Horoscope révolutionnaire

Après le tarot pour les totos, l’horoscope anarchiste de la semaine !

Bélier (en avril, on ne blague plus) : Les maîtres vous tondent, leurs roquets vous mordent. Vous en avez assez d’être un mouton et de reproduire le troupeau. Cessez de ruminer votre colère et montrez les cornes.

Taureau (en mai, fais ce qu’il te plaît) : En fonçant tête baissée aux manifs pour mugir sous les chiffons rouges agités par des gros boeufs, vous n’avez trouvé qu’un nouveau joug, et vous êtes quelque peu avachi. Comme le disait Francis, vos maîtres ne sont que des pantins, des minus. Refusez l’abattoir et donnez un bon coup de sabot à la charrue.

Gémeaux (en juin, occupe ton usine) : Entre travail à la chaîne et loisirs chez Castorama, vous vous senté doublé. Le manège enchanté de votre quotidien aliéné vous polluxe la vie. Si vous ne voulez pas finir schizo, retrouvez votre moitié révoltée !

Cancer (en juillet, comme à Barcelone en 1936) : Dans les moments de reflux contestaire, vous faites un pas de côté et vous réfugiez dans le marigot de vos aigres vices. Arrêtez de vous fabriquer le cancer en vous isolant tel un bernard l’hermite : derrière votre carapace, vous en pincez encore pour la Sociale !

Lion (au mois d’août, plus de doute) : Vous vous la jouez hakuna matata avec votre longue tignasse mais n’êtes qu’une attraction de cirque. Vous vous prenez pour le roi de la jungle capitaliste, alors que vous avez les crocs. Ouvrez la cage pour rugir de plaisir !

Vierge (en septembre, rentrée sociale) : Sous le corset de fer de votre apparence d’immaculée conception, la forêt dense de vos désirs vous appelle. Arrêtez de couper les cheveux en quatre : pucelle, boutez les Lois hors de vos transes !

Balance (octobre, rouge) : Sous vos airs de justicier, vous n’êtes qu’une poucave avare de ses sous. Cesser de peser vos mots et penchez pour la révolte : après la balance, envoyez le son !

Scorpion (en novembre, la toussaint venue laisse ta charrue) : Vous vous donnez des airs de roi, mais ne sortez que la nuit et ne pensez qu’à la queue. Cessez de vous empoisonner l’existence : lancez vos flèches contre le pouvoir!

Sagittaire (en décembre, envoie les marrons) : Vous trottez tout le jour comme un bourrin après la carotte, et finissez vos soirées chargé comme une bourrique. Ceux qui vous font la peau ne méritent qu’une bonne ruade. Vous avez plusieurs cordes à votre arc : rappelez-vous de l’humain qui est en vous et tendez vos forces vers la révolution !

Capricorne (janvier, deux mille francs) : Capri, c’est fini. A force de vous faire traire, vous voilà comme une bique et puant comme un bouc.  Cessez de bêler : donnez de la corne et prenez le sentier de l’émancipation.

Verseau (février chargé d’eau le printemps n’en sera que plus beau) : Vous passez votre vie à pomper comme un shadok et pleurer sur votre sort. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle vous les brise. Dévoilez le verso de votre personnalité : si vous ne voulez plus servir les puissants, une nouvelle ère commence !

Poissons (en mars, Marx et ça repart) : Vous fuyez les sirènes du capitalisme. En refusant de frayer avec des requins et des maquereaux, vous vous êtes mis au ban de la société : bravo ! Evitez de vous faire pécho par un coup de filet, sinon vous finirez dans le bocal.

John Rackham, Pavillon Noir (FA86)

[Ingrandes] Les salarié-e-s de la Coop Atlantique en lutte

Le ton est encore monté à la Coop Atlantique

Les salariés de la Coop Atlantique, à Ingrandes, craignent pour leur travail. Ils veulent en appeler aux coopérateurs.

Nouvelle action de débrayage, hier matin à la Coop Atlantique d’Ingrandes

Il est tout juste 8 h, à l’entrée de la Coop Atlantique. Déjà, un camion est bloqué par le piquet de grève. Une demi-heure plus tard, à la fin du débrayage, ils seront une dizaine de poids lourds stationnés en file indienne à prendre leur mal en patience.

