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Derrière les élections, le culte de la République

On nous dit que le monde moderne n’est plus religieux. A la bonne heure ! Si la religion est l’aliénation de la puissance réelle de penser, de dire et d’agir, sous la médiation d’une entité supérieure absconse (et surtout de son clergé), à bien y regarder, nous constatons plutôt l’omniprésence du religieux dans toutes les institutions modernes.

religion republicaine

A commencer par le fétiche argent, cette étrange médiation, cette « valeur » centrale qui ne repose sur rien (plus même un équivalent or). Elle n’est de fait qu’un « accord » social… imposé aux forceps. On parle d’ailleurs de « crédit » ou de monnaie « fiduciaire » : vocabulaire directement issu de « credo » (croire) et de « fides » (la foi). Le banquier nous sermonne sur nos dettes comme le politicien sur notre dette envers la société. Que le doute athée sur ladite valeur monétaire s’empare des marchés financiers, et foutredieu, nous reviendrions rapidement  au temps blasphématoire où les gens produisaient ensemble de quoi satisfaire leurs besoins, et non de quoi satisfaire les curés du pouvoir et leurs cohortes de marchands du temple.

La république dite « laïque » n’échappe pas à la règle, avec son cortège de principes « sacrés », ses déclarations des droits de l’Homme Riche gravées dans le marbre d’indiscu-tables de la Loi, sa langue ésotérico-judiciaire, ses mythes pseudo-historiques faisant fi de toute réalité, ses « élus » censés incarner (pardon, « représenter ») le mystère de la « nation » toute entière, ses chants, drapeaux et symboles qu’il est interdit de railler, ses frontières invisibles délimitant le territoire sacré de la sainte Patrie, ses prêtres vêtus d’uniformes divers (du kaki à la robe noire en passant par le bleu foncé), ses tribunaux inquisitoriaux et ses pénitences punitives (avec passages initiatiques par la case cellule en monastères carcéraux), inspirant aux bonnes ouailles le noble et nécessaire sentiment de révérence pour leurs bons bergers.

Comme pour toute religion civique, peu importe que plus personne n’y croit vraiment. Tant que les fidèles réitèrent publiquement le rite sacré de soumission au « devoir citoyen » et de délégation de leur puissance individuelle et collective, en échange de pains et de jeux… dans la sphère de l’impuissance privative (pardon, « privée »), on dira bien ce qu’on voudra.

Mais manifester sa soumission au quotidien, par exemple se lever de bonne heure pour trimer comme un esclave comme au bon vieux temps des empires, ne suffit pas. Il faut aussi manifester l’unité fictive de la Communauté. Comme toute Eglise, la prétendue « communauté civique » ne saurait se passer de rituels aussi pompeux que grotesques… fêtes et défilés du calendrier républicain, examens scolaires…

Mais le rituel central, ce sont les élections. Avec leur « urnes » funéraires, leurs « isoloirs » confessionnaux, leurs « débats » en forme de disputes scholastiques, leurs « élus » oints de l’écharpe tricolore, leurs prophètes et pythies journalistiques encravatés psalmodiant leurs interprétations et leurs pitoyables impertinences de bouffons du roi stipendiés, tout au long de ces jeux grecs dédiés aux dieux modernes de l’Etat et du Capital, que l’on nomme « émissions politiques ».

La lutte pour notre émancipation ne peut plus se cantonner, au XXIème siècle, à une critique acerbe des religions traditionnelles, même si l’encens de leurs discours nauséabonds empeste toujours la domination patriarcale et économique. Si la République les tolère et les protège au nom de sa laïcité, c’est qu’elle les a depuis longtemps reléguées au statut d’ombres mornes de son autorité. La République laïque tolère toutes les croyances, à la condition que leur pluralité ne fasse pas d’ombre à son monothéisme, à sa fiction centrale. Un peu à la façon de cet empire romain qui tolérait toutes les religions, sauf celles qui refusaient de se prosterner et de sacrifier devant le dieu-empereur.

Du reste, l’on vote aujourd’hui comme l’on prie, comme nous le démontre cet article savoureux dans la Nouvelle République d’aujourd’hui.

