[Poitiers] Bourrage de crâne lycéen par l’armée française à l’école de l’Etat

Un article aussi consternant qu’instructif est sorti aujourd’hui dans la presse régionale, relatant l’intervention au lycée Victor Hugo de Poitiers… de trois bidasses galonnés (deux de la 9e Brigade légère brigade d’infanterie de marine, un de l’état-major de la légion de gendarmerie).

Précisons que cette intrusion de l’armée française au lycée Victor Hugo de Poitiers s’est faite sur l’initiative… d’un professeur d’histoire-géographie-éducation civique du lycée. Ce fonctionnaire zélé justifie cette horreur par le « programme ». S’il est vrai que l’évolution des programmes d’histoire-géo-éducation civique est toujours plus réactionnaire, il y a tout de même une différence entre enseigner le rôle de l’armée française (qui devrait être condamnée par toute personne ayant ne serait-ce que quelques notions d’histoire sociale), et inviter des bidasses à faire de la pub pour leur sale besogne auprès d’élèves !

Passons sur le « rappel historique » du journaliste, sur les « attentats du 11-novembre » 2001 (sans doute voulait-il parler du 11 septembre 2001…) qui auraient justifié l’intervention en Afghanistan. Ha, ha, ha.

L’éducation militaire civique au service de l’Etat, ça donne aussi de magnifiques phrases d’un cynisme achevé. Sur la mission de tuer des êtres humains si le gouvernement l’ordonne, qui est l’essence même du militaire  : « Au bout du bras du soldat, c’est la France ».

Nous ne donnerons pas tort à ce propos du bidasse. En effet, l’Etat français s’est historiquement construit… au bout du bras du soldat ! Par des conquêtes, des massacres, des pillages, des expropriations de paysans et la mise des populations sous coupe réglée de l’Etat, avec le racket de l’impôt. C’est ainsi que se constitue tout Etat (et, pourrait-on ajouter, ainsi que se s’initie aussi la mise en circulation de la monnaie).

A la question : « Qu’est ce qu’une violence légitime ? », un lieutenant-colonel enfonce le clou, en répondant que « l’État a le monopole de la violence légitime« .

Là non plus, on n’aurait pas dit mieux. Nous ne savons pas si le professeur d’histoire-géographie a rappelé quelques glorieux faits d’armes de l’armée française, comme en Algérie ou encore au Cameroun à l’époque des guerres de décolonisation, en Françafrique jusqu’à nos jours…

Nul besoin de rappeler ici aux lecteurs-trices de ce blog ces crimes de sinistre mémoire, couverts par la « légitimité » de l’Etat. Le journal Libération a d’ailleurs récemment révélé quelques nouvelles boules puantes sur les responsabilités de l’armée française dans le génocide rwandais, perpétré par l’armée rwandaise (formée par la gendarmerie française depuis 1975). L’Etat génocidaire rwandais aurait possédé 15 missiles Mistral au moment du déclenchement du génocide. De plus, le capitaine Paul Barril aurait été présent au moment de l’attentat contre Habyarimana en 1994, déclencheur du génocide.

Les trois militaires venus vanter les mérites de l’armée aux lycéen-ne-s rappellent cyniquement que l’Etat se définit par le monopole de la violence armée, et qu’il la justifie toujours en se construisant une « légitimité ». Cette légitimité est fondée sur la construction d’un « droit » (dont le piler est la protection armée de l’accaparement bourgeois des moyens de production). Sur les « droits de l’homme » (… et surtout de l’homme riche, puisqu’ils légitiment la propriété et sa défense armée). Sur les institutions inter-étatiques (mettant le monde entier sous la coupe du capitalisme).

A celles et ceux qui s’indigneraient encore de la présence de bidasses dans l’enceinte d’une école, rappelons quelques éléments historiques.

