Archives de catégorie : Paf le faf !

[Poitiers] Manif contre l’extrême-droite : quelques commentaires sur un certain « antifascisme »

NdPN : Un article de la NR ci-dessous, sur la manif contre l’extrême-droite hier soir à Poitiers… ce texte est un vrai gloubiboulga confusionniste.

D’un côté le discours du pouvoir d’Etat, qui  applique quotidiennement les idées de l’extrême-droite en expulsant des « étrangers », en démantelant des camps de Roms, en agitant la « menace islamiste », en brisant les luttes sociales, et en réclamant toujours plus de flics pour toutes ces basses oeuvres. A côté de ce sinistre tableau dont sont quotidiennement responsables les politicards hier de droite, aujourd’hui de gauche, les identitaires sont des petits bras du racisme ordinaire.

Ce pouvoir, relativement peu répressif avec les identitaires lors de leur action de samedi dernier, afiche parallèlement la « fermeté », en menaçant de « dissolution » le groupuscule facho nommé Génération identitaire… comme si la pseudo-solution de la répression, consistant à « interdire » de porter un certain nom à une association de sombres crétins fachoïdes pouvait les empêcher de nuire. Le spectacle du martyre , c’est précisément ce que souhaitent ces petits nazillons, qui fondent toute leur communication sur un buzz martyrologue : qu’ON leur donne cette importance médiatique qu’ils réclament… Or des imbéciles pour tomber dans les idées d’extrême-droite, il y en aura tant que le pouvoir d’Etat maintiendra son système fabriquant pauvreté, frontières, catégories sociales et exclusion ; tant qu’il en appellera à détourner les colères populaires -inévitablement suscitées par les conséquences de son système inégalitaire – contre les pauvres  (« marginaux », « assistés », « profiteurs ») et des boucs-émissaires désignés (hier les « juifs », aujourd’hui les « immigrés »- « musulmans »-« islamistes »-salafistes »…)

En réalité, selon les propos du PS Claeys et du PS Valls rapportés par l’article, l’Etat n’entre pas tant en répression contre les fachos, que contre toute forme « d’extrémisme« … bref tout ce qui lui semble échapper à son contrôle, à son lissage de toute conflictualité sociale.

Il y a d’ailleurs, on le remarque, une comparaison confusionniste persistante et délibérée, opérée par la presse et les responsables étatiques, de l’extrême-droite avec « l’ultra-gauche-ayant-manifesté-le-10-octobre-2009-à-Poitiers ». Alors même que les idées d’extrême-droite et les idées des manifestant-e-s du 10 octobre n’ont strictement rien à voir. Ce n’est pas anodin. L’Etat ne détruit que ce qu’il pense ne pas contrôler. D’où, d’ailleurs, la différence habituelle et notoire du niveau de la répression de l’Etat selon qu’il s’agit des fachos (aux pratiques et aux discours relayant au fond le les postures et les discours de l’Etat, donc faciles à contrôler) ou des anti-autoritaires (aux pratiques et aux discours radicalement opposés).

Illustration : samedi dernier, slogans racistes et bras levés de « Génération identitaire ». Sur 73 fachos, 4 personnes ont été en garde à vue. Elles ont été relâchées depuis, sous contrôle judiciaire, dans l’attente d’un éventuel procès. Le « 10 octobre » 2009, quelques tags et vitrines cassées pour dénoncer la nouvelle prison de Bouygues à Vivonne : mais là ce furent des dizaines de gardes-à-vue et une répression policière énorme, s’abattant sur tout le milieu militant poitevin. Trois personnes n’ayant même pas participé à ces bris de vitrines sont allées en taule. Le 5 novembre 2011, squat contre Vinci dans une maison vouée à la démolition : toute la police du département mobilisée, plus de quarante arrestations, brutalités policières et décharge de tazer. Exemples parmi d’autres de la répression policière à l’encontre des mouvements sociaux, ici comme ailleurs.

Derrière l’amalgame confusionniste consistant à jeter dans le même sac de l’ « extrémisme » des fachos qui ne sont que des idiots utiles de l’autoritarisme, et des anti-autoritaires, l’Etat montre quotidiennement que sa priorité n’est pas la même, que son discours de neutralité répressive à l’égard des déviances n’est qu’un discours de neutralisation des révoltes qui le menacent vraiment.

