[La Bussière – 86] Le droit au logement parlons-en, why not ?

Le droit au logement parlons-en, why not ?

Le droit au logement non aux expulsions !

Voilà plus d’un an, le 9 février 2012, nous avons créé le Droit au logement 86. Il ne s’agissait pas pour nous d’une énième association mais de combler un vide. En effet, bien qu’il y ait des associations de locataires, d’aide aux personnes sans abri, de soutien aux personnes en situation irrégulière… il n’y a pas sur Poitiers d’association qui agisse aussi transversalement sur le logement que pouvait le faire un DAL. Un autre intérêt du DAL c’était ses méthodes offensives (utilisation d’ultimatums, réquisitions, lobbying…) qui nous semblaient pouvoir être efficaces dans le rapport de forces actuel. Enfin un dernier intérêt de cette association c’est que le logement est un droit. Ce qui donne une orientation particulière à la lutte puisque non seulement les revendications sont légitimes mais elles sont légales. Les actions du DAL86 se sont orientées prioritairement sur l’hébergement d’urgence (y compris celui des personnes en situation irrégulière), un peu sur les problèmes locatifs y compris le logement indigne et sur le logement social. Aujourd’hui, nous avons conscience d’être, pour le DAL86 c’est-à-dire le DAL de la Vienne, trop centrés sur la région de Poitiers. Aussi, en venant ici à la Bussière, nous souhaiterions en vous rencontrant et en échangeant avec vous nous ouvrir sur les problèmes concernant le logement « hors Poitiers ».

Venez en discuter avec des militants du DAL 86 Jeudi 14 mars à 19 h au pub le « Why not » à La Bussière

DAL86

www.dal86.fr – dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56

Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h et tous les mardis soir de 17h à 18h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Organisé par l’association Acratie et L’Epine noire, journal poitevin de contre-information

Mail, 8 mars 2013

Antisexisme un jour, patriarcat toujours

Antisexisme un jour, patriarcat toujours

Comment prétendre combattre l’esclavage capitaliste et étatique et la société de classes, si nous reléguons au second plan la question de la division entre genres, âges, émotions, si nous continuons à faire nôtre l’idée absurde que femmes ou enfants seraient des êtres inférieurs qu’il conviendrait de discipliner ou de guider avec paternalisme ?

La misère frappe majoritairement les femmes, victimes expiatoires des souffrances de ce monde. Moins bien payées, toujours aussi sollicitées pour accomplir les tâches les plus ingrates et les plus répétitives. Et servir de défouloir émotionnel et sexuel à la violence masculine. Dans le monde, une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol, au cours de son existence.

La division sociale se nourrit du sexisme ou, pour employer un terme plus pertinent, de la domination masculine. Le système patriarcal attribue aux individus désignés comme « femmes » ou « hommes », selon la configuration du sexe biologique, des caractéristiques particulières sur lesquels il faudrait se mouler. En particulier les femmes, qui auraient le goût pour la dépense et les choses légères, peu de compétences en géométrie, auraient une propension à l’« l’hystérie » et autres fadaises comme l’incompétence à la lecture des cartes routières. Ayant pour contrepartie d’autres « qualités » décrétées, telles que l’écoute, la disponibilité, la douceur, et tant d’autres choses qu’on exige en général d’un-e esclave bien soumis-e.

Les femmes sont affublées par le capitalisme des tâches de reproduction et d’entretien de la main-d’œuvre, tâches bien évidemment non rémunérées, et donc non valorisées socialement. Les femmes peuvent ainsi demeurer le réceptacle de la violence subie par les hommes au travail : viols, coups, et meurtres. Une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son « compagnon ».

Il est là aussi intéressant de noter combien l’Etat, à travers ses lois, a pu jouer un rôle actif dans la production de ces normes inégalitaires et atrophiantes. La notion même de famille mononucléaire, du couple hétérosexuel avec enfants, où femme et enfants obéissant au pouvoir patriarcal du « chef de famille », a été largement construite par la bourgeoisie industrielle, et codifiée dans la régression terrible que constitua le code civil de Napoléon Bonaparte en matière de droits sociaux.

Face à ces injustices insupportables, face à la violence masculine, les féministes se sont organisées en ne comptant que sur elles-mêmes, en constituant elles-mêmes des réseaux d’entraide et de lutte, obtenant ainsi de significatives avancées comme le droit à l’avortement.

