Archives de catégorie : Écrits

[Poitiers] Municipale 2014, pour une ville plus « lis »

Dans la série grands travaux inutiles pour relancer la machine du profit et transformer un peu plus le paysage du centre-ville en mauvais rêve, le candidat « centriste » aux prochaines municipales de Poitiers a eu une riche idée, présentée aujourd’hui dans la NR.

Après Vitalis (pour rendre la vie plus lisse) et Otolis (pour rendre l’autonomie plus lisse), voici le projet Aérolis ! Eric Duboc (du centre lisse ?), propose la construction d’un téléphérique, qui relierait les Couronneries au centre-ville. Ni plus ni moins ! Voilà un bon timing dans les déclarations, qui cadre bien avec l’installation des décorations hivernales dans le centre pictave, transformé comme chaque année en station de sport d’hiver consumériste.

Le monsieur dit que ce serait écolo, économique et pas forcément inesthétique. Mais « économique » pour qui ? Surtout quand on sait que la candidate Desbourdes (NPA), propose quant à elle une façon autrement plus sympathique de rendre l’argent public à la population, en proposant la gratuité des transports.

Selon la NR, le candidat centriste reprend « l’idée chère à l’agent immobilier Pierre Paquet ». Voilà déjà une première indication précieuse. Mais c’est ledit Duboc, diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Poitiers, qui nous révèle lui-même ses sympathies au grand jour, en expliquant en quoi consiste selon lui le « vivre ensemble »  :

« Il faut réinventer le « Vivre Ensemble ». Un téléphérique permettra le décloisonnement et dynamisera le commerce en centre-ville. »

Le slogan de campagne de Duboc est « Notre parti, c’est Poitiers ». Pour être plus juste, il aurait fallu dire « Notre Parti, c’est [celui des bons bourgeois] de Poitiers ». Mais nous sommes en « démocratie » n’est-ce pas ? Et tout candidat qui se respecte doit bien se plier à l’exercice d’essayer d’attirer les voix, au-delà des rangs des minorités qui s’empiffrent sur notre dos…

Juanito, groupe Pavillon Noir

[LGV Tours-Bordeaux] Train-train capitaliste, de la Crêche à La Folie

Après un article il y a quelques jours sur le calvaire d’habitant-e-s résidant le long du tracé de la ligne à grande vitesse en construction, de nouvelles infos paraissent ce jour-ci dans la NR sur ce chantier pharaonique.

Six poutres de 20 mètres de long et de 31 tonnes chacune, fabriquées à La Crêche (dans les Deux-Sèvres), ont été posées hier dans le cadre de l’aménagement de l’Estacade de La Folie, au-dessus de la rue de la Poupinière à Poitiers.

On apprend par ailleurs que le cours d’eau du Palais a été dévié – comme il est prévu « d’aménager » douze autres cours d’eau dans la Vienne. A cette occasion, la NR nous apprend les méthodes utilisées pour déplacer les espèces aquatiques :

La technique utilisée est la galvanonarcose, terme un peu barbare qui désigne la pêche électrique. Les sept pêcheurs remontent le cours d’eau équipés d’une épuisette électrique, l’électrode plongée dans l’eau étourdit le poisson, qui une fois récupéré, est transporté dans le cours d’eau définitif.
Étienne Béguin, technicien de la fédération, explique : « Nous trouvons plusieurs espèces de poissons, des chabots, loches franches, vairons, chevesnes, goujons, voire même des truites, toute l’opération sera faite en une journée ». Il restera alors à supprimer le débit de la dérivation, pomper et collecter les derniers poissons, batraciens et mollusques.
Au-delà du cours d’eau, une dernière opération consistera à déplacer les amphibiens, les reptiles (couleuvres) et des micromammifères comme des campagnols, avant de combler et réaliser le remblai final. Le nouveau tronçon bordé de plantations, retrouvera son aspect définitif au début du printemps.
Tout ce petit monde transféré dans son nouvel environnement coulera des jours, heureux… comme un poisson dans l’eau !

