NdPN : et voilà, c’est plié : le Théâtre est vendu pour 200 euros le mètre carré à un promoteur immobilier. Avec son petit espace « culturel » bien sûr, histoire de ramener des « flux » humains vers les étals de produits moisis qui jouxteront les expos « artistiques » (la petite plus-value marchande, il ne manque plus que le label architecture bio). Tout cela montre à l’évidence que la démocratie représentative n’est qu’une mascarade : une opposition importante à ce projet de cession manifeste depuis des mois, mais le maire PS n’en a cure et revient sur ses belles promesses pré-électorales. Une fois de plus, rien d’étonnant pour nous anarchistes : dans cette « démocratie » représentative de merde, les mandats ne sont pas impératifs et les mandaté-e-s non révocables. Elles n’ont donc aucune légitimité à nos yeux. Mais nous sommes aussi critiques sur le fond et la forme de la contestation de cette cession. Si le conseil municipal n’a rien de libre dans son fonctionnement, si par définition il ne permet pas l’expression directe, l’action directe et l’organisation directe des habitant-e-s de Poitiers, alors quel sens y a-t-il à réclamer dans des tracts que le Théâtre demeure en gestion municipale ? N’est-ce pas parce que les partis de gauche engagés dans cette lutte (parti de gauche, npa…) briguent eux-mêmes des postes à des élections municipales allant par essence à l’encontre de l’auto-organisation des populations ? Quel sens y a-t-il à pétitionner et à réclamer (voire à exiger, attention !) quoi que ce soit à une municipalité qui par définition fait ce quelle veut tant qu’on se place sur le terrain d’institutions qui la légitiment ? Quel sens y a-t-il à occuper le conseil municipal baillonné-e-s, si ce n’est pour entretenir l’illusion que les gens devraient avoir droit à l’ouvrir, dans un système représentatif fondamentalement opposé à ce quiconque d’autre que les élu-e-s ne décide in fine ? Quitte à investir le conseil municipal, il fallait gueuler et bordéliser cette institution faite pour baillonner ! Il faut croire que les réflexes du pouvoir sont prégnants même chez les contestataires, pour en venir à les voir se baillonner eux-mêmes… Pour « sauver le théâtre », c’est le Théâtre qu’il aurait fallu occuper et socialiser, au lieu de camper devant tous les samedis en faisant circuler une pétition. Quant à nous, nous ne considérons pas que la « culture » se soit jamais développé dans ce Théâtre plus qu’ailleurs. La culture naît et vit de la solidarité et des échanges à l’œuvre parmi les gens, sans le truchement de quelque représentant que ce soit. La municipalité PS, en quadrillant Poitiers pour virer les Roms, harceler les « marginaux » et autres pauvres indésirables, et intimider les anti-autoritaires au moindre rassemblement, en faisant place nette partout pour la normalisation capitaliste en transformant le centre-ville en galerie marchande à ciel ouvert, est à l’opposé de la culture telle que nous l’entendons. Le véritable espace à sauver n’est pas tel ou tel espace « public » (c’est-à-dire géré par des institutions moisies), mais tout l’espace social. Et nous ne socialiserons que ce que nous occuperons sans médiation, par une lutte résolue. D’autres lieux de sociabilité existent à Poitiers, bien plus culturels qu’un cinoche, et nul n’est besoin d’affichage ni de jérémiades à des encravatés pour les faire vivre. A bas la « concertation » avec des brutes politiciennes, à bas le spectacle, et le spectacle de la contestation.
Poitiers: le conseil valide la cession du théâtre
Par 37 voix pour, 9 contre et 3 abstentions, le conseil municipal de Poitiers vient de valider la cession d’une partie de l’ancien théâtre à l’investisseur Thierry Minsé, secondé par François Pin, architecte, et Thierry Février, promoteur poitevin. Les Verts qui font toujours partie de la majorité ont voté contre. Les abstentions et les autres votes négatifs émanant de la droite et du NPA. Il y a eu deux heures de débat en présence du collectif des opposants à la vente qui se sont présentés baillonnés pour dénoncer «l’absence de concertation». Plus d’information demain dans la NR.
Nouvelle République, 23 septembre 2013
Sur la cession du théâtre chacun a joué son rôle
La délibération traitant de la vente de l’ancien théâtre a donné lieu à un long débat très politique qui a définitivement lancé la campagne des municipales.
