Le Monde Libertaire n° 1709 (du 6 au 12 juin 2013)

NdPN : Le ML hebdo nouveau est sorti hier jeudi. Vous pouvez vous le procurer dans tous les bons kiosques, ou consulter librement l’exemplaire qu’on a déposé au biblio-café de Poitiers (rue de la Cathédrale). Comme d’hab, trois articles sont d’ores et déjà en ligne : voir les liens web ci-dessous. Bonne lecture !

Le Monde Libertaire n° 1709 (du 6 au 12 juin 2013)

couv ML 1709

«Servir, c’est la devise de tous ceux qui veulent commander.» – Paul Léautaud

Sommaire du Monde Libertaire n° 1709 (du 6 au 12 Juin 2013)

Actualité

Palme d’or pour le capital, par G. Goutte, page 3

Bastions de résistance, par J.-P. Levaray, page 4

Discrimination à la CAF, par Nathan, page 5

Météo syndicale, par J.-P. Germain, page 6

Boutin et son « invasion homosexuelle », par Pat’, page 7

La Chronique néphrétique de Rodkol, page 8

Le masculinisme à l’assaut du féminisme, par Hélène, page 9

Triste bilan de l’homophobie, par Pathote, page 10

UMP : de la guerre et de la démocratie, par R. Pino, page 11

International

La révolte des Indiens du Canada, par E. Walter, page 12

Arguments

Propriété et possession, par Juanito, page 14

Alternatives militantes, par H. Krief, page 16

Histoire

Pour un syndicalisme révolutionnaire, par Frémont, page 18

À lire

La Torah, c’est pas simple, par N. Potkine, page 19

Un roman subversif, par D. Pinós, page 20

Le mouvement

Un camarade nous a quittés, par H. Lenoir, page 21

Illustrations

Aurelio, FYP, Kalem, Krokaga, La Sala, Manolo-Prolo, Nemo, Riri, Valère

Editorial du n° 1709

Les médias et l’opposition s’ingénient à décrire Hollande comme un timide pas sûr de lui, un naïf qui rate tout ce qu’il entreprend. Les anars se défient de cette façon de voir : la prétendue maladresse présidentielle est une fantasmagorie. En atteste sa récente « gestion » de l’affaire Tapie/Lagarde. Pour faire court, l’abominable ex-ministre des Finances est mouillée jusqu’au cou dans une sale affaire de copinage avec le non moins abominable Tapie. Suite à la sombre entourloupe Adidas-Crédit lyonnais, elle a laissé allouer au prince des casseroles, par le biais d’un fort louche arbitrage privé, la modique somme de 403 millions d’euros. « Pour faire des économies » (!),  affirme-t-elle sans rire. Hollande, en ce moment, ne souhaite pas se mettre à dos les patrons, le Medef et le FMI, empêtré qu’il est à préserver la chèvre patronale plutôt que le chou salarié. Par ailleurs il aimerait bien faire remonter une catastrophique cote de popularité. Pour ça, rien de mieux qu’un sensationnel procès. Dès lors il ne lui reste plus qu’à endosser son déguisement de Zorro : il laisse sournoisement croire, dans un premier temps, que l’ineffable sauterelle ultralibérale risque la prison, pour au final l’en dédouaner et faire payer un plus discret fusible, Pierre Estoup, arbitre indélicat convaincu d’accointance avec l’ex-patron de l’OM et qui, lui, risque vraiment la taule. Du coup, la cote du président « normal » reprend 4 %. Passez muscade et chapeau l’artiste ! L’a pas été long à intégrer et mettre à profit les bonnes vieilles recettes si utiles quand on est aux manettes : enfumer le bon peuple pour s’en faire apprécier ; préserver les grosses légumes en sacrifiant sans vergogne quelque lampiste. « Sarkozisme à visage humain », dirait Badiou. « Le pouvoir est maudit, disait la Louise Michel, et c’est pour cela que je suis anarchiste. »