Une grande partie du mouvement féministe a hélas été digérée par le pouvoir. L’Etat a mis en place des lois de parité qui non seulement maintiennent pour discriminant social la distinction des individus en sexes biologiques, mais conduisent des révoltées à commuer leurs révoltes en revendications, sous les fourches caudines de la médiation de l’Etat, où à reléguer les questions de classes, faisant ainsi la même erreur que nombre de militants masculins reléguant les luttes féministes au second plan.

Nous sommes contraint-e-s de reconnaître notre oppression pour la subvertir. De nous reconnaître « prolétaires », « femmes », « arabes », « homos », de partir de la situation concrète d’une catégorisation du pouvoir qui nous enferme, sur les bases d’une situation commune. Sans nous laisser pour autant « représenter ». Nous devons par ailleurs garder en tête que notre but est l’abolition de ces catégories mêmes de la discriminations, qui sont celles de la domination.

Ce n’est pas parce que je suis catégorisée « femme » qu’on achètera mes désirs d’en finir avec la sclérose des normes genrées et la domination masculine, pas parce qu’on me dit femme que je vais me satisfaire de l’aliénation d’un bulletin de vote, d’une place paritaire sur une liste électorale, d’un salaire d’esclave féminin tendant à devenir égal à celui d’un esclave masculin, de l’extension aux mecs de la torture de l’épilation à la cire. Ce n’est pas parce que je suis prolétaire que je suis heureuse d’être l’esclave salarial d’un patron ou d’un « Etat social », que je jubile de me voir représentée sur les affiches caricaturales de gauche en bleu de travail à casquette, une clé à molette à la main. Ce n’est pas parce qu’on me catégorise comme noire de peau, que je me réjouis d’une « discrimination positive » hissant des vedettes « issues de la diversité » à l’écran pour y exhiber leur opportunisme et leur lâcheté, ou des salauds à des postes de pouvoir qui vont m’exploiter, me fliquer ou me virer. Ce n’est pas parce que je suis catégorisé-e « homo » qu’on va acheter mon adhésion au système hétéroflic par la bague au doigt pour tou-te-s, ou un événement gay-pride où je vais jouer la lesbienne folklorique pour les badauds citoyennistes. Marre des journées exutoires d’un jour.

Dès que la lutte radicale pour l’abolition de ces outils du pouvoir, qui permet de rogner du terrain (sous forme de réformes ou de « droits » concédés par l’adversaire), cède le terrain à un identification positive et sclérosante aux catégories étanches qui nous enferment, la puissance subversive de la lutte est étouffée, puis récupérée, digérée. Au final, les réformes et les droits se retournent contre nous, lorsque nous nous en contentons.

Nous ne voulons pas d’une cage plus grande et aux barreaux repeints en couleur dorée. Nous voulons faire un beau feu de joie de toutes les cages qui nous enferment, de toutes les étiquettes qui nous cantonnent à des rôles. Des droits, des droits… les libertés se prennent, elles ne se demandent pas. Les ténors du barreau parlotent ? Mettons ce temps à profit pour limer tous les barreaux.

à bas les étiquettes

Terminons sur l’un des prétextes les plus grossiers donnés par les Etats « démocratiques » à leurs interventions militaires : la fameuse « défense des droits des femmes ». L’Occident a beau jeu de vilipender le voile islamique sous toutes ses formes, alors qu’il véhicule un discours genré, masculiniste et sexiste à longueur de discours politiciens, médiatiques et publicitaires !

Les clichés sexistes surabondent dans la sphère d’influence des Etats d’Occident, des plateaux télés aux publicités, avec des modèles féminins affligeants, amaigries par des régimes délirants, bimboïsées, aussi érotisées que dénuées de tout véritable érotisme. Les femmes sont violemment incitées par la publicité, vomie par toutes les pores du système marchand, à dépenser leurs maigres salaires en fringues, en régimes dangereux ou en maquillages chimiques, dans l’injonction permanente de rester sexy, bref soumises et disponibles à la domination masculine. Tant pis pour les innombrables jeunes femmes tombant dans la spirale destructrice de l’anorexie, pour les « garçons manqués », pour les « camionneuses », pour les « moches », pour les « vieilles » passée la quarantaine. Tant pis pour toutes celles qui, faute d’argent, de temps ou d’envie, sont considérées comme des boudins parce qu’elles commettent la faute impardonnable de « ne pas assez prendre soin d’elles ».

