Archives de catégorie : Répression

[Vivonne – 86] Prisons : silence on meurt

Un nouveau suicide de détenu a eu lieu dans la nuit du lundi au mardi à la prison de Vivonne, nous apprend la Nouvelle République aujourd’hui. Le 3ème depuis l’ouverture de cette taule. « Il n’avait rien à faire en prison. Il devait sortir dans un mois », dit l’avocat de la famille. La compagne du détenu porte plainte contre X pour homicide involontaire.

La France, dernier pays d’Europe occidentale à avoir aboli la peine de mort, perpétue de fait cette tradition avec un système carcéral dont les conditions d’enfermement sont jugées honteuses et indignes par de nombreux rapports, et ont donné lieu à des condamnations régulières de la France pour l’état lamentable de ses prisons. De fait, les conditions d’enfermement bafouent les droits les plus élémentaires des individus. Entre 2,4 et 4 m2 par détenu, murs nus, bouffe immangeable, fournitures (cantine) hors de prix, toilette exposée au regard des codétenus, quartiers disciplinaires avec une durée récemment réduite à 30 jours… toujours deux fois plus que dans les pays voisins. Un grand nombre de prisonniers souffrents de troubles psychiques : près de 20% des détenus seraient même psychotiques. Conditions de soins désastreuses, avec des détenus encore trop souvent attachés à leurs lits. Arbitraire total de l’administration pénitentiaire. Et  des murs, toujours des murs, pour briser les liens humains, briser les familles avec des gosses qui privés de parents, se retrouvent eux aussi enfermés – dehors. Briser l’espoir, briser l’esprit. Les partenariats public-privé (comme dans la taule de Vivonne, fournie par Bouygues), sensés créer des prisons neuves et propres, avec plein de sas électroniques et de dispositifs de surveillance électronique, n’ont rien arrangé, si ce n’est le portefeuille des capitalos engrangeant les contrats. Bien au contraire : l’isolement et l’enfermement y sont encore plus fortement ressentis.

Dans ces conditions, comment s’étonner que l’on meurt beaucoup plus en taule aujourd’hui qu’avant l’abolition de la peine de mort ? Le taux de suicide en prison a été multiplié par cinq ces cinquante dernières années. La France étant là aussi championne de l’Europe des quinze avec 20 suicides pour 10.000 détenus. On se suicide 6 à 7 fois plus en taule qu’à l’extérieur. Tous les trois jours, un suicide a lieu dans les prisons françaises… et c’est toujours la même musique, celle en sourdine du silence de l’administration pénitentiaire, celle du dédouanement des syndicats de surveillants pénitentiaires : « On n’a rien vu venir. Ce n’était pas quelqu’un qui avait donné des signes avant-coureurs de difficultés », déclare le secrétaire local de l’UFAP-UNSA.

L’intervention des peines planchers a encore augmenté la situation dramatique de surpopulation carcérale. La France est championne là aussi, venant de battre un nouveau record historique en juillet dernier avec 67.373 détenus, et une surpopulation de près de 118%.

La promiscuité accroît le désespoir des détenus. Dans ces conditions, le taux de suicide a encore augmenté ces dernières années. Il concerne d’ailleurs deux fois plus des prévenus encore non jugés, c’est-à-dire présumés innocents, que des condamnés.

On entend souvent dire qu’il faut tout de même des prisons pour punir et ainsi donner une « bonne leçon ». Or, les taux de récidive les plus élevés concernent les personnes ayant fait toute leur peine en taule, à contrario les plus faibles taux de récidive concernent les bénéficiaires de libérations conditionnelles, de peines alternatives et d’aménagements de peine. Rien ne pousse plus à la récidive que la pseudo-solution carcérale.

D’autre part, quel genre de crimes punit-on par la taule ? Plus de 80% des personnes se retrouvant en taule sont en fait punies pour des affaires comportant une atteinte à la propriété privée. Ce qui signifie qu’une très grande partie des incarcérations répondent à un système social capitaliste, inégalitaire, fondé sur la dépossession. Comment d’ailleurs ne pas faire le parallèle entre la privation structurelle de liberté à l’intérieur des murs, et celle qui a lieu d’une autre façon hors-les murs, au bagne du travail aliéné où humiliations, contraintes et épuisement psychologique sévissent ? La taule est le pilier de cette société injuste, définie par l’exclusion, la répression et le contrôle social. Une société de classes où jamais les grands requins ne sont jugés, seulement les petits poissons pris dans les mailles du filet de la misère.

