à propos d’une offensive étatiste contre le prolétariat
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Le blocus, l’occupation et les meurtres massifs perpétrés par l’Etat d’Israël dans les territoires palestiniens sont expliqués et commentés depuis des semaines selon des analyses communautaires, voire « ethniques », religieuses et nationales, prenant plus ou moins tacitement parti – soit pour l’Etat d’Israël, soit pour un Etat palestinien. Ces analyses tronquées, qui identifient les populations à des communautés essentialisées, à des nations, et bien évidemment à « leurs représentants » au pouvoir, se contentent bien souvent de n’aborder que les questions religieuses, identitaires, de dénoncer le racisme ou l’antisémitisme, de condamner une « nation » en particulier. Or, par le fait même qu’elles nourrissent l’idée de « communautés » étanches, tout en avançant sous le masque de la paix sociale, elles ne font que renforcer la haine.
Dans ces événements, peu voire pas d’analyse critique du capitalisme et de l’institution étatique, y compris à gauche. L’oblitération de toute analyse de classe fait le jeu des nationalistes, politicards et fachos de tout poil, qui ne proposent de « solution » qu’étatistes et interclassistes. Dès lors, comment s’étonner des ces indignations et flashmobs, compréhensibles mais inopérantes, appelant Palestiniens et Israëliens à vivre en paix (comme si c’était la faute à une « haine entre les peuples » ! ). Tant que les responsabilités du capitalisme et de l’institution étatique, là-bas comme ici, ne seront pas clairement pointées, la confusion prévaudra et avec cette confusion, le risque de glissements vers des discours fascisants aussi imbéciles que nocifs pour nous tous.
Alors que la première guerre mondiale éclatait il y a un siècle pour des raisons bien autres qu’une simple haine pour les habitants d’outre-Rhin, les gouvernements versent des larmes de crocodiles sur la « folie meurtrière » et la « haine », lors de cérémonies cyniques de commémoration. C’est faire peu de cas des causes objectives de cette boucherie pour les Etats belligérants et leurs alliés capitalistes, à savoir la lutte pour l’emprise coloniale, la hausse du prix des matières premières, le manque de débouchés industriels, la baisse tendancielle du profit, la course à l’armement, sans oublier les contestations révolutionnaires de plus en plus structurées en Europe, menaçant directement à l’époque les édifices étatiques… bref, ce sont toutes les contradictions du capitalisme réunies qui ont mené droit à la guerre. Guerre permettant de relancer l’économie par l’armement, par la destruction de main-d’oeuvre surnuméraire, par l’appropriation brutale de territoires et de marchés, par le marché de la reconstruction. La machine capitaliste était relancée, menant inexorablement à d’autres boucheries, d’une ampleur plus grande encore.
Or derrière l’offensive israëlienne permanente sur les territoires palestiniens, ce sont toujours des enjeux de profit et de pouvoir qui président à la guerre. Depuis toujours, les territoires palestiniens constituent un enjeu énergétique important : ils sont dotés de réserves de gaz importantes (notamment le gisement de Gaza Marine au large de Gaza), sur lesquelles lorgnent aussi bien les politicards locaux (Israël, Autorité palestinienne et Hamas) que ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Russie, dans l’intérêt direct de leurs alliés capitalistes respectifs. Par ailleurs, la Palestine est aussi dotée de réserves d’eau qui ont de plus en plus de valeur dans cette région de la planète (Cisjordanie en particulier). Enfin, depuis des années, les salons militaires internationaux confirment que le massacre des civils constitue une vitrine exceptionnelle pour la promotion d’engins de mort. L’armement de Tsahal est un business extrêmement lucratif, et la bande de Gaza rien moins qu’une zone d’essai militaire en terrain réel. Comme toujours, des prolos qui ne demandent qu’à ce qu’on leur foute la paix sont massacrés sur l’autel du fric.
Si ces véritables raisons du « conflit », obstacles à toutes les déclarations d’intention, sont bien connues, les gouvernements et les journalistes en parlent bien peu, préférant jouer sur la tension. Car au-delà d’intérêts financiers, cette politique agressive permet aussi de contenir les révoltes sociales, en Israël… comme ailleurs. Le capitalisme est une dynamique d’oppression sociale, menée aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des Etats, où les inégalités de classes ne cessent de se creuser. N’oublions pas que derrière le mirage économique, l’Etat d’Israël connaît les pires inégalités sociales de l’OCDE. Face à la montée des mouvements sociaux suscités par les inégalités sociales qu’il entérine par sa fidèle gestion du capitalisme, l’Etat d’Israël nourrit le nationalisme, ni plus ni moins que les autres Etats.