Le spectacle médiatique contraint les femmes à se soumettre au salariat ou au cirque citoyenniste. Les rares femmes parvenant à des postes de domination, au sein d’entreprises ou d’appareils étatiques, sont contraintes d’afficher encore plus de froideur émotionnelle, de volontarisme ou d’autoritarisme que les hommes pour s’intégrer au système patriarcal, car les médias ne manqueront pas de leur tailler un short au moindre faux pas. Les juges, les autorités religieuses et autres « spécialistes » de l’éducastration continuent d’imposer aux femmes l’éducation exclusive des enfants, véhiculant le mythe de « l’instinct maternel ». Les femmes qui n’auront pas d’enfants, passés trente-cinq balais, seront les victimes de remarques incessantes. L’avortement continue d’être attaqué dans la sphère politique par une réduction des budgets des plannings familiaux, et sur la place publique par des associations religieuses obscurantistes et fascisantes, protégées par des cordons de police et auxquelles les médias ouvrent leur tribunes au nom du « débat public ».

Pour le capitalisme, qui veut que la force de travail se reproduise à ses propres frais dans la sphère dite « privée », le fait est qu’en Occident, la tâche de reproduction du prolétariat reste autoritairement dévolue aux femmes. Voter pour des chefs (par ailleurs largement masculins), bosser comme une esclave à temps partiel et mal payée, veiller à se montrer performante sexuellement tout en continuant à torcher les lardons, à faire les courses et à repriser les chaussettes, voilà la conception de la liberté féminine à la mode occidentale. Et l’on reprochera encore aux femmes, placées sous une pression sociale insupportable, d’avoir une propension à « l’hystérie »…

Si le voile est une discrimination sexiste révoltante parmi d’autres, dans les régions du globe sous le joug de machos islamistes prétextant de lois religieuses pour maintenir leur domination abjecte sur les femmes, l’islamisme n’a hélas pas le monopole du patriarcat. Voir les Etats occidentaux intervenir au nom des « droits des femmes » a de quoi donner l’envie de bons grands coups de pieds dans les couilles.

Revendiquer un jour un seul sur les 365 que compte une révolution planétaire, voilà qui en dit long sur l’institutionnalisation des luttes féministes. Il y a pourtant, ici et maintenant, matière à faire la révolution au quotidien.

J., groupe Pavillon Noir, 8 mars 2013

[FA] Tournée de meetings sur l’autogestion du 11 au 17 mars

Tournée de meetings sur l’autogestion du 11 au 17 mars

La Fédération Anarchiste organise début mars une tournée sur la diversité des réponses autogestionnaires à la crise. Dans le prolongement de la mobilisation pour l’autogestion en mai 2011, et de la Foire à l’Autogestion de juin 2012, nous souhaitons apporter notre contribution à la popularisation des idées et pratiques autogestionnaires. Cette semaine autogestionnaire s’ouvrira par une projection-débat le lundi 11 mars au Chiendent à Orléans autour du thème « L’autogestion, une idée qui a fait le tour du monde ». On débattra autour du thème « L’autogestion, une réponse à la crise ?  » le mercredi 13 mars au Biblio-café à Poitiers, puis le jeudi 14 mars à la pizzeria Belfort à Toulouse. Le Centre Ascaso-Durruti à Montpellier nous accueillera le vendredi 15 mars pour un repas convivial suivi d’un débat autour du thème « Quelle économie libertaire ? ». Le samedi donnera lieu à deux projections-débats à Lyon et à Laon. La semaine se conclura par un après-midi de débat ouvert à Merlieux le dimanche 17 mars autour de la diversité des pratiques autogestionnaires actuelles.

FACE A LA CRISE, NI AUSTERITE NI AUTORITE : AUTOGESTION !

La crise, c’est quoi ?

La crise actuelle trouve son origine dans un mécanisme de spéculations en chaîne, les subprimes. Il est néanmoins important de comprendre que cette crise n’est pas conjoncturelle mais structurelle : c’est le système lui-même qui déraille. Le capitalisme est un système instable, traversé par des contradictions engendrant des crises. C’est ainsi lui qui a créé la dette, car il est basé de manière structurelle sur la spéculation. Le capitalisme entre en crise quand il atteint un nouveau stade de développement, et précisément depuis plusieurs décennies, une financiarisation accrue. C’est-à-dire encore plus de place pour la finance, et encore moins pour la production réelle (faute de rentabilité suffisante dans la sphère productive depuis les années 1970). En ce sens, le capitalisme c’est la crise.