Face à ce constat, le gouvernement socialiste a annoncé qu’il construirait plus de places de prison, aussi bien pour les adultes que pour les mineurs (construction d’EPM). Toutes les statistiques démontrent que plus il y a de places en taule, plus on remplit les taules : construire de nouvelles prisons n’a jamais résolu le problème de surpopulation. C’est juste envoyer à la destruction psychologique et physique, et au suicide, toujours plus de pauvres. Et à la récidive (63% des détenus ayant purgé toute leur peine en taule récidivent dans les cinq années), pour que jamais les pauvres ne sortent de leur désespoir et de l’image que la société leur renvoie.

Qu’on le veuille ou non, il s’agit ni plus ni moins que de perpétuer la peine de mort, de fait.

A bas toutes les taules et à bas tous les geôliers.

Pavillon Noir, 4 octobre 2012

[Poitiers] Les petits capitalos contre les « marginaux »

On apprend dans un article de la Nouvelle République du 28 septembre 2012 que la Fédération des agents économiques (FAE), une association de commerçants de l’hypercentre poitevin, demande depuis plusieurs mois une réunion tripartite avec le maire et le préfet, pour discuter du « « problème » posé par la présence de marginaux en centre-ville« . Claude Lafond, président de l’association (et patron d’une boutique traiteur/cave/vente à emporter nommé « La Petite France », ça ne s’invente pas), se déclare ainsi « agacé » du nouveau report de cette réunion qu’il sollicite.

Quelques mots résument bien la problématique de la colonisation marchande du centre-ville : « présence » de « marginaux » en « centre« -ville. Bref, si tu es à la « MARGE », tu es EXCLU de l’activité économique et de son CENTRE ; si tu n’as rien à vendre, pas même TOI pour un salaire de misère, parce que tu es au chômage par exemple : tu es INDESIRABLE.

Exclus de fait par le cynisme inégalitaire d’une société de marchands qui se targuent de « sourire, disponibilité, conseil, convivialité, écoute… », les pauvres devraient ainsi être privés du dernier espace commun, la rue. Voilà donc l’avis de ces philanthropes commerçants, et de leurs partenaires financiers (ville de Poitiers, communauté d’agglomération de Poitiers, entre autres). Leurs propos immondes sont relayés par la presse locale depuis des années, qui fait une véritable campagne anti-« marginaux » depuis que les pauvres s’organisent, qu’ils occupent le parvis de notre-dame pour revendiquer leur droit à un toit, avant de se faire virer par les flics (et de passer en procès le 9 novembre).

Si tu possèdes un chien, si tu achètes aux commerçants du centre-ville un peu d’alcool, si tu parles un peu trop fort : tu n’as rien à faire en centre-ville, reste chez toi, ici on n’aime pas les témoignages de misère, on n’aime pas les pauvres qu’on a fabriqués. Ah, tu n’as pas de chez-toi ? Apelle le 115, comme dit la mairie, « il n’y a pas de problèmes de logement sur Poitiers ».  C’est toujours plein ? Va te faire voir ailleurs qu’en centre-ville, va zoner dans la « marge », ou tu finiras la nuit au poste.

Le centre-ville est réservé aux citoyens, aux gens décents. Dans « coeur d’agglo », on file droit à l’ombre des monuments restaurés du pouvoir municipal, des caméras de surveillance des Cordeliers, à l’ombre des enseignes et des sucettes publicitaires. On obéit, on consomme, on vend et on se vend. Et quand on fait la fête, c’est lors des temps culturels organisés par la mairie, avec des spectacles prémâchés. Toujours sous la bienveillante protection des flics, qui contrôlent, arrêtent, harcèlent tous ceux qui ne correspondent pas aux canons de l’intégration, de la soumission.

