Archives de catégorie : Écrits

Répression politique face au palais de justice

NdPN : mardi dernier, les « veilleurs » ont remis ça pour cracher leur sexisme et leur homophobie sur la place publique. Mais un bon nombre de Poitevin-e-s ont une fois de plus réagi à ce rassemblement, par un contre-rassemblement.

Comme d’hab, grosse pression des flics… sur les contre-manifestant-e-s antisexistes et antifascistes. Après les avoir encadré-e-s et filmé-e-s, puis commencé à contrôler, les flics ont jeté une copine violemment par terre. Hématome. Un copain arrêté a été traité de « petit con » à plusieurs reprises par des flics, histoire d’entretenir les bonnes traditions déontologiques. Il y a eu neuf arrestations en tout de camarades antifascistes, emmené-e-s au poste sans ménagement pour « rassemblement illégal »… et ce, sous les applaudissements des « veilleurs » réacs, organisateurs dudit rassemblement homophobe, qui n’ont quant à eux évidemment pas été inquiétés par les forces de l’ordre patriarcal. D’autres camarades sont resté-e-s sur place pour s’opposer à ces réacs.

Une fois de plus, on constate tout le mépris des flics pour leur propre « loi » qu’il sont sensés appliquer : l’arrêt de la CEDH (Faber contre Hongrie) autorise clairement les contre-rassemblements, et les flics le savent très bien. Pour autant, cette répression montre qu’une fois de plus ils ont choisi leur camp en se torchant avec leur propre loi. Voilà déjà des mois que les flics discutent tranquillement avec les organisateur-ice-s de ces veillées homophobes et réacs, discutant avec eux de l’organisation de leurs rassemblements. Ce soir, les flics ont joué les gros bras du service d’ordre des réacs homophobes et sexistes, parmi lesquels se trouvaient les fascistes du Bloc identitaire, présents chez les veilleurs ce soir-là.

A noter que cette fois-ci, les bleus n’ont pas arrêté que des camarades anarchistes / anti-autoritaires, mais ont aussi embarqué des membres du NPA et des JC. Un saut notable de degré dans la répression politique… Tou-te-s les camarades sont ressorti-e-s, sans poursuite. Encore heureux, vu que rien n’autorisait légalement les flics à cette répression. Reste la colère et le dégoût, mais aussi la détermination, intacte.

La lutte continue, pour ne pas laisser la moindre expression homophobe sans réaction politique. Fachos hors de nos villes hors de nos vies !

PS : un article de la NR aujourd’hui :

Confrontation politique face au palais de justice

Les veillées des opposants au mariage gay ont repris. Des contre-manifestants ont été conduits au commissariat pour un contrôle d’identité. Explications.

Le face-à-face reprend. Frontal et insidieux. Confrontation verbale et guerre sourde à coups de stickers vite collés, vite décollés.

Mardi dernier, les opposants au mariage pour tous sont ressortis du bois. « Oui, c’était la première veillée de la rentrée, confie une participante. Et il y en aura d’autres. » Pourquoi ce choix ?