[Poitiers] A propos de l’arrestation de deux camarades, suite à la manifestation en hommage à Clément

A propos de l’arrestation de deux camarades, suite à la manifestation en hommage à Clément

Suite à l’assassinat de Clément Méric ce 5 juin par des fascistes, des dizaines de manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes de France et d’ailleurs, pour rendre hommage à ce militant syndicaliste, antifasciste et révolutionnaire. Il s’agissait aussi de prouver que les idées qu’il défendait ne sont pas mortes avec lui. Elles ont rassemblé un grand nombre de personnes, militantes ou non d’associations, de collectifs, de syndicats et d’organisations politiques, dans la dignité et l’émotion. Dans plusieurs villes néanmoins, des militant-e-s antifascistes ont réagi avec agacement à des interventions publiques de représentants de partis politiques (du PS, du Front de gauche…), accusés de récupération. L’antifascisme ne consiste en effet pas qu’à s’indigner que des brutalités de groupuscules d’extrême-droite. Il consiste aussi à dénoncer et à lutter contre ce qui a toujours favorisé le fascisme, à savoir  la répression du capitalisme et de l’Etat ; contre les pauvres, les immigrés, les Roms, les femmes, les homos, bis, trans… C’étaient les idées de Clément Méric, ce sont les nôtres.

A Poitiers aussi, la manifestation fut importante, avec 250 à 300 personnes, rassemblées avec des banderoles, des slogans, des drapeaux et des chansons. Or à Poitiers, une fois de plus la police s’est comportée de façon indigne. Les policiers n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’interpeller deux camarades peu après la manifestation, qui ont ensuite passé la nuit en garde à vue ! Ils ont été accusés d’ « outrage » au directeur départemental de la sécurité publique adjoint. Une accusation hélas récurrente de la part des services de police, notamment contre un certain type de personnes bien ciblées.

Rappel du contexte poitevin de cette manifestation : hormis les tâches peu glorieuses, hélas communes à tous les policiers de par leurs fonctions, d’arrêter des étrangers, d’expulser des squats de sans-papiers et de Roms, de défendre la propriété privée, ou de conduire des pauvres en prison, les policiers poitevins s’illustrent depuis un bon moment dans d’autres comportements, dépassant de fait allègrement leurs prérogatives et le droit, en matière notamment de liberté d’expression.

Ces intimidations portent sur un certain type de militant-e-s, bien souvent étiqueté-e-s libertaires, anarchistes, autonomes, communistes, etc. C’est un fait plusieurs fois avéré par des contrôles d’identité (parfois avec fouille sur la voie publique). Ces contrôles d’identité, bien ciblés, lors de rassemblements antifascistes, antiracistes, antisexistes, antihomophobes, se font au nom de la prévention du « trouble à l’ordre public », notion fourre-tout critiquée par de nombreux éminents juristes. Ils s’ajoutent en outre à une longue liste locale de tentatives de confiscation d’appareils numériques et plus généralement d’enfreintes diverses à la liberté d’expression : banderoles arrachées, confiscations voire arrestations pour diffusion de journaux et de tracts sur la voie publique… bref des atteintes manifestes et récurrentes aux droits que les policiers sont sensés faire respecter, et respecter eux-mêmes.

Par ailleurs, ces derniers mois à Poitiers (comme à Paris pour Clément, et en bien d’autres endroits encore), des antifascistes se sont régulièrement rassemblé-e-s contre des expressions homophobes sur la voie publique. Ces antifascistes ont été parfois menacé-e-s par la police poitevine d’amendes, de peines de prison ; ont été systématiquement filmé-e-s ; il y a eu des contrôles d’identité, et même des arrestations. Alors que le droit à la contre-manifestation a été reconnu par la cour européenne des droits de l’homme le 24 juillet 2012 (affaire Faber contre Hongrie). Les policiers n’ont par contre pas eu la même attitude avec les manifestant-e-s contre le mariage homo, parmi lesquels étaient présents des militants d’extrême-droite, s’accordant même avec des homophobes pour faciliter leurs manifestations. Ces comportements pour le moins partiaux et intimidants, posent question ; y compris du point de vue déontologique si l’on ne s’en tenait même qu’à cela. Ils n’ont pas contribué à la « tranquillité publique » – qu’ils sont pourtant sensés défendre si l’on en croit leur ministre de tutelle.