Citoyen.ne de la Cité de Dieu Démocratique, amen ton bulletin en ce jour saint du dimanche… et puis ferme ta gueule pendant cinq ans !

Juanito, Pavillon Noir, 23 mars 2014

Femmes, nourriture et soins

Femmes, nourriture et soins

C’est l’heure de préparer à manger et d’allumer les fourneaux, de dresser la table et de sortir les couverts, de faire la liste des courses et d’aller au supermarché ou au marché. A la maison, ces tâches sont majoritairement réalisées par les femmes. Un travail, celui de nous alimenter, qui est indispensable pour notre vie et notre subsistance. Néanmoins, c’est une tâche invisible, non valorisée. Nous mangeons, bien souvent, comme des automates et comme tels nous ne reconnaissons pas ce que nous avalons ni qui met l’assiette sur la table. 

Dans les foyers, l’alimentation est toujours le plus souvent un territoire féminin. Ainsi le démontre la dernière « Enquête d’Emploi du Temps 2009-2010 » de l’Institut National de Statistique : dans l’Etat espagnol, ce sont 80% des femmes qui cuisinent dans les ménages, face à 46% des hommes. Et quand elles sont dans la cuisine, elles y consacrent plus de temps, 1 heure et 44 minutes par jour face à 55 minutes pour les hommes. Les femmes assument aussi dans une plus grande mesure les tâches d’organisation (préparer les aliments à l’avance, prévision d’achat,…), tandis que les hommes apportent un appui, quand ils le font, dans l’exécution.

Il s’agit de tâches « alimentaires » qui se situent dans ce que l’économie féministe appelle les « travaux des soins », ces tâches qui ne comptent pas pour le marché mais qui sont indispensable pour la vie : élever les enfants, donner à manger, gérer le ménage, cuisiner, s’occuper de ceux qui en ont besoin (les petits, les malades, les personnes âgées), consoler, accompagner. Il s’agit de travaux sans valeur économique pour le capital, « gratuits », qui ne sont pas considérés comme du travail et qui, en conséquence, sont dépréciés en dépit du fait qu’ils équivalent à 53% du PIB de l’Etat espagnol.

Sacrifice et abnégation

Il s’agit ici d’occupations que le patriarcat octroi au genre féminin qui, par « nature », doit assumer ces fonctions. La femme est mère, épouse, fille, grand-mère pleine d’abnégation, elle se sacrifie pour les autres et est altruiste. Si elle ne remplit pas ce rôle, elle porte alors tout le poids de la culpabilité, celle d’être une « mauvaise mère », une « mauvaise épouse », une « mauvaise fille », une « mauvaise grand-mère ». Ainsi, tout au long de l’histoire, les femmes ont développé ces tâches de soin, en fonction de leur rôle genré. La sphère du travail « productif » est, de cette manière, le domaine de la masculinité tandis que le travail considéré comme « improductif », dans le ménage et non rémunéré, est le patrimoine des femmes. Il s’établit une claire hiérarchie entre des travaux valorisés et d’autres de second ordre. On nous impose ainsi des tâches déterminées, valorisées et non valorisées, visibles et invisibles, en fonction de notre sexe.

L’alimentation, la cuisine dans le ménage, acheter des provisions, les petits potagers pour l’auto-consommation, font partie de ces travaux de soins qui ne sont ni valorisés ni visibles mais qui sont pourtant indispensables. C’est sans doute pour cela que nous ne reconnaissons pas comment se produit ce que nous mangeons ni qui le produit : nous optons pour la nourriture fast-food, rapide, « bonne et pas chère ». Nous associons l’image du paysan à un attardé ignorant d’un village perdu. Nos soins, semble-t-il, n’ont pas d’importance. Et nous déléguons les choses au marché qui, au final, fait du profit avec ces droits.

Cependant, tous ces travaux sont vitaux. Qu’en serait-il de nous sans possibilité de manger ? Sans une alimentation saine ? Sans personne pour cultiver la terre ? Sans cuisiner ? Ou, que ferions-nous si personne ne nous aidait lorsque nous sommes malades ? Sans personne pour nous élever quand nous étions petits ? Sans le soutien des personnes âgées ? Sans vêtements lavés ? Sans maisons propres ? Sans affection ni tendresse ? Nous ne serions rien.