Des Identitaires repérés

L’organisateur n’a pas donné suite à notre tentative de contact pour expliquer cette reprise des veillées plusieurs mois après le vote de la loi. Ils ont décidé de continuer le combat, de se rassembler sur les marches du palais de justice de Poitiers. Une veillée de chants et de prières pour défendre leurs convictions. Ces convictions, d’autres les combattent. Et ils marquent aussi leur présence. Pied à pied. « Il n’y a pas réellement d’organisation. C’est le bouche à oreille qui fonctionne », confie un participant à la soirée de mardi soir. Une soirée qui leur a laissé un goût amer. Elle s’est achevée au poste de police après un contrôle d’identité et des questions pour déterminer qui pilotait ces contre-manifestations. « Nous sommes un groupe de différentes tendances. Il y a de tout, il y avait des personnes des Jeunesses communistes, des anars, des gens du NPA. Moi, je suis professeur d’histoire, indique Pierre Lhomme. Je suis resté, pour voir. Ce qui me choque, c’est cette manifestation sur les marches du palais de justice, symboliquement c’est fort. Je n’ai pas compris pourquoi les Veilleurs pouvaient rester, et pourquoi l’autre groupe était encerclé par la police et pourquoi ils ont été contrôlés. C’était bon enfant. Nous étions là pour marquer notre présence, montrer que nous ne sommes pas d’accord avec leurs idées. » Les anti-Veilleurs disent avoir repéré des Identitaires parmi les participants à la veillée de mardi. Ce groupe à l’origine de l’occupation de la mosquée de Poitiers voilà un an (1) possède quelques relais locaux. Un groupe Facebook, Génération identitaire Poitou s’est formé. Il annonçait sa participation à la veillée. « Des jeunes en ont reconnu quatre ou cinq parmi les veilleurs, ce sont des étudiants qui tractent à la fac », assure un militant présent à la contre-manifestation. Ils apposent quelques stickers en ville. Vite repérés et déchirés comme celui collé sur un poteau face à la cathédrale. Les deux groupes se connaissent de vue et se marquent à la culotte. Les Veilleurs aussi sont sous surveillance. « La prochaine fois, assure un militant, il faudra qu’on occupe la place avant eux. »

(1) Les quatre mis en examen de Poitiers dans ce dossier contestent en justice leur contrôle judiciaire et les chefs de mise en examen retenus contre eux. Un dossier qui arrive devant la chambre de l’instruction.

Emmanuel Coupaye, Nouvelle République, 7 octobre 2013

Quand les tondeurs se font appeler « tondus »

Après les « pigeons » et les « poussins », ces mouvements de petits patrons défendant la micro-exploitation, voilà que des patrons plus replets nous pondent le « mouvement » des « tondus ». Ou comment ces tondeurs détournent le plus élémentaire des constats du socialisme révolutionnaire, celui de la mise en esclavage de tou-te-s, celui de l’exploitation généralisée des activités collectives au profit de l’accumulation privative capitaliste, pour la seule satisfaction de la lamentable et dérisoire prétention de quelques merdes humaines à monopoliser les décisions qui devraient être collectives.

Ce seraient donc les patrons qui seraient les exploités, les « tondus ». Ce serait drôle si ce n’était révélateur d’une offensive massive du patronat et de l’Etat contre le prolétariat, à coups de louanges éhontées à la croissance du Capital, à l’emploi d’esclaves salariés, à la productivité nazionale, broyant toujours plus les humains de tous les coins de la planète sous les exigences de la machinerie du profit.

Face à de telles usurpations éhontées et cyniques du vocabulaire de la lutte sociale, en parallèle des manipulations grossières de l’extrême-droite fascisante qui se fait passer pour le socialisme du XXIème siècle, il n’y a guère plus, ou si peu, de réponse et d’autodéfense du prolétariat. Tant les bureaucraties syndicales, toutes installées et calcifiées qu’elles sont dans la cogestion de la dépossession collective, ont repris pour elles-mêmes ces mots d’ordres de l’emploi, de la croissance, de la productivité françouèse etc. Qu’on le veuille ou non, le capitalisme ne se maintient qu’en étendant la dépossession, et cela va jusqu’au vocabulaire même de la lutte des exploité-e-s !

Depuis quelques mois donc, plus de 300.000 patrons d’entreprises de toute taille s’agrègent autour de la revendication principale du fondateur de l’association des « tondus », Guillaume de Thomas, propriétaire plein aux as de plusieurs « saunas libertins », faisant aussi dans le commerce. Un business juteux semble-t-il mais voilà, les capitalistes n’en ont jamais assez. Et la liberté d’exploiter, merde ? Depuis juillet, ces patrons refusent ainsi de payer la part patronale des cotisations sociales, qui empêcherait la création d’emplois (3,4 millions, selon De Thomas !). C’est bien connu, les médias nous le répètent assez : si y’a pas de boulot, c’est de notre faute. Même la survie avec les miettes d’allocs qu’on consent à nous jeter est de trop, désormais.