Ou comment claquer des millions d’euros pour faire gagner quelques minutes de voyage en train, en transformant les territoires traversés en cauchemar digne d’un ouvrage de science-fiction. Le profit capitaliste de quelques-uns est à ce prix…

Juanito, Pavillon Noir

[Poitiers] Socialisation du théâtre : l’impasse institutionnelle

NdPN : ci-dessous et paru aujourd’hui, un article de la NR aux conclusions aussi consternantes qu’hélas prévisibles. Si nombre de Poitevin-e-s se sont mobilisé-e-s contre la privatisation des locaux de l’ancien Théâtre de la place d’armes, force est de constater que lesdits modes de mobilisation auront conduit le mouvement dans une impasse. Peut-être bien parce que revendiquer qu’un lieu demeure ou devienne « public », c’est-à-dire soit en gestion institutionnelle, ne saurait être compatible avec une socialisation réelle. Face à la machine institutionnelle représentative, quel poids peut bien peser une pétition à des élu-e-s ayant déjà pris le parti de l’autorité et du fric ? Quel poids peut donc peser une opposition isolée à un quelconque conseil municipal ? Et le conseil municipal de renvoyer, cynique, les derniers opposant-e-s à une procédure en justice, perdue d’avance… Socialiser l’espace qui appartient à tou-te-s, cela signifie se donner les moyens de l’occuper réellement, sans médiation de pseudo-représentant-e-s qui décideraient ce qui devrait être « privé » ou « public ». Squatter pour instaurer un rapport de force peut s’avérer gagnant pour faire avancer les choses, à condition d’une mobilisation collective claire dans ce sens, faute de quoi la répression s’abat vite (problème bien connu sur Poitiers, lorsque les anti-autoritaires se retrouvent souvent seul-e-s à tenter d’ouvrir des squats). Encore faudrait-il que les militant-e-s de partis qui n’envisagent l’opposition que par des canaux institutionnels et affichant eux et elles-mêmes une stratégie ou une ambition électoraliste, franchissent le pas vers une réappropriation sociale réelle. Qu’il s’agisse de trouver des lieux pour habiter, se retrouver politiquement ou créativement, l’avenir ne peut être qu’à la prise de possession sociale directe des lieux. Faute de construire cette force offensive, la seule indignation contre la gestionnite capitaliste gangrénant tous les espaces de vie ne peut donner lieu qu’à un spectacle stérile et décourageant.

Ancien théâtre :  » Portez plainte ! « 

A travers le dossier Unesco, le devenir et la vente de l’ancien théâtre sont revenus sur le devant de la scène. En présence de quelques membres du collectif de défense de l’édifice et avec pour inlassable avocate, Maryse Desbourdes (NPA). Celle-ci a demandé « l’annulation de la délibération du 23 septembre, le classement du théâtre au titre des Monuments historiques et une concertation pour redonner à ce lieu son rôle culturel au centre-ville de Poitiers ». Elle sera la seule à voter contre la délibération.

Un plafond de 500.000 € à construire

Sans exprimer d’opposition à la candidature de la Ville au patrimoine de l’Unesco, Christiane Fraysse (Europe écologie les Verts) a de nouveau marqué son attachement au théâtre « qui n’a pas un caractère exceptionnel mais de témoignage ». Un avis que semble partager Jean-Marie Comte (PS) : « J’aime beaucoup le bâtiment de l’ancien théâtre mais il faut savoir le comparer avec d’autres monuments de Poitiers. Le caractère de sa valeur reste à prouver. Il ne sera pas détruit ». Une promesse réitérée par Bernard Cornu (PS) qui parle d’une « façade très peu modifiée ». Serge Rouquette (centriste) s’étonne que les deux pavillons vétustes Gaston-Hullin sur le site de Pasteur aient été vendus à la Ville pour 2 200 000 € afin de construire un Ehpad alors que France Domaine a évalué l’ancien théâtre à 435.000 € Bernard Cornu ne cache pas sa colère contre « cette suspicion intolérable qui est lancée ». Il explique que l’acheteur devra effectuer des travaux conséquents dont la réalisation du plafond isolé de la future salle d’art visuel (montant : 500.000 €). « La mise en concurrence a été très ouverte, le dossier suivi avec sérieux, le calendrier respecté et le projet voté largement. En aucune façon, on ne pourrait dire qu’on a bradé l’intérêt des Poitevins ! », s’enflamme-t-il. Alain Claeys reproche à Serge Rouquette ses propos : « Je n’accepte pas la moindre suspicion sur les services de l’État, les services municipaux. Vous avez une solution : portez plainte contre l’État et contre l’estimation ». Aurélien Tricot (PS) ne dit pas autrement : « Je suis consterné que, dans cette période instable, des Républicains participent de cette suspicion. Toutes les explications ont été données. Maintenant adressez-vous à la justice ! »