Cette manifestation du 6 juin à Poitiers n’a pas échappé à ce triste acharnement policier. Elle a, dès le départ, été étroitement encadrée par un grand nombre de policiers, dont plusieurs en civil de la BAC qui n’ont une fois de plus pas estimé nécessaire de respecter le code de déontologie minimal consistant à revêtir leurs brassards « police » en manif. Les policiers n’ont cessé de prendre des vidéos des visages des manifestant-e-s, déjà bien ému-e-s par la mort de Clément. S’approchant à outrance, parfois à moins d’un mètre. Un autre policier est venu avec insistance dans le cortège, pour demander à des manifestant-e-s, choqué-e-s par cette attitude, de ne pas « dissimuler le visage ». Les manifestant-e-s, qui n’étaient pas là pour finir en garde à vue, ont obtempéré. Rappelons que les manifestant-e-s marchaient dans l’émotion et la dignité, suite à la MORT d’un militant : un minimum de décence s’imposait ! Un manifestant a justement demandé aux policiers, à deux reprises et avec émotion, d’avoir un minimum de décence et d’arrêter de filmer ainsi des manifestant-e-s ému-e-s par l’assassinat d’un camarade. Rien n’y a fait. Enfin, après la manif, pendant plus d’une heure des policiers (dont des hauts gradés) ont continué de filmer, photographier et prendre des notes sur des manifestant-e-s, qui après leur dispersion se reposaient à des terrasses ensoleillées de la place du marché… On sait que la police poitevine s’acharne contre certain-e-s, mais on ne l’a pas toujours vu faire de façon aussi caricaturale et indécente sur la place publique.

Revenons-en à présent à la manif, et à l’accusation policière d’outrage. Dans le cortège, des manifestant-e-s ont chanté une chanson bien connue d’un groupe anarcho-punk, avec des paroles contenant l’expression « flics porcs assassins ». Il est à noter que, bien que connu, ce groupe n’a jamais été condamné pour ses textes, la liberté d’expression ayant été reconnue ces dernières années pour de nombreux groupes ayant des paroles mettant en cause la police. Pourquoi cette chanson ? Ce texte rend explicitement hommage à Zyed Benna et Bouna Traoré, deux mineurs morts dans un transformateur électrique alors qu’ils étaient poursuivis par la police. Or, la veille de l’assassinat de Clément, le 4 juin, l’avocate général de la cour d’appel de Rennes venait de réclamer un non-lieu pour les deux policiers impliqués, tandis que l’avocat représentant les policiers accusés de non-assistance à personne en danger avait qualifié de « poutinerie » [sic] la volonté de l’accusation de les renvoyer en correctionnelle… ajoutant l’injure à la souffrance des familles, surtout quand on connaît la violence de la police de l’Etat dirigé par Vladimir Poutine. Cette chanson antifasciste était donc d’autant plus pertinente, vu le contexte, qu’elle rend aussi hommage à un autre jeune antifasciste, assassiné cette fois-ci par la police grecque, il y a quelques années, en reprenant le slogan célèbre des manifestant-e-s de ce pays contre les répressions policières : « flics, porcs, assassins ». Encore une fois, l’antifascisme ne dissocie pas les violences d’extrême-droite de celles que les Etats infligent aux pauvres, aux immigré-e-s, aux militant-e-s LGBTI, etc.

