Archives de catégorie : La rue grogne

[Dissay – 86] Les salariés d’U3PPP durcissent le ton

NdPN : nous relations récemment la menace des salariés d’U3PPP, menacés de licenciement, de passer à des actions plus dures, pour obtenir une prime supra légale. Hier ils ont bloqué l’usine et fait un feu de palettes.

U3PPP à Dissay : les salariés bloquent l’usine

Les employés du fabricant marseillais de coques polyester, qui a décidé  de fermer le site, bloquent l’usine jusqu’à l’obtention de la prime supra légale.

Michel Pohin, directeur de l’usine U3PPP, a été « très surpris », hier matin, lorsqu’il a trouvé porte close devant le site de Dissay. Dix-neuf salariés sur vingt ont décidé de faire monter les enchères en fermant l’accès au site aux transporteurs qui viennent chercher les coques polyester.

Des actions plus dures seront engagées si…

Après avoir été reçus individuellement vendredi par le directeur financier du groupe dans le cadre de l’entretien préalable de licenciement, les employés de l’unité disséenne savent que la « fermeture est inéluctable » mais la possibilité d’obtenir une prime surpra légale n’est pas exclue (voir nos éditions de mercredi 12 septembre). « Le groupe réfléchit », rapporte un gréviste conscient que le rapport de force s’installe avec la direction marseillaise. Localement, le directeur de l’usine, rappelle que la crise économique touche tout le monde y compris le secteur des piscines. Bien que le groupe PGGA (Piscines Groupe Gérard Andréi) soit coté en bourse, le volume d’affaires est moindre : « En 2007, Dissay réalisait 8 m€ de chiffre d’affaires, explique Michel Pohin, en 2011 nous sommes à 4 m€. » (NDLR. Le groupe présente un chiffre d’affaires de 30,8 m€.) Rien ne va plus mais les salariés refusent « de porter le chapeau » de cette baisse d’activités. « Nous ne sommes pas responsables de la fermeture », ont-ils écrit à Gérard Andréi. Qui a ouvert, voilà deux ans, la même usine au Maroc. Déterminés, les salariés rassemblés, hier matin, autour du grand feu – qui a dû être éteint ensuite pour raisons de sécurité – au milieu de l’enceinte de l’U3PPP, exigent « une prime supra légale de 15.000 euros chacun ». L’usine restera fermée en attendant un signe de la direction du groupe. « Et si nous n’avons pas gain de cause, nous engagerons des actions plus dures », promettent les grévistes.

Nouvelle République, Didier Monteil, 18 septembre 2012

[Poitiers] Un comm du DAL en soutien à une famille

Halte à la politique discriminatoire des bailleurs sociaux

Jean-Claude Servouze le président de l’entraide sociale poitevine et administrateur de Logiparc affirmait dans Centre Presse le 05/04/2012 « Le logement social n’est pas en tension sur la ville. Il y a des solutions pour chacun ». Dans la Nouvelle République le 07/09/2012, c’est Dominique Clément, le maire de Saint Benoît, qui affirme dans l’article Logements sociaux les élus veulent plus de temps : qu’« il n’y a pas de tension sur le logement social sur Grand-Poitiers ». Pour lui, il suffit de faire une demande de logement social pour obtenir ce que l’on souhaite dans la « semaine […] sur Grand Poitiers » et « si l’on est pressé, […] à Saint-Eloi, […] dans la journée ».

Pour le Dal86, si ces élus peuvent dire cela, c’est entre autres, parce que les bailleurs sociaux trient ceux qui déposent des dossiers selon des critères discriminants.

Par exemple, une famille avec 4 enfants, qui est actuellement escroquée chez un bailleur privé, a demandé un logement social. Les bailleurs sociaux ont écarté ou mis en attente leur dossier explicitement parce qu’ils ont des dettes.

A l’heure où la mairie de Poitiers se vante de la lutte contre les discriminations, qu’elle mène depuis 2007 en faisant un appel à projets auprès des associations, les bailleurs sociaux qui manquent de moyens financiers, discriminent à qui mieux mieux en écartant les dossiers selon des critères illégaux.