Marie-Catherine Bernard, Nouvelle République, 19 novembre 2011

[Poitiers] BI : Instruction toujours en cours

NdPN : pour info, voir la dépêche et l’article NR ci-dessous. Nous ne comptons évidemment pas sur les juges pour contrecarrer les actions des groupuscules fascisants, qui auraient plutôt tendance à se réjouir à chaque fois que les médias et le pouvoir mettent leurs gesticulations sur le devant de la scène de la décomposition sociale. Voir d’ailleurs à ce sujet la nouvelle tribune offerte par la NR au Front National… dont la tête de liste est sans surprise un ancien flic. Seule la construction d’une véritable force sociale en vue de renverser l’Etat, les classes et les genres, peut être capable de faire reculer les discours racistes, sexistes et LGBT-phobes qui ne font le jeu que des dominants.

86 –  Poitiers: la justice valide l’instruction sur la mosquée

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers a rejeté les demandes de nullités présentées par les avocats des quatre militants de Génération identitaire mis en examen après avoir envahi la mosquée de Poitiers en octobre 2012. Les avocats contestaient la légalité des garde à vue ainsi que les trois chefs de mise en examen retenus. L’instruction en cours peut donc suivre son cours. Elle pourrait déboucher sur de nouvelles mises en examen.

Nouvelle République, 13 novembre 2013

La justice valide la procédure sur la mosquée

Poitiers.  La procédure judiciaire lancée après l’envahissement de la mosquée  par les Identitaires a été validée par la justice. Les nullités ont été rejetées.

Pas de victoire sur tapis vert. Après un petit mois de réflexion, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers a validé la procédure judiciaire lancée contre les Identitaires qui avaient envahi le toit de la mosquée en octobre 2012. Un coup d’éclat médiatique suivi par la mise en examen de quatre des organisateurs supposés de l’opération.

De nouvelle mises en examens seraient dans les tuyaux. Mais leur concrétisation était en suspens dans l’attente de la décision de la chambre de l’instruction. Le monde judiciaire attendait de savoir si, oui ou non, les magistrats allaient valider la procédure. C’est chose faite. Le détail de l’argumentaire retenu ne sera connu qu’aujourd’hui. La décision devait être rendue mardi, mais la notification peut prendre plusieurs jours. Les avocats doivent récupérer aujourd’hui l’arrêt rendu et se pencher sur ses motivations. Les avocats des quatre militants de Génération identitaire mis en examen avaient défendu, le 15 octobre dernier, la nullité des gardes à vue, et celle des chefs de mise en examen. Le point le plus discuté concernait la manifestation non déclarée aux autorités. Le fait de pénétrer dans une propriété privée et de monter sur le toit d’un édifice privé était-il compatible avec la notion de manifestation sur la voie publique ? La cour devait aussi se pencher sur les slogans proférés pour dire s’ils étaient bien assimilables à une provocation à la haine raciale et religieuse. Le troisième point concernait les tapis de prière : les transporter du rez-de-chaussée au toit en les piétinant sous la pluie relevait-t-il du vol et de la dégradation ?