L’économie iceberg

Ce travail rendu invisible est celui qui, en définitive, permet la réalisation du profit pour le capital. La métaphore de « l’économie iceberg », forgé par l’économie féministe, le met bien en lumière. L’économie capitaliste fonctionne comme un iceberg où nous ne voyons que la pointe de la banquise de glace, une petite partie ; celle de l’économie productive, du marché, du travail rémunéré associé au masculin. Mais la majeure partie du bloc reste « caché » sous l’eau. Il s’agit de l’économie reproductive, de la vie, des soins, associé au féminin. Sans elle, le marché ne fonctionnerait pas parce qu’il n’y aurait personne pour le faire fonctionner. Un exemple ; comment maintenir des journées de travail infernales et incompatibles avec la vie privée et familiale sans personne pour s’occuper d’entretenir la maison, pour préparer les repas, pour aller chercher les petits à l’école, pour soigner les vieilles personnes dépendantes ? Pour que certains puissent travailler « avec majuscule », d’autres doivent le faire en « minuscule ».

A partir de la métaphore de « l’économie iceberg » et depuis une perspective écologiste, nous voyons également comment la nature fait partie de ce soutien invisible qui permet de maintenir à flot le capital. Sans soleil, ni terre, ni eau, ni air ; il n’y a pas de vie. La richesse de quelques uns et le fétiche de la croissance infinie, reposent sur l’exploitation systématique des ressources naturelles. On revient ici sur la question de ce que nous mangeons ; sans ces ressources, et sans semences, ni plantes, ni insectes, il n’y a pas de nourriture. L’agriculture capitaliste se développe en provoquant la faim, la « dépaysannisation » et le changement climatique à partir de l’abus de ces biens, sans discernement. Une petite poignée y gagne tandis que nous, la majorité, sommes les perdants.

Que faire ? Il s’agit, comme disent les économistes féministes, de placer la vie au centre. De rendre visible, de valoriser et de partager ces travaux de soin ainsi que la nature. De rendre visible ce qui est invisible, de montrer la partie occulte de l’ « iceberg ». De valoriser ces tâches comme étant indispensables, de reconnaître qui les excercent et de leur octroyer la place qu’elles méritent. Et, finalement, de les répartir, d’être co-responsables. La vie et le soutien à la vie est l’affaire de toutes… et de tous. La nourriture également.

Source :
http://esthervivas.com/2014/03/08/mujeres-comida-y-cuidados/
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Vu sur Avanti4be, 19 mars 2014

[Paris] Hommage anarchiste à la commune de Paris sur le sacré-coeur

NdPN : la mémoire des luttes sociales ne s’efface pas, contrairement aux tags, sans doute dégagés très vite… Il y a notre histoire et il y a la leur.

Des tags anarchistes sur la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre

Des inscriptions à connotations anarchistes ont été peintes à la bombe sur l’édifice dans la nuit du 17 au 18 mars, date anniversaire de la Commune.

L’INFO. La façade et des piliers à la base de la basilique du Sacré-Cœur, symbole de Paris et du quartier de Montmartre, dans le nord de la capitale, ont été vandalisés dans la nuit de lundi à mardi. Selon les éléments recueillis par Europe 1, venant confirmer différents témoignages qui ont émergé sur les réseaux sociaux, les murs et les piliers situés au bas, à l’extérieur de l’édifice, ont été recouverts d’inscriptions d’une hauteur d’1,80 m en moyenne, peintes à la bombe rouge.

Le 18 mars, date anniversaire de la Commune de Paris. On peut ainsi lire « 1871 vive la commune », « Ni dieu, ni maître, ni Etat », « Feu aux chapelles », ou encore « à bas dieu », autant de slogans appartenant au vocable anarchiste. Le choix de la basilique et de la date, le 18 mars, apparaît comme symbolique. L’édifice religieux a en effet été bâti à l’issue de la Commune de Paris qui a débuté le 18 mars 1871.

