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Autour de la question de « propriété »

Autour de la question de « propriété »

On voit parfois quelques anarchistes s’attaquer indistinctement à la « propriété », avec parfois un rejet total de la jouissance matérielle, confinant à un certain ascétisme, parfois relayé par certains discours décroissants. Pour vivre heureux, il faudrait vivre sans jouïr des objets, sans s’y s’attacher. Cette tendance est selon moi une mauvaise interprétation de la critique de la propriété privée, car il n’y a rien de plus légitime que de vouloir s’approprier ce qui nous entoure, tisser des liens émotifs, tisser une expérience avec son environnement et ses voisins, qui nous soit propre. Nous avons le droit de vivre et de jouïr, et nous avons le droit au bonheur matériel !

Si la propriété peut être « le vol », elle peut aussi être « la liberté » : les deux thèses ont été défendues par Proudhon, parce qu’en fait tout dépend de l’acception que l’on donne au mot propriété, qui recèle en réalité de nombreux sens, fort différents et fort divergents. Un petit travail de clarification s’impose, en particulier contre l’acception bourgeoise de ce mot, dominante – et qualifiée de « sacrée » depuis les droits de l’homme riche de 1789.

L’acception la plus courante, diffusée largement par les politiciens, les capitalistes, les juges et les flics, est en effet celle de propriété privée, au sens de privative. C’est-à-dire qu’elle ne se définit pas tant par la possibilité de jouissance de la personne propriétaire, que par l’exclusion de toutes les autres personnes (non-propriétaires) de son usage, et -ce qui est lié – des décisions quant à cet usage.

C’est du reste l’acception juridique du terme, qui implique trois caractères de la propriété : le côté exclusif (la jouissance du bien n’appartient qu’à une personne, donc à l’exclusion de toutes les autres personnes), le côté absolu (cette personne décide seule de son usage), et le côté perpétuel – la propriété est attachée à l’objet pour toujours, jusqu’à la fin de l’objet… introduisant une vision fétichiste et fermée sur eux-mêmes des biens et ressources de ce monde, vision marchandisant le monde entier avec l’extension du champ du capitalisme et de la propriété privée ces derniers siècles.

A notre sens, c’est bien ce caractère privé, en fait privatif, qui pose le véritable problème ; car une fois évacuée ce caractère privé, demeure seulement la possession, c’est-à-dire le droit de jouïr de ce que l’on use déjà réellement – ainsi que le dit le vieil adage : « Possession vaut droit ».

Il faut introduire là trois aspects classiques de la propriété : l’usus, le fructus et l’abusus. L’usus, c’est le droit d’user, de jouïr d’un bien – son plat de lentilles, sa maison, son manteau. Quoi de plus légitime ? Le fructus, c’est le droit de récolter les fruits renouvelables de son bien – manger les fruits de son verger, par exemple. L’abusus, c’est le droit de disposer de son bien comme on l’entend – le louer, le céder, le vendre, le détruire. On constate alors qu’entre l’usus et l’abusus, on est passé de la possession (au sens de pouvoir jouïr de ce dont on éprouve le besoin, et pourquoi pas éprouver un attachement à lui) à la propriété privée, au sens de décider seul sur un bien. En ce sens, à l’inverse de la conception courante, nous pouvons considérer qu’au fond, un loyer ne relève pas tant du fructus, que de l’abusus.

Notons que ce glissement de l’usus à l’abusus, qui est bien loin d’être naturel puisque contradictoire (l’abusus des uns rendant impossible l’usus pour tous), s’inscrit dans l’histoire humaine de la domination. Il ne se comprend en effet que si l’on garde à l’esprit qu’on est dans un système social de domination de l’homme par l’homme. En société capitaliste, la force de travail humaine est en effet considérée comme un bien comme les autres que l’on peut acheter (pour les capitalistes), et que l’on peut, ou plutôt que l’on est contraint de, vendre (en ce qui concerne les prolétaires, ceux qui n’ont pour toute ressource que le fait de vendre leur force de travail). L’abusus, caractéristique fondamentale de la domination, est indissociable de l’histoire de l’asservissement contraint de l’homme par l’homme, qu’elle prenne la forme antique de l’esclavage, la forme médiévale du servage ou la forme moderne du salariat. Cet aspect est très important, car il rejoint l’exclusivité et la privation quant aux décisions, qui caractérise la « propriété »… telle qu’elle est entendue aujourd’hui.