Les marchands et les politicards ne veulent pas seulement nous soumettre au travail, dans les urnes, ou chez nous devant la télé. Non, nous devons être leurs moutons aussi dans le peu d’espace commun de liberté qui nous reste, la rue, lieu de toutes les rencontres et de tous les possibles. Nous ne devons pas nous rassembler pour porter un message politique de solidarité, sous peine d’être filmés par la police. Ne pas diffuser de journaux ou de tracts alternatifs, sous peine d’être contrôlés. Ne pas revendiquer nos droits à un toit, sous peine d’être embarqués et jugés.

Pour notre part, nous n’attendons pas une réunion officielle avec les chefs de la police nationale ou municipale pour évoquer le problème posé par la présence d’exploiteurs dans l’espace commun. Nous tissons des liens de solidarité entre exploité-e-s, et nous nous organisons. Solidarité, voilà bien un mot étranger au raisonnement des marchands, qui ne conçoivent le « dialogue social » qu’avec des bureaucrates et des flics.

Et en matière de solidarité, nous avons déjà des pistes : le prolétariat sait lui aussi être inventif. Les bourges derrière leur vitrine, prétendant faire la loi sur l’espace commun, le doigt prompt à taper 17 sur le clavier de leur téléphone, devraient faire attention lorsqu’ils affichent publiquement leur haine de classe. Il se pourrait bien que parmi les prolétaires, des méthodes éprouvées depuis longtemps reviennent à la mode. Occupations, piquets de grève, réappropriations, sabotage (refus de produire des produits de qualité), boycott (refus d’acheter certains produits)… Avis aux colonisateurs de nos vies individuelles, de nos solidarités sociales : la rue ne vous appartient pas, nous l’occupons. Et les mauvais coups se rendent, parce qu’on est peut-être pauvres, mais contrairement à vous, on a encore une fierté et une dignité.

Pavillon Noir, 1er octobre 2012

NdPN : nous joignons à cet article un communiqué du DAL 86 :

Communiqué du DAL 86

A l’heure où Matignon a décidé, en collaboration avec la ministre du Logement EELV, Cécile Duflot, de mettre en œuvre sans tarder un plan d’urgence pour les sans-abri, à l’heure où les députés, sous l’impulsion du Front de gauche, durcissent la loi sur la réquisition des logements vacants, à Poitiers il est programmé le procès en appel des sans logis et mal logés qui avaient établi un campement place du marché Notre Dame à partir du 30 mars dernier et qui ont été évacués brutalement par la police du gouvernement sarkoziste sur la demande de la mairie socialiste.

La justice n’a pas été en reste concernant cette criminalisation de la misère. C’est une première nationale concernant les luttes soutenues par le DAL : deux personnes ont été condamnées à deux mois de prison ferme.

Rendu du procès du campement des sans logis et mal logés de Poitiers
Criminaliser la misère !
Communiqué Fédération DAL : Prison ferme pour 2 militants de DAL Poitiers !

 L’appel de cette décision indigne aura lieu le 9 novembre 2012 à 9h au palais de Justice de Poitiers.

Un tract de la fédération du Parti socialiste de la Vienne qui circule actuellement prétend que « l’ère Sarkozy est bien finie » et que « le changement voulu par les Français commence à prendre forme ». Cela sera-t-il vérifié à l’issue du procès ?

Réservez dès à présent cette date pour exiger la relaxe des militants. Jean-Baptiste Eyraud, porte parole de la Fédération Droit au logement a déjà répondu présent.

Nous appelons tous ceux qui veulent défendre le droit au logement et en particulier le droit à un logement pour tous à apporter leur soutien.

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56
Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Mail du DAL 86, 30 septembre 2012

[Grèce] Ca chauffe aussi

NdPN : après le grand rassemblement à l’appel des indignés hier à Madrid, violemment réprimé, c’est au tour de la Grèce avec une journée de grève générale et des affrontements place Syntagma. Plus d’infos heure par heure, à suivre sur Contra Info. L’article AFP :

Grèce: plus de 30.000 personnes dans la rue à Athènes et Salonique

Plus de 30.000 Grecs selon la police ont pris les rues mercredi à Athènes et Salonique, en marge d’une grève générale de 24 heures, pour protester contre un nouveau plan de rigueur négocié avec l’UE et le FMI par le gouvernement grec qui affronte son premier test social.