Venez avec nous jeudi 20 septembre à partir de 16h30 au siège d’Habitat 86, 107 rue des Couronneries à Poitiers, pour dénoncer ces pratiques honteuses et exiger que ce bailleur social attribue un logement à cette famille.

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56 Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

DAL 86, 17 septembre 2012

[86] Grogne contre la rectrice

NdPN : Grève des personnels du lycée Branly à Châtellerault pour récupérer un poste administratif supprimé ; indignation de syndicats, de parents d’élèves et d’élus suite aux déclarations et aux propositions de la Rectrice sur les collèges ruraux… les « économies » poursuivies par le gouvernement n’ont pas apaisé la grogne à l’Education nationale.

Pendant ce temps, le ministre Peillon, nouveau préposé à l’usine à gaz, parle de « refonder » l’école sur la base de timides mesurettes. Et des milliers de postes continuent d’être supprimés, poursuivant la logique du « mieux faire avec moins » ; base élèves, socle commun et livret de compétences n’ont pas été abrogés, poursuivant ainsi la logique du contrôle social ; le service minimum au primaire est maintenu… Même dans l’Education, l’une des prétendues « priorités » de Hollande, le changement, c’est décidément pas pour maintenant !

Grève à Branly après la suppression d’un poste

Une grande partie des personnels du lycée Branly ont fait grève hier pour obtenir le rétablissement d’un poste administratif supprimé à la rentrée.

La rentrée s’est déroulée sans accroc à la Cité technique Edouard-Branly la semaine dernière. Mais le feu couvait…

Dès le mois de mai dernier, l’intersyndicale de l’établissement avait fait circuler une pétition contre la suppression d’un poste de secrétariat administratif cette année. En vain. Du coup, elle avait déposé un préavis de grève pour le 6 septembre. Malgré la création d’un demi-poste d’assistant d’éducation entre-temps, elle a fini par le mettre à exécution hier. Le mouvement a été suivi par l’ensemble des personnels administratifs et 40 % des personnels enseignants.

La mise en réseau de Branly et du Verger pointée du doigt

Aux yeux des grévistes, le demi-poste d’assistant d’éducation créé ne suffira pas à compenser le poste supprimé : « C’est un poste précaire et la qualification n’est évidemment pas au rendez-vous puisque l’essentiel de la mission à remplir est la gestion des examens : inscription, organisation et suivi des épreuves, traitement des copies, suivi du contrôle continu… ». Ils demandent que le poste de secrétariat administratif « soit rétabli de façon pérenne et occupé par un agent qualifié », d’autant, selon eux, que « l’équipe de direction est déjà incomplète compte tenu de la structure complexe du lycée (vaste offre de formations, direction conjointe lycée général et lycée professionnel, à laquelle vient de s’ajouter celle du lycée professionnel du Verger) ». D’après eux, cette suppression serait d’ailleurs « une des conséquences de la mise en réseau des lycées professionnels de Branly et du Verger ». Et ils craignent qu’il y en ait d’autres… Dans la matinée, ils ont été reçus par le proviseur Christian Alaphilippe (que nous n’avons pu joindre hier), auprès duquel ils ont sollicité une entrevue avec la rectrice Martine Daoust. Une entrevue finalement obtenue pour cet après-midi. Dans cette perspective, ils devaient reprendre le travail ce matin. Mais ils préviennent : « Si le Rectorat n’accède pas à notre juste demande, nous envisagerons d’autres actions ».

Alain Grimperelle, Nouvelle République, 14 septembre 2012

Le handicap de nos petits collèges de campagne

Les élèves issus des établissements ruraux ont deux fois moins de chance de faire des études supérieures. L’explication de la rectrice fait débat.

La polémique est née d’un constat dressé par la rectrice de l’académie de Poitiers et d’une phrase prononcée le jour de la rentrée des classes : « On a deux fois moins de chances de poursuivre ses études dans l’enseignement supérieur quand on est issu d’un petit collège de moins de 200 élèves que lorsqu’on est scolarisé dans un collège plus important », s’est désolée Martine Daoust en faisant référence aux statistiques sans appel de son administration (lire notre édition du dimanche 9 septembre).

