et l’habitant

NdPN : voir notre article précédent sur la venue du ministre du travail Michel Sapin.

LGV : la visite du ministre dérange le riverain

Benoît Tercier a été réveillé samedi par les engins de chantier de la LGV, qui n’ont pas le droit de travailler le week-end. La faute au ministre ?

Benoît Tercier, administré de Chasseneuil-du-Poitou, le sait depuis longtemps : il va devoir s’habituer à voisiner avec la ligne à grande vitesse. Comment pourrait-il l’ignorer d’ailleurs ? Les premiers piliers du viaduc de l’Auxance sont plantés à moins de 200 mètres de ses fenêtres.

Samedi, pourtant, Benoît Tercier s’est levé plus en colère que d’habitude, réveillé, comme tous les matins, par les engins de chantier. Sauf que samedi, en principe, le chantier doit être arrêté pour respecter la tranquillité des riverains durant le week-end, conformément à un arrêté préfectoral pris en bonne et due forme. Le riverain mécontent a appelé la mairie de Chasseneuil où on lui a dit qu’on allait voir ce qu’on pouvait faire, la préfecture et Cosea (le constructeur de la ligne) où, pour cause de week-end, on ne lui a passé personne, enfin les gendarmes qui se sont engagés à aller jeter un œil sur le chantier et voir ce qui s’y passe. Toujours est-il que Benoît Tercier a dû supporter jusqu’en milieu de journée les bruits des moteurs et des sirènes de recul. Nous n’avons pas eu plus de succès que lui pour savoir pourquoi diable, pour la première fois depuis le début de ce chantier, des engins ont travaillé ce samedi. Une explication nous a cependant été fournie officieusement : il s’agissait de mettre le terrain en état en prévision de la visite, ce matin, sur le chantier du ministre du Travail Michel Sapin (lire page 3). Plus précisément de couler à la va-vite une couche d’enrobé pour éviter que la voiture officielle du ministre ne se salît. On n’ira sans doute pas jusqu’à reprendre à notre compte la remarque aigre-douce de Benoît Tercier : « Il y a de l’argent à dépenser pour ça ! » Mais on s’étonnera quand même que personne n’ait eu la délicatesse de prévenir la mairie de Chasseneuil et les quelques riverains concernés de la petite entorse au règlement et de ses motifs. Ainsi procède normalement tout bon citoyen qui s’apprête à déranger ses voisins à une heure inhabituelle.

V.B., Nouvelle République, 13 janvier 2014

[Pressac – 86] Village flottant : et un projet inutile et coûteux de plus !

Un « village flottant » à Pressac : encore un projet « touristique » qui va défigurer un beau lieu tranquille (l’étang du Ponteil), et qui sera inutile et coûteux. Avec des aménagements financés comme il se doit par du pognon public (dont 500.000 euros par le conseil général). Et ce, pour le profit d’une société capitaliste de plus dont le directeur n’est autre que l’ex-directeur délégué de Pierre&Vacances – le groupe qui va tirer profit du fameux Center Parcs, lui aussi biberonné à l’argent public (voir nos articles précédents à ce sujet). A 130 euros la nuitée pour un couple, le projet n’est pas franchement destiné aux habitant.e.s du coin, dont la plupart ne roulent guère sur l’or ! Comme d’habitude, l’argument bidon de l’emploi est censé couper court à toute critique. Rendons-nous compte : SEPT emplois en tout, et sans doute fort exaltants…

Image tirée du film The Isle de Ki-Duk Kim : misère et détresse du personnage de Hee-Jin, trimant dans un village flottant.
Image tirée du film The Isle de Ki-Duk Kim : misère et détresse du personnage de Hee-Jin, trimant dans un village flottant.

Pavillon Noir

[Coulonges, Thollet – 86] Les habitant.e.s contre les éoliennes

NdPN : réunion d’information sur un projet de parc d’éoliennes dans la Vienne, non loin du département de l’Indre. Les habitant.e.s ont été mis.es devant le fait accompli, et la pilule passe mal.