Un édifice symbolique. La construction du Sacré-Cœur, débutée en 1875, avait été validée au préalable par un vote de l’Assemblée nationale, pour « laver Paris de l’affront de la Commune », et de ses 30.000 morts en deux mois de violences. Une enquête a été ouverte et confiée au commissariat du 18e arrondissement. Une plainte a été déposée mercredi, selon le diocèse de Paris qui ne souhaite pas communiquer davantage « pour ne pas attiser la haine ».

Vu sur Europe1.fr, 19 mars 2014

La profanation, c’est la basilique du Sacré-Cœur, pas les tags

Qu’est-ce que j’apprends ce mercredi soir à la radio ? Des graffitis anarchistes à l’entrée de la basilique du Sacré-Cœur à Paris ?

  • « Ni Dieu ni maître ni Etat » ;
  • « Feu aux chapelles » ;
  • « A bas toute autorité » ;
  • « Fuck tourism ».

Qu’est-ce que j’entends dans les commentaires ? TOUS les candidats à la mairie (ainsi que le ministre de l’Intérieur, grand tartuffe des religions dans ce pays) condamnent cette « profanation » (« odieuse » selon Jean-François Copé) ?

Nous ne saurons sans doute jamais qui sont les auteurs de ces actes, sauf si la police se donne des moyens en disproportion du délit incriminé. Je ne le souhaite pas, car j’imagine par avance la sévérité « exemplaire » et hypocrite des sanctions pénales.

Et à quoi bon critiquer « là-bas » les pays qui mettent en prison des chanteuses punks « blasphématoires » si c’est pour faire pareil ici ?

« Profanation » dans toutes les bouches

Par contre, si je rencontre ces « anarchistes », je les engueule, parce que leur acte est contre-productif par rapport… mais par rapport à quoi en fait ? On ne vous l’a pas dit ? Je vais y revenir.

En fait, ce qui me pousse à réagir, ce ne sont pas les graffitis, car à quoi bon rappeler que les actes de personnes qui se pensent irresponsables de ce monde ne peuvent être qu’irresponsables dans ce monde ? Ce qui me donne envie de réagir, ce sont les réactions des responsables politiques.

« Profanation ». Tous utilisent ce mot. Pas délit, pas vandalisme, pas dégradation : profanation. Soit un rapport au sacré. Aucun recul, aucune neutralité dans l’exercice d’une fonction publique. Le fait religieux est posé comme une évidence, et pas question de rappeler que si l’action publique organise la libre expression religieuse, elle ne reconnaît rien.

Des communards tués à cet endroit

Maintenant, venons-en au cœur de cette affaire du Sacré-Cœur, celui qu’aucun politique n’a relevé : pourquoi commettre pareil acte à cette date et à cet endroit ?

Le 18 mars 1871, le peuple parisien, assiégé et affamé, se soulève contre l’Assemblée versaillaise, réactionnaire, monarchiste et cléricale. Les Parisiens montent au sommet de la colline de Montmartre, à l’époque dépourvue de cette fameuse basilique, simple vignoble urbain, sur laquelle se trouvent des canons de l’armée. Le peuple s’empare des armes, proclame la Commune, et en appelle au pays pour défendre la « vraie République ».

Nul n’ignore la fin de l’épisode : lors de « la semaine sanglante » (21-28 mai 1871), l’armée de Thiers reprend la ville au prix de 20 000 à 30 000 morts (vous vous rendez compte ? Quasiment le bilan de l’insurrection du ghetto de Varsovie), exécutés à la chaîne et enterrés sous les rues (on retrouvera plusieurs charniers pendant les travaux de percement du métro dans les années 1897-1902).

L’humiliation par l’édification d’un basilique

Avant leurs exécutions, traînés dans la ville sous les crachats des possédants, les Communards étaient contraints de s’agenouiller devant chaque église, chaque croix et chaque image sainte rencontrée. C’est que le peuple parisien était déjà, et de longue date, très profondément anticlérical et largement « athéisé », convaincu depuis plusieurs révolutions (1792, 1848) du rôle réactionnaire du clergé.