De la patience, les salariés de la Coop Atlantique n’en ont plus beaucoup, eux. Depuis qu’ils ont appris les lourdes menaces qui pèsent sur le dépôt d’Ingrandes où ils travaillent, la tension est palpable. Leur crainte : voir les dépôts de Saintes, Limoges et Ingrandes fermer pour être remplacés par une plateforme beaucoup plus moderne à Ruffec.

«  On veut le départ du P.-D.G.  »

« Maintenant, on veut savoir, assure Christian Triphose, le secrétaire du comité d’entreprise. Et pour cela, nous exigeons de pouvoir prendre connaissance du contrat qui a été passé entre la Coop Atlantique et Système U à la signature du partenariat entre les deux groupes. Car nous sommes persuadés que tout ce qui concerne l’avenir des dépôts y est précisé. » Alors, désormais, à chaque venue du directeur de la logistique de la Coop Atlantique à Ingrandes, les salariés entameront un débrayage… Jusqu’à obtenir satisfaction. « Aujourd’hui, le directeur de la logistique vient pour nous fixer des quotas de productivité irréalisables. Dans le même temps, la direction a engagé une action pour supprimer notre prime d’ancienneté et à chacune de nos demandes, on répond que si nous étions aussi productifs que les salariés de Système U, tout irait beaucoup mieux. Mais un chef d’équipe de Système U, il a 300 € de plus chaque mois qu’un chef d’équipe ici, c’est une sacrée motivation, non ? » Alors, les salariés de la Coop qui ont lancé une pétition et ont déjà recueilli plus de 5.000 signatures, envisagent d’en appeler au Conseil de surveillance de l’entreprise. « En nous adressant aux coopérateurs, on sera peut-être entendu. Et parmi nos demandes, désormais, figurent le départ de notre P.-D.G et celui du directeur de la logistique. Ils n’ont fait qu’accumuler les erreurs et mettent l’entreprise en danger ». Ambiance.

Nouvelle République, Laurent Pinot, 22 juin 2012

[Poitiers] Acharnement policier contre le DAL 86

Soutenons le copain ce vendredi 14H30 devant le comico de Poitiers !

Brève : un militant du Dal86 convoqué au commissariat le 14-06-12 et reconvoqué vendredi 22 juin à 14h30

L’un des militants du DAL86, ciblé depuis longtemps par les autorités qui semblent chercher par tous les moyens à le faire tomber, en particulier en le rendant responsable personnellement – puisqu’il est solvable et a un travail d’enseignant-, des actions du DAL86, a été convoqué en début d’après-midi par un officier de police judiciaire de la Brigade des accidents et délits routiers pour… les affaires du squat du 11 rue Jean-Jaurès (effraction avec dégradation et mise en danger de la vie d’autrui) et de tag (menace de mort envers le maire de Poitiers). Il est convoqué de nouveau pour deux autres procédures vendredi 22 juin à 14h30. Merci de venir nombreux devant le commissariat pour le soutenir et de diffuser massivement autour de vous.

Nous sommes confrontés une nouvelle fois à des tentatives des autorités de constituer un délit de solidarité et de criminaliser les militants. La nouveauté c’est qu’aujourd’hui ce ne sont plus les « jeunes » et/ou « marginaux » qui sont harcelés mais des vieux militants de terrain qui en l’occurrence, n’ont pas d’autres but que de coopérer avec les sans logis et mal logés afin de les soutenir, de les appuyer pour mettre en place des solutions concrètes. Imaginons si lors de la grande grève de la faim des sans papiers en 2006, M. Santrot alors maire de Poitiers avait mis en cause nommément et publiquement les militants qui les soutenaient et les accompagnaient, les accusant d’instrumentaliser, de manipuler les sans papiers et de mettre leur vie en danger et si les procureurs les avaient fait convoquer pour audition au commissariat ? Eh bien c’est exactement ce qu’il se passe aujourd’hui avec le DAL86 et les sans logis et mal logés.

DAL 86, 14 juin 2012

[Notre histoire] Le temps des cerises (1866)

Le temps des cerises – Cora Vaucaire (1955)

Paroles

Quand nous chanterons le temps des cerises, Et gai rossignol, et merle moqueur Seront tous en fête ! Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur ! Quand nous chanterons le temps des cerises Sifflera bien mieux le merle moqueur !