Emmanuel Coupaye, Nouvelle République, 14 novembre 2013

Sur le texte « Pour un réseau Communiste anti-gestionnaire »

NdPN : un texte est actuellement diffusé sur internet, dont nous partageons la plupart des observations (voir plus bas). Nos lecteur-ice-s ne trouveront sans doute rien d’étonnant à cela, car nous diffusons sur ce blog depuis un certain temps les petits topos très bien faits du site Tanquil, en particulier en matière d’économie politique.

Avec une note critique toute fois sur ce que les auteurs de ce texte nomment « l’autogestion de la misère », qualifiée de « tactique de survie ». Nous ne critiquerons pas ici les camarades de Tantquil, mais tenions à mettre quelques points sur les i. On peut en effet retrouver là une critique – à peine voilée – de l’autogestion, classique d’une certaine gauche radicale, souvent marxiste de formation, visant à attaquer l’anarchisme, et qui redevient assez branchouille chez les « radicaux ». Or le mot même d’autogestion est une invention post-68, venant historiquement de cette même gauche radicale, qui n’est pas à une tartufferie près. S’ils et elles reprennent parfois à leur compte ce mot ambigu,  les anarchistes n’ont jamais prôné l’autogestion d’ilôts de débrouille, mais le fédéralisme et la gestion directe ! Non pas du capitalisme bien sûr, ni de l’argent, mais la socialisation des moyens de production, d’échange et de distribution. Socialisation nous semblant à notre sens plus pertinent que le terme  de communisme, que nous apprécions mais qui présente parfois historiquement, et hélas aujourd’hui encore, quelques fâcheuses ambiguïtés.

L’autre problème avec cette critique de l’autogestion (et ici, de la « gestion » tout court), est l’ambiguïté sur la notion de gestion, critiquée sans nuances. Or la perspective « antigestionnaire » de cette gauche radicale précise ici et là que sa critique porte sur une gestion du capitalisme, point sur lequel nous ne pouvons qu’être en accord… mais elle élude en revanche la question (pourtant cruciale) de la décision sociale sur les moyens de production futurs répondant aux besoins sociaux. Or qu’on le veuille ou non, il s’agira bien de gestion. Par une élite révolutionnaire théoricienne, ou par les travailleur-euse-s et les habitant-e-s elles et eux-mêmes ? Si nous sommes clairement pour la seconde option, nous avons parfois des doutes sur l’option vers laquelle penche une certaine partie de la gauche radicale. Le discours contre l’autogestion peut paraître ultra-subversif, mais quand il se double d’une critique idéologique systématique et par principe du syndicalisme (c’est-à-dire l’organisation de classe par et pour les travailleur-euse-s), ou une critique du faire par soi-même, et quand ne se dessinent derrière que des appels à une ligne théorique forte (« communisation » ou autre fumeux concept n’intéressant que des intellos universitaires), voire à des références à un parti (fût-il conseilliste ou « imaginaire »), il y a de quoi avoir de gros doutes sur la sincérité révolutionnaire de ces théoriciens, de laisser les êtres humains gérer eux et elles-mêmes leurs affaires.

Certes, les alternatives en actes ne mènent à rien sans perspectives révolutionnaires : elles sont récupérées et digérées par le capitalisme, voire lui permettent de pallier les destructions qu’il engendre en les faisant assumer par ses victimes. Nous savons aussi que des alternatives qui s’organisent en force pour peser dans la lutte sociale sont trop souvent réprimées. Néanmoins, à notre sens, aucune perspective révolutionnaire ne peut être crédible sans la mise en œuvre, ici et maintenant, d’alternatives de vie qui soient aussi des alternatives de lutte, participant à la construction d’une dynamique révolutionnaire, non chacune dans son coin, mais en se fédérant librement tant dans la production que dans la lutte sociale.

Non seulement parce que ces alternatives de vie pourvoient effectivement à une partie de nos besoins, ni parce que leur exemplarité vaut bien tous les discours théoriciens les plus abscons (les actes montrent bien mieux que les analyses notre capacité à nous organiser sans chefs pour pourvoir à nos besoins, et encouragent bien mieux à nous rejoindre que les productions théoriques les plus « radicales »), mais aussi parce qu’elles nous entraînent ici et maintenant à l’objectif de réappropriation de nos vies.