Et que fait l’Assemblée versaillaise après la reprise de la ville, après ce triomphe face aux gueux ? Car les morts ne lui suffisent pas. Il faut rééduquer les vivants par la pénitence. Il faut leur imposer « l’ordre moral ». Pour ce faire, est votée une loi qui destine la colline de Montmartre à l’érection d’une basilique. Rien que ça. L’humiliation par l’édification.

Une blessure jamais refermée

Les quartiers populaires sont contraints de taire leurs milliers de morts tandis que, lors du discours d’inauguration du chantier, en 1875, on peut entendre que :

« Cette butte [était] sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l’Eglise semblait surtout animer. »

L’anarchisme français est né dans cette blessure jamais refermée au cœur du peuple parisien. De cette obscénité. Car s’il y a profanation, c’est d’abord dans la dissimulation du crime sous cette basilique.

Alors messieurs les politiques, quelques tags à effacer… vous qui faites afficher vos trombines à des milliers d’exemplaires sur TOUS les espaces publics disponibles, souffrez qu’on voit la profanation là où elle se trouve : dans l’existence même de cette basilique à cet endroit.

Roland T., Nouvel Obs-Rue 89, 20 mars 2014

[Châtellerault] Répression à Ozon

NdPN : histoire hélas banale de contrôle d’identité qui finit en répression. L’article de la NR se passe de commentaires…

Le contrôle dégénère à Ozon : trois policiers sont blessés

Châtellerault.  Une échauffourée a éclaté mardi soir lors d’un contrôle de routine. La police a essuyé insultes et coups. Trois suspects ont été arrêtés.

Mardi soir, 22 h 30, plaine d’Ozon. Une équipe de la Bac (brigade anticriminalité) patrouille dans la plaine d’Ozon lorsqu’arrivée dans la rue Marconi, elle contrôle (*) l’identité d’un premier individu « en travers de la route », selon la police. « Je fais ce que je veux, les policiers, vous n’avez rien à faire là », aurait, en substance, rétorqué le jeune homme.

«  Coups de poings et de talon  »

Un deuxième individu intervient alors, « plus virulent et insultant », contestant la présence des policiers dans le quartier. Il est arrêté mais appelle ses copains à la rescousse pour tenter, semble-t-il, d’empêcher son interpellation. Une dizaine d’individus baissent la capuche et entourent alors les policiers (une deuxième patrouille de police arrive entre-temps en renfort) qui sont la cible d’outrages, d’insultes, de coups et caillassage. Le banal contrôle vire à l’échauffourée. Les policiers n’ont d’autre choix que de quitter les lieux avec le suspect interpellé, sous les jets de projectiles. « Deux policiers ont essuyé des coups de la part de l’interpellé (NDLR. : deux coups de poing à un policier et un coup de talon à un autre agent, selon le parquet), un troisième fonctionnaire a aussi reçu des coups, affirme la police. Deux d’entre-euxs ont huit et cinq jours d’arrêt. Le troisième a reçu un coup au visage mais ne cesse pas son service. » Moins d’une heure après les faits, les policiers reviennent sur les lieux (avec des renforts de Poitiers) et appréhendent un second individu. Un troisième, soupçonné d’être impliqué dans ces faits de violence, a été arrêté hier fin de matinée. Les trois suspects arrêtés (18 ans pour l’un, l’autre sera majeur dans une semaine et 37 ans pour le dernier arrêté), ont été placés en garde à vue. Le second suspect interpellé a été laissé en liberté hier. Une femme, soupçonnée d’avoir proféré des insultes et craché sur les forces de l’ordre, a aussi été entendue et fera l’objet de poursuites, apprend-on du parquet qui doit décider aujourd’hui des suites judiciaires à donner à cette affaire.

(*) Il s’agit de contrôle sur réquisition du procureur pour rechercher et lutter contre les stupéfiants et les armes.