Détail lamentable, au détour de l’article : la presse évoque un manifestant (de nationalité française), en le catégorisant « issu des minorités immigrées » (quel intérêt ?), qui aime les valeurs de « la France » que lui aurait fait aimer un grand-père ayant combattu en « Indochine ». Pour rappel, l’Etat français a perpétré l’horreur coloniale en Indochine, avec son lot d’exactions militaires, au nom d’idées patriotes, racistes et colonialistes tout à fait familières à celles de… l’extrême-droite. Bonjour l’ « antifascisme » et la confusion.

De l’autre côté certaines organisations « de gauche », réclamant à l’Etat une répression des fachos… au passage, ce sont ces mêmes organisations « de gauche » qui ont condamné les « casseurs » de la manifestation anticarcérale du 10 octobre 2009. Des organisations de gauche se disant « antifascistes », mais qui ne remettent pas en cause les fondements de l’Etat et du capitalisme, qui sont la racine même du fascisme et de l’extrême-droite.

Quant à nous, notre antifascisme se veut radical. C’est-à-dire que nous combattons, dans nos pratiques, le fascisme à sa source. Notre antifascisme ne consiste pas à implorer la répression de l’Etat, cette institution qui est à la source historique du racisme, de l’exclusion, et du fascisme quand il le juge nécessaire  ; cet Etat, nous le combattons et le dénonçons dans toute son hypocrisie. On ne peut pas lutter contre les idées d’extrême-droite si on ne voit pas qu’elles ne sont que l’affirmation brutale d’un modèle social hiérarchiste, c’est-à-dire d’Etat, avec des décideurs au-dessus, monopolisant la violence, et un pseudo-« peuple » de singularités atomisées et soumises en-dessous. Tout Etat est prétention totalitaire par essence, dans son aspiration à contrôler et réprimer les vies singulières, à décider à la place des gens. Les aspirants à son exercice, qu’ils se revendiquent d’extrême-gauche, de gauche, du centre, de droite ou d’extrême-droite, sont clairement nos adversaires politiques.

L’autre soutien historique du fascisme (financier et médiatique notamment) est  le capitalisme. C’est pourquoi notre antifascisme est aussi anticapitaliste. Le capitalisme est une dynamique inégalitaire par essence car il repose sur le racket d’une plus-value produite par des populations mises sous le joug d’un travail forcé appelé salariat, engendrant ainsi des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Le capitalisme est une dynamique d’assujettissement des populations à l’esclavage salarié par les détenteurs du capital. C’est ce même capitalisme, qui est né avec la construction des Etats modernes et des discours racistes justifiant l’accumulation de capital par le génocide amérindien et la traite négrière, qui a financé le fascisme à travers toute l’histoire, lorsqu’il s’est agi de briser les mouvements sociaux d’ampleur, de mettre au pas les révolté-e-s. Les organisations, y compris « de gauche », qui aspirent à l’aménagement du capitalisme (même quand elles disent le combattre, en agitant des drapeaux rouges d’un capitalisme d’Etat de sinistre mémoire), qu’elles soient de gauche ou de droite, sont clairement nos adversaires politiques.

Les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis. On ne combat pas radicalement le fascisme (qui s’est d’ailleurs souvent paré de « socialisme » et de « nationalisme ») sans en combattre les postulats idéologiques et les postures répressives. On ne combat pas les fascistes par l’Etat et le spectacle de l’imploration à l’Etat, mais par l’action directe contre le patriarcat, l’étatisme et le capitalisme, par l’autonomie et la solidarité de tous-te- les exploité-e-s et dominé-e-s.

Pavillon Noir

Ils se disent tous filles et fils d’immigrés

Banderoles et drapeaux étaient de sortie pour dénoncer l’action sur le chantier de la mosquée.

Environ 300 personnes ont manifesté hier, en fin d’après-midi dans le quartier des Couronneries contre les menées xénophobes de la droite extrême.

