Archives de catégorie : Écrits

[Israël] Sharon est mort

A 17 ans déjà, Sharon s’engage dans la Haganah, milice sioniste pendant le mandat britannique, qui sera au cœur de la constitution de l’armée israëlienne. Sa carrière militaire est fulgurante, du fait d’un caractère particulièrement belliqueux et de méthodes expéditives qui lui vaudront le surnom de « bulldozer ». Il devient capitaine, puis officier des services secrets en quelques années.

Ne se satisfaisant pas des ordres, il les outrepasse et monte sa propre unité de commandos, qui mène des opérations dans le no man’s land. Après le meurtre de deux femmes palestiniennes près d’un puits (selon Benziman), et une réplique jordanienne, iI est nommé chef de la première unité spéciale, l’unité 101 des commandos, pour laquelle il abandonne ses études. Il participe activement au massacre de Qibya en Cisjordanie en 1953, où 70 villageois civils palestiniens ont été exécutés (dont nombre d’enfants).

La sinistre unité 101 rejoint alors les unités parachutistes, dont il prend le commandement pour des dizaines d’opérations commandos, notamment à Gaza en 1969. Il se distingue par son indiscipline lors de la guerre du Sinaï en 1956, en outrepassant les ordres en matière de bellicisme. C’est aussi lui qui décide contre sa hiérarchie, en 1973, de franchir le canal de Suez pour encercler l’armée égyptienne.

La même année, il cofonde le Likoud, parti d’extrême-droite ultranationaliste. Il échoue à en prendre le pouvoir et fonde son propre parti, prônant la colonisation (en 1974, il participe à l’occupation illégale de Naplouse avec des colons). Il rejoint néanmoins le Likoud en 1977 quand celui-ci prend le pouvoir. Son aura militaire, qui fait peur au premier ministre lui-même, lui permet d’être nommé ministre de l’Agriculture. Sharon va alors lancer la vague de colonisation israëlienne en Cisjordanie (opérations Jumbo, Judée et Samarie ou Meteor). Il ne cessera d’en être l’un des défenseurs les plus acharnés, malgré les nombreuses condamnations internationales.

Devenu ministre de la Défense, son but est de réaliser la domination d’Israël sur toute la région et d’écraser définitivement la résistance palestinienne. Il fait brutalement évacuer le Sinaï, et met en oeuvre l’invasion du Liban en 1982, en perpétrant des opérations sanglantes, mettant son propre gouvernement devant le fait accompli. Son nom reste à jamais lié au massacre des camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth,  avec les alliés d’Israël phalangistes chrétiens libanais. Ce massacre sera qualifié de crime génocidaire à l’assemblée de l’ONU.

Son opération meurtrière au Liban échouera néanmoins à éliminer Yasser Arafat (chef de l’OLP). Sharon ne cessera de regretter cet échec et de souhaiter la mort d’Arafat. Quand celle-ci intervient, nombre de Palestiniens soupçonneront Sharon d’en être responsable, par empoisonnement.

De plus, suite à une manifestation de plus de 400.000 Israëliens, s’opposant courageusement à son pouvoir belliciste, et suite à la reconnaissance de sa responsabilité dans le massacre par une commission d’enquête mandatée par la Cour Suprême, il est contraint de se retirer quelque temps de la scène politique, avant de redevenir ministre dans plusieurs postes, tout au long des années 1990, où il adopte une stratégie de négociation avec les Palestiniens… tout en ne cessant d’encourager activement la poursuite de la colonisation.

En 1999, Sharon devient dirigeant du Likoud. Il participe au déclenchement de la deuxième Intifada en provoquant les Palestiniens sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est. Les violences terrorisent les Israéliens, et son programme électoral « anti-terroriste » le porte au pouvoir suprême en 2001 : il devient premier ministre.

Il réprime impitoyablement le soulèvement palestinien, et se rapproche du sinistre président américain George W. Bush, dans une « guerre contre le terrorisme ». L’opération Rempart fait occuper de nombreuses villes de Cisjordanie. A partir de décembre 2001, Sharon assiège avec ses tanks Arafat, traité de « Ben Laden ». Arafat, réfugié dans son quartier général de Ramallah, malade, n’en sortira plus que pour aller mourir en France. Sharon lance aussi la construction du « mur de la honte » en Cisjordanie, en outrepassant la ligne verte et en englobant des colonies israëliennes. Dans le même temps, des femmes juives immigrées éthiopiennes sont stérilisées contre leur gré, sous le prétexte d’un « vaccin ».

