Retour sur la manif du 22 février à Nantes

Les autorités sont prévenues : retour sur la manif du 22 février à Nantes

Récapitulons
Dans les années 1960, le projet d’un nouvel aéroport près de Nantes sort de terre, avec des projections économiques radieuses à la mode capitalisme trente glorieuses. Projet vite mis en cartons à la suite du choc pétrolier et des contestations (déjà !), mais les terres sont soigneusement protégées du remembrement alors en cours. Le fumeux projet ressort des poubelles administratives de l’État avec la gauche-garcimore en 2000, par un tour de passe-passe en force de Jospin (PS), Gayssot (PCF) et Voynet (Verts). L’aménagement est prévu sur une ZAD (zone d’aménagement différé) de près de 2000 ha, zone humide bocagère d’élevage et de petites cultures sise entre trois bourg ruraux. Sont aussi prévues une voie rapide routière, reliant les axes Nantes-Vannes et Nantes-Rennes, ainsi qu’une desserte ferroviaire. Hôtels et supermarchés viendraient compléter ce tableau d’un désert métropolitain digne de ce nom.
Mais la contestation reprend de plus belle : les réunions publiques sont perturbées et des manifestations diverses s’organisent. En 2007, un premier squat voit le jour dans une maison laissée à l’abandon. En 2009, le Camp Action Climat choisit le site de Notre-Dame-des-Landes pour débattre sur la question environnementale. Trois semaines de débats et d’actions ont lieu, un appel à venir habiter la zone est lancé, c’est le début de la plus grande zone de squat rural d’Europe. À peine les maisons sont-elles rachetées par Vinci qu’elles sont réinvesties. Les habitants « historiques » voient débarquer à leurs côtés, avec une curiosité parfois mêlée d’incompréhension, des gens souvent jeunes et politisés, qui s’installent ici pour un tas de raisons différentes : l’opposition à ce projet cristallise un grand nombre de thématiques de lutte, en lien les unes avec les autres, contre les logiques absurdes du capitalisme, de l’État, de la consommation, de la dévastation écologique… Au début, la cohabitation n’est pas simple ; valeurs et modes de vie divergent, à l’image des catégories qui nous divisent. Mais rapidement, le fait de vivre ensemble sur un même territoire l’emporte, et composer ensemble dans la vie quotidienne et dans la lutte n’est plus seulement une nécessité, mais un désir. Là où le rouleau compresseur devait détruire des terres, des liens, la vie, là où l’individualisme et les rapports marchands devaient encore remporter une victoire, naît une communauté de liens. Là où l’État est repoussé, naît une créativité incroyable, rendant caduques toutes les catégorisations habituelles des pouvoirs faisant de nous des « populations » sous contrôle (sus à l’Insee !)

Pourquoi le 22 février ?
En réponse aux déclarations et aux signes de nouvelles tentatives d’expulsion à venir, les différentes composantes de la lutte contre le projet d’aéroport se sont une fois de plus entendues sur une manifestation, à un moment crucial contre les porteurs de projets (élus et Vinci) : l’échéance du mois de mai pour le « transfert » des espèces animales protégées (procédure obligatoire) contraint les autorités à l’offensive, sous peine de repousser ledit transfert à l’automne. Néanmoins, à un mois des municipales, la marge de manœuvre des « socialistes » est réduite. C’était donc le moment de manifester à nouveau de tous nos sabots contre la machine productiviste.
Les différentes composantes de la lutte (paysans, habitants historiques et zadistes, Acipa, naturalistes, etc., désolé pour les catégories) arrivent donc de cette campagne que l’on veut détruire et soumettre, débarquant dans la ville-métropole de Nantes, espace artificialisé par excellence au cœur des pouvoirs locaux.
La veille de la manif, le préfet annonce que tout l’hypercentre de Nantes sera déclaré « zone rouge », y compris le Cours des 50 otages, lieu de passage traditionnel des manifestations nantaises – ce qui a irrité plus d’un démocrate (j’en ai vu, il en reste !). Voici donc le parcours initialement prévu réduit de près de ses deux tiers ; les organisateurs, pris de court, décident d’allonger le parcours au sud.
La veille et le matin même, les Nantais découvrent leur ville littéralement assiégée par la police et la gendarmerie : de nombreuses rues sont bloquées, des fourgons de force anti-émeutes sont garés en masse. On croirait presque le comité d’accueil d’un contre-sommet !