Il ne s’agit pas pour nous de juger ou non de l’esthétique ou de la pertinence politique des paroles  de cette chanson, comprenant ce slogan grec devenu le symbole du ras-le-bol de tout une population. Mais de montrer en quoi la convocation de nos deux camarades poitevins, pour une composition pénale avec le procureur de la république, est à notre sens non fondée. Non seulement sur un plan éthique (ce qui ne devrait poser aucune question à nos lecteurs-rices, du moins on l’espère), mais aussi sur le plan juridique. Leur convocation étant identique dans les reproches d’outrage au DDSP adjoint Laurent SIAM, quoiqu’à des dates distantes (nous y reviendrons), nous pouvons émettre des critiques communes sur la recevabilité à notre sens fort douteuse de cette nouvelle initiative répressive.

Premièrement, il est reproché que l’outrage (en l’occurrence, « flics, porcs, assassins ») ait été adressée à une personne, Laurent SIAM, ce qui est tout simplement aberrant. Les paroles criées en manifestation sont politiques, elles ne désignent généralement pas des individus particuliers. « Flics porcs assassins », faisant partie des paroles chantées par des manifestant-e-s, dénonce non des personnes précises sous leurs uniformes, mais l’institution policière qu’elles servent, leur travail consistant à exécuter les ordres, y compris lorsque ceux-ci sont parfois manifestement injustes et inhumains. Ca se discute, mais c’est une opinion tout à fait libre, du moins en France, n’en déplaise aux policiers. Pourquoi un policier particulier a-t-il pensé que cette phrase s’adressait à lui en particulier, alors même que son nom n’a jamais été prononcé ? Voilà qui interroge, mais nous n’avons pas pour propos de rentrer dans des considérations psychologiques.

Cette phrase « flics porcs assassins » dénonce les meurtres commis par la police tout au long de son histoire contre des militant-e-s des mouvements sociaux, jusqu’à nos jours, en France aussi hélas. Comme nous l’avons dit, elle a été popularisée après la mort d’un jeune grec, tué par la police grecque, qui a ému toute la Grèce et bien au-delà. On connaît hélas les accointances de certains policiers grecs avec le mouvement néo-nazi Aube dorée, responsable de crimes contre des immigré-e-s et des militant-e-s. Nous ne ferons pas la sinistre liste des personnes mortes du fait de violences policières, nombre d’historien-ne-s, de journalistes et d’avocat-e-s ayant déjà fait ce travail – et continuant à le faire. Cette phrase dénonce juste un fait établi, certes peu agréable pour les oreilles de certains policiers, nous pouvons le concevoir, mais n’empêche : sans même avoir à remonter jusqu’à la déportation des juifs sous Vichy, OUI, la police a  assassiné et continue d’assassiner des militant-e-s des mouvements sociaux. Ce qui à moins de n’avoir aucune notion d’histoire ou de ne lire aucun journal, est une évidence. Que l’on considère qu’il s’agisse de « bavures », ou d’un phénomène récurrent parmi toutes les polices de tous lieux et toutes époques, est un autre débat.

Quant à la comparaison avec le cochon, elle remonte à très loin (XIXème siècle, puis dans les mouvements antiracistes des années 1960 aux Etats-Unis, où les policiers assassinaient des militant-e-s noir-e-s). Tout comme celle avec le « poulet » du reste… Comparaison au passage, à notre sens, malheureuse (les cochons n’ayant jamais assassiné quiconque, mais c’est un autre débat). Nous noterons aussi qu’une autre métaphore zoologique, en l’occurrence canine, comprise dans les paroles de la chanson (« clébards »), chantée par de nombreux-euses manifestant-e-s à Poitiers, n’ait pas été retenue comme un outrage. Il faut croire que « porcs » est jugé plus outrageant que « clébards en uniforme », mais là non plus, nous ne nous aventurerons pas dans des considérations psychologiques – ni des jugements artistiques.