à chaud

“ La persistance d’un groupe d’agitateurs ”

Le commissaire Jean-François Papineau, patron de la police de la Vienne, réagit à ces événements. « Il s’agit d’un petit groupe d’individus qui sont toujours dans le défi permanent, dans l’insulte. Il y a une persistance d’un groupe d’agitateurs. Certains, dont ceux qui ont été arrêtés, sont connus des services de police. Il y a trois mois, un trafic de stups a été démantelé. Ils sont dans l’attitude de ceux qui montrent qu’ils sont chez eux et que la police n’a rien à faire là. Cette affaire, c’est un micro-phénomène à l’échelle de Châtellerault. Des individus qui se permettent de porter des coups à des policiers, ce n’est pas acceptable. Il n’y a pas de liberté sans policiers. Les policiers vont partout parce que c’est l’État qui assure pour la population le respect des libertés et des lois. »

réactions dans le quartier

Sur place, rue Marconi, hier après-midi, une dizaine de jeunes est regroupée et discute. Certains à pied. D’autres en vélo ou en scooter. L’un fume la chicha. « On est au courant de ce qui s’est passé hier soir, raconte un jeune qui met en doute la parole de la police. Au départ, il y a eu un contrôle normal et deux bakeux (NDLR : policiers de la Bac, la brigade anticriminalité) ont attrapé un jeune et l’ont poussé contre le grillage alors qu’il n’y a pas eu d’insultes ni manque de respect. Les policiers ont mis le haut-parleur en disant «  On se retrouvera  » et ils ont appelé des renforts. Il n’y a pas eu de callaissage ni d’insultes. » Il poursuit : « Les policiers ont d’abord arrêté un jeune. On est allé lui apporter à manger au commissariat quand sur la route, une patrouille de la Bac a ralenti, a fait demi-tour, est repassé au ralenti. Ils en ont arrêté un deuxième. » Un second jeune se mêle à la discussion : « J’ai tout vu. Ils ont attrapé un petit jeune et ils se sont servi de la matraque. Des personnes du quartier sont venues pour tenter de séparer tout le monde. Ils ont arrêté deux jeunes. Il y a une politique du tout sécuritaire, du tout strict, mise en place depuis quelque temps, il n’y a plus du tout de dialogue. » Du côté des commerçants du petit centre commercial, face à l’espace Rouault, on n’a, semble-t-il, pas à se plaindre des jeunes : « C’est calme, témoigne une commerçante. On a peut-être plus de jeunes que d’habitude avec les beaux jours mais on n’a pas de souci. On n’appelle jamais la police. La nuit, on ne sait pas ce qui se passe. »

Denys Frétier, Nouvelle République, 20 mars 2014
***
Mise à jour 20 mars :
Les deux suspects arrêtés après l’agression de trois policiers, mardi soir, lors d’un contrôle qui dégénère, ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire aujourd’hui. Le mineur est convoqué chez le juge des enfants, le majeur passera au tribunal en avril tout comme une femme poursuivie pour avoir proféré des insultes. Le syndicat de police Alliance de Châtellerault «prend acte» de cette décision. Il dit que la Plaine d’Ozon «ne doit pas devenir une zone de non-droit où les policiers peuvent se faire insulter et blesser sans réponse pénale».
Dépêche Nouvelle République, 20 mars 2014