Et c’est parti !
Le départ s’effectue devant la préfecture : sur la voie publique, les gens s’entassent de tous côtés avec les plus hétéroclites déguisements et façons de s’exprimer. Une cabane se monte dans un platane au-dessus de nos têtes pour bien symboliser le « échangeons les rôles » qui préfigure cette journée. D’énormes tritons marbrés habillent des tracteurs, qui déambulent sur le bitume chauffé par des dizaines de milliers de joyeux lurons.
Rue de Strasbourg, une enseigne de Vinci Immobilier protégée par quelques planches est brisée, la déco intérieure change de style — les plantes qui s’y trouvaient sont sauvées par de charitables âmes. Plus loin une foreuse Vinci, en plein burn-out, décide de s’immoler par le feu.
Arrivés à la station de tram Commerce, où le premier parcours devait filer pour remonter le Cours des 50 otages, une vingtaine de tracteurs sont contraints à l’arrêt, devant un canon à eau de la police et des grilles anti-émeutes, sur lesquelles des dizaines de manifestants tapent en guise de sommation aux forces de l’ordre qui bloquent le parcours décidé collectivement. Mais les casqués ne l’entendent pas de cette oreille. Dès les premiers œufs de peinture, entachant le bel uniforme bleu foncé du sympathique corps de la gendarmerie mobile, les premières grenades lacrymogènes sont tirées.
Pendant ce temps, les premières supputations tombent sur le nombre exact de participants à la manif… mais qu’est-ce qu’on s’en fout ! Si l’on devait s’en tenir aux dires de trucmuche et de machinchouette, voilà bien longtemps que les travaux seraient déjà en cours. Ce n’est pas d’apprendre par les médias le nombre exact d’opposants qui se trouvaient en face d’eux qui a fait reculer les gendarmes mobiles dans leur tentative d’expulsion de la zone en octobre 2012, mais bien la solidarité et la détermination de tous les gens qui ne se sont pas contentés de rester assis en travers de la route ou d’attendre quelque bon geste de la froide mécanique d’État. En attendant, la place bondée de monde est enfumée par les agents chimiques lacrymogènes, et les tracteurs déguerpissent face à l’attaque policière menaçant leur outil de travail. Le canon à eau commence son arrosage, histoire de mettre les sauveurs de zones humides dans leur élément. S’ensuivent quelques minutes plus tard le peinturlurage et la tentative de mise à sac du commissariat de police, situé à l’arrière. Sur la place, les encapuchados (comme on les appelle en Amérique latine), arrivés après les premières salves de lacrymo, s’affairent à relancer les palets incandescents et à distribuer des mélanges eau-maalox aux manifestants aveuglés.

Nos chers médias
On ne le dira jamais assez, merci à tous les médias de masse d’avoir suivi l’événement. Alors que les manifestants de Kiev tirant à balles réelles sur la police sont présentés comme des héros par les journalistes, que l’Union européenne décerne en grande pompe le label Révolution à l’Ukraine, Nantes aurait, ce 22 février, fait face à la « terreur » ! Alors que les engins de Vinci transforment des paysages en champs de ruines et que l’État déverse des milliards d’argent public dans une foule de grands chantiers public-privé aussi inutiles que nuisibles, des tags bariolant des murs et des pubs, quelques pavés descellés et neuf vitrines fêlées ou brisées à Nantes (Vinci, banques, agences immobilières et touristiques…) seraient un « saccage » et une « dévastation » ! Pour pasticher Magritte, cela n’est pas de la violence, c’est l’image de la violence.
Merci d’émanciper celles et ceux que l’on aime de leurs dernières croyances en « l’objectivité journalistique ». Merci de démontrer que des années de débats pipés et unilatéraux n’auront pas suffi à convaincre de l’utilité d’un nouvel aéroport, mais que seule la construction d’un rapport de force véritable a permis et permet toujours de faire reculer le projet. Merci de démontrer, moult images d’affrontements à l’appui, l’inanité de la seule contestation que vous tolérez, uniquement symbolique, qui ne se préoccupe que de « l’opinion publique » (un fantôme que les journalistes affectent de connaître aussi bien qu’ils ignorent superbement nos vies réelles).