On aurait pu penser que l’action spectaculaire menée samedi dernier par un groupuscule d’extrême-droite sur le chantier de la mosquée de Poitiers susciterait un mouvement de révolte plus important dans la population poitevine. En fait, ce sont moins de 300 manifestants qui se sont retrouvés hier en fin d’après-midi Place de Provence pour dénoncer les menées xénophobes de la droite extrême.

«  Il nous a fait aimer la France  »

Il est vrai que l’appel à manifester émanait du NPA, mouvement très marqué à gauche, dont les militants n’ont guère été rejoints que par des sympathisants d’autres mouvements à la gauche de la gauche, du Front de gauche-PCF aux anarchistes de la CNT en passant par les Alternatifs. Quelques élus et militants syndicaux étaient également présents dans un cortège plutôt jeune qui s’est rendu jusqu’à la place de Coïmbra avant de se disperser. A noter la présence de quelques dizaines de représentants des minorités issues de l’immigration, à l’image du jeune Brahim venu manifester avec, dans la poche les états de service d’un autre Brahim : son grand-père. Ce militaire marocain, disparu en 1977, a combattu dans les Forces françaises libres puis en Indochine au nom d’une idée de la France que son fils, Rachid, et ses petits-enfants entendent bien aujourd’hui préserver des menées extrémistes. « Il nous a fait aimer la France », souligne Rachid, avec une émotion non feinte. Aux cris de « Première, deuxième, troisième génération : nous sommes tous des enfants d’immigrés », la manifestation s’est déroulée sans incident hormis les cris provocateurs d’un militant téméraire d’extrême-droite qui a sagement préféré faire demi-tour plutôt que d’affronter les manifestants qu’il était venu provoquer.

bon à savoir

La question du renseignement intérieur

Répondant à une question orale de la députée d’Europe-Écologie les Verts de Châtellerault Véronique Massonneau, le ministre de l’Intérieur a indiqué mercredi devant l’Assemblée nationale que la dissolution du groupe d’extrême droite Génération Identitaire était à l’étude. Le député-maire PS de Poitiers Alain Claeys a eu un entretien avec Manuel Valls. Il confirme qu’il a notamment discuté avec le ministre de la surveillance de ces réseaux extrémistes : cette opération de l’ultra-droite ciblant Poitiers n’avait pas plus été anticipée que celle du commando de l’ultra-gauche qui avait dévasté le centre-ville, le 10 octobre 2009. « Les fonctionnaires locaux ne sont pas en cause, précise Alain Claeys, mais c’est la question du renseignement intérieur et notamment de la veille sur les réseaux sociaux qui se pose depuis la disparition des renseignements généraux. »

Nouvelle République, 26 octobre 2012

[Poitiers] Contre-rassemblement réussi : homophobie dégage !

Ce mardi 23 octobre à midi, à Poitiers devant le parvis de Notre-Dame, une manifestation était organisée par « Alliance Vita », association contre l’avortement et contre le mariage homo. On a pu y voir rassemblés, entre autres têtes, des militants locaux de l’UMP et du FN.

Bien qu’Alliance Vita ait évité de diffuser l’info, celle-ci a filtré et de nombreuses personnes sont spontanément arrivées sur place pour faire un contre-rassemblement. Plein de gens, issus de nombreuses associations, de collectifs et d’organisations politiques (de gauche, extrême-gauche ou libertaires), mais aussi plein de gens pas encartés. Pour affirmer le droit à un « mariage pour tou-te-s, ou pas de mariage du tout » !

Au final on était à peu près aussi nombreux-euses que les intégristes. Nous avons fait une chaîne humaine pour les encercler, afin de ne pas permettre à leur discours homophobe de percer sur la place publique. Notons que leur spectacle était déjà à la limite de l’auto-parodique : hommes en noir et femmes en blanc, assis séparément, avec des pancartes débiles « papa maman ». Un homme vêtu d’une étrange combinaison argentée au milieu, battait des ailes -aussi marquées « papa » et « maman » : on a pas compris mais il était bien sexy avec sa combinaison moulante !

