Archives de catégorie : Écrits

Sur la « question animale »

NdPN : voici un mail envoyé par un compagnon à un compagnon antispéciste, sur « la question animale », qui est à notre sens une question sociale. Ce débat a (enfin) été initié dans notre organisation, lors du congrès de la FA, qui s’est tenu le week-end à Cluny. Le débat est ouvert, à vos plumes !

L'adoration du veau d'or, Nicolas Poussin, 1633
L’adoration du veau d’or, Nicolas Poussin, 1633

Sur la question animale

La prise en compte des émotions, de la souffrance ou du système nerveux de certains êtres vivants non humains, ou le refus moral de leur mise à mort, ne sont pas un bon angle d’attaque, à mon avis. Je n’ajoute pas « d’un point de vue anarchiste », car je ne crois pas en « un » point de vue anarchiste, mais précisément en la multiplicité des points de vue dans l’anarchisme, qui est (philosophiquement) un courant de pensée anti-idéaliste, un anti-idéologisme radical – contrairement à ce qu’assènent parfois contre l’anarchisme certains « matérialistes » marxistes, qui sont en réalité dans un idéalisme forcené.

Si nous nous fixons comme devoir philosophique, idéologique, moral ou éthique d’éprouver de l’empathie ou de la solidarité pour tout être vivant qui est ému, ressent, souffre, je ne trouve pas, en ce qui me concerne, cet angle critique pertinent. Je pense même que c’est une position dangereuse car elle peut prêter le flanc à une ingérence dans la liberté de l’autre d’une part (faire son bien ou dire son bien à sa place), et de glissement idéologique, sectaire, voire religieux d’autre part. Je ne dis pas que c’est le cas de tou-te-s les antispécistes, attention, mais je trouve justement dommage que l’antispécisme soit, du coup, qualifié de « religieux » ou d’avant-gardiste (critique que nombre d’anti- antispécisites ne se privent pas de faire, avec des amalgames… hélas, parfois, bien mérités).

Plus prosaïquement, même si je préférerais l’éviter, il n’est pas toujours possible ni souhaitable d’éviter de faire souffrir, ni même de tuer d’autres êtres vivants. Les patrons contre qui les salarié-e-s luttent souffrent ; et peut-être même, ils cauchemardent. J’avoue que l’idée ne me déplaît pas. Les flics blessés physiquement lors de manif le sont aussi émotionnellement, parfois. J’avoue que je m’en fous. Les profs qui se font bordéliser par leurs élèves refusant à juste titre de leur obéir souffrent beaucoup, des flics se suicident, etc… Il faut parfois enlever la vie à un être vivant pour se défendre ou pour se nourrir, se soigner, etc…

Cela signifie que le monde est traversé de conflits et de rapports de force. Et à mon avis, il l’est d’autant plus lorsqu’il est organisé par des pouvoirs, c’est-à-dire de dynamiques visant à monopoliser ce rapport de force. Leur discours est toujours, par nature, idéologique, abstrait, pacificateur et unificateur. Atomisation-séparation-discriminations, et mythe unitaire-universalisme moral (dire pour les autres ce qui est bon ou pas pour eux à leur place) vont ensemble. Pour ma part, je ne suis pas pour un discours d’unité, ni pour un égoïsme/individualisme. Ce sont des discours qui en réalité n’en forment qu’un seul. Le monde n’est pas constitué d’entités étanches et atomisées en libre contractualité, mais de fait, d’une multiplicité infinie de formes de vie reliées entre elles.

Bref, nous pourrions avoir une critique toute aussi efficace (voire davantage), à mon sens, en matière de recul de la barbarie infligée à tout ce qui vit (animaux et humains compris), en axant la critique non pas sur la souffrance ou l’émotion de l’autre, mais sur la légitimité d’un discours visant à mettre en relation ce qui nous détruit nous (toi, moi…) et ce qui détruit les autres êtres vivants.

Attention, je ne nie pas qu’il faille renier les affects, qui sont à mon sens primordiaux, justement pour se réapproprier vraiment sa vie et tisser du lien réel.

Mais dans ces affects, je trouve dangereux l’amour ou l’empathie « de principe » pour tout le monde, qui est une posture religieuse ou idéologique, négatrice de nous-mêmes, des situations réelles et complexes ou nous sommes. Nous ne sommes pas et ne serons jamais (fort heureusement) les ami-e-s de tout le monde.