A Athènes, la police estimait à la mi-journée à plus de 15.000 les manifestants en route vers le parlement, séparé en deux cortèges, tandis qu’à Salonique, deuxième ville du pays, dans le Nord, près de 18.000 personnes étaient décomptées par la police.

Dans la capitale, le défilé le plus fourni était celui du front syndical communiste Pame, uni derrière les slogans « Insoumission » et « Pas de nouveaux sacrifices pour la ploutocratie ». L’autre cortège était mené par les deux centrales syndicales GSEE et Adedy, organisatrices de la journée d’action pour « repousser les nouvelles mesures dures, injustes et inefficaces ».

Près de 5.000 policiers ont été déployés pour sécuriser les manifestations et l’accès au parlement était bouclé par une barrière métallique.

Des heurts ont toutefois éclaté à Athènes entre quelques centaines de jeunes cagoulés et les forces de l’ordre sur la place centrale de Syntagma, a constaté une journaliste de l’AFP.

Les manifestants, opérant par petits groupes, ont jeté des coktail molotov en direction de la police, qui a riposté par des tirs de Grenade assourdissante et de gaz lacrymogènes.

« Depuis deux-trois ans, nous vivons une catastrophe sociale incroyable, la société grecque est un cobaye pour ce qui se passe ailleurs » dans l’Union européenne, tempêtait Ilias Loizos, un employé municipal de 56 ans, qui affirme que son salaire a été réduit de moitié.

« Nous avons un tiers de chômeurs, les affaires ne marchent plus (…) nous sommes désespérés et avons perdu confiance dans l’UE », affirmait aussi Dimitris Mitropoulos, un enseignant de 35 ans.

Les employés de société en voie de privatisation (Eau, électricité, caisse d’épargne) scandaient : « no pasaran » en dénonçant le « bradage » imposé par les bailleurs de fonds du pays.

Dans une manifestation de détermination face à cette grogne, le ministère des Finances a fait savoir dans la matinée que le nouveau plan de mesures d’économies et de réformes structurelles, contesté dans la rue, avait été « bouclé » lors d’une réunion discrète la veille au soir entre le Premier ministre conservateur Antonis Samaras et son ministre des Finances, Yannis Stournaras.

Les mesures, portant sur plus de 11,5 milliards d’économies budgétaires, essentiellement des coupes de salaires publics, pensions et prestations sociales, doivent toutefois encore être soumise à l’aval des deux partenaires de la coalition gouvernementale, et décrocher le feu vert de la troïka représentant les créanciers.

Soutenue par le principal parti d’opposition, le Syriza de la gauche radicale, la journée d’action est la troisième de l’année mais la première depuis l’arrivée au pouvoir en juin de la coalition gouvernementale.

Devant l’hôpital Evangelismos, en centre-ville, Dimitri Tsiolias, radiologue, ne se fait aucune illusion sur l’issue du mouvement.

« La grève ne changera rien. Peu importe ce que nous faisons, les salaires vont baisser, tout vient de la troika » explique le médecin en désignant les représentants des bailleurs de fonds du pays, UE, BCE et FMI.

Un peu plus loin, La Poste est fermée ainsi que la plupart des administrations. Des écoles aussi sont touchées par le mouvement.

Pour Irina, la trentaine, qui dirige une imprimerie, « ce sont surtout les fonctionnaires qui font grève ». « Mes employés arrivent en retard en raison de la grève du métro, mais ils ne font pas grève, ça n’a jamais servi à rien » affirme-t-elle en sortant d’un taxi.

Les syndicats des commerçants, artisans et ingénieurs civils ont toutefois aussi appelé à la grève, même si mercredi matin les petits commerces de centre ville étaient ouverts pour la plupart.

Aucune desserte des îles n’était par contre assurée suite à un mot d’ordre de grève de 24H qui a pris effet dans la nuit.