Alors que les cathos monopolisent depuis deux mille ans la parole en interdisant, en réprimant et en censurant, ces intégristes ont osé invoquer la « liberté d’expression » afin que nous cessions de couvrir leurs slogans et leurs discours par nos huées, nos slogans et chansons paillardes. Raté, la « liberté d’expression » c’est pour tout le monde ! De beaux bisous entre personnes du même sexe sont venus finir de dissiper les lambeaux d’ambiance obscurantiste sur la place.

Dépité-e-s, les intégristes ont fini par quitter les lieux en remballant leur banderole et leurs petits cartons roses.

Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos ! La rue est à nous et nous continuerons de la tenir, malgré toutes les petites tentatives récentes de l’extrême-droite pour apparaître dans le paysage poitevin.

A cette occasion, nous relayons l’appel à une manifestation contre l’extrême-droite, qui aura lieu à Poitiers (aux Couronneries), ce jeudi 25 octobre à 18 heures. Venez nombreux-euses !

Pavillon Noir, 23 octobre 2012

[Poitiers] Le pauvre petit plan comm’ des « identitaires »

Ce samedi matin et jusqu’à 13 heures, 60 fachos de « génération identitaire » (émanation jeunesse du Bloc Identitaire, faisant suite à « Une autre jeunesse » qui avait fait un flop), ont investi la mosquée de Poitiers. Ces militants racistes d’extrême-droite, venus de l’extérieur, ont scandé des tirades pitoyables contre le « multiculturalisme » auquel ils déclarent la « guerre », à coups de fumigènes et de banderoles débiles. On reconnaît bien là le légendaire courage des ces adeptes du « saucisson pinard » : s’en prendre aux « étrangers » plutôt qu’aux exploiteurs et aux puissants.

Les flics poitevins, le célèbre Papineau en tête, ont « négocié » avant de les laisser partir pépères. Trois gardes-à-vue seulement… Contraste saisissant avec les discours fermes et indignés des sinistres Valls et Ayrault contre cette action – n’ayant rien à voir avec leur zèle républicain à expulser les étrangers, à agiter la « menace islamiste » et à démanteler des camps de Roms.

Contraste aussi avec la répression des flics contre les militants de sensibilité libertaire. Qu’on se rappelle le squat contre Vinci, qui avait mobilisé à Poitiers, voilà un an, un nombre ahurissant de flics. Intervention rapide et brutale, la totalité des militants embarqués en garde à vue. Ici rien à voir : les petits fachos repartent tranquilles, contents de ce petit plan de comm’, sous l’oeil placide des flics. Bingo : les médias ont amplement relayé, comme à leur habitude. Voilà de quoi redonner un semblant de poids à cette organisation déliquescente, minée par de récentes scissions.

Mais revenons à leur bannière « 732 : génération identitaire », référence grossière à Charles Martel et à la bataille dite de Poitiers, vieux dada nationaliste. Le BI Poitiers appartient au BI Aquitaine qui se prétend « anti-jacobiniste » et « régionaliste »… et qui semble ignorer que la bataille de Poitiers a été l’occasion pour le royaume franc… d’asservir durablement l’Aquitaine, préalablement ennemie jurée de Charles Martel. Elle avait jusque là passé des alliances avec des potentats… musulmans, avant de demander l’aide de Martel. Ces « régionalistes » du BI Aquitaine ignorent-ils l’histoire de leur chère contrée ? Ils ne sont pas seuls. Voyons Philippe Vardon (un leader du BI), présent lors de l’action, défendant « l’identité » de la Provence. Or Charles Martel a perpétré des horreurs en Provence, en Occitanie et Berry. Son surnom de « marteau », selon l’historien Karl Werner, lui viendrait de ces exactions en Provence, et non de sa victoire de Poitiers. Mais ça n’empêche pas ce pauvre Vardon de se revendiquer de Charles Martel. Difficile de demander à des abrutis surfant sur les mythes d’un « jacobinisme » prétendument dénoncé, d’avoir un peu de culture historique.

Ce lundi 22 octobre aura lieu, au centre culturel de Beaulieu à 20H30 (Poitiers), une réunion contre l’extrême-droite, afin de discuter de tout cela et de réagir comme il se doit à cette propagande raciste. Les extrêmes-droites ont toujours profité des crises du capitalisme pour répandre leur discours nauséabond, pour détourner la colère des populations contre des boucs-émissaires. Opposons à ces fachos une lutte anticapitaliste et anti-étatique.