Je ne suis pas solidaire avec des salarié-e-s en lutte, des handicapé-e-s, des femmes, des sans-papiers, des homos-bis-trans (ou avec des animaux, pour le cas qui intéresse notre question) parce que ce serait un devoir moral d’être solidaire avec les discriminé-e-s/exploité-e-s/dominé-e-s, mais parce que, par expérience et réflexion, je vois bien que ma joie, ma liberté et ma puissance s’accroissent de fait avec celles des autres, et parce que je constate que la réduction de tout cela chez les autres réduit concrètement tout cela chez moi.

Pour le cas des êtres vivants dits animaux non-humains, je ne combats pas l’élevage industriel parce que je trouve immoral leurs conditions de vie (une mort lente, douloureuse, sclérosante) : celles-ci sont l’écho de ce que je vis moi-même. Je combats la domination qui m’affecte, m’étouffe et me tue au quotidien, et donc je combats l’élevage industriel (entre autres luttes), car celui-ci, pour tout un tas de raisons (place énorme et irresponsable de l’élevage, paupérisation d’une grande partie de l’humanité, pollution des sols, réchauffement climatique, inscription de la domination entre êtres vivants comme une norme, etc…,) nuit dangereusement à ma propre vie, de façon plus ou moins directe.

En tout partons de nous-mêmes, de ce que nous éprouvons réellement, en réfléchissant aux liens et aux conséquences de nos actes. Et défendons notre liberté, ce qui implique, si nous y réfléchissons bien, de nous associer avec la liberté des autres. Il n’y a pas d’autre légitimité que cela. Tout le reste n’est à mon sens que discours idologique, sous-tendant des modèles plus ou moins conscients de domination.

Bises

J., groupe Pavillon Noir, Poitiers

[Poitiers] Bourrage de crâne militariste pour 150 lycéen-ne-s

NdPN : si le « civisme » c’est la liberté, l’égalité et la fraternité, à bas la hiérarchie et l’obéissance aveugle aux ordres, à bas les grades inégalitaires, à bas la guerre. Si « l’esprit de défense » c’est nous défendre contre toutes les atteintes à notre dignité, à bas la Défense, cette fabrique de l’inhumanité et du crime. Si le « devoir de mémoire » c’est se souvenir des innombrables assassinats coloniaux et des répressions de mouvements sociaux perpétrés par la soldatesque étatique, désertons partout et toujours ! Honte à l’Education Nationale, qui promeut le bourrage de crâne militariste des plus jeunes.

86 –  150 lycéens de la Vienne en rallye chez les militaires

Demain matin, 150 lycéens et lycéennes participeront au rallye lycéens citoyens organisé par la délégation militaire départementale de la Vienne au quartier Ladmirault à Poitiers Ce rendez vous, destiné à promouvoir et à développer le civisme, l’esprit de défense et le devoir de mémoire chez les jeunes, s’inscrit dans le parcours d’apprentissage à la citoyenneté, sous la tutelle de l’Education Nationale.

Mise à jour 16 mai 2013 :

-un article de la Nouvelle République nous montre de jolies photos du « rallye citoyen » : des jeunes en treillis face à des flingues ! Merci l’Education Nationale, merci l’Armée… et merci la NR pour la promotion de ce lavage de cerveau.

-à la suite de notre article, quelqu’un nous a raconté hier avec colère ses souvenirs du service militaire : dès le premier jour les appelés étaient systématiquement appelés « tapettes » ou « tarlouzes », le gradé leur demandait de laisser « leur cerveau au portail », à la moindre erreur c’était pompes sur les poings, sur des gravillons, avec un sergent qui écrasait le dos du fautif avec sa botte. De l’éducation bien citoyenne en somme. Heureusement, les rallyes sont là pour rappeler ce bon vieux temps.

Dépêche Nouvelle République, 14 mai 2013

Miss Patriarcat & Nationalisme

Demain 16 mai aura lieu le concours de Miss Vienne au Méga CGR de Buxerolles. Il faudra débourser dix-sept euros pour avoir le droit de faire partie du public, qui sélectionnera 5 finalistes ; trois d’entre elles (Miss Vienne et deux dauphines) seront ensuite choisies par un jury pour concourir à l’élection de Miss Poitou-Charentes, qui aura lieu le 20 septembre prochain. Miss Poitou-Charentes pourra ensuite participer à l’élection de Miss France.