Les anarchistes sont pour la possession, et contre l’aspect privatif de la propriété, sans lequel ne demeure justement que la possession. Ils s’inscrivent en cela  dans une conception de la liberté qui n’est pas celle d’une exclusion réciproque (chacun n’étant cantonné qu’à ce dont il est propriétaire, c’est-à-dire privé de liberté réelle car réciproquement interdit de jouïr des biens des autres), mais qui est celle d’une conception dynamique de la liberté, c’est-à-dire mutuelle. Si quelqu’un possède quelque chose, et c’est son droit à notre sens s’il en jouit, il peut aussi en faire profiter ses voisins (le surplus d’une récolte, un vélo lorsqu’il est au garage, un ordinateur lorsqu’il est éteint, une production artistique…), qui eux-mêmes, étant rendus plus libres, peuvent eux aussi mieux faire partager leurs propres ressources, ainsi que les fruits de leur activité et de leur créativité. La possession est une conception sociale de l’appropriation humaine des ressources et des biens. La prise sociale de possession jette aux orties les concepts bourgeois, pipés, de « propriété privée » et de « vol ». Les seuls vrais voleurs sont ceux qui n’acceptent pas d’être « volés » à leur tour, ce sont ceux qui volent au quotidien le temps, la vie et le travail des autres, et qui veulent retenir, par la force de la contrainte violente, ceux qu’ils ont dépossédés hors de l’espace de ce qu’ils se sont illégitimement, c’est-à-dire exclusivement, accaparé. Propriété si manifestement peu « légitime » (cet adjectif suggérant un accord social), qu’elle se cantonne aujourd’hui derrière des enclos, des cadenas, des titres notariés, des flics, des armées, transformant le monde en espace fragmentaire, carcéral.

La conception anarchiste de la liberté, se traduisant en termes de prise de possession, échappe ainsi tant à la propriété privée, qu’à la propriété étatique, qui toutes deux consistent en une confiscation des décisions par des individus (actionnaires dans un cas, technocrates gouvernementaux dans l’autre), en un empêchement contraint de prise de possession.

Le caractère fondamental du capitalisme ne réside donc pas tant dans la « propriété » – terme pour le moins complexe et confus signifiant nombre d’aspects contradictoires – que dans la privation, c’est-à-dire la dépossession.

Nous ne voulons pas rejeter la possession : bien au contraire, nous voulons tout posséder ! Nous voulons nous réapproprier ce monde, pour en jouïr librement, et ce ne sera pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres, dans le cadre d’une conception dynamique et mutuelle de la liberté, et non une conception exclusive. Ma liberté ne s’arrête pas là ou commence celle des autres. Avec Bakounine, nous affirmons que la liberté des autres étend la mienne à l’infini (et réciproquement).

Cette conception de la liberté et de la propriété au sens de prise de possession, implique une conception nouvelle du politique, c’est-à-dire de nos relations sociales. La responsabilité bien sûr au sens où l’appropriation ne peut être obtenue que par la lutte des dépossédés, sans rien attendre de ceux qui les privent. Ce qui suppose fondamentalement l’autonomie de chaque individu et groupe social. Mais cette autonomie ne reproduit que la guerre, si ces entités sociales sont étanches, ce qui suppose une coordination libre de ces entités, au sein de laquelle elles préservent leur liberté, tout en adoptant une conception dynamique et mutuelle de la jouissance des biens de ce monde. C’est le principe de subsidiarité dans les prises de décisions qui garantit à la fois la liberté et la coordination : les entités individuelles ou collectives décident et gèrent prioritairement tout ce qu’elles souhaitent et peuvent gérer, ne reportant sur une circonférence plus large de la coordination sociale que ce qu’elles ne peuvent pas gérer en propre. C’est enfin l’adéquation ou la péréquation dans la répartition des ressources, permises par la liberté et la subsidiarité, qui rendent l’égalité réelle possible.

Ces principes ne sont pas ceux de la démocratie (même directe), atomisant les individus en entités étanches votantes sous une autorité pseudo-commune, une représentation illusoire, une représentativité décisionnelle stérilisant toute autonomie ainsi que toute dynamique collective.

Ces principes sont ceux du fédéralisme libertaire.

Juanito, Pavillon Noir, 14 décembre 2012

Notre-Dame-des-Landes : la répression s’intensifie, le mouvement s’amplifie !