Pavillon Noir, 20 octobre 2012

 

Un facho repenti témoigne

Languedoc-Roussillon – Un militant repenti balance les secrets de l’ultra-droite

Damien (1) a été, pendant quatre ans, membre d’une petite organisation politique d’extrême-droite proche du Bloc Identitaire. Originaire d’un petit village dans l’Aude, il a côtoyé pendant une dizaine d’années un groupe de militants de la région dont le but était de « réveiller les consciences nationales » comme il le dit, en agissant principalement sur internet. Rangé des voitures, il a souhaité témoigner de cette période de sa vie et de ses dérives.

Comment êtes-vous entré en politique ?

Au départ c’était par le rock. On était plusieurs jeunes du village à écouter Vae Victis, Insurrection, tout ça. Les paroles nous touchaient et en cherchant on a rencontré des militants d’Unité Radicale (UR) qui étaient à Bédarieux. Ca a tout de suite collé. Dire enfin tout haut que les étrangers venaient coloniser le pays, que les vrais Français des villages comme nous étaient des citoyens de seconde zone, tout ce qu’ils disaient semblait évident à l’époque.

Vous dites « semblez ». Vous n’êtes plus aussi certain d’avoir raison ?

Ma vie a changé. Je suis en train de terminer un master II à Montpellier et j’ai mis de l’eau dans mon vin. La façon de penser des identitaires m’a empêché d’avancer, si j’avais continué comme ça je serais resté dans mon bled à détester la terre entière.

Combien étiez-vous ?

Il y a eu pas mal de changement à UR, et le petit groupe auquel j’ai appartenu après sa dissolution revendiquait une cinquantaine de membres dans toute la France. Et sept dans l’Aude, plusieurs d’Olonzac, de Narbonne et un de Coursan. Nous nous réunissions une fois par semaine chez l’un ou chez l’autre, mais l’essentiel des messages passait par internet.

Quels étaient vos buts ?

On partait du principe que notre rôle était de « réveiller les consciences nationales », de dire la vérité aux Français, qui étaient anesthésiés par les politiques et les médias. Nous considérions que les médias mentaient tous, que nous vivions dans un Etat « ripoublicain », corrompu par des élites mondialistes, que la race blanche était en danger, tout ça. Et comme on était peu nombreux, on a surtout utilisé internet. C’était pratique pour faire passer nos messages, et ça ne coûtait pas d’argent.

Je sais qu’au Bloc (Bloc identitaire, NDLR) et au FN ils ont des méthodes analogues, l’essentiel de celles que nous utilisions venaient d’ailleurs de leur fascicules de formation des militants.

Comment procédiez-vous ?

Tout était assez codifié. Il fallait en priorité « squatter » les sites d’information générale à la recherche de toutes les informations « raciales » possibles. Monter en épingle les fais divers lorsqu’ils concernaient des étrangers, quitte à les faire « mousser » sur Facebook ou sur les forums. Les réseaux sociaux et les commentaires dans les articles de presse étaient l’idéal pour ça.

Nous avions clairement identifié l’idée qu’il fallait que nous ayons des pseudonymes « réguliers » de manière à recruter à nos idées, de manière à ce que les gens, à force de lire notre nom se disent : « Il a raison ce gars-là » et se rapprochent de nous. Il fallait aussi créer des profils « ponctuels » juste pour donner l’effet de masse, donner l’impression que c’était la « base » des gens qui pensait comme nous. Ca, c’était facile, parce que globalement les gens partagent nos idées sur les délinquants.

Mais il fallait agir subtilement. Ne jamais parler des Arabes et des Blancs en tant que tel, mais reprendre des thèmes « humanistes » en parlant par exemple des « nantis antiracistes et mondialistes qui cherchent à écraser les pauvres qui supportent le racisme antiblanc ».

Quel était votre rôle précisément ?