Ensemble, on a déjà gagné
Ce jour-là, plus encore qu’à l’habitude, les étiquettes et catégories imposées ont volé en éclats. Tout le long de la manifestation, on pouvait ressentir un côté festif très fort, et beaucoup de joie. Même au « cœur » des affrontements, quand un mouvement de foule spontané se créait, pétards, feux d’artifice et joie d’avancer laissaient un large sourire à plein de gens, malgré les lacrymos. Des personnes de tous âges et toutes situations étaient là, ensemble. Certains tenaient des banderoles bigarrées, d’autres chantaient, d’autres faisaient du théâtre improvisé, d’autres lançaient des projectiles, d’autres en préparaient, d’autres s’occupaient des nombreux blessés atteints par les tirs de la police, d’autres aussi, les plus nombreux, parfois faute d’organisation, étaient juste là, ce qui était déjà beaucoup ; ils participaient pleinement à la lutte par leur présence, leur solidarité et leurs sourires. Quelques personnes, de temps en temps, s’enquéraient du pourquoi du comment, d’autres gens choisissaient de faire face à la police, initiant ainsi de nouvelles conversations. Bref, dans la multiplicité des idées et des moyens, une joie commune de la lutte ! Bien loin, donc, des indignations et condamnations de certains pontes politiques stigmatisant et dissociant les « casseurs ». Laissons-leur ce triste souci de préserver une image de respectabilité dérisoire, auprès des véritables casseurs au gouvernement, qui brisent nos vies au quotidien, et ont blessé (et mutilé) de nombreux manifestants ce jour encore.
Cinq cent vingt tracteurs, 50 000 manifestants environ. Tout le monde s’accorde à dire que cette manif était la preuve d’une montée en puissance du mouvement de lutte contre ce projet. Les autorités, si elles s’avisaient de marcher sur les plates-bandes de la ZAD, sont une fois de plus prévenues.

Raoul Mapoule et Sim Camille, Le Monde Libertaire n° 1734 (13-19 mars 2014)

1. Acipa: Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

[Poitiers] Les particules du progrès

NdPN : et c’est reparti pour un air saturé en petites particules dégueulasses. Avec le capitalisme démocratique, tout le monde a le droit de sniffer le progrès à plein nez, même les éco-citoyens qui alternativent à pieds ou à vélo.

Pollution de l’air : les taux vont baisser demain

Dans le département de la Vienne, on enregistre actuellement une forte concentration de particules en suspension (91 µg/m3 à Poitiers Avenue de la Libération et 82 µg/m3 à Poitiers centre en moyenne sur 24 heures à 8h00). Eu égard aux prévisions, ATMO Poitou-Charentes (Association Régionale pour la mesure de la qualité de l’air) estime que les niveaux pourraient baisser dans la journée de demain. Il est recommandé à l’ensemble de la population d’éviter toutes activités physiques et sportives intenses; de veiller à ne pas aggraver les effets de la pollution par d’autres facteurs irritants des voies respiratoires, tels que l’usage de solvants ou de peinture sans protection appropriée, et surtout par la fumée de tabac; de respecter scrupuleusement un traitement médical en cours ou de l’adapter après avis de son médecin. Ces recommandations n’interdisent cependant pas les sorties en plein air. Il est recommandé à toutes les personnes qui le peuvent d’éviter d’utiliser leur véhicule à moteur personnel ou, du moins, de limiter leur vitesse, de pratiquer le co-voiturage, et de privilégier les transports en commun, le vélo, la marche à pied…

Nouvelle République, 12 mars 2013

[DAL 86] Communiqué du CSP86, Collectif de familles et personnes seules sans papiers

Communiqué du CSP86, Collectif de familles et personnes seules sans papiers

Nous, familles et personnes seules sans papiers ou en situation administrative précaire et ayant des problèmes de logement, nous vous informons que nous sommes constitués en Collectif au sein du Dal86 pour défendre nous-mêmes nos droits et nos intérêts.