Vue la mansuétude des autorités à l’égard de ces patrons revendiquant le droit de raser gratis, et la diffusion de leur propagande aussi grossière que répugnante par des médias complaisants les faisant passer pour des rebelles, ils auraient tort de se priver d’exiger plus de leurs complices gouvernementaux, déjà si prodigues en défiscalisations patronales tous azimuts. Hier à Poitiers, Guillaume de Thomas a ainsi annoncé que les tondus refuseraient désormais de verser la Cotisation foncière des entreprises et la taxe foncière, histoire de sabrer un peu plus les moyens sociaux des collectivités locales. Ben voyons. A quand le retour du vieil esclavage old school ? Au moins les choses étaient plus claires…

Or la part patronale des cotisations sociales est une partie pleine et entière du salaire, dans son versant « socialisé », contribuant directement à financer les branches maladie, chômage et retraite, ainsi que les allocations familiales. Cette contribution patronale, issue d’un compromis bancal et moisi entre patronat et staliniens à la fin de la 2ème guerre mondiale pour mettre le prolétariat sous les fourches caudines de la domination sociale des partis et des patrons, n’a cessé de baisser depuis des décennies, proportionnellement aux richesses produites. A coups de généreuses défiscalisations patronales accordées par les gouvernements successifs de droite comme de gauche : allégements généraux de cotisations sociales, crédit d’impôt compétitivité-emploi, contrat de génération, exonérations assurance chômage, ne sont que les derniers avatars de ce détricotage méthodique du compromis de l’après-guerre, quand les bureaucrates patronaux et staliniens craignaient encore qu’on leur mette un beau jour la tête au bout d’une pique.

Le mouvement des « tondus » n’est donc qu’un aspect médiatisé, version trash, de l’attaque frontale actuelle contre le prolétariat, pour faire baisser encore plus drastiquement les salaires, histoire de maintenir sous perfusion le profit capitaliste.

Ces réacs assumés, « rebelles » en peau de lapin à poil ras comme pour la « manif pour tous », imitent la tradition des mouvements sociaux (manifs, pétitions, désobéissance…) pour se faire passer pour des contestataires, alors qu’ils sont dans un discours réactionnaire et bourgeois des plus puants.

Nous ne rentrerons pas ici dans le pseudo-débat sur une gestion plus « juste » ou « humaine » du capitalisme, que nous laissons à la gauche et à la droite du capital. Nous ne voulons pas d’un retour au compromis avec le patronat. En revanche, nous pourrions reprendre la balle au bond. Ces patrons, en se désignant eux-mêmes comme « tondus », ne nous incitent-ils pas à nous armer de ciseaux ? Ces exploiteurs de la force de travail collective, ne veulent plus payer la part patronale des cotisations sociales ? Ils ne veulent plus même faire semblant de contribuer au maintien de cette paix sociale faite pour neutraliser les luttes ? Après nous avoir réduits en steaks hachés, ils prétendent nous transformer en jus de viande sans plus se justifier d’aucun prétexte ?

Et bien pratiquons la seule réponse qui soit légitime : celle consistant à nous débarrasser des patrons, à les exproprier à tout jamais, eux, les gouvernants, et tous leurs mots d’ordre puant le pognon, pour gérer enfin nous-mêmes nos affaires et produire pour nous-mêmes ce dont nous avons besoin.