Le projet éolien rencontre de l’opposition

Une association vient de se constituer dans le canton de La Trimouille contre le projet de parc éolien à Coulonges et Thollet. Jeudi soir, la majorité des 80 personnes venues à la réunion d’information animée par les élus et EDF étaient ainsi hostiles à l’érection d’une vingtaine de machines, envisagée le long des RD 121 et RD, près de la limite avec le département de l’Indre.

La réunion était animée par les maires Joël Fruchon (Thollet), Raymond Gallet (Coulonges), des représentantes d’EDF-Energies-nouvelles (Marie Sepchat et Perrine Le Saint) ainsi que Paul Neau, PDG du bureau d’études ABIES. Le projet remonte à 2007, a rappelé Joël Fruchon. En janvier 2013, un arrêté préfectoral favorable a été signé. L’appel à projet a retenu le groupe EDF énergies nouvelles. Des démarches ont été effectuées depuis auprès des propriétaires concernés. Depuis juillet 2013, un mât d’évaluation du vent est visible chemin de la Croix Rouge (Thollet). Un vent de contestation a régné une bonne partie de la réunion. Au point d’agacer le maire de Thollet qui, élevant le ton, a rappelé que cette réunion « n’était que de l’information ». Plusieurs associations étaient représentées, notamment Bocage et Patrimoine implantée à Tilly (36) avec son président Pierre Didier accompagné de plusieurs membres, ainsi que la toute nouvelle Vent de raison, présidée par Michel Quaquin.

«  Devant le fait accompli  »

« Il n’y a eu aucune consultation de la population, regrette l’une de ses membres, Ghislaine Noirault, ça rue dans les brancards car nous avons le sentiment d’être mis devant le fait accompli. Ces éoliennes se verront de partout et les habitants seront exposés aux nuisances visuelles et au bruit. Qui va tirer bénéfice de ces éoliennes ? L’intérêt économique ne se justifie pas. Nous demandons le respect de l’environnement et du patrimoine des familles : comment allons nous vendre nos maisons ? »

Alain Guillon et Sébastien Kerouanton, Nouvelle République, 21 décembre 2013

[Poitiers] Etape : Squat évacué ? Place au business !

NdPN : le squat de l’Etape a été occupé pendant des mois par des familles de sans-papiers, récemment dégagées par la mairie « socialiste » et les flics. Maintenant qu’elles sont dispersées aux quatre coins de la Vienne, place au business : le promoteur de la société Fides n’a pas chômé pour déclarer que son projet immobilier repartait, comme si de rien n’était. Les prix seront « attractifs » annonce-t-il… Sauf pour les habitant.e.s de l’ex-squat, qui comme de nombreux prolos de la Vienne n’ont bien évidemment même pas de quoi s’acheter l’équivalent d’un demi-mètre carré de ces futurs logements pour riches. Mais bon, c’est pas la crise pour tout le monde… Et ce sera François Pin, l’architecte qui va aménager l’ancien Théâtre de Poitiers, qui dessinera les plans. La démocratie, c’est quand les gens sont égaux, mais y’en a qui sont plus égaux que les autres, surtout dans le cynisme.

L’ancien foyer l’Étape, rue d’OIéron, en centre-ville.

Squatté jusqu’en novembre, l’ancien foyer de la rue d’Oléron fera bien l’objet d’une réhabilitation. Dix-neuf logements sont annoncés par le promoteur.

Dix-neuf logements : des appartements et des maisons de ville. Présenté fin mars au conseil municipal, le projet sera bien mené à son terme. Propriété de la Ville, le foyer l’Étape accueillait des mères de famille en situation de fragilité. Le choix a été fait de les accueillir sur un autre site.