Mais il est bien court, le temps des cerises Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant Des pendants d’oreilles… Cerises d’amour aux robes pareilles, Tombant sous la feuille en gouttes de sang… Mais il est bien court, le temps des cerises, Pendants de corail qu’on cueille en rêvant !

Quand vous en serez au temps des cerises, Si vous avez peur des chagrins d’amour, Evitez les belles ! Moi qui ne crains pas les peines cruelles Je ne vivrai pas sans souffrir un jour… Quand vous en serez au temps des cerises Vous aurez aussi des chagrins d’amour !

J’aimerai toujours le temps des cerises, C’est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte ! Et dame Fortune, en m’étant offerte Ne saurait jamais calmer ma douleur… J’aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur !

Jean-Baptiste Clément (1866)

Le temps des cerises

C’est en 1866 que le chansonnier et révolutionnaire Jean-Baptiste Clément écrit les paroles de la future romance Le Temps des Cerises. Né le 31 mai 1837 à Boulogne-sur-Seine, dans la région parisienne, ce fils d’un riche meunier avait rompu avec sa famille et gagna sa vie dès l’âge de 14 ans comme ouvrier monteur en bronze. Par la suite, il exerça divers métiers (marchand de vins, terrassier, journaliste) et s’installa Butte Montmartre à Paris. Militant pour la république, il connut très tôt les prisons impériales sous Napoléon III. Doctrinaire exalté, un aperçu de ses idées se lit dans une feuille fondée par ses soins, et qui lui vaudra d’ailleurs quelques condamnations en raison de ses nombreuses attaques contre le pouvoir en place :  » A bas les exploiteurs ! A bas les despotes ! A bas les frontières ! A bas les conquérants ! A bas la guerre ! Et vive l’Egalité sociale.  » Orateur écouté des foules, partisan convaincu de la révolution du 4 septembre, militant très actif lors de l’insurrection parisienne du 18 mars 1871 (délégué à la Commune de Paris, il avait succédé à Clémenceau en mai 1871 comme maire de Montmartre), Jean-Baptiste Clément dut s’exiler à Londres durant 8 années : condamné à mort par contumace en 1874, amnistié en 1879, il rentrait à Paris l’année suivante. Délégué à la propagande par la Fédération des Travailleurs Socialistes, il parcourut la province et fonda notamment la Fédération Socialiste des Ardennes. Usé par tant de lutte et de combats politiques, il s’éteignait le 23 juin 1903 à Paris, à l’âge de 66 ans…

Les chansons de Jean-Baptiste Clément qu’il écrivait dès l’âge de 20 ans, dont les plus connues sont : Quatre-vingt-neuf, L’Eau va toujours à la rivière, Fournaise, Ah ! le joli temps… eurent un certain succès populaire, en partie grâce au talent d’interprétation de Joseph Darcier, le futur interprète des chansons de Gustave Nadaud. Il se produisait alors à L’Eldorado. On lui doit également plusieurs recueils de chansons : Les traîne-misère, Les gueux, Le Bonhomme Misère, Connais-tu l’Amour ?, et parmi toute sa production, l’un de ses airs est plus particulièrement connu des jeunes enfants qui le fredonnent encore de nos jours. Il est d’ailleurs bien loin des idées révolutionnaires de son auteur, puisqu’il s’agit de la ronde Dansons la capucine !..

Un beau soir de 1867, Jean-Baptiste Clément allait trouver Antoine Renard (1825-1872). Originaire de Lille, cet ancien ténor de l’Opéra s’était reconverti dans le music-hall et se produisait au café-concert de L’Eldorado. Ouvert en 1858 et situé 4 boulevard de Strasbourg, dans le Xe arrondissement parisien, cet établissement à la fois café et salle de spectacles accueillait alors le compositeur d’opérettes Hervé qui y dirigeait l’orchestre. Il le pria de mettre en musique son poème Le Temps des Cerises, ce qu’il fit quelque temps plus tard. Cette chanson devint ensuite l’hymne de tous les communards et des ouvriers. Ce n’est qu’après son retour d’exil que Jean-Baptiste Clément ajouta en 1882 la dédicace :  » A la vaillante citoyenne Louise, l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871 « . Ce jour là, avec Eugène Varlin et Charles Ferré, tous deux plus tard condamnés à mort et fusillés, Clément se trouvait sur la dernière des barricades ; Louise Michel, la  » Vierge rouge  de la Commune « , était de la partie.