Le nationalisme, ennemi mortel des prolétaires, consiste, pour un Etat ou des aspirants au pouvoir d’Etat, à désigner un ennemi commun, ce qui permet de susciter une unité nationale fictive sous laquelle les « citoyens » devraient se ranger. Exit la domination de classe, exit l’exploitation capitaliste : l’ennemi est désormais l’autre, l’étranger. Le gouvernement israëlien, pour justifier ses exactions permanentes, n’hésite pas à recourir à des discours racistes et assimile « les Palestiniens » au Hamas et au « terrorisme ». Le Hamas, alors qu’il comptait de moins en partisans avant le conflit, fait de même en désignant « les Israéliens » comme ennemis irréductibles, avec ses fondamentaux antisémites à vomir. Hamas et Etat israëlien tentent ainsi de faire l’unité derrière eux auprès des populations qu’ils oppriment tout en prétendant les défendre, en recourant à la vieille ficelle indémodable de la haine. Les politicards d’Israël et de Palestine, en se faisant la « guerre », renforcent mutuellement leur influence, tentant de juguler leur perte de crédibilité auprès des prolétaires en les divisant par la vieille stratégie mortifère du nationalisme. Bien loin de servir la cause des prolos de cette région, les gouvernements et les partis aspirant à exercer le pouvoir, de part et d’autres des frontières tracées dans le sang et la dépossession, ont prouvé depuis longtemps qu’ils n’ont aucune pitié quand il s’agit de réprimer les mouvements sociaux.
Bien loin de régler ce « conflit », les « soutiens » divers de nombre de partis politiques, en France et ailleurs, ne font trop souvent que l’étendre en surfant sur les analyses nationalistes et sur la colère, pour placer leur critique sur le même terrain que ces rapaces brandissant des drapeaux et des armes d’une main contre « l’ennemi », exploitant et réprimant les prolos de l’autre. Les positions des divers Etats du monde à propos de ces événements sont toutes également répugnantes. Tous les Etats sont fondés sur la violence, l’expropriation et l’occupation de l’espace, et la stigmatisation d’ennemis intérieurs et extérieurs. Le jeune Etat d’Israël n’a, à ce titre, qu’un palmarès historique sanglant encore bien limité par rapport à celui de la France. En France, d’ailleurs, ces événements sont une nouvelle occasion pour l’Etat de renforcer ses dispositifs d’oppression/répression avec de nouvelles lois « antiterroristes », avec le renforcement des opérations militaires extérieures (« antiterroristes » elles aussi, bien sûr), avec la banalisation de l’interdiction des manifs de solidarité, avec la stigmatisation des musulmans et la chasse aux immigrés, le tout suintant le mépris de classe. La division par la peur a toujours été la signature armée des monstres qui prétendent nous gouverner.
Or en France on ne voit pas beaucoup, y compris à gauche, de partis parmi ceux qui condamnent « Israël » (omettant de dire « Etat d’Israël ») dénoncer l’histoire et l’actualité des politiques coloniales que mène l’Etat français, lui aussi au nom de la lutte contre le « terrorisme ». Alors que la dénonciation de tous les Etats devrait prévaloir chez les révolutionnaires, la condamnation d’un Etat en particulier, l’Etat israëlien, pose question. Quid des exactions sur des populations civiles menées actuellement par de nombreux autres Etats du monde ? La condamnation de l’Etat d’Israël devrait aller avec celle de tous les Etats, en commençant par celui qui nous concerne en premier lieu, l’Etat français. Qui mériterait tout autant, par ses gages en matière d’écrasement des pauvres d’ici et d’ailleurs, « le boycott, le désinvestissement et les sanctions » ! Si l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles, nous ferions bien de faire preuve de plus de vigilance quant au concept d’ « antisionisme », terme qui élude ou amalgame la diversité historique des sionismes et fait l’impasse sur la lutte nécessaire contre TOUS les Etats.
Aucune alliance avec les nationalistes quels qu’ils soient, alliés objectifs du capitalisme qui toujours se retournent contre nous. La meilleure façon de construire l’émancipation, l’autonomie et une solidarité assez forte pour faire reculer le racisme et l’antisémitisme, ne passe pas par des appels hypocrites et confus à « la paix », mais par la lutte solidaire et antinationaliste, là où nous nous trouvons, contre nos véritables adversaires communs : les capitalistes et les gouvernants du monde entier, qui tentent partout de nous diviser pour mieux nous asservir. Nous n’y parviendrons qu’en organisant et en fédérant par nous-mêmes, loin des partis et des illusions étatistes, nos luttes et nos alternatives.
Des anarchistes de Poitiers, 5 août 2014