NdPN : qui peut se réjouir de la création d’un Center Parcs dans la Vienne ? Environnement démoli à coups de pelleteuses, divertissement bidon, emplois pourris… le seul argument qui pouvait encore faire adhérer les gens avec qui nous avons pu en discuter, c’était « l’emploi local ». Pour notre part, on s’en foutait un peu que l’emploi soit local ou pas, tant ces emplois nous semblent aussi peu enviables que d’autres emplois tout aussi aliénants, et seulement destinés au profit du groupe capitaliste Pierre&Vacances. Mais voilà, ça pouvait quand même redonner espoir aux chômeur.euse.s de la Vienne faisant la queue à Pôle Emploi. La réalité a rattrapé les discours bidons des politiciens qui ont subventionné à tour de bras le groupe capitaliste à coup de millions d’argent public. Et la presse, qui n’a cessé de reprendre cet argument moisi de l’emploi, de trouver ça « acceptable »…
Les vraies retombées de Center Parcs
Le futur village de vacances n’apportera sans doute pas autant à la Vienne qu’on avait pu l’espérer au tout début du projet.
Le 15 novembre dernier, pour la pose de la « première planche » du futur Center Parcs des Trois-Moutiers, Claude Bertaud rappelait les retombées espérées pour le département : « 85 % des marchés déjà attribués vont à des entreprises de la Vienne ou de la région » et « 85 % des 600 emplois à venir seront réservés à des résidents de la Vienne ».
Depuis, les choses ont relativement évolué. Certes, le Center Parcs reste une excellente affaire pour la Vienne. Mais le département, qui a beaucoup donné pour que le projet voie le jour, ne sera pas, loin de là, le seul à en bénéficier.
Le protocole sur les emplois locaux est caduc
Le président du conseil général évoque à juste titre « la Vienne et sa région » en parlant des premiers lots attribués (toute la partie cottages, y compris la voirie, les réseaux, les clôtures…) : si les entreprises du département se sont bien débrouillées, elles ont dû s’associer à bon nombre de candidats des départements voisins. Par exemple, sur sept intervenants sur le marché des charpentes, cinq viennent des Deux-Sèvres, du Maine-et-Loire ou d’Indre-et-Loire. Le chiffre de 85 % n’est d’ailleurs plus d’actualité. Il y a quelques jours a été attribué le marché des équipements collectifs du parc de loisirs, dont l’Aqua Mundo, le centre aquatique dont les Center Parcs ont fait leur image de marque. Un immeuble de 135 millions d’euros, propriété d’une société d’économie mixte dont le conseil général est un pivot à hauteur de 37,3 millions. Or c’est une entreprise de Moselle, Demathieu Bard (DB), présente en région nantaise, qui a obtenu ce juteux contrat, face à un groupement d’entreprises de la Vienne et une PME tourangelle. DB, dont personne d’ailleurs ne conteste la compétence, est accompagnée pour une petite part par une entreprise régionale, Legrand bâtisseurs, basée à Niort. DB pourrait encore sous-traiter une partie du marché à des PME de la Vienne. L’entreprise mosellane confirme que des contacts en ce sens ont été pris. A l’heure actuelle, la « part » totale des entreprises régionales est estimée par le conseil général à 70 %, ce qui situerait celle de la Vienne aux alentours de 40 à 50 %. Ce qui n’est déjà pas si mal. Reste que Center Parcs est bel et bien dans la Vienne et en constituera un acteur économique et social important. Aux termes d’un protocole d’accord signé en 2010 avec Pierre & Vacances, 85 % des 600 futurs emplois (dont les deux tiers à temps plein) auraient dû être pourvus par des résidents de la Vienne. Là encore, il y a loin de la coupe aux lèvres. Un amendement parlementaire voté début novembre en première lecture introduit dans la loi la notion de « discrimination à l’adresse ». Impossible désormais de privilégier tel ou tel candidat en fonction de son domicile. A mots à peine couverts, tant le conseil général que Pierre & Vacances reconnaissent que le protocole est devenu caduc (lire ci-dessous). Là encore, la Vienne devra sans doute se résoudre à concéder à ses voisines une place plus grande que ce qu’elle escomptait initialement.
Vincent Buche, Nouvelle République, 8 décembre 2013
Le département mise sur la formation
Le protocole prévoyant que 85 % des salariés de Center Parcs soient des résidents de la Vienne a vécu. Il n’était pas très bien parti. C’est à Pôle emploi qu’on avait commencé à froncer les sourcils : « J’ai toujours dit que le protocole signé entre les deux institutions ne nous concerne pas, indique Margot Cantero, directrice départementale de Pôle emploi. En ce qui nous concerne, nous ne ferons pas de discrimination à l’adresse. Nous recevrons tous les candidats, qu’ils soient ou non demandeurs d’emploi. L’employeur fera ses choix. Cela ne veut pas dire que je ne serais pas enchantée que des demandeurs d’emploi de la Vienne trouvent du travail grâce à Center Parcs. » De son côté, Pierre & Vacances rappelle que « l’objectif partagé est de « faciliter « aux résidents de la Vienne et aux demandeurs d’emploi l’accès aux emplois créés par Center Parcs ». En Picardie, en 2007, 87 % des emplois avaient été recrutés dans la région ; en 2010, en Moselle, la part des salariés issus du département a été de 70 %. « Il va de soi, précise cependant l’employeur, que toutes les candidatures seront examinées quel que soit le lieu de résidence des candidats, et ce, indépendamment du projet de loi. » Côté Département, par la bouche de Guillaume de Russé, vice-président du conseil général, on fait contre mauvaise fortune bon cœur : « Cette clause, nous l’avions effectivement posée pour tendre vers 85 % d’emplois recrutés dans la Vienne. La loi s’imposera à nous et bien évidemment nous la respecterons. Cela dit, nous avons passé un accord avec la région pour la formation. La région formera donc des gens originaires des quatre départements. On peut simplement espérer que, lorsqu’il y aura l’ouverture des postes, les personnes les mieux formées seront choisies en toute transparence. » Autrement dit, si les habitants de la Vienne sont retenus, ce ne sera pas parce qu’ils habitent dans ce département mais parce qu’ils sont les meilleurs, ce qui est tout de même plus acceptable.
V. B., Nouvelle République, 8 décembre 2013