Quand bien même le nom de ce policier qui se sent « outragé » aurait été associé à une insulte  en manifestation, ce qui n’est répétons-le pas le cas, la jurisprudence retient qu’à Poitiers, M. A. Evillard a été totalement relaxé par la justice, au nom de la liberté d’expression, pour avoir qualifié le procureur de l’époque de « Papon » et de « salaud », lors d’une manifestation pour protester l’emprisonnement de trois militants. LIBERTE D’EXPRESSION : notion constitutionnelle avec laquelle la police poitevine semble avoir quelques difficultés, comme nous l’évoquions plus haut. Mais fermons cette parenthèse juridique car répétons-le une dernière fois : pas une seule fois le nom de M. Laurent SIAM n’a été ajouté dans la chanson, ni crié par des manifestant-e-s.

Autre piste juridique : le fait que chanter une chanson puisse être considéré comme un outrage ? Là aussi, la jurisprudence est claire. Et pas seulement celle concernant les groupes musicaux, que nous avons évoquée plus haut, relaxés depuis plusieurs années pour des chansons très dures contre la police, avec des mots parfois insultants. Là aussi, contentons-nous de rester à Poitiers, et revenons à ce jugement de M. J.-C. Clochard, qui passait il y a quelque temps au tribunal de grande instance, pour outrage à un agent de police. L’outrage consistait d’abord, pour la police, en le fait d’avoir chanté la chanson « Hécatombe » de Georges Brassens (contenant une flopée d’injures contre l’institution policière). Cet « outrage » a finalement été abandonné par le procureur lui-même, là aussi au nom de la liberté d’expression, comme le rappelle le compte-rendu du procès. Les choses sont très claires, comme dans d’autres villes d’ailleurs, où le même type de procès avait eu lieu : chanter une chanson n’est pas condamnable, c’est l’exercice de la liberté d’expression. Le seul outrage retenu par la justice avait été celui… d’un jet de confettis, ce qui est peut-être plus ridicule encore, mais là n’est pas le débat : chanter une chanson, même désagréable à certaines oreilles, relève de la liberté d’expression, et ce n’est même pas nous qui le disons, mais la constitution et la jurisprudence.

Pour conclure, puisque rien ne tient dans cette procédure judiciaire, nous pouvons nous interroger sur le choix du procureur de proposer une composition pénale, et non directement un procès. Il s’agit d’une procédure juridique consistant à conclure un arrangement entre les parties, avec une peine éventuellement proposée par le procureur.  Si l’on considère de plus que les rendez-vous fixés sont très dispersés (juillet pour l’un, septembre pour l’autre), alors qu’il s’agit des mêmes accusations, nous pouvons supposer plusieurs choses. D’une part, que police et justice semblent cette fois-ci mal à l’aise de faire un procès pour outrage. La raison en est simple : juridiquement, comme nous l’avons dit, l’accusation ne tient pas debout. Politiquement en revanche, il y a un intérêt pour la police… il s’agit de continuer à mettre la pression judiciaire des personnes isolées bien précises, et d’éviter un procès public, qui porterait à la connaissance et à la réflexion d’un grand nombre de gens certains comportements de la police. La police poitevine veut visiblement éviter de montrer une fois de plus (de trop ?) son acharnement contre des militant-e-s bien ciblé-e-s. Politiquement toujours, il s’agit aussi d’éviter l’indignation que pourrait susciter l’indécence d’un procès public pour « outrage », de la part des autorités, contre des personnes accusées d’avoir chanté une chanson antifasciste…  Rappelons-le, cette manifestation était en hommage à un militant antifasciste, tué pour ses idées !

Nous en avons assez des agressions brutales de l’extrême-droite, et de la banalisation de ses discours, repris partout par les médias et le pouvoir politique. Nous en avons aussi assez, en tant que militant-e-s antifascistes, d’être harcelé-e-s par la police et la justice de la ville de Poitiers. Cela devait être dit. Il faudrait par ailleurs dénoncer la qualification devenue quasi-systématique de « manifestation illégale », cette nouvelle arme de la police de Poitiers pour s’attaquer à la moindre protestation portée sur la place publique dès qu’une poignée de personnes se retrouvent, mais ce sera un autre débat.

Groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 7 juin 2013

[Poitiers] Droit au logement : mairie et logiparc, toute honte bue

NdPN : pour rappel, la mairie PS de Poitiers et Logiparc poursuivent en justice les habitant-e-s des squats de l’Etape et des Glières (qui au passage, contrairement à ce que dit l’article de Centre Presse qui suit, ne sont pas que Roms). Ces lieux laissés vides sont en effet la propriété desdites institutions, par ailleurs responsables en partie des questions de logement sur Poitiers. Il s’agit d’expulser des familles de ces lieux, pourtant inhabités lorsqu’elles y étaient entrées, en refusant toute discussion, sans chercher d’autres solutions préalables.

La mairie PS n’a décidément honte de rien, en considérant qu’on devrait rejeter à la rue des hommes et des femmes, dont certaines enceintes, des enfants et des nourrissons. Nous nous rappelons avec colère la plaidoirie choquante de l’avocate parisienne de la mairie de Poitiers, qui faisait valoir le droit à la propriété de la mairie pour exiger des sommes exorbitantes de la part de gens sans le sou, pour un logement laissé à l’abandon. Qui faisait qui plus est une description insupportable de ces familles, présentées comme des profiteurs sans vergogne, alors qu’elles ont pour seul tort de vouloir faire valoir leur droit au logement. Qui reprenait l’argument de la prétendue dangerosité des lieux… qui à l’Etape est absurde, puisque les familles vivent dans la partie non insalubre – où la mairie logeait d’ailleurs, il y a dix-huit mois encore, des femmes ayant quitté leur foyer.

Or non content de s’arc-bouter sur le droit à la propriété privée, voici que le maire reprend sa vieille accusation, déjà entendue l’année dernière contre le DAL 86 quand il soutenait le collectif des sans-logis et mal-logés : les associations et organisations politiques qui soutiennent les familles sont accusées de les « instrumentaliser ». Il faut un sacré culot pour dire cela, quand on veut retirer à des êtres humains la jouissance d’un droit fondamental, à savoir celui d’avoir un toit.

La réalité est pourtant simple : des familles réunies en collectifs luttent pour le droit – constitutionnel – à un logement décent, que leur refusent pour l’instant les autorités qui veulent les renvoyer à la rue et refusent toute proposition de dialogue. Le 115 est débordé, et ces squats hébergent des personnes qui n’ont nulle part ailleurs où dormir. Les associations et individus qui soutiennent les familles répondent à quelque chose que le maire « socialiste » a peut-être oublié : la solidarité entre êtres humains ! Le Dal 86, en particulier, ne s’est jamais substitué aux personnes qu’il soutient.

Instrumentalisation de ces familles ? Cette question, on pourrait la retourner à la mairie, qui semble profiter de cette affaire pour jeter un écran de fumée sur la question centrale de ses responsabilités sociales dans la situation déplorable du logement à Poitiers. Mairie qui attaque une fois de plus les militant-e-s bénévoles d’associations qui quant à elles, investissent temps et énergie pour trouver des solutions concrètes avec les personnes en lutte.

ALORS, QUI EST RESPONSABLE ?

Les familles de Roms sont-elles instrumentalisées ?

Lundi soir, le maire a piqué une petite colère contre ceux qui, selon lui, « instrumentalisent » les familles roms qui occupent les squats. Retour sur le débat.

La question ne figurait pas à l’ordre du jour mais elle a enflammé le conseil municipal durant quelques minutes… et énervé le maire. Au détour d’une délibération, Maryse Desbourdes (NPA) a rappelé la situation de « 70 familles roms qui squattent » actuellement à Poitiers.