Dans le public, deux collèges de la Vienne sont concernés – ceux de Charroux et de Saint-Savin -, et la tendance vaudrait aussi pour deux autres comptant moins de 250 élèves – à L’Isle-Jourdain et Saint-Jean-de-Sauves. « Le caractère convivial et familial, c’est bien. Mais on câline tellement les élèves dans ce type d’établissements qu’ils sont perdus quand ils se retrouvent au lycée », estime la représentante de l’Education nationale qui juge ce constat « absolument anormal ».

«  Les enfants d’ouvriers ont trois fois moins de chances de faire des études supérieures  »

Que faire pour corriger ce déséquilibre dans la mesure où le conseil général ne souhaite pas fermer les collèges ruraux concernés ? « Ces établissements ont longtemps été protégés, mis sous cloche ; il faut à présent les faire travailler en réseau avec un lycée comme nous l’avons déjà fait à Civray et à Loudun », ajoute Martine Daoust. Les représentants des enseignants et des parents d’élèves se rejoignent pour condamner cette interprétation des statistiques. « Ce n’est pas la structure qui crée le handicap », souligne Laurent Cardona, le secrétaire départemental du syndicat UNSA-Education. « La pauvreté des transports et les origines sociales ne sont-elles pas aussi des sources de frein aux études supérieures ? », interroge Isabelle Siroy, porte-parole de la Fédération des conseils de parents d’élèves de la Vienne. « Nier la difficulté sociale, c’est nier les statistiques de l’Education nationale qui montrent que les enfants d’ouvriers ont trois fois moins de chances de faire des études supérieures que les enfants d’enseignants ou de cadres supérieurs, et les enfants d’inactifs cinq fois moins ! » La FCPE dénonce au passage la suppression d’un poste d’assistante sociale dans le secteur de Civray. Elle rappelle aussi que « les parents souhaitant scolariser leurs enfants au collège de Charroux, soulageant ainsi celui de Gençay, n’obtiennent pas de transports scolaires ». Pour l’UNSA, la « bonne réponse est de donner aux établissements ruraux les mêmes moyens que dans les zones prioritaires des banlieues ». Pas simplement de les faire travailler en réseau, donc. Et encore moins de les fermer.

en savoir plus

 » Une provocation de plus « 

Le secrétaire départemental du syndicat UNSA-Education s’est dit « très choqué » par les propos de la rectrice au sujet des contraintes de la politique d’aménagement du territoire : « Il faut faire vivre le bar-tabac du coin où les profs vont boire leur café le matin. On ne peut pas dire qu’on veut revitaliser les campagnes et fermer les petits collèges… C’est difficile. » Pour Laurent Cardonna, c’est « une provocation de plus de la part de cette rectrice » : « Son raisonnement est trop grossier et trop simpliste pour ne pas être une provocation Depuis deux ans qu’elle est en poste ici, elle en a après les petits collèges mais rien n’est fait pour l’école rurale. »

réactions

> Henri Colin, vice-président du conseil général en charge de l’Education : « Supprimer les cinq collèges de moins de 250 élèves à la périphérie du département reviendrait à créer des zones peuplées d’Indiens. Nous n’avons pas cédé du tout sur ce terrain quand nous avons rencontré la rectrice… Il faut aussi penser aux catégories socio-professionnelles des familles dont les enfants vont dans ces collèges. » > Yves Gargouil, conseiller général de Charroux (majorité) : « Je suis révolté, très énervé à la lecture des propos de la représentante de l’Education nationale dans la Vienne. Je l’invite à venir découvrir la qualité de l’accueil des élèves au collège Romain -Rolland à Charroux, où en juin dernier, tous les élèves ont eu leur brevet, avec de très bons résultats. » > Xavier Moinier, conseiller général de Saint-Julien-l’Ars (opposition) : « Il serait intéressant de connaître la réussite des enfants dans les collèges où les effectifs explosent mais il me semble bien plus urgent de remettre à plat la carte des collèges dans la Vienne. Une répartition plus équilibrée des effectifs pourrait être une première piste évitant leur fermeture définitive à terme. Une seconde piste serait d’envisager des fermetures là où un autre collège existe à proximité en mettant en place des transports collectifs. »

la phrase

 » Les collèges de proximité sont une nécessité pour que nos enfants ne subissent pas plus de deux heures de trajet par jour. « 