Mon travail consistait aussi à faire des revues de presse sur plusieurs blogs, et en ne prenant que les histoires qui mettent en scène des étrangers pour ensuite de démontrer que tout les problèmes venaient d’eux. Mais évidemment, on ne se limitait pas aux faits divers. Il était super-important aussi de prendre les articles parlant des initiatives sur la « diversité ». Ce mot est parfait pour détecter les articles de presse où il va être question d’argent public donné aux associations étrangères.

En publiant souvent des articles sur ces sujets on pouvait ensuite facilement s’y référer pour donner l’impression que les pouvoirs publics se soucient plus du bien-être des immigrés que des « Blancs» (le mot que nous employions à l’époque pour parler de nous).

Pourtant ce genre de discours tombe facilement sous le coup de la loi contre l’incitation à la haine raciale…

Bien sûr. C’est la raison pour laquelle nous avons développé notre terminologie, en disant les choses d’une certaine manière: « être positif ». Ne pas dire « c’est la guerre civile, les Arabes ne veulent pas être intégré ». Une telle phrase fait fuir les gens qui ne sont pas engagés à nos côté, mais dire « la plus grande fermeté est nécessaire pour retrouver la paix civile ». Ca veut dire la même chose, parce que ça donne à penser qu’on est en guerre, mais ça donne l’impression qu’on est plein de sagesse.

Les gens « mordent » beaucoup plus facilement à tout ça, et finalement, ce sont eux-mêmes qui dans les commentaires vont dire ce que nous, on ne peut pas écrire.

Après tout s’enchaîne. Comme les gens répétent le même discours que nous, mais sans précautions oratoires, leurs commentaires sont censurés par les journaux « sérieux » (la loi interdit ce genre de discours et les journaux se protègent en ne les publiant pas). Il est alors extrêmement facile de les épauler en critiquant la scandaleuse censure dont font l’objet ceux qui pensent comme nous, et à parler d’une collusion entre les médias et les « antifrançais ».

Vous avez d’autres exemples ?

Je pourrais en donner pendant des heures, mais par exemple il suffit de prendre un pseudo à consonance musulmane et lancer des insultes aux Français, en prônant une République islamiste à Paris ou ce genre de choses. C’est très gros mais ça marche à chaque fois.

Vous n’aviez pas l’impression, avec ces méthodes, d’être vous même à l’origine d’une manipulation politique ?

Bien sûr que non. Puisqu’on était sûrs d’avoir raison, que les mondialistes voulaient notre peau, tout les moyens étaient bons. De toute façon, sans creuser vraiment l’actualité, c’est toujours ce qui émergeait, alors c’était facile de le mettre en avant. Défendre la « race » nous paraissait être une mission sacrée.

Bien sûr maintenant, je me rends compte que les « flots d’argent » déversés sur les associations d’immigrés sont surtout là pour gagner la paix sociale, qu’il s’agit d’initiatives bidon pour éviter une explosion des banlieues, et que souvent même l’argent annoncé n’arrive pas jusque là. Sans compter qu’il s’agit en réalité de petites sommes.

J’ai compris aussi qu’on parlait surtout de délinquance quotidienne, des petits trucs comme des vols de sac à main ou des voitures incendiées, mais qu’on ne parlait pas de certaines « grosses affaires », parce qu’elle ne concernait pas des étrangers. Et que les gros délinquants, les banquiers et les hommes d’affaires véreux, on n’en parlait jamais, sauf lorsque « par bonheur » ils étaient juifs, franc-maçon ou ce genre de chose et que donc on pouvait en tirer le fil du complot des « riches antiracistes ».

Avec le recul, je sais maintenant que le problème de la délinquance est lié à la pauvreté de certaines populations, et pas à leur origine ethnique, mais pour un rural comme je l’étais à l’époque les choses étaient différentes. Je réagissais avec mes tripes pas avec ma tête.

Avez-vous participé à la compagne pour la présidentielle du FN en 2012 ?

Non, j’avais déjà arrêté de militer depuis un bon moment. Mais j’ai collé les affiches de Le Pen en 2007.

Comment regardez-vous le discours politique de l’extrême-droite actuelle ?