Le temps des cerises

Le temps des cerises

Nous en sommes encore loin du temps des cerises et, pour l’instant, nous subissons toujours le temps des escrocs et, désormais, des « empactés ». Je ne sais pas, à l’heure où ces lignes sont écrites, ce qu’aura donné la mobilisation du 18 mars, mais il est à espérer que les prémices d’un printemps frondeur seront apparues. Le « pacte de responsabilité » des tristes compères Hollande-Gattaz est un pacte de voleurs, au sens strict du terme. En 1945, alors que le pays est en ruine et que de Gaulle, peu soupçonnable de gauchisme, est au pouvoir, la Sécurité sociale est mise en place sur un principe simple : chacun paye en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins pour faire face aux aléas de la vie (maladie, vieillesse, naissance). Dans ce système solidaire, ou les patrons ne sont que les collecteurs de l’argent de cette caisse mutuelle, il n’y a donc pas de « charges », mais des éléments constitutifs du salaire, éléments différés quand le salarié en aura besoin. En clair, aujourd’hui, pour un salarié ou un fonctionnaire qui touche 2 000 euros de salaire net, le salaire différé qui lui revient est de 755 euros dont 113 euros pour la branche famille. Son salaire total est, donc, de 2 755 euros. Bref, quand Hollande promet d’exonérer les patrons de la part familiale dans son pacte avec son pote Gattaz, il vole 113 euros mensuellement à ce salarié ou ce fonctionnaire. Et, bien évidemment, comme il faudra tout de même payer des allocations aux familles, on demandera aux salariés, fonctionnaires, chômeurs, retraités de payer la facture en tant que contribuables. C’est pas beau ça ! La bagatelle de 37 milliards ! Joli hold-up, et légal en plus, pour ces truands bien propres sur eux. Et, bien évidemment, la branche maladie est la prochaine sur la liste. Le patronat se pavane, provoque (assurance chômage), impose ses volontés à ses subsidiaires politiques de tous poils. Pourquoi se gêner si les travailleurs ne distribuent pas les coups de pied aux fesses, voire les boulons dans la tronche que ces empactés méritent ? Le Medef ne prend même plus la peine de laisser croire qu’il fait des concessions. Le texte que la CGC, la CFTC et la CFDT ont signé est, de ce point de vue, un monument d’arrogance patronale et de servilité syndicale. En 1986, Gattaz senior avait promis que, si l’on supprimait l’autorisation administrative de licenciement qui était à l’époque obligatoire, il créerait 700 000 emplois. On lui a donné satisfaction, et non seulement il n’y a pas eu le début de l’ombre d’un soupçon d’emploi créé, mais les licenciements ont explosé. Aujourd’hui, Gattaz junior ne s’engage strictement à rien de concret, si ce n’est, bien sûr, de prendre les 37 milliards. Et comme son arrogance n’a pas de limite, il se permet même des commentaires sur les « pierres et les ronces » que les pauvres patrons subissent, en l’occurrence les « charges » et les réglementations du travail. Un seul chiffre : en 2013, les entreprises auront payé 65 milliards d’impôts et reçu, au total, presque 200 milliards d’aides publiques. Assistés ? Qui sont les assistés ? C’est sur ce terreau de régression sociale, d’appauvrissement, de liquidation des services publics que fleurissent les idées xénophobes, racistes nationalistes et corporatistes (type Bonnets rouges). C’est cette politique d’austérité qu’il faut combattre avec lucidité et détermination. Avec lucidité, car trop souvent des militants, y compris anarchistes, passent plus de temps sur des terrains sociétaux que sur le terrain de la lutte des classes. Avec détermination aussi et opiniâtreté, car l’heure n’est ni aux états d’âme ni au nombrilisme, mais à la double besogne décrite par la charte d’Amiens de 1906. Nous devons, nous militants anarchistes, pousser dans les syndicats pour faire émerger les revendications et les imposer aux appareils. Il n’y a rien à discuter avec les patrons, le gouvernement ou la direction de la CFDT, dont la capacité de nuisance n’est plus à démontrer. Il faut les stopper, un point c’est tout. À la CGT, les tensions sont vives d’ailleurs entre nombre de militants ou de syndicats qui veulent en découdre et une direction toujours tentée par la fumisterie du syndicalisme rassemblé avec la CFDT, ce qui est diamétralement opposé à l’unité d’action. Même au bureau confédéral de la CGT, cela tangue. Ainsi, Valérie Lesage a écrit à Thierry Lepaon, pour pointer « l’illisibilité » de la position CGT, notamment sur le fameux pacte : entre l’action le 18 mars avec FO contre le pacte ou la compromission avec la CFDT pour « des contreparties patronales », il faut choisir. À FO aussi, même si la position du secrétariat général est clairement hostile au pacte, il va falloir savoir claquer la porte des discussions, groupes de travail, tables rondes, conférences sociales et autres gadgets du dialogue social. Celui qui s’autoproclame numéro 2 de l’organisation, Stéphane Lardy, souvent prompt a sortir son stylo (accord calamiteux sur la formation professionnelle ou, en son temps, sur la rupture conventionnelle) n’offre pas, de ce point de vue, une grande fiabilité pour les militants sincères de luttes de classe de l’organisation. Vivement le temps des cerises, du gai rossignol, du merle moqueur.

Fabrice (groupe La Sociale de la Fédération Anarchiste), article publié dans Le Monde Libertaire n°1735, 20-26 mars 2014