« Nous demandons depuis plusieurs années que soient revus les secteurs des collèges pour équilibrer les établissements et en finir ainsi avec les gros et les petits collèges », rappelle la porte-parole de la FCPE de la Vienne, Isabelle Siroy. « Dans notre département rural, les collèges de proximité sont une nécessité pour que nos enfants ne subissent pas plus de deux heures de trajet par jour et puissent donc conserver encore un peu d’énergie pour les devoirs du soir à la maison. »

Baptiste Bize, Nouvelle République, 14 septembre 2012

[Dissay – 86] Fermeture d’U3PPP : les salarié-e-s promettent des « actions dures » si leurs revendications ne sont pas entendues

U3PPP à Dissay : les salariés ne veulent pas couler

Le fabricant marseillais de coque polyester de piscine a décidé de fermer l’unité de Dissay. Mais les salariés ne l’acceptent pas. Ils se battront.

Les vingt salariés de l’usine U3PPP à Dissay, appartenant au groupe Gérard Andréi, sont reçus individuellement à partir d’aujourd’hui – et ce jusqu’à vendredi –, par le directeur financier, dans le cadre de l’entretien préalable de licenciement.

«  Une prime supra légale de 15.000 euros  » pour chaque salarié

Le fabricant marseillais de coque polyester de piscine, PGGA (*) qui compte sept usines en France, a décidé de fermer celle de Dissay. Motif invoqué : la société U3PPP apparaît comme le « maillon faible » selon la direction qui a livré aux employés de la Vienne le scénario d’un film noir. Le groupe serait en surcapacité de production face à une concurrence de plus en plus difficile à soutenir. L’usine disséenne serait en perte de chiffre d’affaires d’environ 50 % sur une période de cinq ans. Il y va donc de la pérennité de l’entreprise si la situation reste en l’état. Le groupe marseillais a donc décidé de transférer l’activité de production de l’unité de Dissay vers des sites voisins. Et de proposer des mutations. Les employés d’U3PPP, « effondrés » par cette mesure, ont écrit à Gérard Andréi pour lui rappeler que leur usine a été « pilote » de beaucoup de produits et procédés « dont le reste du groupe a profité sans en supporter le coût des essais. » Des essais pénalisant l’usine qui doit supporter, seule, le coût du service après vente. Touchées mais pas coulées, les vingt personnes refusent de porter le chapeau : « Nous ne sommes pas responsables de la fermeture de notre usine, c’est une mauvaise gestion qui nous y amène », écrivent-ils à la direction du groupe marseillais. « Ce n’est pas à nous de payer les pots cassés. » Les salariés de l’U3PPP demandent la mise en place, en plus des indemnités légales, « d’une prime supra légale de 15.000 euros » pour chacun d’entre eux. Car la dizaine de postes proposés au sein du groupe ne les intéresse pas. Ils promettent des « actions dures » s’ils n’ont pas gain de cause.

(*) Piscines Groupe Gérard Andréi.

Nouvelle République, Didier Monteil, 12 septembre 2012

[Le Chefresne] Un article sur la THT

NdPN : Bastamag revient sur la lutte locale contre la ligne à très haute tension (THT), destinée à transporter l’énergie produite par le futur réacteur nucléaire EPR de Flamanville. Alors même que les EPR viennent d’être rejetés aux Etats-Unis (dans le silence radio des médias français) et que le chantier EPR s’enlise, à Flamanville comme ailleurs dans le monde, l’Etat s’obstine à imposer ses autoroutes électriques nuisibles, et tombe le masque : répressions, violences physiques et menaces, procès ubuesques, « lois » bafouées, sommes colossales versées aux élus pour acheter le silence. La lutte continue.