Auteur de romances et autres chansons : Le Chasse neige, Le Bonheur des Champs, Le Couteau de Jeannette, Fille des champs, Le Barde Gaulois…, Antoine Renard fit éditer, du moins au début, son Temps des Cerises chez J. Kybourtz, 40 Passage du Havre à Paris (édité de nos jours chez Salabert). Il dédicaça sa partition  » A mon ami Anatole Lionnet « . Celui-ci, ami de Gounod qui le rendit dédicataire en 1855 de sa mélodie Mon habit (Heugel), composait lui-même des airs et romances, comme cet Hymne d’amour ou Le petit pioupiou, chantés et enregistrés au début du siècle par le baryton de l’Opéra Jean Noté et André Marchal.

Si Le Temps des Cerises fut au départ un chant révolutionnaire, elle n’est plus aujourd’hui qu’une jolie chanson d’amour dont le succès ne se démentit jamais. Depuis le début du siècle, de nombreux artistes l’ont interprété, certains avec beaucoup de talent : André Dassary, Suzy Delair, Tino Rossi, Charles Trenet, Yves Montand, Mouloudji, Nana Mouskouri, Michel Fugain, Colette Renard… et plus récemment Juliette Gréco (1994), Demis Roussos (1996), Florian Lambert (1998) et Marie-Denise Pelletier (2000)…

Denis Havard de la Montagne, repris sur Maldoror.org

Abstention record, fête triste

Le taux d’abstention, selon le CSA, a atteint 44,4% ce dimanche, soit un record absolu sous la Vème république à des élections d’échelle nationale. A rapprocher de l’abstention croissante aux élections cantonales (56% en 2011), régionales (53,6% en 2010) et européennes (59,4% en 2009). L’abstention aux élections municipales, intéressant traditionnellement les électeurs-trices du fait de l’enjeu local et de leur impact directement ressenti sur le lieu de vie, n’est pas en reste : son taux est monté à 35,5% en 2008.

Si l’on tient compte du fait que 10% à 13,3% des gens potentiellement aptes à voter ne sont même pas inscrits, le constat est sans appel : hier, seuls 38,5% à 40% des gens en droit de voter en France ont jugé utile de désigner des élu-e-s pour les « représenter ».

Ainsi, les « élu-e-s à la majorité » sont propulsés « représentant-e-s des Français-es »… par des votant-e-s de plus en plus minoritaires au sein des populations.

C’est une véritable inquiétude pour les institutions politiques, économiques et médiatiques, ressassant leurs injonctions culpabilisatrices à accomplir le « devoir citoyen ». Leurs discours fébriles sur l’abstention et la perte du sens « civique » dissimulent mal le malaise de ces castes dominantes.

Celles-ci savent trop bien qu’elles ne nous dominent jamais par la seule force armée de leurs vigiles en uniformes, mais en imposant l’assentiment. Depuis la création des premiers Etats de l’antiquité, c’est-à-dire d’associations de bandes armées de racketeurs organisés, le meilleur arsenal du pouvoir autoritaire rassemble avant tout ce qui peut donner un semblant de légitimité à sa violence instituée. Avec l’avènement de la « démocratie », les balivernes religieuses ont peu à peu cédé la place à la mascarade électorale. Les élections sont redoutablement efficaces, sur des populations dont on  a brisé par la force toute possibilité collective réelle de décision et de révolte : les individus doivent être atomisés, isolés dans les rouages de la machine à obéir. Sans culture collective autre que celle du réflexe d’obéissance imposé par des années d’édu-castration, la grande majorité des individus soumis adoptent les présupposés du système dominant, en les croyant leur, en les faisant leurs.

On peut dès lors, lentement, passer du seul droit de vote des riches (suffrage censitaire), au suffrage dit « universel », avant d’y ajouter les femmes un siècle après… et peut-être les étrangers un jour, qui sait.

Ce qui compte, pour entretenir cette illusion que les dominants sont désormais « représentants » de leurs dominés : c’est que la « majorité » des exploité-e-s renouvelle, à intervalles réguliers, l’assentiment à ce que les puissants décident à la place de tous.