L’école d’Etat, celle du raciste colonialiste Jules Ferry, par ailleurs bourreau des Communards, a été notamment fondée dans le but d’enterrer l’éducation populaire florissant dans le mouvement ouvrier, encore imprégné de l’expérience de la Commune de Paris. Jules Ferry avait ainsi justifié son projet devant le conseil général des Vosges, en 1879 :

“Dans les écoles confessionnelles,… on exalte l’Ancien Régime et les anciennes structures sociales. Si cet état de choses se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes… inspirés… d’un idéal socialiste ou communiste emprunté… par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871… Non, n’en déplaise aux sophistes de la liberté à outrance,… le remède qui consiste à opposer aux menées de l’Internationale noire (*) celle de l’Internationale rouge n’en est pas un : ce serait la fin de la France… ce serait la liberté de la guerre civile.”

(*) ndPN : « l’internationale noire » était l’internationale anti-autoritaire, anarchiste, proclamée un an après la commune de Paris, qui avait mis en oeuvre nombre d’idées anarchistes.

Et voici les objectifs de l’école d’Etat que Jules Ferry se montre satisfait de voir accomplis, en 1889 devant l’assemblée nationale :

« Le parti républicain a voulu trois choses : d’abord, il a voulu refaire l’armée ; puis, refaire le gouvernement sur les bases du suffrage universel, c’est-à-dire la République. Mais il a voulu aussi refaire l’âme nationale par l’école nationale. Nous estimions qu’il n’y a pas de rénovation sociale, de rénovation nationale, il n’y a pas même de rénovation militaire sans une grande rénovation morale. Et cette rénovation morale, nous avons voulu la faire par l’école. »

Voici enfin une adresse de Jules Ferry aux enseignants de la Sorbonne, en 1892 :

“Vous n’êtes pas seulement, messieurs les professeurs, des maîtres de langue, d’arithmétique ou de technologie, vous êtes, vous devez devenir des éducateurs. (…) Oh ! Alors ne craignez pas d’exercer cet apostolat de la science, de la droiture et de la vérité, qu’il faut opposer résolument, de toutes parts, à cet autre apostolat, à cette rhétorique violente et mensongère, (…) cette utopie criminelle et rétrograde qu’ils appellent la guerre de classe !”

Jules Ferry était le chantre de l’armée républicaine, celle qui massacra les révolutionnaires et les populations colonisées. Et le chantre de l’école d’Etat.

Cette école de Jules Ferry n’est pas notre école et ne le sera jamais.

Juanito, Pavillon Noir (FA 86)

Alexandre Marius Jacob, Hors les lois et la servitude – un film de Michel Mathurin

Bande annonce d’hors les lois et la servitude

Alexandre Marius Jacob

Hors les lois et la servitude

Marius et les travailleurs de la nuit – Un film de Michel Mathurin

Un documentaire-fiction de Michel Mathurin

Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ! Voilà le maître mot de ce 51 mns qui nous invite à entrer dans le monde de Alexandre Marius Jacob. En 1900, Les Travailleurs de la Nuit, cambriolent à tour de bras, un peu partout en France, maisons bourgeoises, sacristies et Monts de piété. Mais cette cambriole n’est pas de la rapine, c’est l’Action Directe, un acte politique visant les adversaires : la bourgeoisie et l’Eglise.

L’Homme libre n’a pas le choix pour éviter la servitude du travail harrassant et sous payé, pour éviter aussi l’indignité de la mendicité, il ne lui reste que la Restitution, la Reprise de possession.

Cette morale libératrice largement inspirée de Proudhon « La propriété, c’est le vol », valait aux militants anarchistes de sévères représailles.

Marius Jacob est un rusé. Il mène une guerre en sourdine. La solidarité de sa bande et son sens de la stratégie lui permettent de remporter de beaux succès.

Le but de Marius Jacob, comme de Rose, de Marie et de tous les Travailleurs de la Nuit, c’est de servir La Cause du Peuple, ils brulent tous du même espoir : créer une société juste et fraternelle.

En 1900 le monde ouvrier vibre de cet espoir de vivre une vie moins pénible, dans une société débarrassée de la gangrène du mensonge et de l’exploitation. Des Bourses du Travail, puis des syndicats vont s’organiser pour mener la lutte ouvrière contre le patronat, Marius Jacob la soutient et la respecte, mais son  action à lui est plus personnelle, elle est sans négociation, sans compromis. On entre, on dévalise, et on repart. De retour au bercail tout est prévu pour transformer et fourguer le butin : la quincaillerie !

