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[Châtellerault] Mépris des autorités pour le droit à la vie des gens du voyage

Logique de vie contre logique de profit…

C’est depuis longtemps l’un des marronniers moisis de la presse quotidienne régionale… Aujourd’hui dans la Nouvelle République, les marchands et les capitalistes ayant investi la zone d’Argenson se plaignent de voir les gens du voyage habiter les lieux. Mêmes propos que ceux de la direction du Super-U ayant fait évacuer un campement de caravanes : ça donne une mauvaise « image », « ça fait fuir la clientèle ». Passons sur d’autres déclarations plus nauséabondes encore…

Or les gens du voyage habitant les lieux rappellent à juste titre que la mairie ne leur laisse aucun autre endroit pour vivre : ils sont expulsés de partout, les places sont insuffisantes sur les aires d’accueil, l’absence d’infrastructures sanitaires les contraint à la débrouille… du coup les gens du voyage s’installent où ils peuvent. On voit bien, ici comme ailleurs, que les autorités sont les premières responsables des discriminations de fait à l’égard des gens du voyage, faisant le terreau d’un racisme qui ne dit pas son nom, menant à une négation agressive de leur culture.

Face à cette incurie de la mairie, les commerçants n’exigent pas des autorités qu’elles offrent enfin des conditions de vie dignes aux gens du voyage ; au contraire, le discours est méprisant, stigmatisant : un investisseur immobilier de la zone va jusqu’à exiger une baisse de subventions aux associations de gens du voyage pour rembourser un manque à gagner ! Ces braves gens du commerce évoquent des « pissotières publiques », mais quand on lit certains de leurs propos puants, on peut constater que décidément, pour eux, l’argent n’a pas d’odeur (1)…

Encore une fois, on nie éhontément le droit fondamental d’êtres humains à habiter quelque part, c’est-à-dire de vivre, droit qui ne pèse rien vis-à-vis de leur « droit » capitaliste à eux, commerçants, à faire du profit. Et qui ne pèse rien vis-à-vis du « droit » de l’incurie politicarde à fabriquer du bouc-émissaire à la pelle.

Soutien inconditionnel à toutes celles et ceux qui luttent pour leur droit de vivre et d’habiter, contre les logiques publiques et privées du profit électoral ou financier !

Juanito, Pavillon Noir, 13 février 2013

(1) « L’argent n’a pas d’odeur » : expression attribuée à l’empereur romain Vespasien, en réponse au Sénat qui se plaignait que l’Empire ait institué, pour se financer, des pissotières publiques (les fameuses « vespasiennes ») assorties d’une taxe sur la collecte des urines (qui permettait de fixer les teintures textiles).

« L’emploi », un argument vermoulu

L’emploi semble mettre tout le monde d’accord, des investisseurs aux salarié.e.s en passant par les politiciens de tous bords ! Cet argument n’est qu’un enfumage pour dissimuler les intérêts divergents entre nous, prolos, et les dominants. La vraie question est : pourquoi l’emploi ?

Pour le capitaliste, l’emploi n’est synonyme que de profit, de plus-value. Ce profit consiste en un détournement, un vol présent ou spéculé du travail collectif forcé des prolétaires. Pour le capitaliste, l’emploi n’est qu’une variable d’ajustement de ce profit, et si le profit nécessite de licencier, il le fait sans vergogne. Le chef des patrons, Pierre Gattaz, a d’ailleurs avoué récemment ce qu’il pensait du « pacte de responsabilité », consistant en une aide de 65 milliards d’argent public en échange d’emplois : « Il n’y a pas de contreparties ».

Pour le politicien, l’emploi est synonyme de recettes rentrant dans les caisses de l’Etat ou de la « collectivité » qu’il gère, lui permettant d’accroître son pouvoir et, en échange de contrats juteux concédés aux magnats capitalistes, d’asseoir son réseau. Il est aussi synonyme de « paix sociale », et donc de votes favorables dans les urnes, lui permettant de se maintenir au pouvoir.

On comprend donc bien pourquoi ces deux-là sont comme larrons en foire pour nous matraquer leur ode à l’emploi, toujours accompagnée du fameux refrain sur la sacro-sainte Croissance… du capital. L’emploi est pour eux un argument-massue, ayant pour fonction de désamorcer toute contestation contre leurs « grands projets » productivistes (TGV, aéroports et autres grands chantiers). Ces grands projets inutiles sont l’occasion de détournements massifs d’argent public, pris par l’Etat dans nos poches pour le mettre dans celles des capitalistes (baptisés « subventions », « aides », « partenariats public-privé »).

Pour eux donc, peu importe que ces grands projets soient socialement inutiles, tant que ça leur rapporte. Peu importe que leurs dispositifs technocratiques démantibulent nos sociabilités et nos lieux de vie, il suffit de dire : « ça crée des emplois ». Peu importe que leurs affreux chantiers massacrent l’environnement (voir le cas de cette entreprise de granulats), il suffira de badigeonner le tout d’une couche de vert.

Chantier de la LGV – Avec Vinci, plus belle la vie : bienvenue dans le monde merveilleux de l’emploi !

Et pour nous, l’emploi, c’est quoi ? De prime abord, c’est se sortir de la misère, c’est gagner assez pour survivre. C’est pour cela que certain.e.s d’entre nous peuvent être sensibles à cette rhétorique… Mais à bien y réfléchir, l’emploi c’est aussi et surtout la contrainte de vendre notre force de travail sous la férule des puissants, qui en échange de notre soumission daignent nous accorder le « droit » de toucher les miettes moisies de ce que nous produisons ensemble.