Peu importe aux détenteurs du capital qui sera élu-e préposé-e à la garde de leur coffre-fort, si le Capital privé (ou étatique) demeure le monopole absolu de la décision économique, c’est-à-dire de la décision politique réelle. Les élections reposent sur le socle institutionnel des démocraties modernes, consistant depuis plus de deux siècles à relayer la conception de la liberté par la propriété, écrite et célébrée dans le marbre des Droits de l’Homme Riche.

Ainsi donc cette croyance, cette projection hallucinatoire de nos prétendues volontés dans un corps national éthéré, incarné dans un « Elu », ce fantôme, se fissure en apparence. La bourgeoisie s’inquiète, à juste titre. De Grèce et d’ailleurs, la révolte gronde, malgré les larmes, les armes et la prison.

En France comme partout, la république est un cadavre, qui s’est construit sur des cadavres. La bourgeoisie s’acharne donc sur ce cadavre républicain, en rajoute dans un « pluralisme » bidon, ici rose ou bleu, là-bas salafiste ou bidasse, quitte à transformer le zombie en Frankenstein à grosses coutures maladroites. Le problème, c’est qu’il est tellement pourri qu’il fait la même bouillie indistincte, le même Flamby. On le met sous l’électrode « majorité », aujourd’hui rose, demain brune, peu importe… tant que la « majorité » croit qu’elle s’est exprimée. On bidouille des énièmes tours de passe-passe, pour que les pitoyables miettes de voix grapillées par un candidat au premier tour ressemble vaguement à une « majorité ». Le mensonge est énorme, peu importe. Les maîtres se moquent bien du bavardage des esclaves sur la gestion de leur servilité, au contraire ils l’encouragent, si cela peut aider les esclaves à oublier qu’ils ont des chaînes.

La société devient-elle anarchiste parce que l’abstention progresse aux législatives ? Quel doux rêve. On aimerait bien ! On aimerait que l’abstention se mue en abstention active, que les gens désobéissent, occupent leurs quartiers, leurs boîtes et leurs pôles emplois, investissent les logements vacants, se rencontrent, s’organisent, que leurs mandaté-e-s soient révocables et appliquent techniquement les résolutions adoptées en assemblées populaires… on l’aime cette révolution, et on se battra toujours pour elle, parce qu’on se bat pour nous.

Mais il faut remettre les pieds sur terre : l’abstention ne dit absolument rien sur la possibilité d’un basculement révolutionnaire dans l’anarchisme. Elle ne reflète qu’un désarroi de plus en plus lourd, pouvant tout aussi bien donner lieu à une révolution sociale et libertaire, qu’à la résignation la plus abjecte et à l’acquiescement au fascisme. On terminera cet article sur le chiffre obstinément bas depuis toujours, volontairement omis en introduction, de la faible abstention à l’élection précédente.

Ce sont les mêmes qui s’abstiennent aujourd’hui , qui ont voté hier en nombre à l’élection qui résume le principe même de l’aliénation au principe autoritaire représentativiste, poussé à son plus consternant paroxysme. La soumission au grand cadavre incarné, l’élection césariste par excellence inventée par Napoléon III : l’élection présidentielle. Peu importent les idées, peu importent le vernis des pinaillages politiciens : on sait trop bien qu’on ne décide de rien, que le vote aux élections législatives est au pire un réflexe d’animal de laboratoire, au mieux un pis-aller contre le candidat-épouvantail d’en face. Si la grande majorité ne vote plus, dans un summum de résignation et de soumission collective, que lorsqu’il s’agit d’élire un César, incarnant à lui tout seul le rôle grand-guignol de « représentant du peuple français » , c’est parce que la France glisse vers le fascisme, et qu’il y a tout lieu de s’inquiéter. Le blob rose triomphe, sur fond sonore de Valls d’expulsions d’étrangers, d’éructations Moranesques sur le vote des étrangers transformant la France en « Liban », de grognements lepénistes, de slurp d’écolos suçant de l’uranium.

Et des cris de sept compagnons antifascistes, arrêtés ce soir à Hénin-Beaumont et emmenés au comissariat de Lens.

Vu ce qui nous pend au nez comme dévastation sociale, il serait peut-être temps de sortir de l’incantatoire et de nous organiser sérieusement.

Juanito, Pavillon Noir, 18 juin 2012