La crise, c’est seulement économique ?

La crise n’est pas seulement économique, elle est aussi politique. Elle démontre chaque jour un peu plus l’incapacité des Etats à apporter des réponses. Les Etats sont dépendants du capital qui leur fournit des moyens d’entretenir leur force, leurs polices, leurs armées : les Etats eux-mêmes sont endettés. En retour, le capitalisme a besoin de la protection de l’Etat, qui lui fournit des infrastructures (c’est ainsi que nous avons vu les Etats venir au service des banques ou imposer de grands travaux) mais aussi les forces de répression, l’appareil judiciaire et les politiques monétaires ad hoc. Etat et capitalisme sont les deux faces d’une même pièce. Le système se mord la queue. La crise est aussi une crise des Etats. Ou pour le dire autrement : le capitalisme est une politique.

Quelles réponses face à la crise ?

Dans la mesure où la crise est structurelle, ce n’est pas un phénomène éphémère. La crise va s’approfondir. Etats et capitalistes veulent nous faire payer leur crise. Ils cherchent à imposer l’austérité aux populations. Cette logique est suicidaire et antisociale : elle ne résout pas le problème et en fait porter la charge sur les plus pauvres. D’autres arrivent avec des réponses toutes faites : face à la crise, il faut un Etat Fort. Ces solutions-là (protectionnisme, nationalisation) se battent pour revenir au capitalisme à la papa, au patron bon père de famille, à la réindustrialisation. Mais elles ne proposent aucune perspective face aux tendances actuelles, elles se bornent à vouloir revenir en arrière.

Face à la crise, ni austérité, ni autorité : autogestion !

Comme la crise est à la fois économique et politique, nous devons construire des réponses qui prennent en compte ce double aspect. Au plan économique, nous pouvons préparer et proposer des réponses sur le mode de l’auto-organisation : n’attendons pas que les réponses
tombent d’en haut ! Au plan politique, ces réseaux de solidarité concrète nous donneront la légitimité pour critiquer les réponses étatiques, mais aussi dénoncer l’usage de la crise comme figure idéologique et levier pour faire passer des politiques d’austérité.

L’autogestion, c’est quoi ?

Cela signifie « gérer soi-même ». Autogérer, cela veut donc dire s’organiser pour que ce ne soit pas un chef qui décide pour les autres. Cela veut donc dire décider ensemble, entre individus égaux. Mais décider de quoi ? Et bien décider de ce que l’on fabrique, par exemple, de comment on va le fabriquer, le diffuser, dans quel but, de quelles façons, etc. Le principe est que puisque c’est nous qui consommons, puisque c’est nous qui produisons, alors c’est à nous de décider ! Au-delà, cette reprise en main implique une remise en question radicale de la production et de la consommation. Le projet anarchiste s’appuie sur ce principe, mais n’est pas un programme politique « clé en main » : il faut s’en saisir, le faire évoluer, l’adapter, le perfectionner.

Dès maintenant, on fait quoi ?

On peut faire plein de choses ! Tout d’abord, ne plus accepter de subir le pouvoir, quel qu’il soit. Refuser de l’exercer pour commencer. L’autogestion, ça s’apprend : on nous a toujours appris à subir les décisions des chefs, de dirigeant-e-s, il faut changer nos habitudes ! On peut aussi soutenir les projets autogérés qui existent déjà : certaines entreprises fonctionnent déjà de cette manière. Mais c’est aussi le cas d’associations, de collectifs, de groupements plus ou moins formels (certaines AMAP ou coopératives ouvrières de production). Pour faire face à la crise, on peut déjà tisser des réseaux de solidarité concrète : des bouffes collectives, des mutuelles de fraudeurs-ses, des collectifs de mal-logé-e-s… On peut utiliser l’autogestion comme moyen de lutte face à une boîte qui licencie ou un service public qu’on supprime. On peut aussi impulser nous-mêmes de nouveaux projets, de nouvelles réalisations qui appliquent l’autogestion dans tous les domaines : clubs de sport, habitat, transports, éducation, etc.

Mais après, quelle perspective ?