Juanito, Pavillon Noir, 1er octobre 2013

[Poitiers] Théâtre : des limites de la « démocratie » et de la contestation représentativistes

NdPN : et voilà, c’est plié : le Théâtre est vendu pour 200 euros le mètre carré à un promoteur immobilier. Avec son petit espace « culturel » bien sûr, histoire de ramener des « flux » humains vers les étals de produits moisis qui jouxteront les expos « artistiques » (la petite plus-value marchande, il ne manque plus que le label architecture bio). Tout cela montre à l’évidence que la démocratie représentative n’est qu’une mascarade : une opposition importante à ce projet de cession manifeste depuis des mois, mais le maire PS n’en a cure et revient sur ses belles promesses pré-électorales. Une fois de plus, rien d’étonnant pour nous anarchistes : dans cette « démocratie » représentative de merde, les mandats ne sont pas impératifs et les mandaté-e-s non révocables. Elles n’ont donc aucune légitimité à nos yeux. Mais nous sommes aussi critiques sur le fond et la forme de la contestation de cette cession. Si le conseil municipal n’a rien de libre dans son fonctionnement, si par définition il ne permet pas l’expression directe, l’action directe et l’organisation directe des habitant-e-s de Poitiers, alors quel sens y a-t-il à réclamer dans des tracts que le Théâtre demeure en gestion municipale ? N’est-ce pas parce que les partis de gauche engagés dans cette lutte (parti de gauche, npa…)  briguent eux-mêmes des postes à des élections municipales allant par essence à l’encontre de l’auto-organisation des populations ? Quel sens y a-t-il à pétitionner et à réclamer (voire à exiger, attention !) quoi que ce soit à une municipalité qui par définition fait ce quelle veut tant qu’on se place sur le terrain d’institutions qui la légitiment ? Quel sens y a-t-il à occuper le conseil municipal baillonné-e-s, si ce n’est pour entretenir l’illusion que les gens devraient avoir droit à l’ouvrir, dans un système représentatif fondamentalement opposé à ce quiconque d’autre que les élu-e-s ne décide in fine ? Quitte à investir le conseil municipal, il fallait gueuler et bordéliser cette institution faite pour baillonner ! Il faut croire que les réflexes du pouvoir sont prégnants même chez les contestataires, pour en venir à les voir se baillonner eux-mêmes… Pour « sauver le théâtre », c’est le Théâtre qu’il aurait fallu occuper et socialiser, au lieu de camper devant tous les samedis en faisant circuler une pétition. Quant à nous, nous ne considérons pas que la « culture » se soit jamais développé dans ce Théâtre plus qu’ailleurs. La culture naît et vit de la solidarité et des échanges à l’œuvre parmi les gens, sans le truchement de quelque représentant que ce soit. La municipalité PS, en quadrillant Poitiers pour virer les Roms, harceler les « marginaux » et autres pauvres indésirables, et intimider les anti-autoritaires au moindre rassemblement, en faisant place nette partout pour la normalisation capitaliste en transformant le centre-ville en galerie marchande à ciel ouvert, est à l’opposé de la culture telle que nous l’entendons. Le véritable espace à sauver n’est pas tel ou tel espace « public » (c’est-à-dire géré par des institutions moisies), mais tout l’espace social. Et nous ne socialiserons que ce que nous occuperons sans médiation, par une lutte résolue. D’autres lieux de sociabilité existent à Poitiers, bien plus culturels qu’un cinoche, et nul n’est besoin d’affichage ni de jérémiades à des encravatés pour les faire vivre. A bas la « concertation » avec des brutes politiciennes, à bas le spectacle, et le spectacle de la contestation.

Poitiers: le conseil valide la cession du théâtre

Par 37 voix pour, 9 contre et 3 abstentions, le conseil municipal de Poitiers vient de valider la cession d’une partie de l’ancien théâtre à l’investisseur Thierry Minsé, secondé par François Pin, architecte, et Thierry Février, promoteur poitevin. Les Verts qui font toujours partie de la majorité ont voté contre. Les abstentions et les autres votes négatifs émanant de la droite et du NPA. Il y a eu deux heures de débat en présence du collectif des opposants à la vente qui se sont présentés baillonnés pour dénoncer «l’absence de concertation». Plus d’information demain dans la NR.

Nouvelle République, 23 septembre 2013

Sur la cession du théâtre chacun a joué son rôle

La délibération traitant de la vente de l’ancien théâtre a donné lieu à un long débat très politique qui a définitivement lancé la campagne des municipales.