Alain Claeys a répliqué en fustigeant « ceux qui instrumentalisent » les familles en visant, sans vraiment les nommer, les représentants de l’association Dal 86 (Droit au logement). L’affaire des deux squats dont nous avions parlé dans nos colonnes cristallise aujourd’hui toutes les tensions (*).

 » Arrêtez d’emmener les gens dans des lieux dangereux! »

Christiane Fraysse, pour Europe Ecologie Les Verts, qui voulait intervenir sur le sujet, est coupée par le maire qui s’agace de la double position de l’élue de la majorité. « Est-ce que tu soutiens ces squatters? Oui ou non? ». Côté PS, on soutient le maire. Jean-François Macaire, également président de Logiparc, n’a visiblement que très peu apprécié le titre d’un article sur le blog du Dal 86: « J’ai lu « Logiparc-La honte », ce n’est pas très correct d’utiliser les gens dans la misère ». Michel Berthier, adjoint délégué à la cohésion locale et à la solidarité, enchaîne: « On est venu draguer ces familles pour les emmener à leurs corps défendant dans des squats insalubres ». Alain Claeys s’adressant à Maryse Desbourdes: « Arrêtez d’emmener les gens dans des lieux dangereux! ». Cette dernière rappelle pourtant l’histoire de cette Congolaise et de son frère mineur: « Ils dormaient sous la pénétrante la semaine dernière. Faute de place dans un hébergement d’urgence, les associations ont donné l’adresse du squat ». Pour l’élue du NPA, un toit c’est mieux qu’un pont. « Et vous Monsieur le maire, vous dormiriez sous un pont? »

(*) Le Squat de l’Etape. Situé rue d’Oléron, il s’agit de l’ancien foyer de l’Etape appartenant à la ville. Depuis le 7 avril, plusieurs familles squattent les lieux. La mairie a saisi le tribunal d’instance pour une demande d’expulsion. Délibéré le 28 juin. Le Squat du Plateau des Glières. Depuis le 9 avril, six familles de Roms dont 11 enfants y habitent. Ce squat a été déclaré insalubre en juin 2012 par le préfet.

en savoir plus

La réponse du Dal Joint au téléphone, le Dal 86 (Droit au logement) réfute bien évidemment cette idée d’instrumentalisation. « Les familles en état de détresse n’ont pas besoin du Dal pour rentrer dans les squats. Nous ne mettons pas les gens en danger. Ça nous énerve que l’on dise ça. C’est l’Etat qui met ces familles en danger ».

Centre presse, 7 juin 2013

[Saint-Jean-de-Sauves – 86] Mobilisation pour la documentaliste du collège

Ce collège qui se mobilise pour garder sa documentaliste

La communauté éducative est soutenue par les parents.

Parents d’élèves et enseignants du collège de Saint-Jean-de-Sauves sont en colère face au départ possible de la documentaliste, juste avant sa titularisation.

Le rectorat a averti dernièrement Hélène Chalumeau, documentaliste en contrat depuis cinq ans au collège Isaac-de-Razilly, qu’elle serait remplacée à la rentrée par un professeur en reconversion, personnel a priori prioritaire. Or, réglementairement, une titularisation doit intervenir au bout de six ans. « Virer les personnes justes avant qu’elles ne deviennent titulaires, c’est un scandale », s’insurgent les parents d’élèves.

«  On la remplace alors que 50 postes sont vacants !  »