Nous ne considérons pas la révolution uniquement comme un brusque basculement historique d’expropriation générale des moyens de production, mais comme une dynamique permanente de socialisation, de présence offensive et de réappropriation dans toutes les dimensions de la vie individuelle et sociale. La radicalité ne se situe pas dans le discours, mais dans le fait de nous réapproprier une dynamique de lutte et de socialisation. Radicalité ? Aller à la « racine » des choses c’est combattre notre absence, notre aliénation, en opposant à tous les agents de la dépossession individuelle et sociale une présence offensive, qui n’attend ni les analyses théoriciennes ni le grand soir pour s’affirmer comme force.

Pour un réseau « Communiste anti-gestionnaire »

Le collectif tantquil, son site Internet et sa revue, a déjà deux ans. Ces deux années à développer des analyses abordables, à réunir des personnes issues notamment de divers courants communistes et/ou libertaires, autour de discussions et de débats publics nous poussent aujourd’hui à franchir un pas. Parce que nous sommes face aux mêmes limites et aux mêmes nécessités (la difficulté de lutter. La nécessité de parler de tactique. La nécessité d’exister, d’avoir une expression publique). Nous proposons de constituer un réseau.

Nous n’entendons pas mettre en avant des pratiques particulières, des formes de luttes spécifiques, il s’agit de mettre nos forces en commun : mettre en commun de la thune, partager nos analyses et informations, parler de nos tactiques locales, le tout à une échelle plus large que ce qui existe actuellement, mais aussi dans des cadres formels.

Bien sûr, il existe déjà des formes de réseaux, souvent basés sur des logiques de milieux, c’est-à-dire informelles et  affinitaires. Mais cela ne nous satisfait pas. En effet, cela favorise des mécanismes de cooptation, enferme dans un entresoi confortable, limite fortement les possibilités d’ouvertures… Bref, participe souvent à exclure les personnes qui ne correspondent pas à un certain modèle militant ce qui est mine de rien, une contradiction importante par rapport à nos positions !

Bon, on ne dit pas que l’on va régler toutes ces questions juste en montant un réseau, mais cette formalisation permet de poser ces questions et de tenter d’y répondre ensemble et en actes.

Si nous voulons former ce réseau, c’est aussi pour donner à nos positions les moyens d’avoir une existence publique à une échelle plus large.

Il ne s’agit pas dans ce texte de détailler la forme de ce réseau, car ce n’est pas à nous de la fixer : elle sera à déterminer collectivement. Mais plutôt d’expliciter ce que nous entendons par « communisme antigestionnaire » afin de proposer une base commune.

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6 ans déjà que le monde est en crise, et aucune perspective de relance de l’économie ne se dessine, si l’on excepte les gesticulations régulières de la presse bourgeoise: autant le dire, ce n’est pas près de s’arrêter.

De la Chine aux USA, en passant par le Moyen-Orient, tous les continents sont secoués par cette crise. L’Europe est aux premières loges. Le nombre de pays au bord de la faillite augmente année après année, dans une valse sans fin de plans d’ajustements structurels toujours plus brutaux.

Dans ce jeu de domino, certains peuvent, en tombant, faire basculer l’ensemble. Aujourd’hui, c’est le cas de la France qui possède plusieurs banques parmi les plus grosses du monde, un des principaux marchés et la deuxième économie de la zone euro… Et déjà 5 millions de chômeurs.

Nous ne sommes pas en mesure de prévoir les prochains épisodes de la crise, de l’austérité et de ses conséquences. Mais on peut affirmer avec certitude que notre situation sous le capitalisme ne peut aller qu’en empirant. Nous pouvons quand même anticiper ce qui va nous tomber dessus : aggravation de la crise du logement, augmentation du chômage, baisse des salaires directs et indirects (chute des allocations, réforme des retraites), dégradation des conditions de travail… Le tout entraînant la détérioration spécifique de la situation des femmes prolétaires, parce qu’elles sont majoritairement concernées par le travail précaire et parce qu’une telle dégradation signifie une augmentation écrasante du travail domestique. Il suffit de voir du côté de l’Espagne, de la Grèce, de l’Italie pour observer tout cela; et il serait bien illusoire de penser que cette vaste dégradation des conditions de vies des prolétaires peut, comme le nuage de Tchernobyl êtrearrêtée par les frontières françaises.