Personne n’en doutait. La campagne des municipales est bel et bien lancée. Le premier acte de la bataille de mars a vraiment eu lieu hier soir à l’occasion de la délibération sur la cession au privé de l’ancien théâtre. Chacun a joué son rôle. Maryse Desbourdes du NPA a encore fait preuve de constance dans son opposition de gauche. « La vente du théâtre à un promoteur est un scandale pour le patrimoine qui va connaître une dégradation définitive et un déni de démocratie face à vos promesses de campagne 2008 et à l’opposition massive à la cession. »

La cerise sur le gâteau de Cœur d’agglo

De l’autre côté de l’échiquier, la droite et le centre apparurent divisés. Stéphane Braconnier, qui ne se représentera pas, est resté fidèle à ses idées, libérales. « Sur le fond, nous avons toujours estimé que l’avenir du Théâtre ne pouvait résider dans une opération résultant d’un partenariat entre la collectivité publique et le secteur privé. Le schéma général qui a été retenu nous convient donc. Mais nous regrettons votre manque d’effort en matière de pédagogie et de transparence. A titre personnel, je m’abstiendrai. » Au contraire des membres de son groupe UMP-UDI Serge Rouquette et Isabelle Chédaneau (« vous étiez engagé à une large concertation et on peut dire qu’elle fut quasi inexistante ») qui ont voté contre. Les deux sont dans l’équipe du candidat de l’UDI Eric Duboc. Né de l’éclatement des amis de Philippe Mahou (MoDem), le groupe Indépendants et Démocrates a fait entendre deux sons de voix différents. Martine Jammet (« sur le principe nous sommes d’accord ») et Françoise Colleau, engagées avec Eric Duboc, se sont abstenues. Au contraire de Maxime Huille dont la charge fut virulente. « La cession directe que nous allons voter oblitère les finances de la Ville par un manque à gagner et spolie les Poitevins. » Maxime Huille doit rejoindre la liste EELV de Christiane Fraysse. Toujours dans la majorité, l’adjointe verte a vu rouge elle aussi. « Non, Monsieur le Maire, cela n’est pas acceptable. » Candidat à sa succession, Alain Claeys a pu compter sur ses amis socialistes. « La gauche municipale n’a pas de leçon de gauche à recevoir dans cette affaire », s’est emporté Aurélien Tricot (PS). Eliane Rousseau (divers gauche) et le communiste Patrick Coronas ont marqué un soutien appuyé au projet. L’élu PCF s’est prononcé pour la cession en ces termes. « Nous devons faire des choix responsables. Nous considérons que conserver le théâtre, le rénover et le faire fonctionner […] ne pourrait se faire qu’au détriment d’autres budgets et d’autres actions culturelles. » La palme de l’humour et du verbe revint à l’écologiste « non aligné »- selon se propres termes – Georges Stupar. « Après la présentation du projet, j’éprouve le besoin de vous transmettre l’enthousiasme citoyen qui est né en moi. Ce projet de rénovation architecturale c’est la cerise sur le gâteau de Cœur d’agglo. » Alain Claeys reprit le premier rôle pour jouer la dernière scène sans suspense : 9 contre, 5 abstentions, 37 pour. Rideau.

Loïc Lejay, Nouvelle République, 24 septembre 2013

Ancien théâtre : le projet raconté par l’architecte

“ J’ai beaucoup hésité ”, reconnaît François Pin, l’architecte qui dessine ce que sera dans deux ans le bâtiment de l’ancien théâtre. Rencontre.

A quoi ce bâtiment peut-il servir d’autre qu’une salle de cinéma, ce qu’il était devenu au fil des années ? C’est la question que s’est posée François Pin, l’architecte qui accompagne Thierry Minsé et Thierry Février, les investisseurs retenus hier soir par le conseil municipal pour réhabiliter l’ancien théâtre (NR de jeudi dernier). En y aménageant une salle d’arts visuels – publique – au milieu de commerces, de bureaux et de logements.