L’idée a germée voilà un an. Suite aux nombreuses familles et personnes seules sans papiers ou en situation administrative précaire qui prenaient contact avec le Dal86 concernant leurs problèmes de logement, le Dal86 a décidé, car c’est précisé dans ses statuts, « de les unir et les organiser ». L’idée s’est confortée dans les divers squats où ont été mis en place des Collectifs d’habitants. Et suite aux expulsions des squats et à la dispersion des habitants, le Collectif a repris de la vigueur et se réunit une fois par semaine le jeudi à 18h à la Maison De la Solidarité, passant de deux familles (10 personnes) à la première réunion à 19 familles (8 présentes et 11 représentées) et 2 pères de famille seuls, soit un total de 75 personnes, à la dernière.

Ce nombre devrait encore s’étoffer puisque nous connaissons de nombreuses autres familles et personnes seules soumis à l’arbitraire et à l’acharnement de la préfecture, qui sont soit sous le coup d’OQTF soit dans de grandes difficultés en particulier concernant le logement (au CHUS « 115 », à l’hôtel, dans des conditions de logement ou d’hébergement indignes…) puisqu’elles n’ont pas de titres de séjours ou des titres de séjours précaires.

Notre Collectif dénonce le plan concerté des pouvoirs publics afin de nous dissuader de rester sur Poitiers : l’indignité du CHUS (Centre d’Hébergement d’Urgence Sociale) et les carences du 115, l’impuissance du SIAO (Système Intégré d’Accueil et d’Orientation), le défaussement du social sur le caritatif, les rendez-vous lointains en préfecture et à l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), le dépaysement des administrations et associations d’aide et le fait de se renvoyer la balle entre institutions, la violation systématique des droits élémentaires des personnes, la prévalence du mérite sur le besoin, l’arbitraire, le chantage aux papiers, les discriminations, les procédures administratives ubuesques et les « dysfonctionnements » des services de la préfecture, le torpillage des associations de soutien et d’accompagnement, la désactivation des services sociaux, et, comme si cela ne suffisait pas un acharnement administrativo-judiciaro-policier continu : contrôles à répétition, arrestations, placements en garde à vue, confiscation de papiers d’identité, procès, placements en CRA, expulsions des pères de famille…

Nous sommes conscients que cet acharnement est non seulement inutile mais qu’il coûte très cher à l’Etat français. Il est clair que nos conditions de vie pourries sciemment par les pouvoirs publics, sont difficiles à Poitiers mais il est clair aussi qu’elles sont bien pires dans nos pays respectifs. Jamais nous n’y repartirons. Nous savons aussi que toutes les villes utilisent de tels procédés et que la vie n’y serait pas meilleure qu’ici. Il faut se rendre à cette évidence : notre vie est dorénavant et inéluctablement sur Poitiers.

Les deux derniers revers de la préfecture qui ont concerné les régularisations de Mamadou Camara et de Karen Abgaryan ont montré clairement non seulement qu’elle prend ses décisions sans connaître nos dossiers mais que la lutte paie.

Aussi nous appelons toutes les familles et personnes seules sans papiers ou en situation administrative précaire à nous rejoindre au sein de notre Collectif pour défendre ensemble nos droits et nos intérêts.

Nous appelons aussi tous ceux qui sont scandalisés par les traitements indignes que les pouvoir publics nous font subir à venir nous soutenir.

Réunions du Collectif tous les jeudis à 18h à la maison de la solidarité 22 rue du Pigeon Blanc 86000 POITIERS

Renseignements : DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56 Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Vu sur le site du DAL 86, 11 mars 2014