A notre époque, où il nous suffirait de quelques heures d’activité par semaine pour répondre à tous nos besoins individuels et collectifs à condition de nous organiser pour les satisfaire, le système capitaliste (fondé sur la valeur monétaire produite par l’exploitation au travail et l’abrutissement publicitaire) nous oblige à mourir à petit feu, à sacrifier le plus clair de nos vies sur l’autel du profit, comme des esclaves obéissants, dans des emplois le plus souvent abrutissants et sans aucune utilité sociale (et même souvent nuisibles socialement), où nous ne décidons de rien. Et le reste du temps, on nous enjoint à acheter la merde toxique qu’on nous fait produire, ici ou ailleurs.

Nous, prolos anti-autoritaires (anarchistes, communistes, socialistes, sans étiquette, rayer les mentions inutiles) ne prônons donc pas le retour à « l’emploi » (sur la nature et les conditions duquel le salarié n’est pas libre de décider, car en tant qu' »employé.e.s » nous ne sommes que des outils). Nous prônons et défendons l’activité libre des êtres humains, leur permettant de répondre à leurs besoins réels. Nous prônons l’organisation sociale en fonction des désirs et des besoins réels.

Or l’espace, les ressources et les moyens de production sont détenus symboliquement (légalement, financièrement, politiquement), et militairement, par le Capital et l’Etat. Si nous voulons en finir avec l’emploi absurde pour mettre enfin en oeuvre l’activité libre des êtres humains, si nous voulons en finir avec l’esclavage salarial pour enfin décider de nos vies, si nous voulons en finir avec le saccage de nos sociabilités et de notre environnement pour vivre enfin dans un monde d’entraide et de partage où l’air redevienne respirable, nous ne pouvons nous passer de lutter résolument contre le Capital et l’Etat.

Or, que nous proposent les candidats à ces énièmes élections municipales ? Voter pour eux bien sûr… pour l’emploi, toujours l’emploi. C’est le même discours de gestionnaires du capital, d’aspirants au pouvoir pseudo- « représentatif », dans un véritable concours de novlangue pour rendre acceptable l’horreur de l’esclavage salarial et de la dépossession politique. Pour les gestionnaires du système capitaliste et étatique, la novlangue est disponible en plusieurs coloris.

La « démocratie », c’est pouvoir choisir entre plusieurs discours !

Illustration sur Poitiers :

-Pour Duboc (candidat « centre ») : l’emploi doit reposer sur un « écosystème favorable aux entreprises » (on admirera l’oxymore), sur le développement du « numérique » (et tant pis si le monde ressemble à 1984), et sur le maintien des « services publics » (où usagers et salarié.e.s ne décident de rien, mais tellement pratique pour le flicage social et la gestion de la misère pour endiguer les révoltes !).

-Pour Gaillard (Lutte Ouvrière) : il faut « maintenir et créer des emplois » avec le « partage du travail » et la mesure « interdire les licenciements ». Gaillard veut « un emploi et un salaire corrects » (et une exploitation décente ?), et nous joue un couplet larmoyant sur les « artisans et petits commerçants » (des exploiteurs de salarié.e.s bien plus décents, eux, c’est bien connu). La solution consisterait à « prendre sur les profits passés et présents du patronat »… sans remettre en question le fait même que ces profits existent… vieux couplet de gauche sur le « partage des richesses » entre les exploité.e.s et leurs exploiteurs ! Rappelons que Lutte Ouvrière est censée être une organisation politique « anticapitaliste » et « marxiste »… Anticapitalistes et lecteur.ice.s de Marx, ne vous privez pas de rire un bon coup !

Pour Verdin (Front National) :  aucune surprise, on retrouve le leitmotiv de l’extrême-droite à travers toute sa répugnante histoire, qui sous un discours prétendument « anti-système », flatte la croupe du MEDEF avec un appel du pied éhonté aux capitalistes : « allégement de la fiscalisation des entreprises et des PME », « création de zones défiscalisées sur la commune », allégement du « taux d’imposition fixé par la commune afin de faire baisser la Cotisation Fiscale des Entreprises » (on dit pas plutôt cotisation sociale ?). Il faut bien sûr limiter « les dépenses de la ville ». Tout ça pour « l’emploi », comme de bien entendu…

-Pour Claeys (Parti « Socialiste ») : alors là, c’est feu d’artifice. Florilège : « la priorité de notre programme : l’emploi ».  Il faut développer « l’attractivité »… comprendre « les conditions d’accueil optimales pour les entreprises », « spécialiser le commerce de centre-ville », « développer le tourisme d’affaires et les salons », « mettre en place des coopérations internationales capables de dynamiser l’export de nos entreprises », « poursuivre notre stratégie de filières autour du numérique, des biotechnologies et des énergies renouvelables ». Claeys mérite bien sa médaille de député-maire, son discours est sans nul doute le plus « attractif » pour les capitalistes. Pauvre « socialisme »…

-Pour Daigre (Union pour un Mouvement Populaire) : « Nous ne pouvons être généreux que si nous sommes économiquement forts ! » En bref, le progrès social viendrait du profit capitaliste, qui ferait ensuite la charité. On retrouve bien là toute l’hypocrisie de la droite… mais la suite n’est pas mal non plus : « La politique locale a son rôle à jouer et celui d’un maire est avant tout d’aider les entreprises et tout le milieu économique afin de conserver l’emploi durablement. Mais il doit aussi faire en sorte de rendre sa ville attractive afin que de nouvelles entreprises ou des investisseurs aient envie de venir s’y installer. C’est l’emploi de demain qu’il faut préparer. Pour cela, il est impératif d’avoir une véritable politique volontariste et visionnaire en faveur de l’emploi : défendre les entreprises locales, soutenir les porteurs de projets, aider à la structuration de nouvelles filières, mais également accompagner les personnes en difficulté vers le chemin de l’emploi. ». Claeys a du souci à se faire, une autre postulante éhontée à la gestion du capitalisme est sur les starting-blocks !