S’il désengage Gaza de 8000 colons (prétexte qui permet aux hommes d’Etat de saluer aujourd’hui sa mémoire, en occultant tout le reste), c’est (de son propre aveu !) pour « délester Israël d’un million et demi de Palestiniens »… Surtout, Sharon désengage Gaza de façon unilatérale, refusant de négocier quoi que ce soit avec les Palestiniens… souhaitant ainsi briser toute possibilité de reconnaissance d’un Etat palestinien par Israël. Cela lui permet aussi de valider l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par 450.000 colons, qu’il n’aura jamais cessé de défendre. Obnubilé par une démographie juive (il considère qu’il y a trop d’Arabes en Israël), il démarche les communautés pratiquant le judaïsme à travers le monde entier, notamment en France, en Afrique du sud et en Argentine, afin qu’elles quittent leurs pays pour s’installer en Israël.

Face aux protestations du Likoud, il abandonne le parti en 2005 pour fonder Kadima, mais tombe en 2006 dans un coma provoqué par une attaque cérébrale. Il n’en reviendra pas. Le financement opaque de ses campagnes électorales précédentes au sein du Likoud vaudra une peine de prison à son fils. L’extrême-droite israëlienne, désormais bien installée, n’évoquera plus le nom de Sharon que comme celui qui aura désengagé Gaza.

Ariel Sharon est mort hier le 11 janvier, à 85 ans, après huit ans de coma. Des hommes et femmes d’Etat du monde entier (en France, Hollande et Copé par exemple) lui rendent un hommage éhonté, et Ban le secrétaire de l’ONU évoque son « courage politique ». Tandis que le monde est abreuvé de ces discours donnant envie de vomir, les habitant.e.s du camp de Chatila font la fête. Pour eux et tant de Palestiniens, Sharon est un criminel impuni.

Pour nous, cet assassin n’aura été qu’un homme d’Etat, dans toute son horreur. Un artisan acharné de la haine, enfermant les individus dans des communautés pour mieux les diviser. L’impunité et la complaisance dont sa mémoire bénéficie aujourd’hui de la part de tant d’autres hommes d’Etat nous le confirme.

J., Pavillon Noir, 12 janvier 2014

[Pressac – 86] Village flottant : et un projet inutile et coûteux de plus !

Un « village flottant » à Pressac : encore un projet « touristique » qui va défigurer un beau lieu tranquille (l’étang du Ponteil), et qui sera inutile et coûteux. Avec des aménagements financés comme il se doit par du pognon public (dont 500.000 euros par le conseil général). Et ce, pour le profit d’une société capitaliste de plus dont le directeur n’est autre que l’ex-directeur délégué de Pierre&Vacances – le groupe qui va tirer profit du fameux Center Parcs, lui aussi biberonné à l’argent public (voir nos articles précédents à ce sujet). A 130 euros la nuitée pour un couple, le projet n’est pas franchement destiné aux habitant.e.s du coin, dont la plupart ne roulent guère sur l’or ! Comme d’habitude, l’argument bidon de l’emploi est censé couper court à toute critique. Rendons-nous compte : SEPT emplois en tout, et sans doute fort exaltants…

Image tirée du film The Isle de Ki-Duk Kim : misère et détresse du personnage de Hee-Jin, trimant dans un village flottant.
Image tirée du film The Isle de Ki-Duk Kim : misère et détresse du personnage de Hee-Jin, trimant dans un village flottant.

Pavillon Noir

[Poitiers] Le « tweet » numérique, avatar de la misère politique

Citations consternantes des communicants d’aspirant.e.s au pouvoir municipal, aujourd’hui dans la Nouvelle République, à propos du « tweet »… à l’image de la misère politique actuelle, où la petite phrase bidon balourdée sur les écrans remplace le lien social réel et passe pour un « outil de débat » (lol) :

« Nous retransmettons également les événements en direct comme pour les conférences de presse sur les transports publics et la culture », explique Hugo Ferrer, directeur de campagne de Jacqueline Daigre, candidate UMP à la mairie de Poitiers. « L’avantage, c’est que nous pouvons être sollicités directement et répondre avec proximité et dans l’instant », ajoute Maxime Huille, directeur de campagne de Christiane Fraysse, candidate d’Europe Écologie Les Verts. « On retrouve une notion de proximité à travers les réseaux », confirme à son tour Matthieu Boisson, responsable de la communication de la campagne d’Éric Duboc, candidat centriste au siège de la ville.
La plateforme de discussion est aussi et surtout utilisée pour débattre, pour apporter des réponses précises et mettre rapidement fin à des idées fausses. « C’est tout de même important d’être présent pour faire passer des messages et être dans la vérité », ajoute François Blanchard, militant socialiste, soutien au maire actuel Alain Claeys qui brigue un second mandat.