Notre-Dame-des-Landes : la répression s’intensifie, le mouvement s’amplifie !

La manif du 17/11 contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (44) a rassemblé 40.000 personnes. Depuis sur la ZAD (zone à défendre), ce sont (re)constructions de cabanes dans les arbres, nouveaux bâtiments à la Châtaigneraie et tout plein d’ateliers qui vont bon train. L’auto-organisation se renforce !

Le 23 novembre, 500 forces de « l’ordre » et machines de destruction lancent un nouvel assaut. Démolition du Rosier (1er lieu occupé) et de cabanes sylvestres. Résistance immédiate sur place, avec manifestants et barricades. Mais la répression frappe à coups de matraques et de tirs (souvent tendus) de flashballs, lacrymos et grenades assourdissantes. On compte depuis ce jour une centaine de blessés, parfois graves, avec éclats de grenades dans le corps, lésions externes et internes, surdité brutale, fractures, hémorragies… des barrages de police ont retardé des évacuations pour hospitalisation.

La « justice » condamne les résistants à tour de bras, suite aux arrestations diverses. Le 26 novembre, 5 personnes sont arrêtées par des flics déguisés et infiltrés sur une barricade. Deux jours après, comparution immédiate et lourdes peines : une personne prend 10 mois dont 5 fermes avec mandat de dépôt et interdiction de séjour en Loire-Atlantique. Arrestations aussi chez des soutiens ailleurs en France, dont 80 à Paris lors d’une manif. Alors même que « droit » et recours juridiques sont  bafoués par l’Etat sur la ZAD, ce qui montre une fois de plus que la « justice » est un instrument à sens unique au profit de l’Etat et de la bourgeoisie.

Sur place, c’est l’unité qui prévaut dans la diversité tactique, la résistance continue et s’enracine. Malgré les entourloupes du gouvernement Ayrault, qui annonce une  « commission de dialogue » le soir du 24 novembre… en même temps qu’un nouvel assaut policier est lancé ! Les « écolos » d’EELV se « félicitent » de cette annonce, tentant ainsi de justifier leur présence au gouvernement… alors que de toute façon « l’aéroport se fera », dixit Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement. Valls parle de « kyste », Ayrault d’ « anarcho-autonomes casseurs ». Ces tentatives de dissocier « bons » et « mauvais » manifestants rappellent d’ailleurs les propos « d’écolos » d’EELV (De Rugy, Magnen, Pompili) dénonçant les « squatteurs », les « ultras » à « virer », les « extrémistes ».

Dans de nombreuses villes, dès le 23 novembre on compte une cinquantaine de rassemblements de soutien, à Rennes la préfecture est encerclée, à Saint-Affrique (Aveyron) la mairie PS occupée. A Nantes le 24, des milliers de manifestants (que les flics ciblent par jets d’eau et lacrymos) et le lendemain, 70 élus s’enchaînent devant la préfecture. Les actions solidaires se multiplient partout : tags de soutien, dégradations de nombreux locaux PS… La lutte de NDDL rejoint celle contre d’autres grands chantiers inutiles, ruineux et destructeurs (pylônes THT dans la Manche, LGV Lyon-Turin…) : le soutien actif sur place se double d’une contestation plus large contre ces partenariats public-privé, imposés par les Etats dont le but est de maintenir par la force le modèle capitaliste productiviste.

Contre la répression ! Soutien solidaire, on ne lâchera pas l’affaire ! Voir le site zad.nadir.org pour infos continues. Rdv les 15-16 décembre sur la ZAD pour une rencontre inter-comités locaux/nationaux.

Camomille, Pavillon Noir (FA 86), 29 novembre 2012

Ermo, une bande dessinée sur la révolution Espagnole de 1936

NdPN : cet article est paru dans le Monde Libertaire de cette semaine. Rédigé par le compagnon Juanito qui a rencontré Bruno Loth aux rencontres du neuvième type, un salon de BD qui a eu lieu à Poitiers (aux salons de Blossac) il y a tout juste un mois.

Ermo, une bande dessinée sur la révolution Espagnole de 1936

Parmi les lecteurs et lectrices du Monde Libertaire fans du neuvième art, certain-e-s auront sans doute déjà croisé Bruno Loth lors d’un festival de BD… et connaissent peut-être Ermo, qui en est aujourd’hui à son 6ème épisode intitulé Mort à Madrid. Depuis six ans et chaque année, Bruno Loth réalise un tome de cette BD évoquant la guerre d’Espagne. Elle circule de festival en festival, très peu dans les rayons des libraires et pour cause : c’est sa propre« maisonnette d’édition » qui la produit sans distributeur ni diffuseur, un abri de jardin d’édition au nom évocateur de « Libre d’images ». Pour ma part, j’ai récemment rencontré Bruno à Poitiers, où j’ai découvert son oeuvre.