-Pour Fraysse (liste « rouge-verte ») : nous tenons peut-être avec elle le grand prix de la Novlangue, avec cette superbe et énorme phrase, « L’emploi c’est le partage » : alors là, bravo l’artiste ! La candidate propose la création d’emplois publics « d’ambassadeurs de la rénovation énergétique du bâtiment, chargés de faire connaître les aides et les avantages financiers existantes pour tous travaux d’isolation. Nous y proposons une aide de 500 € supplémentaires sous conditions écologiques et sociales ». Titre ronflant pour faire la pub aux dispositifs d’aide au profit des entreprises de BTP… mais Fraysse ne s’intéresse pas qu’au peinturlurage en vert du profit, elle veut aussi favoriser les entreprises adeptes de Big Brother : « Nous mettrons en place un lieu emblématique de rayonnement et de convergence numériques d’entreprises 2.0. » La candidate finit sur les « emplois pérennes » dans les services publics, contre la « précarité ». Fait-elle semblant d’ignorer que pérenniser le salariat c’est prendre le parti de la misère ? Qu’en pense le nouveau parti anticapitaliste, associé à cette candidate ?

Pour nous, ce sera l’abstention active aux élections. Ne laissons plus à quiconque la prétention de nous « représenter » ! Luttons ici, maintenant, partout et toujours, contre le salariat, l’argent, le pouvoir, et pour l’activité et l’organisation libre des êtres humains. Pour cela, résistons pied à pied pour socialiser réellement l’espace, contre tous les thuriféraires de la dépossession générale, qu’elle soit « privée » ou « publique ». Contre leur droit bourgeois, leurs forces armées ; mais aussi leurs discours aussi pipés qu’aliénants.

Pavillon Noir, 11 février 2014

– Mais pourquoi tu ne votes pas ??

Le droit de vote, l’un des seuls pouvoirs que nous ayons de changer les choses, tu t’en fiches ? Si on ne l’exerce pas, on le perdra !

C’est justement parce que je veux changer les choses et exercer un pouvoir réel sur ma vie, que je refuse d’exercer ce prétendu droit. Je refuse de donner une quelconque légitimité à des personnes qui ont la prétention d’exercer un pouvoir sur moi et les autres, et  je refuse moi-même d’exercer un pouvoir sur les autres.

En ne votant pas, tu fais le jeu des extrêmes ! Tu laisses potentiellement le pouvoir à des partis dangereux !

Les « extrêmes », comme tu dis, ne progressent pas à cause de mon abstention, mais justement parce que le système représentatif dégoûte beaucoup de gens. Mais au sujet des partis dits « extrêmes », juste une question : pourquoi les politiques et les médias nous invitent à voter, quel que soit notre choix, y compris pour des partis « extrémistes » ? Pourquoi déclarent-ils tous que leur adversaire principal est l’abstention, et que le pire serait de ne pas voter ? Les pouvoirs en place craignent bien plus l’abstention massive que le « vote contestataire » pour des « extrêmes ». C’est que les prétendus « extrêmes », même sous couvert d’ « anticapitalisme » ou de discours « anti-système », ne font tous que reprendre les mêmes mots d’ordre que les partis au pouvoir (croissance économique, classique ou « alternative » ; augmentation des emplois salariés). Surtout, ils légitiment tous le mandat représentatif en se présentant aux élections. Alors que l’abstention retire au pouvoir sa légitimité. Cela dit, si l’on se contente de s’abstenir sans pour autant essayer de changer les choses, cela revient effectivement à la même chose que de voter, c’est-à-dire à rien.

En gros, tu penses que les politiciens sont tous pourris ?

Non, je suis persuadé que beaucoup d’entre eux sont sincères. Je dirais plutôt qu’une fois au pouvoir, tous les élus se retrouvent contraints de tempérer voire de bafouer la plupart de leurs promesses. Et pas seulement parce que rien ne les oblige à les tenir, mais aussi et surtout parce qu’en souscrivant au jeu électoral, ils s’inscrivent dans des contraintes fondamentales, les obligeant à défendre la propriété privée ou étatique. D’une part, ces élus n’ont aucune latitude sur les moyens de production, d’échange et de distribution privés. D’autre part, même dans le cas d’une régie publique ou d’une nationalisation de ces moyens, leurs choix sont restreints, car ils dépendront encore du marché, de la concurrence. Les travailleurs resteront des salariés, c’est-à-dire qu’en plus de se faire extorquer une plus-value, ils n’auront pas voix au chapitre, ni sur la nature, ni sur la destination de leur production de services ou de biens.

Tu caricatures : de plus en plus d’institutions publiques, et même des entreprises, prônent une certaine forme de démocratie participative ! Tu n’es jamais allé à des conseils de quartier ?

Si, je l’ai déjà fait, et j’en suis revenu. Non seulement les budgets sont ridicules, non seulement les champs de décision qui sont laissés à ces conseils sont dérisoires, mais au final, ce sont les élus qui décident ou non de valider les projets. La participation propose, elle ne décide de rien, au mieux de la couleur du papier-peint. Elle permet aux élus de profiter à bon compte des idées qu’ils jugeront compatibles avec les leurs, et surtout de donner un vernis démocratique à leur pouvoir pour désamorcer les contestations. De fait, il suffit de voir le nombre minuscule de participants volontaires à ces simulacres, pour se rendre compte que l’immense majorité des gens n’ont aucune illusion sur ces dispositifs.