En somme, il n’y a pas assez richesses pour tout le monde. Pour que la masse de capital continue à valoir quelque chose, à être rentable, il faut qu’elle rapporte toujours plus.  Cela signifie qu’il faut en permanence que les capitalistes augmentent leurs profits.

Augmenter ses profits, cela peut vouloir dire pour une entreprise particulière, innover, trouver de nouvelles techniques de production, etc. Mais pour l’ensemble de l’économie, cela signifie surtout baisser les salaires, appauvrir les prolétaires. Ce n’est pas un secret, c’est ce que dans un mouvement collectif, patrons, États et Cie appellent « la compétitivité ».

Si nous avons du mal à boucler les fins de mois, les États ont quant à eux du mal à boucler leurs budgets. Une même logique est à l’œuvre, il s’agit dans tous les cas d’augmenter la part de richesse créée qui va au capital.

Mais cela n’est pas sans poser problème : pour les États, comme pour les prolétaires, les budgets sont dans le rouge. Certes, il semble toujours possible de s’endetter pour faire face aux dépenses courantes. Et cela fait des années que c’est le cas, et que l’endettement privé et public explose.

Lorsque des prolétaires sont en faillite, on saisit leurs biens. On les expulse de leurs maisons. Ensuite, on revend ces biens, et les banques se remboursent. Lorsque des millions de prolétaires sont en faillite, on saisit aussi leurs biens. On les expulse aussi de leurs maisons. Mais il n’y a personne pour les racheter, et les banques qui leur ont prêté de l’argent risquent à leur tour de tomber. C’est ce qui s’est passé en 2008, et à l’époque les États ont sauvé le système bancaire mondial. Aujourd’hui, ce sont les États qui menacent d’être en faillite. Et derrière, il n’y a plus rien pour garantir le système bancaire, pour garantir la valeur de l’argent.

Alors les capitalistes montrent les dents, et vont chercher l’argent où il se trouve, à la source de toute la richesse créée : Nous. Il s’agit d’écraser le prolétariat sous le travail, tout en le payant le moins possible. De supprimer toutes les conventions collectives. De licencier tout le monde, puis de réembaucher au compte-goutte, à leurs conditions. De faire travailler gratuitement les chômeurs et les chômeuses

Pour nous, les prolétaires, cela se résume en un mot : pénurie. Pénurie de logements, alors même que des millions de maisons sont vides. Pénurie de bouffe dans nos placards, alors même que des millions de tonnes sont produites et jetées. Pénurie de pognon sur nos comptes en banques, alors même que la quantité de monnaie en circulation augmente énormément.

Mais cela ne suffit toujours pas, la récession entraînant la baisse des recettes de l’état, et donc plus de déficits, entraînant plus d’attaques…

Jusqu’au moment où la monnaie même risque de tomber en crise, et où il n’y a qu’une alternative : défendre ce système et le gérer ou bien le détruire. C’est là que la situation peut basculer, soit vers notre écrasement et une réorganisation du capitalisme ; soit vers la révolution communiste. Autrement dit : Continuité de l’exploitation, ou rupture.

Mais il ne s’agit pas ici de désigner une utopie lointaine : nous sommes pour le communisme, c’est-à-dire pour un mouvement révolutionnaire qui abolit les classes, les genres,  l’État, la valeur, la propriété… La liste est longue de toutes les merdes qui forment le capitalisme et qu’il faudra supprimer.