Ce concours est un show nationaliste : la femme qui sera élue Miss France, couronnée et ceinte d’une écharpe tricolore, « représentera » en effet « la France ». Le concours est d’entrée de jeu fermé à toutes les femmes n’ayant pas la nationalité française.

Ceci n’est qu’une discrimination parmi d’autres. Le nationalisme n’est que la parure nauséabonde d’une promotion éhontée du patriarcat, dans toute son horreur. Les femmes doivent coller au modèle discriminatoire de « beauté » de LA FEMME, assignant la moitié de l’humanité à un rôle d’objet de désir masculin. Désir fabriqué par des millions d’images charriées par les médias et la pub, impliquant tant de souffrances pour tant d’individus qui ne collent pas au modèle. Un modèle d’autant plus inhumain qu’en plus d’être réduites à des objets sexuels, les femmes se retrouvent isolées par leur mise en compétition sur le marché du désir masculin.

Ce concours ignoble, résumant toute l’horreur patriarcale en un saisissant spectacle où défilent des individus affublés de maillots de bain, est ainsi fermé aux femmes n’ayant pas les caractéristiques de LA FEMME édictées par le système. Pour y participer, il faut avoir les mensurations adéquates, la taille idoine (1,70m minimum), l’âge convenable (18 à 24 ans), et être bien lisse : pas de lentilles ni tatouage ni piercing (sauf aux oreilles). L’institution sexiste du concours achèvera de faire disparaître les individus sous un tas de maquillages et de vêtements sensés être « féminins », afin qu’elles collent toutes aux canons de LA FEMME.

Le concours a aussi ses exigences morales : il est fermé aux femmes ayant posé nu, partiellement ou complètement, et à celles ayant un casier judiciaire. Les femmes doivent enfin se montrer « libres » en termes de vie amoureuse, histoire de paraître un minimum disponibles pour le marché télévisuel du désir masculin.

missfrance

Ne nous fions pas à l’aspect badin que les médias nous donnent de cet événement : le concours de Miss France, réduisant les individus à des objets sexuels en compétition dans leur misère affective, nous assénant des normes discriminatoires, nous concerne tou-te-s par son ampleur. N’oublions pas que le concours de Miss France se nourrit de l’audience de millions de télespectateurs-trices, caution de toute cette engeance méprisable des publicitaires et sponsors sexistes finançant le programme. Ce concours incite qui plus est les masses de télespectateurs-trices de cette foire patriarcale et nationaliste à dépenser allégrement leur pognon en SMS et en coups de téléphone pour engraisser les capitalistes des médias, de la pub et de la téléphonie. Notre colère vise d’abord ces responsables, conditionnant au quotidien l’imaginaire des individus, au point que certains d’entre eux (en l’occurrence, elles) vont jusqu’à participer à de tels événements.

Triste spectacle d’individus réduits à du bétail, à l’image de notre société.

Pavillon Noir, 15 mai 2013

Trois pesticides tueurs d’abeilles interdits… parmi d’autres !

La semaine dernière, Bruxelles a interdit trois funestes pesticides néonicotinoïdes , responsables entre autres méfaits du déclin effrayant des abeilles : le clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame.

Victoire ? En réalité, cette interdiction ne vaut que pour quatre types de cultures (colza, coton, maïs et tournesol). De plus, elle n’est valable qu’à partir de décembre prochain, et pour deux ans seulement. Ce qui ne résout d’ailleurs en rien la question des résidus… qui attaquent les insectes pollinisateurs durant de longues annés, même après l’interdiction des produits.