Ne pas voter c’est une attitude cynique, l’apolitisme c’est du je-m’en-foutisme, il faut s’engager en tant que citoyen !

Je ne suis pas cynique, je renonce encore moins à m’engager et je m’intéresse au politique, dans le sens où je consacre beaucoup de mon temps aux luttes et aux alternatives de vie avec les autres. Je ne pense pas avoir de leçon à recevoir à ce sujet, de la part des personnes qui considérent qu’agir politiquement ne consiste qu’à déposer de temps à autre un papier dans une urne, pour déléguer leur capacité d’action et de réflexion à de prétendus spécialistes.

Comme tous les gens qui se prétendent « révolutionnaires », tu rejettes les réformes et le progrès social. Tu ne votes pas, parce que tu préfères le confort de l’idéalisme et de l’utopie, alors que tu pourrais améliorer les choses ici et maintenant en votant !

Même si je souhaite un changement radical de société, je n’ai rien contre des réformes qui amélioreraient réellement, ici et maintenant, les conditions de vie… Bien au contraire, je suis un prolo et je voudrais vivre mieux. Mais justement je constate, aussi bien à partir de ma petite expérience des luttes qu’en me renseignant sur les luttes historiques, que ces réformes ne sont concédées par les pouvoirs qu’à l’issue de rapports de force sur le terrain social, pas à la suite d’élections. Par exemple, l’augmentation des salaires et les congés payés n’ont jamais été au programme du front populaire : c’est par la grève générale que ces progrès sociaux ont été concédés. En général, les droits et les acquis sociaux sont concédés par le pouvoir étatique et patronal lorsque celui-ci a peur de tout perdre, quand les gens s’organisent par eux-mêmes et se passent de lui. En revanche, les droits reculent dans les faits lorsque les gens ne se battent plus, qu’ils se contentent de voter en espérant que cela changera quelque chose.

Tu généralises un peu vite… et le droit à l’avortement alors ? Sans Simone Veil et des députés courageux, il n’aurait jamais été conquis !

C’est pourtant un très bon exemple de ce que je viens de dire. C’est sous la pression des militantes féministes, organisant un réseau efficace avec des personnels médicaux engagés permettant aux femmes d’avorter, que l’Etat a dû entériner ce qui lui échappait. C’est parce que les féministes n’ont rien lâché que cette loi, d’abord provisoire, est passée dans le droit. A contrario, c’est parce qu’une partie des luttes féministes se sont depuis institutionnalisées, que les moyens d’avorter reculent aujourd’hui, voire que le droit à l’avortement est remis en question.

Et l’abolition de la peine de mort ?

Cette avancée sociale a été le résultat d’âpres luttes anticarcérales… Et elle s’est assortie d’un prolongement des peines, dans les faits, au point que beaucoup de taulards n’ont pas manqué de parler d’une peine de mort lente. Aujourd’hui d’ailleurs, on meurt beaucoup plus dans les prisons qu’avant l’abolition de la peine de mort.

Et la sécurité sociale ? C’est parce que les communistes pesaient à l’issue de la guerre, qu’elle a été instaurée !

Les premières caisses de chômage, de maladie, d’accidents du travail, visant à soulager la souffrance des travailleurs exploités, ont été le fait d’organisations ouvrières indépendantes du pouvoir, dont le principe étaient de lutter en toute autonomie contre l’oppression de l’état et du capitalisme. Tu n’es pas sans savoir que le syndicalisme du début du XXème siècle a refusé la sécurité sociale d’Etat, parce que cela aurait signifié que les cotisants perdaient leur pouvoir de décision, que l’Etat s’emparerait de ces caisses. Tu parles de la libération et du conseil national de la résistance ; mais d’une part, les communistes ont pesé parce qu’ils étaient armés et non parce qu’ils étaient élus, et parce qu’il y avait de forts mouvements de grève à la libération… ce qui montre bien que c’est le rapport de force dans les luttes sociales qui pèse, non le bulletin de vote. D’autre part, le parti communiste a entériné le fait que l’Etat fasse main basse sur des caisses indépendantes du pouvoir, transformant ainsi la solidarité en tutelle. Aujourd’hui, la sécurité sociale n’est presque plus gérée par les travailleurs eux-mêmes, mais par l’Etat et le patronat. Non seulement les cotisations sociales retournent de moins en moins dans la poche des cotisants, mais elles servent surtout à nourrir les laboratoires pharmaceutiques, biberonnés à l’argent public.

N’empêche qu’il y a urgence, sociale, écologique… se battre pour avoir des élus qui fassent progresser nos valeurs dans un gouvernement, à l’assemblée nationale, dans une mairie, même s’ils en contestent les structures et le fonctionnement, ça peut peser !

Je respecte les militants qui collent des affiches, organisent des meetings, qui donnent de leur temps pour faire élire leurs camarades parce qu’ils espèrent faire ainsi changer les choses. Je suis passé par là aussi. Mais je constate que c’est une énorme dépense d’énergie, pour que dalle. Quels progrès réels ont été obtenus par la voie électorale, qui n’étaient pas déjà effectifs du fait des luttes sociales ? Faut-il par ailleurs te refaire un historique des compromissions des partis de gauche au pouvoir, du parti communiste aux verts ? Cette institutionnalisation est passée pour une trahison pour nombre de militants sincères. Au lieu de pousser les gens à s’organiser de façon plus autonome, ces compromissions les ont dégoûtés, désenchantés, et la répression a fait le reste.

Peut-être, mais pourquoi condamner d’avance de nouvelles listes qui se présentent ? Ca fait une tribune à nos idées !