 «  Des esquisses à affiner  »

François Pin : « J’ai beaucoup hésité. Au prix de quelles modifications peut-on lui donner une nouvelle vie ? Ce qui m’intéresse c’est la formulation du programme qui articule un espace public culturel à des espaces commerciaux. On articule deux éléments qu’habituellement on prend grand soin de séparer. Le public qui viendra dans les commerces ira découvrir les expos. On peut amener à l’art contemporain des gens qui n’iraient pas forcément voir des tableaux. » L’appel à candidatures lancé par la Ville de Poitiers avait reçu deux réponses. « L’une d’elles ne répondait pas au cahier des charges que nous avions édicté. L’autre est en totale conformité avec ce que nous recherchons », a indiqué hier Alain Claeys, lors d’un déjeuner de presse qui précédait la réunion du conseil municipal. François Pin a décliné son projet « avancé, mais pas ficelé. Il ne s’agit que d’esquisses qui nécessitent d’être affinées. » La future salle d’arts visuels s’insérera dans l’actuelle salle du théâtre dont la hauteur sous plafond sera ramenée à 3,50 m. L’accès à cette salle de 350 m2 (500 m2 avec les réserves) se fera par le grand hall et l’escalier qui descend aujourd’hui à la grande salle du théâtre. Un accès handicapés sera ouvert depuis l’extérieur, à droite des marches ouvrant sur la place Leclerc. Dans le grand hall toujours, les caisses actuelles disparaîtront au profit d’un espace qui desservira commerces, bureaux et logements. Combien d’étages ? « On reste dans le volume actuel du bâtiment, a indiqué Thierry Minsé aux journalistes. Volume qui nous permet d’ajouter un étage pour installer des logements de haut de gamme. » Combien de commerces et de bureaux. L’investisseur : « Nous sommes en discussions avec les commerçants de Poitiers. »

billet

Créer des flux

Le mot revient régulièrement à la bouche des élus comme du promoteur, Thierry Minsé, et de l’architecte, François Pin « La réhabilitation de l’ancien théâtre en immeuble de commerces, de bureaux et de logements a pour ambition de créer des flux. » En d’autres termes : de faire venir du monde en centre-ville. En étant « financièrement supportable » par la Ville, tout en préservant l’offre culturelle et le patrimoine. C’est à ces exigences que le projet validé hier par le conseil veut répondre. Manière de marier culture et commerce. Les Poitevins trancheront à la fin du chantier… dans deux ans.

le chiffre

510.000

C’est le prix de cession de l’ancien théâtre à Thierry Minsé et à Thierry Février. Bernard Cornu, adjoint à l’urbanisme : « France Domaines avait estimé la partie que nous cédons à 435.000 €. L’acquéreur a proposé 510.000 €. A ceux qui trouvent que ce n’est pas cher, je réponds qu’après avoir acheté un tel volume, les investisseurs devront rénover l’enceinte de la salle principale pour y aménager la salle d’arts visuels. Un investissement de 500.000 €. » Sans parler des sommes à engager pour créer commerces, bureaux et logements. En contrepartie, les investisseurs deviennent propriétaires des murs des trois commerces actuels, de plain-pied sur la rue. Jusqu’à hier, ils appartenaient à la ville. Après le dépôt de la demande de permis en fin d’année, les travaux sont annoncés pour durer dix-huit mois. L’ouverture se ferait concomitamment avec celle du Printemps.

le projet

Ce que sera la salle d’arts visuels

Anne Gérard, adjointe au maire en charge de la culture, a décliné les cinq thèmes autour desquels s’articulera la future salle d’arts visuels : un lieu connecté aux autres lieux culturels (Confort, TAP, maisons de quartier…), un lieu ouvert sur la ville, un lieu de médiation, un lieu d’expérimentation et un lieu d’exposition.