J’ai énormément étudié tout ça depuis quelques années et je vois maintenant une grande confusion des genres entre un discours qui prétend défendre les petites gens, les bons Français qui travaillent honnêtement, et le fait qu’on ne parle que d’insécurité, de montée de l’islamisme etc. au moment où il faudrait surtout parler d’économie et de salaire, qui est le noeud du problème. Pour moi, pendant des années, j’ai contribué à créer l’écran de fumée qui protège ceux contre lesquels je me battais vraiment au fond de mon coeur : les profiteurs.

Comment regardez-vous, aujourd’hui, le militant que vous étiez ?

Moi et les autres on s’est laissé avoir. Il n’y avait pas de travail dans le village, on était désoeuvré, on avait l’impression d’être inutile et rejetés par la société. D’ailleurs il ne se passait jamais rien chez nous en terme de délinquance, et les seuls étrangers étaient les fils de réfugiés espagnols.

Pourquoi avez-vous demandé qu’on change votre prénom et qu’on ne présente pas votre photo dans cet article ?

Il est évident qu’il y aurait des représailles contre moi.

(1) Nom d’emprunt

Midi Libre, 8 octobre 2012

[Grèce] Quand la police envoie les néonazis « faire le nécessaire »

NdPN : Les fachos montrent leur sale grouin, dans les régions les plus frappées par la « crise »… un triste exemple de plus.

En Grèce, la police vous conseille plutôt d’appeler les néonazis

Tribune (De Kalamata, Grèce) Kalamata, au sud-ouest du Péloponnèse, est une petite ville calme, endormie sous les rayons écrasants du soleil de l’été malgré l’ombre imposante de la chaîne montagneuse du Taygète. Un endroit sans histoire, où le temps semble s’écouler à un rythme plus lent, sans aucun lien avec les mégalopoles comme Athènes ou Thessalonique, d’où nous parviennent de temps en temps quelques images inquiétantes de pauvreté ou de montée de la violence.

Et pourtant, Kalamata a elle aussi ses problèmes dus à la crise qui frappe la Grèce : des groupes de mendiants à chaque carrefour, le plus souvent des immigrés illégaux venus d’Asie et d’Afrique et laissés à la dérive après avoir franchi la porte d’entrée de l’Europe. Enfin, disons plutôt que Kalamata avait elle aussi ce genre de problème.

Un étrange « miracle » durant l’hiver

Durant l’hiver, un « miracle » étrange s’est produit : il n’y a plus de mendiants aux carrefours, plus d’immigrés clandestins vendant à la sauvette des CD piratés. D’abord, naïvement, on se dit que l’Etat grec a enfin décidé de gérer le problème de l’immigration clandestine, et de s’occuper de tous ces pauvres gens laissés à la merci des mafias prêtes à leur tendre une main secourable, le tout pour un prix modique. Et puis, au détour d’un article de l’un des journaux régionaux, la vérité se révèle. Noire comme une nuit de la fin des années 30.

Non, ce n’est pas la police qui est intervenue, non, ce n’est pas l’Etat qui a décidé d’enfin assumer ses responsabilités.

Nikolaos Michaloliakos, leader d’Aube dorée, en conférence de presse le 6 mai 2012 à Athènes (Louisa Gouliamaki/AFP)

C’est Aube dorée, « Chrissi Avgi » en grec. Ce groupement est plus une milice paramilitaire qu’un parti politique. Son idéologie est clairement affichée, sans le moindre complexe ou la moindre dissimulation : ouvertement raciste, xénophobe, Aube dorée revendique son attachement à l’idéologie nazie, arborant des photos d’Adolf Hitler – dont elle qualifie le jour de la mort de terriblement triste – et un symbole voisin de la svastika comme emblème.

Des pogroms dans les banlieues d’Athènes

C’est Aube dorée qui a nettoyé les carrefours de Kalamata, qui a organisé les bastonnades, ratonnades et passages à tabac nécessaires pour chasser de la ville des pauvres gens sans ressources et sans défense – pour nettoyer les rues comme on le ferait pour de la vermine.

Ce sont les milices d’Aube dorée qui se sont substituées à la police et à l’Etat grec en toute impunité, et qui revendiquent ouvertement leurs exploits dans les journaux.