Et nous pensons que la dynamique de cette suppression, c’est l’abolition des classes et des genres. Ces deux mouvements nécessitent de fonctionner parfois de manière séparée parce que le rapport homme/femme est conflictuel. Par l’expression « ces deux mouvements », nous entendons la lutte des prolétaires  pour l’abolition des classes et, au sein du prolétariat, la lutte pour l’abolition des genres qui implique l’auto organisation des femmes entre elles. Mais nous pensons que ces deux mouvements ne seront qu’un moment de la suppression générale du capital, ce qui est l’affaire de tous et toutes.

Face à nous, il y a le capital et les impératifs de sa gestion. Il s’agit de gérer le business, c’est-à-dire la misère pour presque tout le monde. Tous les discours gestionnaires, qu’ils entendent moraliser, réformer le capitalisme, ou même qui prétendent l’abattre, reposent sur le même principe: le maintien, aménagé de manière différente, des classes sociales et des genres.

Ces discours gestionnaires se développent à des échelles différentes :

–    La gestion des affaires courantes : la « bonne gouvernance ». Les coalitions roses, vertes, bleues, oranges, au pouvoir en Europe et ailleurs.

–  La gestion alternative : les différents « populismes », les keynésianismes, les souverainismes… Le retour à la drachme ou à la lire italienne. Le SMIC a 1500 euros ou a 10 000 francs ou encore les discours opposant le « banquier immoral et apatride » à « l’honnête patron du coin »…

–     La gestion alternativiste: le mutuellisme, les monnaies alternatives, l’autogestion de la misère.

Il ne s’agit pas ici de critiquer les tactiques de survie qui consistent à se partager les miettes. Il s’agit de dire que cela ne constitue en rien une stratégie de sortie du capitalisme. Au contraire, elle ne peut fonctionner que dans le cadre de celui-ci.

On retrouvait, par exemple, ces trois niveaux de gestion en Argentine il y a dix ans. Les entreprises autogérées ont pu participer à la relance de l’économie. Les monnaies alternatives ont été finalement acceptées par l’État (notamment pour lever les impôts), lui même entre les mains de keynésiens (péronistes) qui ont fini par rembourser le FMI. Chacun trouve sa place à son échelle, les différents niveaux de gestion s’articulent pour remettre le capitalisme en route depuis la petite collectivité, jusqu’à l’échelle supra-nationale des institutions monétaires.

Il s’agit dans tous les cas de gérer la pénurie. Pour cela, il faut que les prolétaires hommes et femmes retournent au boulot quitte à bosser gratos par moment. Et parmi eux, que les femmes assument en plus, la charge de la reproduction au sein du foyer. Cette charge est alourdie en temps de crise. Être obligé de faire 10 km de plus pour faire ses courses et payer 20c de moins par produit est un des exemples quotidiens de cette intensification de la journée de travail des femmes.

Si le capital a gagné en Argentine grâce à la bonne gestion et au partage dit « équitable » cela ne veut pas dire qu’il gagnera toujours. Il gagnera tant que les règles du jeu seront les siennes, celles de l’exploitation, de la gouvernance de la pénurie et de la crise.

Ce que nous voulons dire, c’est que ça ne peut pas bien se passer : Gérer la crise sera toujours aménager la défaite et qui dit défaite, dit un bon paquet de personnes sur le carreau. Nous sommes trop nombreux pour les miettes toujours plus petites que l’on peut récupérer. Alors autant jouer la gagne.

Voilà pourquoi nous nous définissons comme communistes anti-gestionnaires.

Ce positionnement est issu d’une adhésion, c’est-à-dire qu’il entre en jeu autre chose que le calcul froid de nos intérêts individuels : face à la débrouille individuelle ou collective, nous voulons nous en sortir ensemble, et par ensemble, on entend tout le monde.

Enfin, nous pensons que c’est dans la perspective d’un mouvement social de lutte contre l’austérité, que les nécessités évoquées plus haut se feront sentir face aux différents discours et pratiques gestionnaires auxquels nous serons confrontés et qu’il faudra combattre.

Nous ne développerons pas plus ici. Il reste beaucoup à dire, à écrire, à discuter. Si vous vous retrouvez sur les bases que nous décrivons, nous vous invitons à diffuser ce texte. 

www.reseauantigestion.org