NB : Pour une fois, même si on est pas du tout d’accord politiquement avec lui et qu’on ne sait pas ce que signifie un quartier « populaire », soulignons tout de même la position différente de Ludovic Gaillard (candidat LO qui n’a pas de compte sur les réseaux dits « sociaux ») : « Je préfère aller directement dans les quartiers populaires ».

Pavillon Noir

[Poitiers] Cirque électoral, c’est parti…

Nous avions évité jusqu’ici d’évoquer ce consternant sujet des élections, désormais quotidien dans les médias locaux, car pour nous la lutte est quotidienne, et le monde ne se change pas en désignant des gens pour décider à notre place. D’autant plus quand il s’agit de mandats représentatifs, ayant carte blanche pour décider pendant une période fixe, et irrévocables. Mais face au déferlement de propagande électoraliste dans les médias et dans l’espace public, une petite mise au point s’impose.

Désigner quel candidat/e, pour quel programme qu’il/elle ne sera de toute façon pas tenu.e d’appliquer ?

Pour la droite libérale, les candidat.e.s en lice pour les municipales 2014 à Poitiers sont donc un prof de fac (PS rallié par le PCF), qui se flatte de porter plainte contre le moindre tag et de ne pas laisser passer un seul délit, et donc on n’évoquera pas une énième fois ici le sinistre bilan de gentrification de Poitiers ; toujours à droite, une profession libérale cadre sup UMP pour la vidéosurveillance dans les rues de Poitiers et d’autres propositions pathétiques telles qu’un festival des lumières ; un chef d’entreprise « centriste » lui aussi pour la vidéosurveillance, pour la promotion de cette fameuse « économie numérique » reléguant Big Brother au placard des ringards, et un projet fumeux de téléphérique urbain « Aerolis » ; et bien sûr, dans le rôle du FN bien nauséabond, un ancien flic à la retraite qui appelle à la « tolérance zéro » contre les « marginaux », entre autres indésirables (le « communautarisme » a bon dos…).

Quant aux listes que l’on peut encore qualifier de « gauche », des camarades auprès desquel.le.s nous luttons nous déclarent parfois qu’ils vont voter pour elles. Voyons cela. Nous avons donc un prof, qui se dit pour « la planification de la société » et qui se présente pour LO, un parti aspirant à la dictature « du » (sur le ?) prolétariat. Ce parti léniniste aux relents autoritaires n’a pourtant rien d’anticapitaliste : il se contente de parler de hausse de salaires, de taxation du capital et de publication des comptes d’entreprise… mais pas d’abolition du salariat ni de l’Etat, au pouvoir duquel il aspire.

Nous avons aussi une inspectrice des finances publiques pour une liste « rouges-verts » hétéroclite idéologiquement. Elle est adhérente à l’inénarrable organisation « écologiste » EELV toujours au gouvernement, dont on ne compte plus les renoncements dégueulasses. Candidate qui ne parle guère d’anticapitalisme, mais veut « redonner l’envie de voter et de lutter contre l’abstention ».

Mettre un bulletin dans l’urne dans le cadre d’un système représentativiste, c’est cautionner la dépossession politique, l’irrévocabilité des mandatés et le non-contrôle des mandats. Camarades, vous qui pour la plupart vous dites pour une « démocratie directe », acceptez-vous cela ? Pour nous, il n’est pas question de donner blanc seing à quiconque prétendrait nous représenter, ni de passer par l’intermédiaire d’une structure autoritaire accaparant les décisions. Ce n’est pas une question d’attitude « extrémiste », « puriste » ou « irréaliste » (nous avons l’habitude des qualificatifs sympathiques), mais de réalisme et de bon sens. Pour lutter contre la dépossession économique, le premier des gestes politiques est de ne pas cautionner la dépossession politique, ni la sienne… ni celle des autres. Camarades, voter n’est pas seulement inutile, voter ne valide pas seulement la dépossession et la déresponsabilisation collective qui sont au fondement du capitalisme. Voter, c’est donner du poids à la pseudo-légitimité du pouvoir politique, c’est cautionner l’asservissement de celles et ceux qui n’ont pas voté comme vous, et de celles et ceux qui comme nous se passeraient volontiers de  représentant.e.s et de chefs et en avons marre de nous faire réprimer la gueule par les élu.e.s « démocratiques » qui nous envoient leurs flics et leurs juges.