Ligne THT : ce petit village normand qui résiste encore à l’autoroute de l’électricité

Rien n’arrête « le progrès ». Surtout pas un maire entêté, une poignée de paysans désespérés, des riverains désenchantés et quelques dizaines de militants écolos non violents. L’autoroute de l’électricité, qui reliera le réacteur nucléaire EPR de Flamanville, dans la Manche, à l’agglomération rennaise, continue sa progression, inexorablement. A coup de pressions, de répressions et de millions pour acheter l’opposition. Reportage à Chefresne, en Normandie, dernier bastion de la résistance à la ligne THT.

Une autoroute de l’électricité. Deux fois 400.000 volts. 420 pylônes sur 163 kilomètres. La ligne doit acheminer l’électricité produite par le futur réacteur nucléaire de Flamanville, dans la Manche, jusqu’à l’agglomération rennaise. Parmi les 64 communes concernées par le tracé prévu par RTE, la filiale d’EDF chargée du transport d’électricité, la commune de Chefresne dans la Manche résiste à cette ligne Très Haute Tension (THT), empêchant la poursuite des travaux.

Ce dimanche matin, les opposants à la construction de la ligne THT ont rendez-vous dans ce petit village de 310 habitants, au milieu des collines, des haies et des prés. Les opposants au projet occupent depuis mars le bois de la Bévinière, situé sur le tracé. Des plateformes, posées à une dizaine de mètres de hauteur, entourent deux arbres. Au sol, des bâches, des panneaux, une toile de tente, une cabane. Et un escabeau sur lequel on grimpe pour apercevoir, à travers les feuillages et les ronces, les trois pylônes électriques qui se dressent à l’horizon.

Au menu de l’assemblée générale, des nouvelles des « copains », blessés lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, à la fin du mois de juin, dans la commune voisine de Montabot. Lors d’un week-end de « résistance », en réaction à des provocations de certains opposants, des grenades explosives « assourdissantes » ont été utilisées par les forces de l’ordre. « Normalement, ces grenades sont lancées au sol, pour disperser la manifestation, explique un jeune. Là, elles étaient lancées en tir tendu, vers nos têtes. »

Marquer les corps et les esprits

Bilan de l’affrontement : 25 blessés, dont deux graves. La plupart ont reçu des éclats de plastiques ou de métaux provenant des grenades. Et les blessés auraient attendu les secours pendant une heure : le véhicule médicalisé était bloqué par les gendarmes à une dizaine de mètres du camp [1]. Une force disproportionnée, pour marquer les corps et les esprits. Car depuis six ans, des riverains luttent pour éviter la construction de la ligne THT. A coup de procédures judiciaires, de recours devant le Conseil d’État et d’arrêtés municipaux.

Jean-Claude Bossard était, jusqu’au mois de mai, maire du Chefresne. En 2008, il a rédigé, avec son conseil municipal, un arrêté de police afin de prévenir des risques sur la santé de ses habitants. « En tant que maire, nous avons l’obligation de protéger nos habitants », explique-t-il. Le Maire du Chefresne a notamment invoqué la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle, pour interdire la construction de la ligne à moins de 500 mètres des habitations et 300 mètres des stabulations. Dans la foulée, 45 communes (sur les 64 impactées par le tracé de la THT) suivent cet exemple. Réponse des tribunaux administratifs : c’est l’État et non le maire qui est compétent dans ce domaine. Tous les arrêtés municipaux sont cassés.

Rondes d’hélicoptères et contrôles policiers

Tous, sauf un. Celui du Chefresne. « Le délai de deux mois était dépassé quand la préfecture s’en est rendu compte », raconte Jean-Claude Bossard. Le maire peut alors invoquer son arrêté municipal, quand les travaux sont entamés, début juin. Écharpe autour du cou, le maire se fait alors arrêter pour obstruction de la voie publique. Il est placé en garde à vue et subit 12 heures d’interrogatoire. « Ce qu’on voulait, c’était me mettre la pression. » Il est aussi considéré comme le chef de fil des opposants au projet. C’est lui le propriétaire du bois de la Bévinière, que la ligne doit traverser et qui est occupé par les opposants (voir la vidéo de l’arrestation).