Les élus sincères voulant réellement bousculer les choses en société étatiste et capitaliste sont toujours minoritaires, face au pouvoir des oligarchies qui détiennent les moyens de production, qui ont leurs réseaux de communicants, de publicitaires, leurs médias de masse, leurs élus, leur bureaucratie et leurs moyens de répression. Pire, pour pouvoir continuer à « peser », les « camarades » élus cautionnent de fait, bon gré mal gré, les mesures dégueulasses du pouvoir auquel ils participent. Sans même parler du jeu des alliances électorales entre deux tours, le scrutin majoritaire les plie à reconnaître la légitimité soi-disant démocratique d’élus qui écrasent les libertés réelles. Les plus sincères finissent digérés par le système qu’ils prétendaient combattre, ou bien démissionnent de leur parti. La croyance que l’on peut déléguer le changement que l’on souhaite à des élus annihile notre action sur le terrain social. La croyance qu’une tribune électorale pourrait changer les choses nous empêche de nous exprimer nous-mêmes. Tandis que le spectacle politique progresse, le droit de manifester, de se rassembler, de coller des affiches et de diffuser des journaux libres est de plus en plus réprimé. La croyance en la légitimité de la majorité à décider pour nous contribue à opprimer les minorités qui agissent réellement.

Ton raisonnement se dit inspiré par les expériences historiques, mais est-ce que tu penses à tous ces révolutionnaires qui sont morts pour obtenir ce droit de vote ? Ne pas user de ce droit, c’est mépriser leur mémoire !

En effet, des personnes sont mortes et meurent toujours pour obtenir le droit de décider de leurs vies. Lors des révolutions françaises, de la Commune de Paris, lors de la révolution russe, de la révolution allemande, de la révolution espagnole, au Mexique, dans les pays arabes… des comités d’habitants et de travailleurs se sont organisés par eux-mêmes. Lorsqu’ils désignaient des mandatés, ceux-ci devaient appliquer les décisions prises à la base, c’est ce qu’on appelle le mandat impératif. Ils étaient révocables, ils devaient rendre compte, et leurs mandats n’étaient pas professionnels, ils étaient tournants. Leurs assassins ont bien souvent été des élus, amenés au pouvoir par le vote représentatif, qui désigne des mandatés bien souvent professionnels, ayant carte blanche pour décider ce qu’ils veulent une fois élus, ne sont pas révocables avant la fin de leur mandat. Les comités de sans-culottes furent trahis par la Convention puis guillotinés par le Directoire. Les communards furent massacrés par les élus de la Troisième République naissante. Les spartakistes furent assassinés par le gouvernement social-démocrate. Les collectivistes de Catalogne furent désarmés par le gouvernement républicain et éxécutés par les staliniens. Aujourd’hui encore, les populations qui se révoltent, s’organisent et luttent contre les gouvernements dictatoriaux ou démocratiques sont réprimées par les gouvernements provisoires qui s’instituent sur leur dos en récupérant leur combat, en appelant au vote. La liste est effectivement longue des gens qui sont morts, tués par la droite ou la gauche au pouvoir, parce qu’ils défendaient leur droit de décider, de désigner des élus révocables, rendant compte, appliquant des mandats impératifs. Si tu souhaites rendre hommage à ces gens, et aux gens qui continuent de mourir pour avoir le droit de décider, évite donc de dire qu’ils sont morts pour avoir réclamé le droit d’élire des « représentants »…

Facile de critiquer, tu proposes quoi à la place ?

Que toi, moi, tous les gens qui le souhaitent, luttent en action directe, c’est-à-dire sans la médiation de représentants. Qu’ils s’organisent pour leurs luttes, mais aussi pour régler leurs problèmes concrets, le logement, la nourriture, les déplacements, en inventant des alternatives qui tiennent la route. Qu’ils fédèrent leurs luttes et leurs alternatives, sans se laisser berner par les aspirants au pouvoir d’Etat.

Mouais, tout ce que tu dis c’est peut-être valable à une petite échelle, genre la commune… mais à plus grande échelle, régionale par exemple, sans parler d’échelle nationale ou internationale ?

C’est tout aussi valable, c’est même indispensable si l’on souhaite que ces initiatives locales ne soient pas digérées ou réprimées par le pouvoir. Le réseau est bien plus pertinent qu’une lourde structure pyramidale et centralisée, qui au-delà de ses aspects éminemment répressifs et autoritaires, engendre d’immenses lourdeurs administratives. De nombreux exemples historiques, récents ou actuels, de luttes ou d’alternatives sociales, montrent que les gens sont tout à fait capables de s’organiser en assemblées à plus grande échelle, comme ces milliers de collectivités fédérées dans l’Espagne libertaire en 1936-1937. Les assemblées locales d’habitants, de travailleurs et d’usagers, peuvent se coordonner en mandatant des personnes pour porter leurs avis dans une assemblée plus large, où elles feront circuler les propositions face à telle ou telle situation, leurs expériences, leurs réflexions… L’organisation répond ainsi aux attentes de base, elle est bien plus apte à trouver des solutions. Les mandatés n’ont aucune légitimité à décider par eux-mêmes, ni à contraindre d’autres personnes à adopter des fonctionnements avec lesquels ils ne sont pas d’accord. Les mandatés sont révocables, tournent. L’idéalisme et l’utopie, c’est de croire que les mêmes lois devraient s’appliquer à tout le monde, y compris aux minorités, en réalité souvent la majorité, qui ne sont pas d’accord. Place à la créativité et à l’organisation issues de nos situations concrètes et réelles, par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Mais cela passe, quoi qu’on en dise, par la réappropriation sociale des moyens de production, d’échange et de distribution, pour les socialiser, c’est-à-dire décider de la nature et de la répartition de la production.