Avec le tome 1, nous découvrons les personnages, dont Ermo, un jeune garçon qui part du sud de l’Espagne avec un petit cirque et le magicien Sidi. L’histoire débute quelques jours avant le déclenchement de la guerre civile : la phalange et les militaires s’organisent pour se débarrasser des syndicalistes du port… A partir du tome 2, Ermo se retrouve dans le sillage de la colonne Durruti, de Barcelone à Saragosse. Le lecteur vit avec lui le quotidien des anarchistes catalans et aragonais de 1936. La libération du joug de l’Eglise et de l’armée, la collectivisation des usines et des terres et le communisme libertaire sont abordés, ainsi que l’émancipation des femmes à travers le mouvement « Mujeres Libres ». On voit aussi les Staliniens tirer les ficelles pour anéantir les réalisations libertaires en Espagne ; les communistes ibériques sont eux-mêmes manipulés par les services secrets soviétiques. C’est enfin le départ de Buenaventura Durruti et sa colonne pour Madrid, où il trouvera la mort le 20 novembre 1936.

Si la part d’histoire est scrupuleusement retranscrite, ce n’est pas tant une BD historique que le roman touchant de la vie quotidienne d’une troupe de cirque et peu à peu, de l’engagement personnel des protagonistes. On s’identifie très vite à Ermo, cet enfant naïf et plein d’espoir, perdu dans la guerre, qui selon l’auteur lui-même pourrait bien « symboliser le peuple espagnol de l’époque ».Le dernier tome montre son errance mentale, son désarroi face à la folie incompréhensible des adultes. C’est aussi une BD de fort caractère graphique, aux couleurs noires et rouges comme le drapeau communiste libertaire. Au style particulier et attachant, tour à tour tendre et triste. Elle commence comme une simple fable pour enfants et tourne au polar politique très documenté. On ressent tome après tome la volonté de l’auteur de rétablir et d’honorer la mémoire oubliée des anarchistes en Espagne. Sans flonflons ni trompettes, juste avec délicatesse et humanité (1).

Sur la révolution libertaire espagnole

Elle fut largement inspirée par la pensée de Bakounine, au sein de la CNT-FAI qui en 1936 était le syndicat qui regroupait le plus de militants, un million et demi. Ce sont donc les anarchistes, les plus nombreux dans la rue, qui s’opposent aux militaires et font capoter le coup d’état fasciste. L’élan du peuple et la révolution sociale seront stoppés par la militarisation fin 1936 début 1937, et par l’acharnement de Staline contre les avancées des anarchistes. Le parti communiste ibérique, assez petit au début de la guerre, grossit rapidement. Lister, commandant communiste, sera envoyé en Aragon pour détruire les collectivités paysannes et rendre les terres aux anciens propriétaires. Cette contre-révolution signera la mort du camp républicain qui, à partir de ce moment, n’ira que de défaite en défaite. Pour être juste, il faut aussi attribuer une part de responsabilité aux dirigeants anarchistes qui ont accepté quatre postes de ministres au sein du gouvernement de Madrid, ce qui divisa leur base. Contre les communistes (et les ministres CNT), et comme d’autres militants anarchistes, Durruti avait la certitude que le peuple en lutte aurait pu venir à bout d’une armée de mercenaires. Mais sa colonne souffre du manque d’armes et de munitions, dont le gouvernement républicain prive les combattants anarchistes, malgré leurs premiers succès. Durruti pensait que la libération de Saragosse  aurait coupé l’armée franquiste en deux et souhaitait y concentrer toutes ses forces. Un conseiller militaire l’en empêcha. Il avait également envisagé un soulèvement au Portugal des masses ouvrières, qui aurait privé les fascistes d’une base arrière. Enfin, il était pour retourner les forces des Marocains engagés dans la croisade catholique par Franco, en proclamant l’indépendance du Maroc. Mais le gouvernement républicain veut l’éloigner du front d’Aragon, et l’envoie dans Madrid assiégée par les franquistes. Sa mort mystérieuse à Madrid est un acte de plus dans la tragédie espagnole.