Le système actuel n’est pas à sauver : il nous faut construire une réelle alternative. Ici et maintenant, en nous basant sur la solidarité, l’entraide. Ici et maintenant ne signifie pas que nous abandonnons la perspective révolutionnaire, à la manière de ceux qui ont récupéré le terme « autogestion » pour pousser les travailleurs-ses à participer à leur propre exploitation. Au contraire, les anarchistes portent la perspective d’un changement radical de société : l’autogestion généralisée pourrait permettre à la fois la réappropriation des moyens de production et la participation directe aux décisions concernant ce que nous produisons, et plus largement notre manière
de vivre. Ici et maintenant signifie donc simplement qu’il est possible de commencer à avancer dans ce sens sans attendre, en diffusant les idées et les pratiques autogestionnaires, en construisant nos projets, nos organisations et nos luttes de manière égalitaire et libertaire.

Faisons leur payer leur crise !

Fédération Anarchiste, 6 mars 2013

Le Monde Libertaire n°1698 (du 7 au 13 Mars 2013)

NdPN : le ML 1698 est en kiosques aujourd’hui. Vous pouvez aussi nous le demander par mail à prix libre. Nous en déposerons un exemplaire en libre consultation au Biblio-Café de Poitiers (rue de la Cathédrale), où nous animerons une conférence-débat avec des mandatés de la Fédération Anarchiste (voir l’affiche à la fin de ce sujet), mercredi 13 mars. Trois articles, dont un de Maurise Rajsfus, sont d’ores et déjà consultables : voir liens web dans le sommaire qui suit. Bonne lecture !

Le Monde Libertaire n°1698 (du 7 au 13 Mars 2013)

ml 1698

«L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les genssensés pleins de doutes.» – Bertrand Russell

Sommaire du Monde Libertaire n° 1698

Actualité

Appel de la CSFA, page 3

Des réponses comme s’il en pleuvait, page 4

Good bye Goodyear, par S. Pillias, page 5

La Météo syndicale de J.-P. Germain, page 6

Chez PSA, suite et fin, par S. Larios, page 7

La Chronique néphrétique de Rodkol, page 8

La foire du drone, par Pavillon noir, page 9

Communiqué crise économique, page 9

Arguments

Peut-on tout vendre ? par N. Potkine, page 10

Traîtrise socialiste (pléonasme), par M. Rajsfus, page 11

International

Les anars sud-américains, par N. Méndez, page 14

Expressions

La Berlinale sans Heike, par M. Topé, page 17

Rébellion en Cochinchine, par F. Gomez, page 19

Mouvement

Vie du Mouvement, page 22

Les sorties anars, page 23

Illustrations

Aurelio, Babouse, Kalem, Krokaga, Jhano, Lardon, Nemo

Editorial

Gratuit, gratuit, la peste soit des pubs racoleuses et de leurs titatas obscènes. Le site de « Là-bas si j’y suis » s’en émeut et pose la question qui fâche : « C’est vrai ça, qui paie quand c’est gratuit ? Google c’est gratuit, le journal c’est gratuit, rouler sur une route c’est gratuit, mais qui paie les routes, le journal, Google ? » Gratuites, les routes ? Nos impôts les casquent. Gratuit, le Web ? Encore une entourloupe : gabegie de métaux rares, recyclage hors de prix, milliards de kWh brûlés par les serveurs et les ordinateurs, drôle de gratuité ! Le Littré en ligne définit ainsi le mot gratuit : « Qu’on donne pour rien […] école gratuite, école où l’enseignement est gratuit. » Même le Littré se plante car si l’on peut à la rigueur parler de méchanceté gratuite, voire de crime gratuit, rien n’est moins « donné pour rien » que l’éducation, un des budgets les plus lourds dans la plupart des pays riches ou émergents. Faudrait pas confondre le droit à certains services nécessaires comme l’éducation, la santé, le logement financés à grand peine par les impôts, et certaines libéralités intéressées uniquement destinées à « libérer des parts de cerveau » des gogos et à les gaver sous hypnose de gadgets nullissimes. Dans les deux cas, pas plus de gratuit que de beurre en branche ! Économie de marché et appât du gain s’y entendent pour masquer aux foules crédules que le travail et le prix de toute chose sont incontournables (même en société anarchiste) et s’échinent à imposer par des flatteries mercantiles, par la « pédagogie » ou la force, les idées clés du capitalisme mondialisé : baisse des salaires, délocalisations, suppression du Code du travail, casse du service public, ce « ringard » et insupportable garant d’une vie moins indécente en démocratie représentative. La richesse aux riches et les mirages de la gratuité aux autres. Ça ferait rire si ce n’était tragique, « le rire n’est jamais gratuit, l’homme donne à pleurer, mais il prête à rire », comme disait Pierre Desproges.