Les contrôleurs aériens ont aussi entamé un arrêt de travail de trois heures, jusqu’à 10H00 GMT, qui a provoqué l’annulation de 12 vols des compagnies grecques, Olympic air et Aegean Airlines.

Conditionnant le maintien de la Grèce sous perfusion financière, alors que la nécessité d’une troisième opération de soutien au pays parait gagner du terrain, le nouveau plan doit être adopté au parlement avant le sommet européen du 18 octobre, dont la Grèce attend le déblocage du versement au pays de 31,5 milliards d’euros de prêts.

AFP, 26 septembre 2012

[Espagne] Ocupa el congreso : marée humaine, répression

Ca a bougé ce soir en Espagne. Aujourd’hui des dizaines de milliers d’Espagnol-e-s ont envahi les rues des grandes villes, notamment à Madrid autour du congrès des députés, à l’appel des indigné-e-s d’Ocupa el congreso.

Répression brutale de la police, nombreuses arrestations, nombreuses personnes blessées. Et blackout des médias en première partie de soirée.

Plus d’infos heure par heure sur cette page.

Pavillon Noir, 25 septembre 2012

[Répression nucléocrate] Rendez-vous devant le tribunal de Cherbourg le 9 octobre à 10h

Rendez-vous devant le tribunal de Cherbourg le 9 octobre à 10h

LA JUSTICE ATOMISE

Solidarité avec les inculpés de la presqu’île du nucléaire

En novembre 2011, un appel lancé par le collectif Valognes-Stop-Castor invitait à venir s’opposer au régime ordinaire de l’industrie nucléaire. Ce texte annonçait un campement pour perturber le passage d’un train CASTOR (transport de déchets nucléaires hautement radioactifs) en provenance de l’usine de la Hague et à destination du site de stockage de déchets de Gorleben, en Allemagne, où l’attendaient des dizaines de milliers de contestataires, comme chaque année à la même période depuis une vingtaine d’années. Au même titre que les trois personnes qui seront jugées à Cherbourg le 9 octobre 2012, nous sommes plusieurs centaines à avoir répondu à cette proposition et à nous être rendus dans le Cotentin, cette presqu’île du nucléaire, pour vivre une opposition concrète au nucléaire. La lutte antinucléaire semblait en effet à beaucoup coincée dans une impasse. A coups de slogans simplificateurs, de manifestations ritualisées jusqu’à l’ennui, de contre-expertises sans conséquences et d’alternatives dérisoires, elle s’est vue réduite au fil des ans à un simple marketing. Le désastre de Fukushima nous a brusquement rappelé que le nucléaire est d’abord terrible en ce qu’il nous dépossède durablement de nos conditions d’existence et étouffe toute aspiration à la liberté. Quelle vie reste-il à mener un dosimètre autour du cou ? En visibilisant la banalité des transports de matières radioactives, l’action de Valognes a voulu rappeler qu’en France nous vivons tous à bout portant du nucléaire, notamment dans le Cotentin1. Et qu’il est encore possible de renouer avec des actions directes collectives et publiques comme le mouvement antinucléaire en menait lors des luttes contre l’installation des centrales (Plogoff, Chooz, Golfech, SuperPhénix, Flamanville, Le Carnet pour n’en citer que quelques-unes). Le campement de Valognes s’est donc accompagné d’un effort d’explicitation afin de désamorcer une figure médiatique et policière -le casseur masqué- et afin de rendre le plus largement public ce type d’action. Mais pris au jeu d’un coup d’éclat spectaculaire, on est passé de la réunion publique au communiqué de presse, de la presse locale aux caméras du « 20heures » et, en chemin, de l’explicitation à la publicité. Ce glissement a amené à désigner des porte-parole. Trois personnes durent endosser ce rôle inconfortable au cœur d’un dispositif simpliste et abêtissant où l’efficacité de l’action politique et l’existence d’un mouvement se mesurent à l’aune de la couverture médiatique. Cette exposition médiatique a offert les images dont la justice s’empare à présent pour fabriquer des chefs. Le raisonnement du parquet est le suivant : le rôle qu’ont joué les inculpés dans les médias prouverait leur implication dans le collectif Valognes-Stop-Castor et les rendrait