Juanito, Pavillon Noir (FA 86)

(1) Du même auteur, on découvrira avec émotion l’histoire de son père Jacques, à travers les albums Apprenti(2010) et sa suite, Ouvrier(2012). Pour plus de renseignement , voir le site de l’auteur,www.libredimages.fr

[Poitiers] Manif contre l’extrême-droite : quelques commentaires sur un certain « antifascisme »

NdPN : Un article de la NR ci-dessous, sur la manif contre l’extrême-droite hier soir à Poitiers… ce texte est un vrai gloubiboulga confusionniste.

D’un côté le discours du pouvoir d’Etat, qui  applique quotidiennement les idées de l’extrême-droite en expulsant des « étrangers », en démantelant des camps de Roms, en agitant la « menace islamiste », en brisant les luttes sociales, et en réclamant toujours plus de flics pour toutes ces basses oeuvres. A côté de ce sinistre tableau dont sont quotidiennement responsables les politicards hier de droite, aujourd’hui de gauche, les identitaires sont des petits bras du racisme ordinaire.

Ce pouvoir, relativement peu répressif avec les identitaires lors de leur action de samedi dernier, afiche parallèlement la « fermeté », en menaçant de « dissolution » le groupuscule facho nommé Génération identitaire… comme si la pseudo-solution de la répression, consistant à « interdire » de porter un certain nom à une association de sombres crétins fachoïdes pouvait les empêcher de nuire. Le spectacle du martyre , c’est précisément ce que souhaitent ces petits nazillons, qui fondent toute leur communication sur un buzz martyrologue : qu’ON leur donne cette importance médiatique qu’ils réclament… Or des imbéciles pour tomber dans les idées d’extrême-droite, il y en aura tant que le pouvoir d’Etat maintiendra son système fabriquant pauvreté, frontières, catégories sociales et exclusion ; tant qu’il en appellera à détourner les colères populaires -inévitablement suscitées par les conséquences de son système inégalitaire – contre les pauvres  (« marginaux », « assistés », « profiteurs ») et des boucs-émissaires désignés (hier les « juifs », aujourd’hui les « immigrés »- « musulmans »-« islamistes »-salafistes »…)

En réalité, selon les propos du PS Claeys et du PS Valls rapportés par l’article, l’Etat n’entre pas tant en répression contre les fachos, que contre toute forme « d’extrémisme« … bref tout ce qui lui semble échapper à son contrôle, à son lissage de toute conflictualité sociale.

Il y a d’ailleurs, on le remarque, une comparaison confusionniste persistante et délibérée, opérée par la presse et les responsables étatiques, de l’extrême-droite avec « l’ultra-gauche-ayant-manifesté-le-10-octobre-2009-à-Poitiers ». Alors même que les idées d’extrême-droite et les idées des manifestant-e-s du 10 octobre n’ont strictement rien à voir. Ce n’est pas anodin. L’Etat ne détruit que ce qu’il pense ne pas contrôler. D’où, d’ailleurs, la différence habituelle et notoire du niveau de la répression de l’Etat selon qu’il s’agit des fachos (aux pratiques et aux discours relayant au fond le les postures et les discours de l’Etat, donc faciles à contrôler) ou des anti-autoritaires (aux pratiques et aux discours radicalement opposés).

Illustration : samedi dernier, slogans racistes et bras levés de « Génération identitaire ». Sur 73 fachos, 4 personnes ont été en garde à vue. Elles ont été relâchées depuis, sous contrôle judiciaire, dans l’attente d’un éventuel procès. Le « 10 octobre » 2009, quelques tags et vitrines cassées pour dénoncer la nouvelle prison de Bouygues à Vivonne : mais là ce furent des dizaines de gardes-à-vue et une répression policière énorme, s’abattant sur tout le milieu militant poitevin. Trois personnes n’ayant même pas participé à ces bris de vitrines sont allées en taule. Le 5 novembre 2011, squat contre Vinci dans une maison vouée à la démolition : toute la police du département mobilisée, plus de quarante arrestations, brutalités policières et décharge de tazer. Exemples parmi d’autres de la répression policière à l’encontre des mouvements sociaux, ici comme ailleurs.