«  Nous allons reprendre le projet  »

Le foyer est donc devenu vacant. Et squatté par des familles Roms jusqu’en novembre. Cette occupation et le retard qui s’en est suivi allaient-ils remettre en cause le projet ? Lors de la réunion du conseil municipal de mars, en effet, deux clauses suspensives avaient été mises en avant. Un prix d’achat à la Ville de Poitiers fixé à 680.000 €, une somme validée par France Domaine. Mais surtout, il avait été indiqué que le promoteur ne donnerait pas suite si la moitié des appartements n’avait pas trouvé preneurs fin novembre. Ce promoteur, Loïc Perrot, P-DG de la société Fides, contacté par la NR, maintient son projet. Il a sollicité l’architecte François Pin pour dessiner les plans. « Nous allons pouvoir reprendre le dossier. Aujourd’hui, les études techniques ne sont pas terminées car nous ne pouvions pas accéder au chantier. » Basée à Lussac-les-Châteaux, la société Fides s’est lancée dans la construction et la réhabilitation d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle travaille ainsi depuis trois ans sur la rénovation de la maison de retraite des Feuillants. La volonté du promoteur : proposer des logements « à des prix attractifs ». « Actuellement, le mètre carré sur le Plateau de Poitiers se négocie au-dessus de 3.000 €. Nos premiers prix descendront à 2.500 €. » Une fois les études finalisées et le permis de construire déposé et obtenu, un an de travaux sera nécessaire. Un chantier de réhabilitation conséquent. Les appartements et les maisons de ville devraient être livrés fin 2015, indique le promoteur.

Jean-Jacques Boissonneau, Nouvelle République, 12 décembre 2013

[86] « Emploi local » : le dernier argument bidon du Center Parcs explose au décollage

NdPN : qui peut se réjouir de la création d’un Center Parcs dans la Vienne ? Environnement démoli à coups de pelleteuses, divertissement bidon, emplois pourris… le seul argument qui pouvait encore faire adhérer les gens avec qui nous avons pu en discuter, c’était « l’emploi local ». Pour notre part, on s’en foutait un peu que l’emploi soit local ou pas, tant ces emplois nous semblent aussi peu enviables que d’autres emplois tout aussi aliénants, et seulement destinés au profit du groupe capitaliste Pierre&Vacances. Mais voilà, ça pouvait quand même redonner espoir aux chômeur.euse.s de la Vienne faisant la queue à Pôle Emploi. La réalité a rattrapé les discours bidons des politiciens qui ont subventionné à tour de bras le groupe capitaliste à coup de millions d’argent public. Et la presse, qui n’a cessé de reprendre cet argument moisi de l’emploi, de trouver ça « acceptable »…

Les vraies retombées de Center Parcs

Le futur village de vacances n’apportera sans doute pas autant à la Vienne qu’on avait pu l’espérer au tout début du projet.

Le 15 novembre dernier, pour la pose de la « première planche » du futur Center Parcs des Trois-Moutiers, Claude Bertaud rappelait les retombées espérées pour le département : « 85 % des marchés déjà attribués vont à des entreprises de la Vienne ou de la région » et « 85 % des 600 emplois à venir seront réservés à des résidents de la Vienne ».

Depuis, les choses ont relativement évolué. Certes, le Center Parcs reste une excellente affaire pour la Vienne. Mais le département, qui a beaucoup donné pour que le projet voie le jour, ne sera pas, loin de là, le seul à en bénéficier.