De plus, il ne s’agit que de trois substances parmi un grand nombre d’autres pesticides, qui continueront donc à faire leurs ravages sur les humains et l’environnement : en l’occurrence, les abeilles ne sont pas menacées que par ces troix substances toxiques, mais aussi par le chlorpyriphos-éthyl, la cyperméthrine et la deltaméthrine, le fipronil (à l’échelle européenne)…

Disons enfin et surtout que l’interdiction même de tous ces insecticides (on peut toujours rêver) ne suffirait sans doute pas à favoriser le retour des pollinisateurs. Nos chers insectes (les abeilles ne sont pas les seuls pollinisateurs) sont en effet affaiblis par de nombreux autres facteurs, liés aux structures mêmes de la production agro-industrielle. Il faudrait aussi revenir à une véritable biodiversité des biotopes et à des écosystèmes favorables, tels que polycultures, jardins, haies, jachères florales…

Mais c’est compter sans les impératifs du capitalisme, qui hormis le lobbying des monopoles agrochimiques qu’il suscite, imposera toujours un minimim de main-d’oeuvre agricole pour le maximum de profit, sur des monocultures tueuses de biodiversité, avec des sols complètement asphyxiés du point de vue microbiologique.

Nombre d’apiculteurs-trices amateurs dénoncent d’ailleurs, à travers cette décision récente de Bruxelles, une intention sous-jacente de favoriser les grosses fermes apicoles, en laissant crever la masse des abeilles sauvages.

Pour sauver les pollinisateurs, indispensables à 35% de la production de nourriture mondiale pour les êtres humains, cette mesurette ne suffira donc évidemment pas. Les luttes et les pratiques alternatives doivent aller au-delà du seul cadre de l’obtention de rustines juridiques qui, lorsqu’elles sont concédées par le système capitaliste, ne sont de toute évidence destinées qu’à valider la perpétuation de son ravage structurel des terres et des humains.

Juanito, Pavillon Noir, 7 mai 2013

[Poitiers] Non à la bidasse parade

Régulièrement, le pouvoir tombe le masque et exhibe ce qui le fonde, au coeur de l’espace vécu qu’il colonise : la coercition armée.  En l’occurrence, va aujourd’hui s’exhiber au coeur même de Poitiers (place d’armes pour une « prise d’armes », ça ne s’invente pas) une troupe de combat de choc, qui se désigne encore comme « coloniale » et a pour slogan « semper et ubique », à savoir « toujours et partout ». Cette troupe a participé à la guerre au Mali.

Les discours lénifiants et grotesques des médias sur le rôle prétendument humanitaire et pacifiste de l’armée française ne peuvent réprimer le frisson et le dégoût qui nous saisissent à la vue de tous ces engins de mort, et de ces êtres humains engoncés dans l’uniforme – payés pour obéir à des ordres mettant en jeu la vie et la mort des populations et d’eux-mêmes, c’est-à-dire renoncer à leur liberté et à leur humanité.

L’institution militaire est le fondement de l’organisation autoritaire et violente de la société. Militaires de tout poil, hors de nos villes hors de nos vies !

Pavillon Noir, 4 mai 2013

NB : pour information, voici ce qu’on peut lire sur wikipedia, à propos de la dernière guerre au Mali :

Accusations contre l’armée française

Selon le journal britannique The Independent, 12 civils maliens, dont trois enfants, ont été tués par des bombardements français lors de la bataille de Konna. Selon Amnesty International au moins 5 civils dont 3 enfants ont été tués dans les bombardements du 11 janvier à Konna. En mars 2013, lors de la bataille de l’Adrar de Tigharghâr‎, Ansar Dine accuse les armées françaises et maliennes d’avoir utilisé des bombes d’uranium appauvri et d’avoir empoisonné les puits dans des zones proches de l’Adrar des Ifoghas.

20 janvier. Un soldat français porte un masque du jeu vidéo «Call of Duty» à Niono au Mali. (Photo Issouf Sanogo. AFP)
20 janvier. Un soldat français porte un masque du jeu vidéo «Call of Duty» à Niono au Mali. (Photo Issouf Sanogo. AFP)

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Des anniversaires célébrés aujourd’hui

Comme nous l’annoncions dans notre édition du jeudi 2 mai, la 9e brigade d’infanterie de Marine célèbre ses anniversaires, ce samedi, au cœur de Poitiers. À l’honneur, les 70 ans de la 9e division d’infanterie coloniale et les 50 ans de sa recréation en 9e brigade. De 9 h à 18 h, les militaires poitevins vont exposer leur savoir-faire et leur matériel. Au programme, des animations musicales et militaires, la fanfare et la présentation des cinq régiments de la 9e BIMa suivis d’une prise d’armes nocturnes à 20 h 30, place de l’Hôtel de ville.

extrait d’un article de la Nouvelle République, 4 mai 2013