Ce docu-fiction que nous offre Michel Mathurin aura pour certains un petit accent désuet, pourtant, le choix de ce genre cinématographique sert à la fois de  document d’archives et pourquoi pas de postulat pour repenser notre monde actuel.

Marius_JacobMARIUS ALEXANDRE JACOB dit Attila, un bandit pour la cause du      peuple.

Alexandre Marius Jacob était un anarchiste authentique d’une trempe toute particulière. Il n’est pas un donneur de leçon, encore moins un doctrinaire, un meneur de troupe ou un va-t-en guerre. Il a toujours été l’ennemi de l’injustice et de l’iniquité, et, en homme honnête et droit, les a toujours combattues. Il a vécu dans un siècle où seule une petite minorité de population vit confortablement. L’ensemble de la population se débat pour survivre et peu d’individus parviennent à exister vraiment. Réussir pour Jacob ne signifie  pas devenir riche, mais vivre libre et combattre les accapareurs.

Il s’engage dans l’action directe. Il est habile et bricoleur. Il opère ses cambriolages avec adresse et humour, il défie les biens-pensants. Toute la police du      pays est à ses trousses, et à celles de ses nombreux compagnons qui se joignent à lui pour former Les Travailleurs de la Nuit. Les butins sont répartis en quatre parts : le journal,      l’aide aux camarades prisonniers, la communauté, les auteurs des cambriolages.

Durant de nombreuses années il défie les autorités, mais un jour, la bande tombe entre leurs mains. Le procès est un exemple de dignité,le face à face entre le Juge et Jacob est glacial, le juge tient l’avenir du jeune Jacob entre ses mains, il n’hésitera pas à l’écraser sûr qu’il est de la nécessité absolue de défendre sa classe. Marius, lui reste serein et calme, il ne cherche pas à convaincre un auditoire mais montre malgré l’arrestation un idéal vivant et juste, un espoir qui reste plus vivant que jamais « …que vienne l’anarchie… » souffle-t-il à son juge, comme une certitude profonde.

Jacob a payé cher ce choix, mais en prison et au bagne, meurtri par les épreuves, il lutte encore pour la justice et la dignité. Il instruit ses compagnons d’infortune, et la cause des droits de l’Homme fait entendre sa voix du fond du cachot. A aucun moment de sa vie il ne doute, pas plus que sa mère qui lutte jusqu’au bout pour le faire libérer du bagne.

Lorsqu’il quitte ce monde en 1954, après une vie rude, il a 75 ans, il est serein, clairvoyant et courageux. Jusqu’à ces derniers instants Jacob reste un homme totalement libre.

ROSE, la condition des femmes populaires.

Rose, sa compagne est une femme des milieux populaires de son époque. A peine sorties de l’enfance, les femmes des milieux populaires du XIXème siècle sont cernées par de nombreuses menaces. Elles partagent les manques que tous les prolétaires, mais, sans une famille aimante, livrées à elles-mêmes, elles sont souvent l’objet de la brutalité de quelques voyous minables qui souvent, les font tapiner pour leur compte. Jacob a sorti Rose de cette situation d’oppression. Il aime sa force et sa beauté. Elle partage ses espoirs d’égalité et de liberté. Ils sont soudés comme les doigts de la main. Ensemble ils se sentent forts, prêts à balayer les malheurs.

Vu sur Marius Jacob le film

Repris du blog Ni dieux ni maîtres en Poitou, 8 juin 2012

NdPN : voir aussi la déclaration de Marius Jacob à son procès.

[Poitiers] La lutte du père de Camille commence à payer

Camille Cantet devrait faire sa rentrée en septembre

Les choses ont avancé pour Camille Cantet. Sa situation scolaire a été réexaminée. Son père a cessé sa grève de la faim, hier.