Anti-THT : le maire du Chefresne (50) en garde à… par france3bassenormandie_845

Jean-Claude Bossard et sa famille subissent une pression policière de plus en plus pesante. Au bout de son chemin, les gendarmes stationnent et les contrôlent presque à chaque passage, de jour comme de nuit. Dans le ciel, un hélicoptère effectue régulièrement des rondes. « Lors d’une fête de famille, les gendarmes sont venus contrôler tout le monde, à cinq estafettes, et un hélicoptère au-dessus de nous », raconte-t-il. Il a également reçu des menaces de mort : « On m’a dit qu’on allait s’occuper de mon cas. »

100 millions d’euros pour acheter l’opposition

Suite à son arrestation, le maire de Chefresne a décidé de démissionner. Par solidarité, son conseil municipal l’a suivi, excepté un conseiller. De nouvelles élections municipales se sont déroulées le 9 septembre. Les nouveaux élus pourront décider de continuer l’opposition à la ligne THT. Ou accepter la grosse subvention allouée par RTE, en contrepartie des « dommages » esthétiques et matériels provoqués par la ligne. Dans le cadre du Plan d’accompagnement au projet (PAP), le Chefresne s’est vu proposer près de 200.000 euros contre l’acceptation de la ligne. Une somme énorme pour une commune dont le budget annuel avoisine les 150 000 euros. « Nous avons réuni la population, lors d’une de nos réunions de démocratie participative qui précèdent les conseils municipaux », relate Jean-Claude Bossard. La somme a été refusée.

Le Chefresne décide alors de monter un projet alternatif, et d’installer des panneaux photovoltaïques sur l’église du village. Une garantie de vente d’électricité de 200 000 euros, répartie sur 20 ans. Sur les 45 communes qui étaient opposées au lancement du projet, seules cinq ont refusé les subventions PAP. « On la surnomme la ligne T’es acheté », souligne Jean-Claude Bossard. Au total, 100 millions d’euros sont distribués par RTE, pour faire accepter le projet. Soit environ 50% du coût de construction de la ligne [2]. Dans le langage de l’entreprise, ce sont des « mesures de réduction ou de compensation des impacts du projet sur l’environnement ». Mais l’environnement ne signifie pas la santé de l’homme. Pas question, pour RTE, d’évoquer ou de reconnaître le moindre souci sur la santé des humains.

Des champs magnétiques dangereux pour la santé ?

« Pourquoi dépenser autant d’argent s’il n’y a pas de dangers sanitaires ?, s’interroge Jean-Claude Bossard. Depuis le début, nous réclamons une étude épidémiologique sur les effets de la THT. » En France, une telle étude n’a jamais été réalisée. Les conclusions de l’enquête publique, en 2006, appelaient à la réalisation d’une étude épidémiologique. Mais le projet a ensuite été déclaré d’utilité publique. Et les conséquences sanitaires de la THT sont devenues secondaires…

RTE tente de rassurer : « Après plus de trente ans de recherche, la position de la communauté scientifique est claire, les champs électromagnétiques générés par les lignes à haute tension n’ont pas d’impact prouvé sur la santé humaine », affirment Philippe Rémy, directeur du Projet Cotentin-Maine et Jean-Michel Ehlinger, directeur d’aménagement [3]. RTE entreprend d’ailleurs de casser les « idées reçues » dans de petits clips vidéos, sur son site internet La Clef des Champs.

clefdeschamps.info : tout sur les champs… by rte_france

Des informations contredites par des spécialistes des ondes électromagnétiques. Les appareils électroménagers émettent des champs semblables à ceux de la ligne ? « Contrairement aux lignes électriques, nous ne passons pas 24h sur 24 à proximité du rasoir, de la cafetière ou du grille-pain, explique Catherine Gouhier, secrétaire du Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques  (Criirem). L’OMS déclare que « les champs magnétiques induits d’extrêmement basse fréquence [sont] potentiellement cancérigènes », note Catherine Gouhier. Et « l’exposition aux lignes électriques est passive et sur une longue durée. »

Des agriculteurs soumis à une clause de confidentialité

En 2008, le Criirem a réalisé une enquête sur les effets de la THT, en étudiant les conditions de vie de riverains d’une ligne. 2000 foyers répartis sur 160 communes ont été interrogés. Irritabilité, état dépressif, vertiges, maux de tête, sommeil perturbé… La santé de ceux qui vivent à proximité des lignes est impactée. Les exploitations agricoles sont elles aussi touchées : « Quatre fois plus de nervosité et trois fois plus d’hésitation chez les bovins, comportements de fuite, deux fois plus d’irrégularité de production laitière » à proximité des lignes que dans une zone non exposée (lire l’enquête).