Des assemblées partout ? Il faudrait qu’on discute de tout, genre la taille des plaques d’égout ? J’ai pas envie de passer toute ma vie à discuter de tout et de n’importe quoi, les tâches techniques nécessitent des spécialistes !

Bien entendu, et rien n’empêche qu’autant de commissions se constituent, avec les gens intéressés pour les animer. Mais il est très différent de laisser carte blanche à des « spécialistes » qui  t’imposent leurs décisions, que de leur fixer des objectifs répondant aux besoins sociaux, d’exiger qu’ils rendent compte et d’avoir le pouvoir de les révoquer si tu estimes qu’ils font n’importe quoi. Par ailleurs, nombre de compétences et de « spécialités » sont issues du modèle productiviste de la division extrême du travail. Cela dit, les gens qui souhaitent se former sur tel ou tel type de connaissances et de savoir-faire doivent pouvoir le faire librement, et accéder aux commissions dans lesquelles ils ont envie de s’impliquer. Afin que les mandats tournent, et que le plus grand nombre possible de gens soit en mesure de peser les avantages et les inconvénients que présentent toute mise en oeuvre de technologies.

Oui mais comment on fait pour décider pour des infrastructures plus lourdes dont on a aussi besoin, comme les centrales nucléaires ou le train, et qui nécessitent une gestion plus centralisée ?

Les infrastructures que tu cites sont le résultat historique d’une organisation centraliste, capitaliste, très hiérarchisée de la société. Les centrales nucléaires en sont une bonne illustration, assez effrayante : issu du nucléaire militaire, le nucléaire dit civil est une technologie qui répond à un mode d’organisation social opaque, centralisé, autoritaire, sans même parler des dangers immenses du nucléaire ni du problème encore insoluble des déchets, si typique du système actuel qui s’inscrit dans une vision du profit et du court terme. Le nucléaire a été imposé aux populations. Même d’un simple point de vue technique, il signifie une immense déperdition d’énergie, le long de lignes à haute tension parcourant des centaines de kilomètres. Je pense qu’il faut démanteler les centrales nucléaires, mais aussi le monde productiviste et autoritaire qui va avec, pour relocaliser les besoins et les solutions énergétiques. Quant au train, son histoire s’inscrit elle aussi dans le développement du capitalisme le plus sauvage. Cela dit, son développement n’a pas répondu à une gestion centralisée : il ne faut pas oublier qu’à l’origine, les lignes de chemin de fer se sont développées, étendues puis connectées entre elles en réseau non du fait d’une autorité centrale d’Etat, mais du fait d’une multiplicité d’entreprises indépendantes.

Tout ça c’est bien joli, mais comment je fais concrètement pour m’impliquer dans des luttes et des alternatives ? Je vis seul, je bosse, et ce n’est pas facile de vous voir vu que vous ne vous présentez pas aux élections, même sur internet il n’y a pas grand chose… vous avez l’air d’un milieu un peu fermé.

Pourtant, de nombreuses luttes et alternatives concrètes existent près de chez toi, avec des gens comme toi et moi, qui pensent que plus on est de folles plus on rigole. Il suffit de lever les yeux de ton écran et de sortir un peu, au marché, dans les manifs et rassemblements, dans les collectifs qui luttent contre la répression, les collectifs antisexistes, les collectifs LGBT, les collectifs antifascistes, ceux qui luttent pour le droit au logement, qui soutiennent les migrants, les prisonniers… dans les associations paysannes, les échanges de savoir, la culture populaire, les modes de vie alternatifs… et pourquoi pas le syndicat actif de ta boîte ? Tu peux aussi créer ton propre collectif avec des proches ou des gens qui se sentent concernés par les mêmes choses que toi. Changer ta vie ne tombera pas du ciel et ne dépend que de toi. A condition de te faire plaisir et de ne pas tomber dans l’austérité militante, tu pourrais bien y prendre goût très vite !

Juanito, Pavillon Noir

[Poitiers] Repaire sur les élections municipales, 5 février 20h30 au Plan B

NdPN : le candidat Claeys affirme : « Notre adversaire, nous le connaissons, c’est l’abstention et ceux qui mettent en doute les valeurs républicaines », et la candidate Fraysse qualifie sa liste d’ « antidote à l’abstention » en faisant de la lutte contre ce phénomène sa priorité dans plusieurs articles. Nous anarchistes, contre le vote représentatif et pour l’abstention active par les alternatives et les luttes sociales directes, notons donc bien que nous sommes à leurs yeux des adversaires ou du poison, c’est au choix… Le repaire de demain au Plan B permettra peut-être de remettre les choses au point ?

Un vieux visuel datant de notre ancien site, mais toujours d’actualité !

Repaire de Là-bas si j’y suis sur les élections municipales à Poitiers

Le plan B – 30-32 bd du Grand cerf, Poitiers

Certains d’entre nous (individus majeurs, inscrits sur les listes, de nationalité française ou d’un pays de l’Union européenne, jouissant de ses droits politiques et civiques) vont avoir l’immense privilège de glisser une enveloppe dans l’urne pour… ? Pensez-vous qu’il vaille mieux planter ensemble des choux devant la mairie ou accomplir sereinement son devoir citoyen ? Venez en débattre ! Si vous voulez discuter des programmes, venez aussi !

Entrée libre

Vu sur Demosphere Poitiers et le site du bar Le Plan B

Sexistes, homophobes, transphobes, censeurs, intégristes, fascistes : hors de nos villes hors de nos vies !