Parents et enseignants mettent aussi l’accent sur les compétences d’Hélène Chalumeau : « Bien plus qu’une documentaliste, elle assure la coordination de nombre de projets interdisciplinaires, participe à de multiples projets éducatifs (sorties, voyages…). Des incivilités ? On la sollicite, des questions sur l’orientation ? C’est elle, faute de conseiller principal d’éducation. Le lien avec la vie scolaire ? Encore elle ». Les parents et les professeurs, qui montent au créneau, poursuivent : « La présence de notre documentaliste nous est indispensable pour la réussite et le bien-être de nos collégiens. Elle relaie nos projets, les prolonge. Le collège a obtenu des résultats au brevet des collèges supérieurs à la moyenne. Elle y est pour quelque chose et les parents veulent que ça continue. Ne cassons pas ce qui a été construit. » Alors pourquoi la remplacer ? D’autant qu’il semble que « plus de 50 postes sont vacants dans l’académie ». Les parents ont donc envoyé un courrier au recteur pour manifester leur incompréhension. Une pétition est lancée. La communauté éducative a demandé une audience au recteur. Car le dernier point qui hérisse tout le monde, c’est que outre ses compétences, Hélène Chalumeau est handicapée. Elle a organisé la journée du handicap avec des enfants handicapés pour sensibiliser les élèves à ce sujet. Un dossier de titularisation au titre du handicap avait été déposé mais, il semble « que le rectorat ait perdu celui-ci ». Et les professeurs de conclure : « Pour apprendre aux enfants le respect et la tolérance face au handicap, il nous semble important que l’institution elle-même respecte ses engagements dans ce domaine au niveau des personnels. » La réponse du recteur devrait être confirmée, ou pas, aujourd’hui.

Corr. Marie-Pierre Pineau, Nouvelle République, 7 juin 2013

[Paris, Barbès] Rafle de sans-papiers – le fascisme ne se limite pas à des groupuscules fachos !

Rafle de sans papiers en ce moment sur Barbès

les fachos assassinent hier, les socialos raflent aujourd’hui,  énorme rafle en ce moment sur barbès, des centaines  de flics encerclent le quartier depuis plus de deux heures, quatre cars d’embarquement présents, l’un rempli de sans papiers vient de partir, des copains sont sur place, les sans papiers vont peut être être amenés rue de l’évangile.

6 juin 2013, Indymedia Paris

Violences d’extrême-droite, violences d’Etat

Mercredi 5 juin 2013, un jeune camarade de notre union syndicale a été battu à mort par un  fasciste. Le lendemain, à l’heure même où nous étions réuni-e-s en silence à l’endroit où Clément  avait été tué, nous recevions des sms  nous informant que le ministre de l’intérieur organisait une rafle massive de sans-papiers à quelques stations de métro de là, à Barbès.

Ceci n’est pas possible, nous vivons cela comme une insulte à la mémoire de Clément, de ses engagements. Le fascisme c’est un ensemble. Un gouvernement PS ne peut appeler à participer à un rassemblement contre la violence fasciste et dans le même temps organiser une rafle. Une époque ne se définit pas comme fasciste uniquement lorsque  quelques individus extrémistes se sentant tout puissants tuent en plein cœur de la ville.

Quand un gouvernement rafle des personnes par centaines dans un quartier bouclé, cela participe d’un ensemble. La chasse aux rroms qui ont des papiers européens et aux africain-e-s qui n’en ont pas participe du même contexte politique que les manifs et discours homophobes et que les violences de rue des skinheads et groupes nationalistes fascistes. Le fascisme c’est un ensemble.

Face à la montée du fascisme, chacun-e se retrouve placé-e face à sa responsabilité. Appeler à des manifs ne suffira pas à dédouaner ceux qui ont fait le choix de la discrimination vis-à-vis des étrangers. Clément Méric (nous citons son prénom et son nom, car c’est ainsi qu’on parle d’un militant adulte et responsable) ne restreignait certainement pas son combat antifasciste aux seuls extrémistes au crâne rasé. Ce soir nous sommes en colère, nous sommes écœuré-e-s, et nous pensons devoir à sa mémoire de ne rien concéder ni sur les violences d’extrême droite, ni sur les violences d’état : les rafles organisées doivent cesser ! Liberté de circulation pour tou-te-s ! Le fascisme est une gangrène, soit on l’élimine soit on en crève !

Isabelle et Olivier, instits et syndicalistes

Indymedia Paris, 7 juin 2013

Mise à jour 11 juin 2013 :

voir l’article paru sur le Jura Libertaire