Jean-Jacques Boissonneau, Nouvelle République, 24 septembre 2013

 » Les gros sous se diluent dans l’art « 

Ils sont venus, ils ne sont pas tous là. Une bonne cinquantaine de personnes a répondu à l’appel du collectif de défense du théâtre à manifester lors du conseil hier soir. Avant la séance sur le parvis, on a chanté sur un air de Gainsbourg : « Les gros sous se diluent dans l’art, c’est que défend Ann’ Gérard (*)… Le théâtr’ ne vaut pas une messe, c’est ce que prétend Alain Claeys. »

«  La délibération de la honte  »

Puis on est rentré symboliquement bâillonné dans la salle avec quelques pancartes explicites – « quand la politique devient du théâtre »- pour exprimer une sourde colère. Le collectif a symboliquement stigmatisé « la délibération de la honte » de quintes de toux marquées lors de l’exposé de l’adjoint Robert Cornu. Le propos de Maryse Desbourdes, membre du NPA, eut droit à des applaudissements nourris. L’adjoint écologiste Robert Rochaud s’offrit lui aussi un petit triomphe quand, après s’être ému de ne pas avoir été invité aux dernières réunions du comité de pilotage du dossier, il lança à Alain Claeys : « dans ce dossier épineux Monsieur le maire, je m’interroge sur ce que vous avez à cacher. » A l’heure du vote très majoritairement et définitivement en faveur de la cession, le petit monde du collectif quitta amer la scène. Tout en promettant d’y revenir dès que possible. Par les coulisses si besoin…

(*) Anne Gérard est adjointe au maire en charge de la culture.

L.L., Nouvelle République, 24 septembre 2013

[Poitiers] Sur le « décrochage scolaire »

Rééducation réussie d'un élément en décrochage scolaire
Rééducation réussie d’un élément en décrochage scolaire

Aujourd’hui dans la NR, un article qui démontre à quel point l’école n’a plus pour ambition que de faire rentrer des individus dans le monde du travail aliéné, et qui ne déplore avec cynisme le « décrochage scolaire » que lorsqu’il conduit les individus concernés à ne pas s’insérer dans l’immonde du travail. Pas un mot sur l’émancipation personnelle, ni sur la culture comme processus collectif d’appropriation des savoir-faire et des connaissances.

Comment s’étonner après dudit « décrochage », malgré tous les « dispositifs » rassemblant leur cohorte de bureaucrates, de gratte-rapports bidons et de conseillers en management orientation ? Ce n’est pas en mettant toujours plus de pression et de quadrillage (jusque dans leur famille) à des enfants déjà mal à l’école, qu’on la leur fera aimer davantage !

Le problème de l’école du point de vue des enfants (bref du point de vue essentiel, qu’oublient si souvent les profs eux-mêmes, sans parler des technocrates de l’éducation nationale), c’est d’être enfermé-e-s huit heures par jours entre des murs, de subir un apprentissage pas toujours souhaité, sur des matières qui n’intéressent pas forcément, avec des évaluations qui hiérarchisent, dévalorisent, stigmatisent voire cassent à vie. C’est d’être transformé en pâte à modeler adaptable aux desiderata des adultes morts-vivants, produits d’un monde aliénant qu’on n’a pas choisi.

Si les individus pouvaient participer pleinement à l’apprentissage et à sa définition, selon leurs envies et leurs besoins individuellement et collectivement exprimés, on aurait sans doute moins de « décrochage ». L’histoire des écoles libertaires le démontre amplement… Mais pour cela, encore faudrait-il que l’école ne soit plus sous l’égide d’un Etat et d’un patronat tout-puissants, dont la seule ambition n’est que la sujétion et l’exploitation de tou-te-s !