Malheureusement, l’histoire ne s’arrête pas là. Durant l’été, les lecteurs attentifs ont pu lire les récits des pogroms organisés par Aube dorée dans les banlieues défavorisées d’Athènes. Lire un article est une chose. Entendre directement le récit de crimes encouragés – suscités – par la police grecque près de vous est tout autre chose.

La police ne viendra pas : pas les moyens

Un soir à Kalamata, une Grecque aperçoit un homme de couleur dans son jardin. Inquiète, elle téléphone à la police. La réponse de la maréchaussée est rapide, et très claire : non, la police n’enverra aucun de ses officiers sur place, cependant, la dame peut appeler Aube dorée, qui viendra faire le nécessaire.

Serviable, le policier à l’autre bout du fil donne à la dame le numéro de téléphone à composer pour obtenir l’assistance des milices du parti néonazi. Choquée, la femme raccroche et se refuse à obtempérer.

Elle attend.

Toujours inquiète, elle finit par retéléphoner à la police. Même réaction : qu’elle appelle donc Aube dorée, et son problème sera réglé. Non, la police n’interviendra pas, elle n’en a pas les moyens. A nouveau, la femme raccroche. Il n’est pas question pour elle de demander aux néonazis de venir.

Pourtant, quelques minutes plus tard, les milices d’Aube dorée déboulent. Il n’y a plus personne dans le jardin de la femme. Mais, à quelques dizaines de mètres de là, se trouve une maison occupée par un Pakistanais. En quelques minutes, les gorilles en uniformes paramilitaires l’encerclent. Puis ils y foutent le feu.

Fin de l’histoire.

Nous ne sommes pas en 1938. Nous ne sommes pas en Allemagne. Nous sommes en 2012, en Grèce, un pays connu pour sa douceur de vivre et l’hospitalité de ses habitants. Un pays ruiné par une gestion corrompue, et surtout par les volontés absurdes de gouvernements étrangers et de banquiers centraux qui n’ont aucune idée, aucune conscience du monstre qu’ils sont en train de réveiller et de nourrir, encore et encore, avec chaque mesure d’austérité inique et inefficace qu’ils imposent par la force à un pays exsangue.

Ce mécanisme est pourtant bien connu

Lors des élections de mai, les néonazis d’Aube dorée récoltèrent 8% des suffrages. En juin, leur score était de 7%, suffisamment pour envoyer 21 députés au parlement grec, institution démocratique qu’ils attaquent tous les jours, expliquant fièrement et sans la moindre ambiguïté, qu’ils mèneront le combat dans la rue avec leurs troupes d’assaut dès qu’ils seront prêts.

Les derniers sondages placent Aube dorée à plus de 10%, devant le Pasok. Chaque coup asséné à la Grèce, chaque mesure imposée de l’extérieur, en notre nom, nous qui sommes européens et avions basé notre Europe sur le serment du « plus jamais ça », chaque exigence d’austérité aveugle qui vise toujours les mêmes couches de la population et arrache aux gens simples le peu qui leur reste, les pousse plus avant dans l’étreinte noire d’Aube dorée.

Le mécanisme est d’une simplicité terrible, et déjà bien connu de toute personne ayant quelques notions d’histoire : détruire un pays de l’extérieur en employant des méthodes de colonisation économique à peine voilée, détruire ses services publics – santé, éducation et autres –, tout en laissant en place les administrations et les gouvernements corrompus qui sont à la base du problème, conduit au délitement complet de l’Etat de droit. Tout s’effrite, et la démocratie se craquèle, puis tombe, morceau par morceau, comme un papier peint pourri.

La police et l’armée, riches en nostalgiques de la sinistre dictature d’extrême droite des colonels et où les néonazis font leurs plus hauts scores électoraux, profitent des circonstances pour simplement laisser aller un peu plus, et pousser une population déboussolée, sans perspective d’avenir, à la recherche désespérée de sécurité, dans les bras d’Aube dorée.

Aujourd’hui, des néonazis constituent le troisième parti grec, devant le parti social-démocrate historique.

Non, nous ne sommes pas en 1938.

Mais nous y allons.

Nous y courons.

Vu sur Rue 89, 17 septembre 2012