Personne n’en doutait. La campagne des municipales est bel et bien lancée. Le premier acte de la bataille de mars a vraiment eu lieu hier soir à l’occasion de la délibération sur la cession au privé de l’ancien théâtre. Chacun a joué son rôle. Maryse Desbourdes du NPA a encore fait preuve de constance dans son opposition de gauche. « La vente du théâtre à un promoteur est un scandale pour le patrimoine qui va connaître une dégradation définitive et un déni de démocratie face à vos promesses de campagne 2008 et à l’opposition massive à la cession. »
La cerise sur le gâteau de Cœur d’agglo
De l’autre côté de l’échiquier, la droite et le centre apparurent divisés. Stéphane Braconnier, qui ne se représentera pas, est resté fidèle à ses idées, libérales. « Sur le fond, nous avons toujours estimé que l’avenir du Théâtre ne pouvait résider dans une opération résultant d’un partenariat entre la collectivité publique et le secteur privé. Le schéma général qui a été retenu nous convient donc. Mais nous regrettons votre manque d’effort en matière de pédagogie et de transparence. A titre personnel, je m’abstiendrai. » Au contraire des membres de son groupe UMP-UDI Serge Rouquette et Isabelle Chédaneau (« vous étiez engagé à une large concertation et on peut dire qu’elle fut quasi inexistante ») qui ont voté contre. Les deux sont dans l’équipe du candidat de l’UDI Eric Duboc. Né de l’éclatement des amis de Philippe Mahou (MoDem), le groupe Indépendants et Démocrates a fait entendre deux sons de voix différents. Martine Jammet (« sur le principe nous sommes d’accord ») et Françoise Colleau, engagées avec Eric Duboc, se sont abstenues. Au contraire de Maxime Huille dont la charge fut virulente. « La cession directe que nous allons voter oblitère les finances de la Ville par un manque à gagner et spolie les Poitevins. » Maxime Huille doit rejoindre la liste EELV de Christiane Fraysse. Toujours dans la majorité, l’adjointe verte a vu rouge elle aussi. « Non, Monsieur le Maire, cela n’est pas acceptable. » Candidat à sa succession, Alain Claeys a pu compter sur ses amis socialistes. « La gauche municipale n’a pas de leçon de gauche à recevoir dans cette affaire », s’est emporté Aurélien Tricot (PS). Eliane Rousseau (divers gauche) et le communiste Patrick Coronas ont marqué un soutien appuyé au projet. L’élu PCF s’est prononcé pour la cession en ces termes. « Nous devons faire des choix responsables. Nous considérons que conserver le théâtre, le rénover et le faire fonctionner […] ne pourrait se faire qu’au détriment d’autres budgets et d’autres actions culturelles. » La palme de l’humour et du verbe revint à l’écologiste « non aligné »- selon se propres termes – Georges Stupar. « Après la présentation du projet, j’éprouve le besoin de vous transmettre l’enthousiasme citoyen qui est né en moi. Ce projet de rénovation architecturale c’est la cerise sur le gâteau de Cœur d’agglo. » Alain Claeys reprit le premier rôle pour jouer la dernière scène sans suspense : 9 contre, 5 abstentions, 37 pour. Rideau.
Loïc Lejay, Nouvelle République, 24 septembre 2013
Ancien théâtre : le projet raconté par l’architecte
“ J’ai beaucoup hésité ”, reconnaît François Pin, l’architecte qui dessine ce que sera dans deux ans le bâtiment de l’ancien théâtre. Rencontre.
A quoi ce bâtiment peut-il servir d’autre qu’une salle de cinéma, ce qu’il était devenu au fil des années ? C’est la question que s’est posée François Pin, l’architecte qui accompagne Thierry Minsé et Thierry Février, les investisseurs retenus hier soir par le conseil municipal pour réhabiliter l’ancien théâtre (NR de jeudi dernier). En y aménageant une salle d’arts visuels – publique – au milieu de commerces, de bureaux et de logements.