Thierry Charuel est un agriculteur spécialisé dans la production de lait, au Mesnil Thébault, dans le sud de la Manche. Son enclos de vaches laitières est situé à 60 mètres d’une ligne THT de 400.000 volts, construite au début des années 80. Défaillance de son robot de traite, inflammations mammaires, cellules dans le lait rendant sa consommation impossible, problèmes de reproduction : l’agriculteur estime être touché de plein fouet par les courants électriques qui partent de la ligne THT. Il évalue ses pertes à 50 000 euros par an.

En 2004,  dans le cadre du Groupe permanent sur la sécurité électrique (GPSE [4]), mis en place par le ministère de l’Agriculture pour accompagner les éleveurs, il fait appel à RTE pour adapter son bâtiment. L’entreprise lui conseille des aménagements, comme l’isolation des sols pour éviter les remontées de courant ou l’installation d’une cage de Faraday, une enceinte qui protège des nuisances électriques. Il reçoit plusieurs centaines de milliers d’euros, entre 2004 et 2010, pour les travaux d’aménagement. Mais en signant cette convention avec RTE, l’agriculteur est contraint d’accepter une clause de confidentialité. Laquelle l’empêchait de  communiquer l’existence des problèmes sanitaires sur les animaux… sans autorisation de RTE. L’argent contre le silence.

Suicides, liquidations judiciaires, pressions

A partir de 2010, le GPSE a progressivement disparu. Et les aides se sont évanouies, constate Thierry Charuel, qui a décidé d’attaquer RTE en justice. « Si RTE m’avait dit, en 2003, que l’ensemble des problèmes ne serait pas réglé, on aurait construit ailleurs, et pas à cet endroit, » assure l’agriculteur. « Tout est fait pour nous faire craquer, ajoute-t-il. RTE trouve sans cesse une nouvelle faille pour nous faire porter la responsabilité des pertes d’exploitation. »

Si tous n’osent pas aller sur le terrain judiciaire, de nombreux agriculteurs sont dans le même cas que Thierry Charuel. Certains sont placés en liquidation judiciaire, d’autres sont contraints d’arrêter. Quelques-uns mettent fin à leurs jours, explique François Dufour, exploitant agricole et vice-président (EELV) de la Région Basse-Normandie [5]. « D’autres n’ont pas établi le lien direct entre la proximité de la ligne THT et les différents problèmes qu’ils rencontrent sur leur troupeau », écrit-il. Beaucoup, aussi, n’osent pas faire part de leurs difficultés.

« On se sent méprisés »

« Si les animaux sont malades, pourquoi les hommes n’auraient-ils aucun problème ? », s’interroge Marie-Laure Primois, dont la maison et la ferme seront entourées de huit futurs pylônes. Elle a toujours refusé de donner son accord à RTE. « On se sent méprisés, pas écoutés. Nous avons rempli deux cahiers pour l’enquête publique qui précédait la mise en servitude (la possibilité pour RTE d’intervenir sur des terrains privés). Nous n’avons jamais eu les conclusions de l’enquête publique. » La veille de la manifestation de Montabot, des hélicoptères n’ont pas cessé de survoler leur maison.

La pression policière, Stéphane Godreuil la subit depuis plusieurs mois déjà. Il habite à quelques encablures du bois de la Bévinière. Et à 110 mètres d’un pylône. L’armature de métal se dresse en surplomb de sa maison. Un autre pylône devrait bientôt sortir de terre à une centaine de mètres. La future ligne traversera son terrain. Les arbres ont dû être abattus. Son épouse souffre d’un cancer. Le professeur qui la suit lui a simplement conseillé de partir, « de se trouver un petit coin tranquille », afin d’éviter l’impact moral et physique de la ligne.