Le vote n’a jamais rien apporté dans l’histoire des droits sociaux. C’est peut-être triste de devoir encore rappeler cette évidence historique à des militant.e.s sincères, mais les droits sociaux n’ont été conquis que par les luttes débordant les partis et les bureaucraties syndicales, jamais dans l’enceinte de parlements nationaux ou locaux. Alternatives réelles et luttes contre toute forme de domination ont toujours passé, passent et passeront toujours par l’organisation autonome, libre et vivante des opprimé.e.s et exploité.e.s. Ici et maintenant, à rebours de toute prétention aussi grotesque que dangereuse des politiciens à gouverner, guider, diriger, planifier pour les autres. Ne représentons que nous-mêmes : nous n’avons besoin d’aucun.e élu.e pour nous organiser. Refusons à quiconque la pseudo-légitimité de nous plier à des décisions qui ne sont pas les nôtres.

Pas d’élu.e.s, des luttes !

Pavillon Noir, 10 janvier 2014

[Poitiers] Le sinistre du travail dénigre les syndicalistes de Goodyear et rend visite à Vinci

Le Parti « Socialiste » n’en finit plus de se comporter en larbin du capitalisme le plus abject. Michel Sapin, ministre du travail, a exprimé une condamnation ce matin, sur France-Inter, des salariés de Goodyear ayant séquestré leurs dirigeants. Actes qu’il qualifie d’ « illégaux » et d’ « atteintes aux personnes » « dégradantes pour l’image humaine ». Cette déclaration répond sans doute à l’énième provocation de l’odieux patron de Titan International Maurice Taylor, qui venait justement d’inviter le gouvernement français à se positionner en des termes pétris d’un mépris de classe puant :

« Aux États-Unis, on appellerait ça un kidnapping. Ces gens seraient  arrêtés et poursuivis. C’est un crime très sérieux, vous risquez la  prison à vie. Mais en France, votre gouvernement ne fait rien, ça paraît  fou« . « Pourquoi ne vont-ils pas masqués, faire un hold-up dans une série de banques françaises? Ainsi, ils pourraient racheter Goodyear. Ils sont fous. « 

Le monsieur est connu pour ses déclarations hallucinantes contre des salariés syndiqués à la CGT (ultra-majoritaire à l’usine Goodyear), qui avaient souhaité le rencontrer mais qu’il avait refusé de voir, les traitant de « fous », de « timbrés », de « barjots du syndicat communiste » et de « stupides ». Le même PDG de Titan avait déjà adressé cette déclaration au ministre Montebourg :

« Titan va acheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins d’un euro l’heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin. Vous pouvez garder les soi-disant ouvriers. Titan n’est pas intéressé par l’usine d’Amiens nord. »

Face à cette déclaration de guerre, opposant 1173 salariés jetés comme des détritus et insultés, ayant perdu 14 requêtes en justice, à un capitaliste de l’espèce la plus décomplexée… les ministres « socialistes » adoptent donc une posture de fidèles toutous du capital. Moscovici avait déjà parlé de « baisse des charges salariales » pour faire plaisir aux saigneurs du fric, Montebourg a condamné fermement avant-hier les syndicalistes, voici Sapin qui surenchérit. Elle est où la violence ? De quel côté, sinon de celui du Capital, et de l’Etat ? Au moins les choses sont claires.

Sapin qui s’indigne de la « violence » des salariés et se demande « pourquoi on est arrivé là », ferait peut-être bien de se méfier : face à ce mépris des salariés, il pourrait bien pousser d’autres velléités de séquestration et d’action directe aux prolos de ce pays, bien au-delà de quelques usines.

Mise à jour : heureux hasard… juste après avoir rédigé cet article, nous apprenons sur le site de la Nouvelle République que Michel Sapin se rendra lundi prochain à Poitiers. Evidemment pas pour rendre visite aux prolos jetés par leurs patrons, non, le monsieur ira faire risette avec ses copains de Vinci, parler « emploi » et « formation » au siège de Cosea, filiale de la multinationale à la tête du chantier de la LGV Tours-Bordeaux.

Pavillon Noir, 9 janvier 2013