Il est 15h15, ce jeudi, sur le parking de la Maison départementale de la personne handicapée, à Poitiers. Philippe Cantet tient dans ses mains deux feuillets qu’on vient de lui remettre. Il s’agit de la décision de la MDPH (Maison départementale de la personne handicapée) concernant la situation scolaire de sa fille, Camille, une adolescente handicapée, déscolarisée depuis deux ans. Il est fébrile, nerveux recherchant qu’il est bien fait mention « d’une durée de quatre mois ». Elle n’y est pas. Il explose. « C’est pas possible… Ils veulent que je continue à faire la grève de la faim ou quoi. ». L’homme, on le sent, est à bout, après 25 jours sans s’alimenter et il est encore « méfiant ». Il lui faudra du temps pour décrypter la décision prise en début d’après-midi.

Pourtant, il est clair qu’elle précise un certain nombre d’avancées listées lors d’une conférence de presse organisée dans la foulée. Camille pourra intégrer l’ULIS (Unité localisée pour inclusion scolaire) France-Bloch-Sérazin de Poitiers pour une période d’essai et d’observations d’une durée de quatre mois, à compter du 1er septembre.

«  Il fallait trouver un consensus  »

Elle était initialement d’un mois, ce qu’avait toujours refusé Philippe Cantet. Si ces quatre mois ne figurent pas sur le courrier remis à Philippe Cantet, hier après-midi, c’est qu’il revient à l’Éducation Nationale de décider de la durée. Il faudra que Bernard Chevalier, médiateur bénévole intervenu dans cette affaire à la demande de la MDPH, lui explique ce point pour que le père commence à y croire. Bernard Chevalier est intervenu à plusieurs reprises auprès de Philippe Cantet. « Il fallait maintenir un lien et trouver un consensus pour Camille. » La CDAPH (*)a également décidé « de ne pas donner suite pour l’heure à une orientation en IME qui ne correspond pas aux attentes des parents de Camille ». Et on apprend également que le conseil général prendra en charge le transport scolaire de Camille depuis Chenevelles jusqu’à Poitiers. Philippe Cantet – quelle que soit la décision de la commission aurait cessé sa grève de la faim hier – attend désormais une confirmation écrite de la part de l’Éducation nationale. « Je vais étudier la proposition et s’il s’avère que c’est bien une période de quatre mois, on sera en bonne voie. »

(*) Commission des Droits et de l’autonomie des personnes handicapées.

Nouvelle République, Sylvaine Hausseguy, 8 juin 2012

[Ingrandes – 86] 150 emplois menacés

Ingrandes : lourdes menaces sur la Coop Atlantique

A peine un peu éclairci, le ciel s’assombrit de nouveau dans le Châtelleraudais. Cette fois, ce sont les 150 emplois de la Coop qui sont menacés.

La reprise de la Fonderie du Poitou Alu par le groupe Saint-Jean Industrie vient tout juste d’être officialisée, avec son cortège de satisfactions, pour les uns et les autres, que de nouvelles menaces sur l’emploi se font jour dans un Châtelleraudais qui n’a pourtant guère besoin de cela. Et c’est une nouvelle fois de la zone industrielle d’Ingrandes que viennent les nuages noirs.

Voici quelques jours, en effet, au cours d’un CCE au siège du groupe Coop Atlantique, à Saintes, devaient être abordées « des questions relatives à la réorganisation de la logistique » selon le document officiel. « On envisageait des décisions portant sur le matériel utilisé ou sur l’organisation, pas sur ce qui nous est tombé sur la tête. »

«  Nous étions presque trois cents  »