« Les gendarmes nous épient avec des jumelles »

Le couple a donc décidé de mettre en vente leur maison. A moins de 100 mètres, RTE leur aurait racheté leur bien, revendu ensuite en dessous des prix du marché, à de nouveaux propriétaires s’engageant à ne pas poursuivre l’entreprise pour d’éventuels problèmes sanitaires. Mais le tracé de la ligne a été pensé pour racheter un minimum de maisons. A 110 mètres, donc, le couple doit se débrouiller. « Du fait de la présence de la ligne, le prix de vente est déjà inférieur de 30% à la valeur de la maison », indique Stéphane Godreuil. Les acheteurs potentiels sont prévenus par l’agent immobilier. Quand ceux qui sont tout de même intéressés découvrent le pylône, la plupart repartent sans visiter.

Quand Stéphane Godreuil s’approche du pylône pour entretenir son terrain, les gendarmes débarquent illico. Ils sont alertés par les sociétés de surveillance, embauchés par RTE pour protéger les pylônes. « On est étroitement surveillés, raconte-t-il. Au début, on rigolait des contrôles des gendarmes. Puis c’est devenu gênant quand on s’est aperçu qu’on nous épiait avec des jumelles. On nous met la pression. » La veille de la manifestation, les gendarmes sont venus le voir pour essayer de lui soutirer des informations. « Ils m’ont déconseillé d’y aller, me disant qu’ils allaient procéder à des arrestations, que les sanctions seraient lourdes », raconte-t-il.

Déboulonner ou scier les pylônes

De semaine en semaine, la répression s’intensifie. Une liste de 16 supposés « leaders » de la contestation circulerait parmi les forces de l’ordre. De plus en plus d’opposants sont déférés en justice. Trois personnes, citées dans un article de journal, ont été perquisitionnées. Et une ordonnance punit tout rassemblement auprès d’un pylône d’une astreinte de 2000 euros par heure et par personne. Les actions symboliques sont donc rendues très difficiles.

A la place, les sabotages se multiplient. Déboulonner les pylônes – quand RTE ne les a pas soudés. Ou scier les bras de fer. Des moyens de faire perdre de l’argent à la filiale d’EDF pour espérer être entendus. « Les coûts aujourd’hui constatés restent marginaux par rapport au coût global du projet, assure RTE. Ils ne sont pas de nature à déséquilibrer l’économie du projet. » Mais pour que la construction continue, il faudra traverser le bois, déloger les opposants du haut des plateformes. Une dernière bataille, pour l’honneur, avant que l’autoroute de l’électricité ne poursuive son chemin. Sauf contre-ordre de l’État. Craignant des affrontements avec les forces de l’ordre, les opposants ont décidé, début septembre, de ne plus occuper le bois que de façon symbolique, mais d’arrêter d’y vivre.

Notes

[1] Lors du procès d’un militant accusé d’avoir blessé un gendarme mobile, l’urgentiste régulateur du Samu qui est intervenu ce jour-là a également décrit les demandes répétées d’identités des victimes par la préfecture.

[2] Le coût total du projet est de 343 millions d’euros, comprenant 200 millions d’euros pour la construction de la ligne, 47 millions d’euros pour la construction des deux postes électriques, 96 millions d’euros de mesures de réduction ou de compensation des impacts du projet sur l’environnement (aménagements paysagers, plantations complémentaires, mises en souterrain de lignes électriques de tensions inférieures… .

[3] RTE a accepté de répondre à nos questions, mais par courriel, faute de temps…

[4] Créé en 1999, le GPSE a permis de compenser les pertes des agriculteurs touchés par la ligne THT. Cette initiative permet de financer les travaux d’aménagement, d’assurer un suivi sanitaire et de compenser les pertes d’exploitations

[5] Lettre adressée à plusieurs ministres, le 18 juin 2012

Simon Gouin, Bastamag, 10 septembre 2012