Derrière l’amalgame confusionniste consistant à jeter dans le même sac de l’ « extrémisme » des fachos qui ne sont que des idiots utiles de l’autoritarisme, et des anti-autoritaires, l’Etat montre quotidiennement que sa priorité n’est pas la même, que son discours de neutralité répressive à l’égard des déviances n’est qu’un discours de neutralisation des révoltes qui le menacent vraiment.

Détail lamentable, au détour de l’article : la presse évoque un manifestant (de nationalité française), en le catégorisant « issu des minorités immigrées » (quel intérêt ?), qui aime les valeurs de « la France » que lui aurait fait aimer un grand-père ayant combattu en « Indochine ». Pour rappel, l’Etat français a perpétré l’horreur coloniale en Indochine, avec son lot d’exactions militaires, au nom d’idées patriotes, racistes et colonialistes tout à fait familières à celles de… l’extrême-droite. Bonjour l’ « antifascisme » et la confusion.

De l’autre côté certaines organisations « de gauche », réclamant à l’Etat une répression des fachos… au passage, ce sont ces mêmes organisations « de gauche » qui ont condamné les « casseurs » de la manifestation anticarcérale du 10 octobre 2009. Des organisations de gauche se disant « antifascistes », mais qui ne remettent pas en cause les fondements de l’Etat et du capitalisme, qui sont la racine même du fascisme et de l’extrême-droite.

Quant à nous, notre antifascisme se veut radical. C’est-à-dire que nous combattons, dans nos pratiques, le fascisme à sa source. Notre antifascisme ne consiste pas à implorer la répression de l’Etat, cette institution qui est à la source historique du racisme, de l’exclusion, et du fascisme quand il le juge nécessaire  ; cet Etat, nous le combattons et le dénonçons dans toute son hypocrisie. On ne peut pas lutter contre les idées d’extrême-droite si on ne voit pas qu’elles ne sont que l’affirmation brutale d’un modèle social hiérarchiste, c’est-à-dire d’Etat, avec des décideurs au-dessus, monopolisant la violence, et un pseudo-« peuple » de singularités atomisées et soumises en-dessous. Tout Etat est prétention totalitaire par essence, dans son aspiration à contrôler et réprimer les vies singulières, à décider à la place des gens. Les aspirants à son exercice, qu’ils se revendiquent d’extrême-gauche, de gauche, du centre, de droite ou d’extrême-droite, sont clairement nos adversaires politiques.

L’autre soutien historique du fascisme (financier et médiatique notamment) est  le capitalisme. C’est pourquoi notre antifascisme est aussi anticapitaliste. Le capitalisme est une dynamique inégalitaire par essence car il repose sur le racket d’une plus-value produite par des populations mises sous le joug d’un travail forcé appelé salariat, engendrant ainsi des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Le capitalisme est une dynamique d’assujettissement des populations à l’esclavage salarié par les détenteurs du capital. C’est ce même capitalisme, qui est né avec la construction des Etats modernes et des discours racistes justifiant l’accumulation de capital par le génocide amérindien et la traite négrière, qui a financé le fascisme à travers toute l’histoire, lorsqu’il s’est agi de briser les mouvements sociaux d’ampleur, de mettre au pas les révolté-e-s. Les organisations, y compris « de gauche », qui aspirent à l’aménagement du capitalisme (même quand elles disent le combattre, en agitant des drapeaux rouges d’un capitalisme d’Etat de sinistre mémoire), qu’elles soient de gauche ou de droite, sont clairement nos adversaires politiques.

Les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis. On ne combat pas radicalement le fascisme (qui s’est d’ailleurs souvent paré de « socialisme » et de « nationalisme ») sans en combattre les postulats idéologiques et les postures répressives. On ne combat pas les fascistes par l’Etat et le spectacle de l’imploration à l’Etat, mais par l’action directe contre le patriarcat, l’étatisme et le capitalisme, par l’autonomie et la solidarité de tous-te- les exploité-e-s et dominé-e-s.

Pavillon Noir

Ils se disent tous filles et fils d’immigrés

Banderoles et drapeaux étaient de sortie pour dénoncer l’action sur le chantier de la mosquée.

Environ 300 personnes ont manifesté hier, en fin d’après-midi dans le quartier des Couronneries contre les menées xénophobes de la droite extrême.

On aurait pu penser que l’action spectaculaire menée samedi dernier par un groupuscule d’extrême-droite sur le chantier de la mosquée de Poitiers susciterait un mouvement de révolte plus important dans la population poitevine. En fait, ce sont moins de 300 manifestants qui se sont retrouvés hier en fin d’après-midi Place de Provence pour dénoncer les menées xénophobes de la droite extrême.