Juanito, Pavillon Noir, 24 septembre 2013

Laïcité : la charte de la religion d’Etat

Vincent Peillon, très saint ministre de l’éducation nationale, prophète du dogme de la Laïcité révélée, a présenté il y a quelques jours une charte de laïcité à afficher et promouvoir dans les établissements scolaires. Nous nous sommes permis d’y ajouter quelques mots, en gras dans le texte, histoire de lever tout malentendu sur la compréhension de cette table de la Loi.

moise peillon

Charte de la laïcité à l’école

La nation confie à l’école la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République

La République est laïque

1. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, sur l’ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. En effet la France, en tant que nation, est elle-même la croyance au-dessus de toutes les autres. Cette religion de l’Etat est obligatoire sur tout le territoire, gouverné totalement par les instances de l’Etat. Démocratie et société n’existent que dans le cadre de l’Etat.

2. La République laïque organise la séparation des religions et de l’Etat. L’Etat est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’Etat. En effet, l’Etat est lui-même la religion, au-dessus de toutes les autres.

3. La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression de ses convictions, dans le respect de celles d’autrui et dans les limites de l’ordre public. L’Ordre Public limite la libre expression. L’Ordre Public est un très saint mystère incompréhensible par le commun des mortels, qui est révélé au seul très saint ministère de l’intérieur et dont l’application est confiée à la police et à la gendarmerie. La laïcité interdit à quiconque de ne pas croire en l’Etat.

4. La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général. La liberté s’oppose à l’égalité et à la fraternité. L’intérêt général, c’est-à-dire l’intérêt de la nation qui est supérieur aux misérables intérêts individuels, est le très saint mystère régulateur. Il est incompréhensible par le commun des mortels, et délibérément non écrit dans la constitution française. En effet, il est révélé aux seuls très saints gouvernants désintéressés de l’Etat français, seuls aptes à définir l’intérêt de la nation.

5. La République assure dans les établissements scolaires le respect de chacun de ces principes. L’école se doit d’éduquer les jeunes esprits dans la voie orthodoxe des principes révélés par l’Etat.

L’école est laïque

6. La laïcité de l’école offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix. De cette sorte, leur personnalité, leur libre arbitre et leur apprentissage de la citoyenneté sont entièrement vierges et immaculés, tout disponibles à la seule révélation des principes de l’autorité de l’Etat.

7. La laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée. Nul ne saurait se soustraire à la doctrine de l’Etat.

8. La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’école comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. Tout élève est libre d’exprimer comme il l’entend son amour inconditionnel de l’Etat.

9. La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l’égalité entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l’autre. Les individus sont divisés en deux sexes, dont la définition est confiée à l’Etat. Seuls les gardiens de l’Etat sont autorisés à exercer violence et discriminations, aux fins de la préservation de l’Etat. Leur fonction est de veiller à la mise en respect des individus les uns par rapport aux autres, de sorte qu’il ne puissent jamais s’associer en-dehors du cadre de l’Etat.

10. Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte à la connaissance des parents d’élèves. La fonction des fonctionnaires est de se soumettre à l’Etat pour le servir, en même temps que d’apprendre aux élèves et à leurs parents la soumission et l’obéissance à l’Etat.

11. Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions. La neutralisation est le ciment de l’Etat. Ce saint principe consacre et sanctifie les saints principes précédents.

12. Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question du programme. Le programme de façonnage des consciences est révélé par le très saint ministre de l’éducation nationale de l’Etat français, qui a toute latitude pour l’imposer. Nul n’échappe à la Question de l’Etat.

13. Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’école de la République. Les convictions doivent s’effacer devant les règles de l’Etat qui les garantissent. La plus grande liberté d’expression consiste à se taire. C’est là un grand mystère, révélé par l’Etat. Les règles de l’Ecole sont définies par le très saint ministre de l’éducation nationale de l’Etat français.

14. Dans les établissements scolaires publics, les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, sont respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. La tenue exigée correspond aux normes consuméristes et sexistes de la religion d’Etat, édictées par les designers capitalistes officiels.

15. Par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement. L’adhésion pleine et entière des élèves à la religion de l’Etat ne suffit pas. L’évangélisation est requise.

Pavillon Noir, 14 septembre 2013