Christian Triphose, secrétaire du comité d’établissement, est encore abasourdi de la façon dont se sont passées les choses. « Et là, on nous a présenté plusieurs scénarios quant à une réorganisation complète de l’entreprise. Dans le premier cas, la Coop Atlantique se sépare de 4 de ses cinq entrepôts pour les confier à Système U qui est notre «  partenaire  » désormais, depuis que nous avons quitté Carrefour. Dans un autre, tous les entrepôts seraient regroupés en un seul, beaucoup plus central, situé à Ruffec ou alors, les cinq entrepôts actuels (Limoges, Saintes, Infrandes et deux à La Rochelle) sont agrandis et modernisés. » Des scénarios que Thierry Fockedey a bien été obligé de confirmer lui-même avant-hier matin à Ingrandes où les 150 salariés ont débrayé en apprenant sa venue à une réunion de CHSCT. « Il a bien confirmé, assure Christian Triphose. Quant aux différents scénarios possibles, on n’y croit pas. C’est juste pour qu’on se tienne tranquilles. L’hypothèse la plus probable c’est la construction d’un grand entrepôt à Ruffec et de la casse partout ailleurs. » D’ailleurs, pour le syndicaliste, il y a bien longtemps qu’on parle de la fermeture de l’entrepôt ingrandais créé en 1969 mais régulièrement fragilisé ces dernières années. « Nous étions presque 300, nous ne sommes déjà plus que la moitié. » Et à quelle date cette fermeture envisagée ? « On nous parle de fin 2014. Mais, là aussi, on est tous persuadés que tout ira plus vite ! »

Contactée, la direction de Coop Atlantique a indiqué qu’elle n’avait pas de commentaire à faire sur le sujet.

Nouvelle République, Laurent Pinot, 8 juin 2012

[Notre-Dame des Landes] Du « moratoire sur l’aéroport »

« Moratoire sur l’aéroport » : une farce qui ne nous fait pas rire

Quelques analyses au sujet de l’accord du 8 mai 2012 après la grève de la faim

On a beaucoup entendu parler ces derniers temps de l’accord obtenu le 8 mai 2012 à la suite d’une grève de la faim de 28 jours menée par des agriculteurs/trices en lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Certain⋅e⋅s fantasment cet accord comme un « moratoire sur l’aéroport » (Anne-Sophie Mercier : Moratoire sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans Le Monde du 9 mai 2012) et beaucoup crient victoire.

De notre côté, nous éprouvons le besoin de préciser ce que cet accord change vraiment et surtout ce qu’il ne change pas. Nous tentons quelques pistes d’analyse de la situation dont il provient et de celle qu’il fait naître.

Commençons par des faits. Les responsables des collectivités locales PS s’engagent à ce qu’il n’y ait pas d’expulsions pour les onze exploitants agricoles installés sur la zone concernée et qui ont refusé l’accord amiable avec Vinci. Ils s’y engagent jusqu’au rendu des recours déposés avant le 4 mai 2012 auprès des juridictions françaises (Conseil d’État et Cour de Cassassion). Après un coup de gueule du comité de soutien aux grévistes de la faim, les responsables concernés répondent sur une feuille volante, sans signature (et donc sans valeur officielle), que l’accord concerne aussi « les habitants de la zone de la DUP [Déclaration d’Utilité Publique] installés sur la zone avant le déclaration d’utilité publique, ayant refusé à ce jour [du 4 mai] les procédures amiables ». Il ne précise pas de durée de gel des expulsions pour ces habitant⋅e⋅s. L’accord ne concerne pas les recours déposés par les opposant⋅e⋅s devant le tribunal administratif ni ceux devant les juridictions européennes. Il n’arrête pas les procédures d’expropriations des propriétaires : la machine est en marche et les élus PS ne donnent qu’un sursis d’exécution. L’accord ne concerne pas les occupants sans droit ni titre. Au final, cet accord s’appliquerait uniquement à environ un tiers des habitant⋅e⋅s de la zone. Selon la version optimiste, portée par les grévistes de la faim et leurs soutiens, la suspension de ces expulsions vaudrait jusqu’en 2014.