Le protocole sur les emplois locaux est caduc

Le président du conseil général évoque à juste titre « la Vienne et sa région » en parlant des premiers lots attribués (toute la partie cottages, y compris la voirie, les réseaux, les clôtures…) : si les entreprises du département se sont bien débrouillées, elles ont dû s’associer à bon nombre de candidats des départements voisins. Par exemple, sur sept intervenants sur le marché des charpentes, cinq viennent des Deux-Sèvres, du Maine-et-Loire ou d’Indre-et-Loire. Le chiffre de 85 % n’est d’ailleurs plus d’actualité. Il y a quelques jours a été attribué le marché des équipements collectifs du parc de loisirs, dont l’Aqua Mundo, le centre aquatique dont les Center Parcs ont fait leur image de marque. Un immeuble de 135 millions d’euros, propriété d’une société d’économie mixte dont le conseil général est un pivot à hauteur de 37,3 millions. Or c’est une entreprise de Moselle, Demathieu Bard (DB), présente en région nantaise, qui a obtenu ce juteux contrat, face à un groupement d’entreprises de la Vienne et une PME tourangelle. DB, dont personne d’ailleurs ne conteste la compétence, est accompagnée pour une petite part par une entreprise régionale, Legrand bâtisseurs, basée à Niort. DB pourrait encore sous-traiter une partie du marché à des PME de la Vienne. L’entreprise mosellane confirme que des contacts en ce sens ont été pris. A l’heure actuelle, la « part » totale des entreprises régionales est estimée par le conseil général à 70 %, ce qui situerait celle de la Vienne aux alentours de 40 à 50 %. Ce qui n’est déjà pas si mal. Reste que Center Parcs est bel et bien dans la Vienne et en constituera un acteur économique et social important. Aux termes d’un protocole d’accord signé en 2010 avec Pierre & Vacances, 85 % des 600 futurs emplois (dont les deux tiers à temps plein) auraient dû être pourvus par des résidents de la Vienne. Là encore, il y a loin de la coupe aux lèvres. Un amendement parlementaire voté début novembre en première lecture introduit dans la loi la notion de « discrimination à l’adresse ». Impossible désormais de privilégier tel ou tel candidat en fonction de son domicile. A mots à peine couverts, tant le conseil général que Pierre & Vacances reconnaissent que le protocole est devenu caduc (lire ci-dessous). Là encore, la Vienne devra sans doute se résoudre à concéder à ses voisines une place plus grande que ce qu’elle escomptait initialement.

Vincent Buche, Nouvelle République, 8 décembre 2013

Le département mise sur la formation

Le protocole prévoyant que 85 % des salariés de Center Parcs soient des résidents de la Vienne a vécu. Il n’était pas très bien parti. C’est à Pôle emploi qu’on avait commencé à froncer les sourcils : « J’ai toujours dit que le protocole signé entre les deux institutions ne nous concerne pas, indique Margot Cantero, directrice départementale de Pôle emploi. En ce qui nous concerne, nous ne ferons pas de discrimination à l’adresse. Nous recevrons tous les candidats, qu’ils soient ou non demandeurs d’emploi. L’employeur fera ses choix. Cela ne veut pas dire que je ne serais pas enchantée que des demandeurs d’emploi de la Vienne trouvent du travail grâce à Center Parcs. » De son côté, Pierre & Vacances rappelle que « l’objectif partagé est de «  faciliter «  aux résidents de la Vienne et aux demandeurs d’emploi l’accès aux emplois créés par Center Parcs ». En Picardie, en 2007, 87 % des emplois avaient été recrutés dans la région ; en 2010, en Moselle, la part des salariés issus du département a été de 70 %. « Il va de soi, précise cependant l’employeur, que toutes les candidatures seront examinées quel que soit le lieu de résidence des candidats, et ce, indépendamment du projet de loi. » Côté Département, par la bouche de Guillaume de Russé, vice-président du conseil général, on fait contre mauvaise fortune bon cœur : « Cette clause, nous l’avions effectivement posée pour tendre vers 85 % d’emplois recrutés dans la Vienne. La loi s’imposera à nous et bien évidemment nous la respecterons. Cela dit, nous avons passé un accord avec la région pour la formation. La région formera donc des gens originaires des quatre départements. On peut simplement espérer que, lorsqu’il y aura l’ouverture des postes, les personnes les mieux formées seront choisies en toute transparence. » Autrement dit, si les habitants de la Vienne sont retenus, ce ne sera pas parce qu’ils habitent dans ce département mais parce qu’ils sont les meilleurs, ce qui est tout de même plus acceptable.

V. B., Nouvelle République, 8 décembre 2013