Sexistes, homophobes, transphobes, censeurs, intégristes, fascistes : hors de nos villes hors de nos vies !

Dimanche 2 février 2014, « La manif pour tous » a donc redéfilé à Paris (entre 80.000 et 500.000 personnes) et à Lyon (entre 20.000 et 40.000). Ce n’est pas un hasard : ces manifs aux revendications nauséabondes interviennent une semaine après la manif « jour de colère » (en latin dies irae qui est aussi le nom, hasard ou pas, d’une organisation d’extrême-droite ayant déjà défrayé la chronique). Lors de cette précédente manif, des partisans de cette « manif pour tous » s’étaient déjà retrouvés à défiler auprès de fascistes prononçant des slogans antisémites et négationnistes.

Bien évidemment, des responsables religieux de diverses obédiences sont venues apporter leur soutien physique, montrant une fois de plus que sous leurs discours mielleux d’adhésion aux valeurs « républicaines », se cachent toujours le sexisme et l’homophobie les plus crasses. Le christianisme d’abord, encore et toujours, avec le pape François ayant récemment réitéré son rejet de l’avortement et du mariage homo, et l’offensive catholique en Espagne contre le droit à l’avortement. L’évêque homophobe Barbarin, qui compare l’homosexualité à une « invasion microbienne », a défilé en tête de cortège à Lyon. L’islam n’est pas en reste, avec une banderole  « Les musulmans français contre le mariage homosexuel », et le recteur de la Grande Mosquée de Lyon qui n’a pas hésité à rejoindre son homologue catho Barbarin. Reconnaissons aux représentants du judaïsme leur absence aux manifs cette fois-ci, mais n’oublions pas la tirade homophobe du Grand Rabbin de France, comparant l’homosexualité à un « cheval de Troie ».

Cette nouvelle édition de la « manif pour tous » a été alimentée par un certain nombre de rumeurs grotesques, largement diffusées sur internet (par exemple, la masturbation serait enseignée aux enfants à l’école). Ces rumeurs seraient risibles, si elles n’avaient pas manipulé un certain nombre de familles, au point d’inviter à un jour mensuel d’absence scolaire pour leurs enfants. Elles ont été lancées par divers groupuscules d’extrême-droite, notamment par Farida Belghoul, proche du fasciste Alain Soral et soutenue par les catholiques intégristes de Civitas et l’extrême-droite identitaire du Printemps français.

Les manifestants, femmes en rose et hommes en bleu histoire d’assumer les clichés les plus éculés, disent lutter contre la « familiphobie ». Pourtant, ils dénient le droit de vivre en paix aux enfants et aux parents constituant déjà des familles homoparentales, et n’ont pas manqué de réitérer leur opposition odieuse au mariage homosexuel et à la procréation médicalement assistée pour les couples de lesbiennes souhaitant concevoir un enfant (pour l’instant toujours obligées d’aller dans d’autres pays pour le faire). Leur sempiternel argument, ce serait la supériorité des familles hétérosexuelles quant à l’éducation des enfants. Ainsi l’inénarrable UMP Hervé Mariton : « Il y a un modèle familial : le père, la mère, et les enfants. C’est mieux pour les enfants, c’est mieux pour la société. » Ce genre de propos discriminatoire, à caractère homophobe manifeste, devrait théoriquement tomber sous le coup de la loi… loi hypocrite et inefficace comme toutes les lois, car à géométrie variable selon que vous serez puissant ou faible. L’horreur des discours homophobes relève encore, comme nous le verrons, de la « liberté d’expression »…

Dans la continuité de leur discours homophobe, les partisans de la « manif pour tous » condamnent les études de genre, qui avancent pourtant le constat scientifique, largement partagé par les sociologues et anthropologues, de la nature éminemment culturelle des rôles et comportements attachés aux sexes. Les réacs, peu enclins à débattre d’un constat scientifique, usent de rhétorique, en transformant les études de genre en une prétendue « théorie » du genre, qui serait imposée à l’école et à la société. C’est une façon d’attribuer à une évidence un caractère de spéculation théorique, de façon à la rendre contestable. Il faut dire que pour ces réacs, la réalité scientifique, c’est que Dieu a créé Eve à partir d’une côte d’Adam…

La seule « théorie » fumeuse et néfaste, c’est la théorie religieuse d’irréductibilité des genres, qui imprègne toute la société de ses préjugés sexistes sur les hommes et les femmes. Cette théorie, c’est la patriarcat, toujours aussi nocif, qui maintient les discriminations partout, au travail et au foyer, véhicule les clichés répugnants dans les médias et la publicité, étouffe les femmes sous l’infantilisation et le paternalisme, exerce une infinité de contraintes normatives quotidiennes sur la bonne attitude à observer quand on est née avec un clito; c’est le patriarcat, qui banalise le viol, la domination masculine.

Facile pour ces réacs de défiler « paisible et bon enfant », comme se plaisent à rapporter les médias complaisants, lorsque leurs idées sont déjà à l’oeuvre dans la société, et qu’ils n’ont rien à conquérir, juste un sinistre état des lieux à défendre ! Ce que ne supportent pas ces personnes, c’est qu’il y ait la moindre remise en cause de ces discriminations qu’ils voudraient maintenir comme normes sociales.