Pour le comité de soutien aux grévistes de la faim, c’est « notre première victoire » et « une immense victoire idéologique et médiatique » (Geneviève : Face aux erreurs et à l’intox : ce qui a été obtenu par les 28 jours de grève de la faim et de mobilisation du comité de soutien, blog des soutiens de grève de la faim, http://parolesdecampagne.blogspot.fr/). Pour l’autre partie, les pontes PS locaux : « nous avons fait un geste réel concernant le traitement humain de l’étape délicate des expulsions, étape ultime des expropriations légales. Mais passés les quelques recours engagés, la construction de l’aéroport se poursuivra » (Jacques Auxiette, président de région Pays de la Loire et signataire de l’accord, dans Presse Océan du 12 mars 2012). Ils précisent en outre que « les procédures à l’encontre des occupants très récents, – je pense aux squatteurs –, ne seront pas ralenties. »

Il nous semble que par cet accord, le pouvoir concède un « geste » uniquement symbolique. C’est bien sûr un répit appréciable pour certain⋅e⋅s. Mais suspendre les expulsions des exploitant⋅e⋅s agricoles et des habitant⋅e⋅s légaux sur la zone concernée par la DUP même jusqu’en 2014 ne gène en rien les prévisions de l’État et d’AGO. D’après le planning en notre possession, les seuls gros travaux prévus avant cette date concernent les échangeurs du barreau routier, qui ne sont pas situés sur ce périmètre. Les travaux prévus sur la zone de la DUP consistent en forages, fouilles archéologiques, études environnementales, etc. Bref, les mêmes « travaux préliminaires » qu’ils font depuis des années, malgré la présence des habitant⋅e⋅s qui ne constitue pas un obstacle puisqu’à grand renfort de gendarmerie mobile ils ne se privent pas pour envahir la zone ou ravager les terres. Somme toute un accord qui ne remet en cause ni les gros travaux, ni les études préliminaires, ni les expropriations qui continuent à être menées, ni la majorité des expulsions.

Par contre il nous semble que cet accord sert les intérêts du PS. Il peut ainsi se montrer à l’écoute du peuple qui l’a élu sans pour autant se fâcher avec ses petits amis patrons, que ce soient ceux de Vinci (concessionnaire de l’aéroport) ou ceux des nombreuses entreprises qui voient dans ce projet une source de profit. Mais surtout, il nous semble qu’il s’agit d’une manœuvre pour tenter d’intégrer la contestation pour mieux la museler. Reprenant sa stratégie habituelle, la gauche au pouvoir tente d’intégrer les éléments « raisonnables » de la contestation pour les identifier comme des « partenaires sociaux ». En faisant cela, elle cherche à établir la différence entre les « bon⋅ne⋅s opposant⋅e⋅s », celles et ceux avec qui on peut discuter puisqu’on fait semblant de les entendre, et les « mauvais-es », celles et ceux qu’on peut réprimer allègrement parce qu’on les a dépeint aux yeux de tout⋅e⋅s comme des éléments perturbateurs. Le but est clair : briser une solidarité des opposant⋅e⋅s, afin de ne plus risquer de se trouver face à un bloc uni par un intérêt commun. Cet accord n’est pas une concession mais une manœuvre politique : alors que la droite se place généralement dans l’affrontement direct et clame haut et fort qu’elle ne cédera rien, il est de bon ton à gauche de montrer que l’on fait des « efforts » de compréhension, qu’on entend le petit peuple dans ses revendications et qu’on est prêt à s’asseoir autour de la table pour en parler, entre gens respectables. À nos yeux, il s’agit uniquement d’une manière pour le pouvoir de reprendre la contrôle de la situation : « si vous êtes bien gentil⋅les⋅s et que vous ne faites pas de vagues, peut être pourrons nous concéder quelques miettes ».

Nous conclurons en criant que la farce ne nous fait pas rire. Il est certain que cet accord tombe à pic pour le PS : commencer un mandat par une grève de la faim, de surcroît dans le fief du premier ministre, c’est mauvais pour l’image de marque. Malgré le sursis accordé à certain⋅e⋅s, nous restons dans la même situation de tension qu’auparavant face à ce projet imposé par la gauche. Si le PS s’est retiré cette épine du pied, celle qui est dans le notre est encore bien plantée.

Hors pistes

un groupe en luttes contre l’aéroport et son monde né dans le mouvement d’occupations

Juin 2012

Indymedia Nantes, 7 juin 2012