responsables de l’organisation du campement, de la coordination des actions sur le terrain et, par là-même, des dégradations. La justice achève ici de faire disparaître le caractère collectif d’actes dont le code pénal fait des délits. Pour instruire cette affaire et fabriquer ces trois coupables, elle atomise et attribue des responsabilités individuelles comme elle le fait jour après jour dans tous les tribunaux de France. Il s’agit moins de criminaliser une parole publique que de protéger la propriété privée et les intérêts de l’Etat. Rien de nouveau sous le soleil vert d’une société entre autre nucléarisée. Dans cette histoire, c’est la SNCF qui veut se voir rembourser 163 000 euros de dégâts sur une ligne. Et c’est l’Etat français – producteur et exportateur d’énergie nucléaire à l’échelle mondiale – qui voudrait retrouver le calme et la soumission qui accompagnent d’ordinaire son florissant commerce. Tentant de fissurer cette chape de plomb, Valognes se voulait un début. Quelques mois plus tard, un rassemblement s’organise au Chefresnes, dans la Manche. Il invite les opposants au nucléaire à rejoindre la résistance à la construction de la ligne électrique à très haute tension Cotentin-Maine. Cette fois l’action est brutalement réprimée, faisant des blessés graves et une arrestation entraînant une condamnation à trois mois ferme. Dans le même temps, les membres de l’assemblée du Chefresnes sont inculpés les uns après les autres ; inculpations répondant manifestement aux multiples perturbations qu’ont connu les chantiers durant des mois et tout particulièrement depuis Valognes… Ces tentatives d’organisation collective n’ont pas ralenti le rouleau-compresseur de l’industrie nucléaire et le nouveau gouvernement français n’a d’ailleurs rien perdu de son arrogance2. Elles ont néanmoins jeté quelques bases pour recomposer une opposition antinucléaire en France. D’une part, l’expression d’un mouvement excluant toute illusion citoyenne et refusant toute reconnaissance à l’Etat pour négocier une quelconque sortie du nucléaire. D’autre part, le souci d’horizontalité et l’absence de hiérarchie dans la prise de décisions qui ont offert la possibilité d’une action directe collective. Le petit théâtre judiciaire et son rythme usant ne nous feront pas oublier les raisons du rassemblement de Valognes, dans cette région rongée par les cancers et le silence où plus qu’ailleurs encore, le nucléaire, on en vit et on en crève. Solidarité avec les inculpés de la presqu’île du nucléaire et rendez-vous au tribunal de Cherbourg avec les inculpés de Valognes, pour que ce procès ne reste pas enfermé dans le huis clos judiciaire.
Collectif de soutien aux inculpés de la presqu’île du nucléaire lajusticeatomise@yahoo.fr
1 Le Cotentin est une des régions les plus nucléarisées du monde : à La Hague, une usine de retraitement des catastrophes quotidiennes qui stocke le combustible d’une soixantaine de réacteurs ; à Flamanville, un EPR, étendard mondial et déjà mité des centrales nucléaires françaises ; à Cherbourg, un arsenal militaire consacré à la terreur atomique mondiale ; à Digulleville, un centre de stockage de déchets radioactifs qui contaminent la nappe phréatique ; partout autour, ces territoires quadrillés, assujettis et balafrés par ces lignes « très haute tension » (THT) destinées à alimenter le marché concurrentiel et international de l’énergie. 2 En quelques mois, il aura nommé comme porte-parole du gouvernement Cazeneuve -député Cogema dans la Manche depuis des lustres-, relancé la recherche sur le surgénérateur Astrid de quatrième génération, acté le maintien du parc nucléaire actuel, annoncé l’ouverture de la plus grande mine d’uranium du monde à Imuraren au Niger, validé le développement de l’EPR en France et à l’international, poursuivi la construction de la ligne THT Cotentin-Maine etc. Les trois inculpés sont convoqués le 9 octobre 2012 à 10 heures au tribunal de Cherbourg pour les chefs d’inculpations suivants :

Complicité de destruction de biens d’autrui par l’effet d’un moyen dangereux pour les personnes.