Ils veulent ainsi censurer « l’ABCD de l’égalité », un dispositif scolaire pour faire reculer les idées reçues sexistes et patriarcales sur ce que devraient être les « filles » et les « garçons », et les discriminations sexistes à l’école et au travail. Ce matériel pédagogique, dont la diffusion est prévue dans une dizaine d’académies, s’avère pourtant bien timide, se contentant de remettre en question certains clichés sexistes, sans pour autant remettre en question les prétendues « différences » entre les sexes. Mais c’en est déjà trop pour les partisans de la manif discrimination pour tous. Dans le même ordre d’idée, ils exigent la censure du rapport Lunacek remis à la commission européenne, qui ne fait lui aussi que demander à ce que cessent les discriminations sexistes, homophobes et transphobes. Dans le genre théorie du complot, ils évoquent un « lobby LGBT » aux manettes… Enfin, ils soutiennent la pétition de Citizengo, une association intégriste espagnole contre le droit à l’avortement, pour la censure à l’école du film Tomboy de Céline Sciamma, une oeuvre intelligente et sympathique sur les stéréotypes sexistes et l’identité de genre. Non seulement ils sont sexistes, mais l’expression artistique leur file des boutons !

Partout, la posture des porte-paroles réacs consiste à dénoncer de prétendues attaques contre leur « liberté d’expression », alors même que leurs revendications exigent la censure de textes, d’oeuvres ou de contenus scolaires ayant pour visée de réduire les discriminations et promouvoir davantage de liberté. Une porte-parole poitevine de la manif pour tous va jusqu’à dire, sans honte : « On est dans une société du prêt à penser et la Manif Pour Tous n’accepte pas un schéma de société prédéterminé. »

Nous voyons bien là l’impasse à laquelle mène ce terme fourre-tout de « liberté d’expression ». Est-il concevable d’appeler « liberté » la revendication d’un « droit » à discriminer les gens, selon leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ? D’appeler « liberté » la revendication de censurer des films et des animations pédagogiques contre les clichés sexistes ? Est-il concevable de nous laisser discriminer, insulter et réprimer pour des choix qui ne regardent que nous, au nom de la « liberté d’expression » de personnes qui voudraient censurer nos désirs, nos corps et nos vies ?

Nous pourrions choisir d’ignorer ces attaques patriarcales, sexistes, homophobes et transphobes, tant elles sont grotesques. De fait, les affiches de la « manif pour tous » assument tellement les stéréotypes sexistes qu’on pourrait se dire qu’il vaudrait mieux en rire, plutôt que d’en pleurer de honte pour eux :

Les différences garçons-filles sont innées et indiscutables : la preuve, on est sorti du bide de nos mères avec une épée ou une baguette magique, les cheveux courts ou longs, en robe ou en pantalon.
Les différences garçons-filles sont innées et indiscutables : la preuve, on est sorti du bide de nos mères avec une épée ou une baguette magique, les cheveux courts ou longs, en robe ou en pantalon.

Et les politicards alors ? Christine Boutin n’hésite plus à parler de rapprochement entre droite et extrême-droite, éventant ainsi un secret de Polichinelle… d’autant plus que de nombreux UMP ont défilé, une fois de plus, aux côtés de partisans du FN. Le problème, c’est que le gouvernement de « gauche » cède une fois de plus face à l’attaque des lobbys, bien réels quant à eux, de sexistes et d’homophobes, d’intégristes religieux et d’organisations fascisantes. C’est le même coup que nous refait la gauche au pouvoir, qui avait jugé qu’on pouvait débattre avec les homophobes à propos du mariage homosexuel, au nom de la « liberté d’expression ». Peillon se sent ainsi obligé de concéder aux réacs qu’il y aurait bien des différences entre hommes et femmes (« Corriger les clichés sexistes, ce n’est pas effacer les différences sexuelles. »). Il alimente la confusion en disant « refuser la théorie du genre »… bref, derrière le discours « égalité et « parité » entre les sexes, aucune remise en question assumée des genres imposés, qui sont pourtant au fondement du sexisme. Valls affirme quant à lui, pour la première fois au PS et alors même que la PMA n’est pas en projet, que le gouvernement n’est pas pour la PMA. Valls confirme ainsi les mensonges de Hollande, qui s’était dit à plusieurs reprises favorable à la PMA. Passons sur l’appel du sinistre de l’intérieur à un « sursaut de la gauche » et à la « défense des valeurs républicaines », alors même qu’il continue d’expulser et de réprimer les étrangers à tout-va, et stigmatise les femmes au prétexte qu’elles portent un voile (quoi qu’on pense du voile par ailleurs).

Tout cela s’inscrit dans un retour global des attaques sexistes contre les acquis féministes, comme la remise en cause du droit à l’avortement en Espagne, mais aussi en France avec la fermeture de centres IVG ou la baisse des subventions subie par de nombreux plannings familiaux. Nous n’avons donc rien à attendre, une fois de plus, de ces pseudo « représentants » politiques, dont la priorité manifeste est de maintenir leur place dans les ors du pouvoir. Pour cela, ces personnages cyniques n’hésitent pas à renoncer à leurs promesses, et à assumer « le dialogue » avec la haine sexiste, homophobe et transphobe, à défendre « l’écoute » vis-à-vis des partisans de la discrimination comme norme sociale.

Avis à tous les sexistes, homophobes, transphobes, politicards, fachos et intégristes de toute religion qui voudraient nous interdire de disposer librement de nos corps, de nous définir sexuellement comme nous l’entendons, d’aimer celles et ceux que nous aimons : on ne vous laissera pas nous marcher sur la gueule ! Hors de question de vous laisser banaliser dans la rue, au nom de la « liberté d’expression », vos atteintes verbales et physiques à nos libertés.

A toutes vos agressions, vos insultes, vos discriminations et vos manifs homophobes et sexistes « bon enfant », nous répondrons comme il se doit : coup pour coup !

Sans titre

Juanito, Pavillon Noir, 3 février 2014