Agenda du Monde Libertaire

Mercredi 13 mars

Poitiers (86), 20h30. Débat autour du thème: quelle réponse autogestionnaire à la crise ? Dans le cadre de la tournée fédérale Crise et autogestion. Au Biblio-café, 71, rue de la Cathédrale.

affiche tournee autogestion poitiers

[86] Cannabis DIY et biopouvoir

NdPN : des gens gèrent eux-mêmes la culture de leur petite plante favorite au lieu de passer par le trafic de substances souvent frelatées. Certains se constituent même en association pour revendiquer politiquement leur droit à consommer ce qu’ils produisent, avec une réflexion sur la responsabilisation via l’autoproduction. Patatra : depuis quelques jours, c’est la répression. Bravo au gouvernement Hollande ; encore une promesse pas tenue sur l’assouplissement de la répression des fumeurs de cannabis, qui ne font pourtant de mal à personne. Dernier exemple de cette politique de biopouvoir, dans le département de la Vienne :

Les jardiniers du cannabis perquisitionnés par les gendarmes

Vienne. Une cinquantaine de producteurs de cannabis à domicile ont reçu la visite des gendarmes ces quinze derniers jours. Une première. Leur matériel et leur production ont été saisis.

Les boutiques de revente de matériel de culture à domicile fleurissent dans les grandes agglomérations.

Si quelques amateurs d’orchidées et de tomates se glissent dans le lot, de nombreux clients sont des fans du cannabis maison. Le indoor se développe. Une manière discrète de consommer. « On est sûr de ce qu’on consomme et on n’alimente pas l’économie souterraine », expliquent les défenseurs de ce type de culture.

Deux producteurs s’étaient lancés dans le trafic

Certains ont même décidé, comme en Indre-et-Loire, de se signaler au grand jour et de monter une association. Association ou pas, consommer sa propre production de produits stupéfiants reste illégal. Le phénomène n’est pas si anodin que cela. Le parquet est donc passé à l’offensive à la faveur d’une enquête initiée par les gendarmes du Montmorillonnais. « En 2012, ils ont traité deux procédures distinctes concernant des personnes qui cultivaient chez elles. Ils ont décidé de poursuivre leur enquête », indique le commandant Mondon, officier en charge du judiciaire au groupement de gendarmerie de la Vienne. Les fichiers clients des boutiques de culture indoor sont passés au crible. Les gendarmes ciblent les amateurs de chambre de culture et d’engrais du type « cana boost » ! Soixante et une cibles sont identifiées, des gens jeunes, plutôt insérés socialement. A partir de la mi-février, et durant une dizaine de jours, elles reçoivent la visite des gendarmes à leur domicile (1). Trois personnes ne sont plus dans la Vienne et six autres disposent de matériel sans l’utiliser. Chez les cinquante-deux personnes restantes, la visite est fructueuse. « L’objectif, explique le procureur de la République, Nicolas Jacquet, c’était de contrôler l’usage qui avait été fait de tout ce matériel. Les personnes ont toutes accepté la perquisition, elles ont ensuite été entendues librement. Il s’agissait de mettre un terme à une activité qui est aujourd’hui illégale, et d’évaluer si ces personnes étaient dans une logique de trafic ou de consommation personnelle. » Seules deux personnes, déjà connues de la justice, s’étaient inscrites dans une logique de trafic. Elles sont convoquées en justice. Quinze, qui se cantonnaient à une consommation limitée, font l’objet d’un rappel à la loi. Vingt et une, qui consommaient plus régulièrement, devront suivre un stage de sensibilisation aux dangers des drogues. Enfin, quatorze personnes à la consommation quotidienne, parfois couplée avec d’autres drogues, devront suivre des soins spécifiques. « Il y a une vraie problématique de santé publique, poursuit le procureur notamment pour les personnes qui prennent le volant. »

(1) Vingt-six dans l’arrondissement de Poitiers ; vingt et une dans celui de Châtellerault et quatorze dans le Montmorillonais.

Emmanuel Coupaye, Nouvelle République, 7 mars 2013