« Des esquisses à affiner »
François Pin : « J’ai beaucoup hésité. Au prix de quelles modifications peut-on lui donner une nouvelle vie ? Ce qui m’intéresse c’est la formulation du programme qui articule un espace public culturel à des espaces commerciaux. On articule deux éléments qu’habituellement on prend grand soin de séparer. Le public qui viendra dans les commerces ira découvrir les expos. On peut amener à l’art contemporain des gens qui n’iraient pas forcément voir des tableaux. » L’appel à candidatures lancé par la Ville de Poitiers avait reçu deux réponses. « L’une d’elles ne répondait pas au cahier des charges que nous avions édicté. L’autre est en totale conformité avec ce que nous recherchons », a indiqué hier Alain Claeys, lors d’un déjeuner de presse qui précédait la réunion du conseil municipal. François Pin a décliné son projet « avancé, mais pas ficelé. Il ne s’agit que d’esquisses qui nécessitent d’être affinées. » La future salle d’arts visuels s’insérera dans l’actuelle salle du théâtre dont la hauteur sous plafond sera ramenée à 3,50 m. L’accès à cette salle de 350 m2 (500 m2 avec les réserves) se fera par le grand hall et l’escalier qui descend aujourd’hui à la grande salle du théâtre. Un accès handicapés sera ouvert depuis l’extérieur, à droite des marches ouvrant sur la place Leclerc. Dans le grand hall toujours, les caisses actuelles disparaîtront au profit d’un espace qui desservira commerces, bureaux et logements. Combien d’étages ? « On reste dans le volume actuel du bâtiment, a indiqué Thierry Minsé aux journalistes. Volume qui nous permet d’ajouter un étage pour installer des logements de haut de gamme. » Combien de commerces et de bureaux. L’investisseur : « Nous sommes en discussions avec les commerçants de Poitiers. »
billet
Créer des flux
Le mot revient régulièrement à la bouche des élus comme du promoteur, Thierry Minsé, et de l’architecte, François Pin « La réhabilitation de l’ancien théâtre en immeuble de commerces, de bureaux et de logements a pour ambition de créer des flux. » En d’autres termes : de faire venir du monde en centre-ville. En étant « financièrement supportable » par la Ville, tout en préservant l’offre culturelle et le patrimoine. C’est à ces exigences que le projet validé hier par le conseil veut répondre. Manière de marier culture et commerce. Les Poitevins trancheront à la fin du chantier… dans deux ans.
le chiffre
510.000
C’est le prix de cession de l’ancien théâtre à Thierry Minsé et à Thierry Février. Bernard Cornu, adjoint à l’urbanisme : « France Domaines avait estimé la partie que nous cédons à 435.000 €. L’acquéreur a proposé 510.000 €. A ceux qui trouvent que ce n’est pas cher, je réponds qu’après avoir acheté un tel volume, les investisseurs devront rénover l’enceinte de la salle principale pour y aménager la salle d’arts visuels. Un investissement de 500.000 €. » Sans parler des sommes à engager pour créer commerces, bureaux et logements. En contrepartie, les investisseurs deviennent propriétaires des murs des trois commerces actuels, de plain-pied sur la rue. Jusqu’à hier, ils appartenaient à la ville. Après le dépôt de la demande de permis en fin d’année, les travaux sont annoncés pour durer dix-huit mois. L’ouverture se ferait concomitamment avec celle du Printemps.
le projet
Ce que sera la salle d’arts visuels
Anne Gérard, adjointe au maire en charge de la culture, a décliné les cinq thèmes autour desquels s’articulera la future salle d’arts visuels : un lieu connecté aux autres lieux culturels (Confort, TAP, maisons de quartier…), un lieu ouvert sur la ville, un lieu de médiation, un lieu d’expérimentation et un lieu d’exposition.
Jean-Jacques Boissonneau, Nouvelle République, 24 septembre 2013
» Les gros sous se diluent dans l’art «
Ils sont venus, ils ne sont pas tous là. Une bonne cinquantaine de personnes a répondu à l’appel du collectif de défense du théâtre à manifester lors du conseil hier soir. Avant la séance sur le parvis, on a chanté sur un air de Gainsbourg : « Les gros sous se diluent dans l’art, c’est que défend Ann’ Gérard (*)… Le théâtr’ ne vaut pas une messe, c’est ce que prétend Alain Claeys. »
« La délibération de la honte »
Puis on est rentré symboliquement bâillonné dans la salle avec quelques pancartes explicites – « quand la politique devient du théâtre »- pour exprimer une sourde colère. Le collectif a symboliquement stigmatisé « la délibération de la honte » de quintes de toux marquées lors de l’exposé de l’adjoint Robert Cornu. Le propos de Maryse Desbourdes, membre du NPA, eut droit à des applaudissements nourris. L’adjoint écologiste Robert Rochaud s’offrit lui aussi un petit triomphe quand, après s’être ému de ne pas avoir été invité aux dernières réunions du comité de pilotage du dossier, il lança à Alain Claeys : « dans ce dossier épineux Monsieur le maire, je m’interroge sur ce que vous avez à cacher. » A l’heure du vote très majoritairement et définitivement en faveur de la cession, le petit monde du collectif quitta amer la scène. Tout en promettant d’y revenir dès que possible. Par les coulisses si besoin…
(*) Anne Gérard est adjointe au maire en charge de la culture.
L.L., Nouvelle République, 24 septembre 2013