Incitations directes ayant provoqué un attroupement de plusieurs centaines de personnes dont certaines étaient armées.

Organisation d’une manifestation sur la voie publique ayant été interdite.

Coordonnées pour envoyer les soutiens financiers : Chèque à l’ordre de APSAJ – 6 cours des Alliés – 35000 Rennes ou IBAN : FR76 4255 9000 5541 0200 1473 207 Code BIC : CCOPFRPPXXX Contacts : legalteamvalognes@riseup.net

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UN TRAIN VAUT MIEUX QUE DEUX TU L’AURAS

Le 23 novembre dernier, aux alentours de Valognes dans la Manche, 800 personnes se mettaient en tête de retarder un train CASTOR de déchets radioactifs et y réussirent. Pour la première fois depuis longtemps en France, le mouvement anti-nucléaire reprenait le chemin de l’action directe de masse. Il faisait entendre une voix qui ne tremble pas. Il répondait aux dizaines de milliers d’allemands qui bloquent ce même train chaque année depuis vingt ans. Dans la région la plus nucléarisée du pays le plus nucléarisé du monde, ce n’était pas chose acceptable. Et puisqu’on a coutume de passer sous silence les incidents qui ponctuent l’existence des centrales et des installations dites de retraitement, on voudrait aussi faire taire les opposants.
Ainsi, sur le terrain et six mois plus tard, on a lâché toute bride à la police et le camp anti-THT de Montabot se terminait avec vingt-cinq blessés dont trois graves. Ensuite, c’est une véritable déferlante de procédures judiciaires qui s’abat sur tous ceux qui résistent au nucléaire dans la région : neuf inculpés pour Valognes ; le maire du Chefresne gardé à vue qui démissionnait en même temps que son conseil municipal ; plusieurs procès et condamnations, dont une de prison ferme, pour participation à la lutte contre la THT Cotentin-Maine ; pléthore de convocations intimidantes. Cet acharnement judiciaire n’est autre que le masque d’une attaque politique contre les ennemis du nucléaire.
Un nouveau procès aura lieu le 9 octobre 2012 à Cherbourg, contre trois des personnes qui ont pris sur elles d’expliquer aux médias le sens de l’initiative du camp de Valognes. Ce serait un précédent pour toutes les luttes politiques que le simple fait de répondre à des journalistes soit condamné sous de tels chefs d’inculpations : provocation directe suivie d’effet à un attroupement armé, organisation d’une manifestation interdite et complicité de destruction du bien d’autrui. Et quelles preuves pour étayer un tant soit peu de si lourdes accusations ? Deux ou trois interviews à BFM TV, Le Figaro ou France Soir, qui suffiraient à les désigner comme des sortes de leaders auto-proclamés ordonnant à une armée d’obéissants moutons.
L’opération est donc grossière. On voudrait faire en sorte que des événements comme celui de Valognes ne puissent pas être accompagnés d’un discours assumé publiquement. On voudrait que ceux qui y participent soient des criminels sans phrase ou des fous irresponsables. On voudrait absolument qu’il y ait des chefs pour nier la possibilité qu’il existe des manières de s’organiser qui ne soient pas hiérarchiques. Ce qui est recherché, c’est d’empêcher toute formulation intelligible d’un engagement collectif et offensif. Ce que nous recherchons, c’est à rendre possible l’insolente coïncidence entre des gestes et des pensées. Ce procès ne pourra jamais paraître vraisemblable ailleurs que dans le huis-clos ronronnant d’une salle de tribunal. C’est pourquoi nous appellons à le déborder par le plus large soutien des trois personnes inculpées et vous invitons à vous rendre devant le tribunal lors du procès :

RENDEZ-VOUS DEVANT LE TRIBUNAL DE CHERBOURG LE 9 OCTOBRE A 10 H

Collectifs de soutien aux inculpés de Valognes legalteamvalognes@riseup.net.
Pour du soutien financier : chèque à l’ordre de APSAJ – 6 cours des Alliés – 35000 Rennes – France IBAN : FR76 4255 9000 5541 0200 1473 207 Code BIC : CCOPFRPPXXX