«  Il nous a fait aimer la France  »

Il est vrai que l’appel à manifester émanait du NPA, mouvement très marqué à gauche, dont les militants n’ont guère été rejoints que par des sympathisants d’autres mouvements à la gauche de la gauche, du Front de gauche-PCF aux anarchistes de la CNT en passant par les Alternatifs. Quelques élus et militants syndicaux étaient également présents dans un cortège plutôt jeune qui s’est rendu jusqu’à la place de Coïmbra avant de se disperser. A noter la présence de quelques dizaines de représentants des minorités issues de l’immigration, à l’image du jeune Brahim venu manifester avec, dans la poche les états de service d’un autre Brahim : son grand-père. Ce militaire marocain, disparu en 1977, a combattu dans les Forces françaises libres puis en Indochine au nom d’une idée de la France que son fils, Rachid, et ses petits-enfants entendent bien aujourd’hui préserver des menées extrémistes. « Il nous a fait aimer la France », souligne Rachid, avec une émotion non feinte. Aux cris de « Première, deuxième, troisième génération : nous sommes tous des enfants d’immigrés », la manifestation s’est déroulée sans incident hormis les cris provocateurs d’un militant téméraire d’extrême-droite qui a sagement préféré faire demi-tour plutôt que d’affronter les manifestants qu’il était venu provoquer.

bon à savoir

La question du renseignement intérieur

Répondant à une question orale de la députée d’Europe-Écologie les Verts de Châtellerault Véronique Massonneau, le ministre de l’Intérieur a indiqué mercredi devant l’Assemblée nationale que la dissolution du groupe d’extrême droite Génération Identitaire était à l’étude. Le député-maire PS de Poitiers Alain Claeys a eu un entretien avec Manuel Valls. Il confirme qu’il a notamment discuté avec le ministre de la surveillance de ces réseaux extrémistes : cette opération de l’ultra-droite ciblant Poitiers n’avait pas plus été anticipée que celle du commando de l’ultra-gauche qui avait dévasté le centre-ville, le 10 octobre 2009. « Les fonctionnaires locaux ne sont pas en cause, précise Alain Claeys, mais c’est la question du renseignement intérieur et notamment de la veille sur les réseaux sociaux qui se pose depuis la disparition des renseignements généraux. »

Nouvelle République, 26 octobre 2012

[Poitiers] Communiqué de soutien à la ZAD : Ils l’ont fait !

Ils l’ont fait !

Ce mardi à l’heure du laitier le gouvernement socialo-écologiste a envoyé ses chiens pour briser la résistance qui s’était installée à Notre-Dame-des-Landes (en Loire-Atlantique) contre le projet de nouvel aéroport. Il a fallu moins de six mois au pouvoir pour que son vrai visage de haine contre ceux qui osent essayer de l’empêcher de bétonner en rond se dévoile aux yeux du plus grand nombre. Plus de 1000 policiers ont entamé une véritable opération de nettoyage pour expulser des habitants opposés au projet et installés depuis des mois ou des années sur le futur chantier et détruire les maisons qu’ils avaient construites. L’ordre policier se met méthodiquement en place : après les expulsions des campements de Roms et celles de différents squats dont le CREA à Toulouse, ce sont toutes les révoltes sociales, qui ne peuvent manquer de naître contre leur crise, qui sont visées.

Le projet de nouvel aéroport, comme tous les grands travaux ruineux et inutiles (autoroutes, lignes à grande vitesse, nouveau réacteur nucléaire et ses lignes à haute tension…), est imposé aux forceps. Ce défrichement productiviste des espaces ne répond pas aux besoins réels des populations, mais à la nécessité pour des multinationales capitalistes (ici Vinci) de maintenir à tout prix leur logique de profit, fût-ce au prix de la répression et du saccage environnemental. Le discours du gouvernement, dirigé par Ayrault, le premier promoteur de cet “ayraultport”, sur les “gisements de croissance et d’emplois” ne témoigne, dans un capitalisme peinant à trouver de nouvelles sources de profit, que du soutien permanent et indéfectible de l’Etat à ce modèle mortifère, à cette fuite en avant dans le saccage social et environnemental. Face aux résistances des populations, ces “partenariats privés d’utilité publique” reflètent aussi la volonté du pouvoir de quadriller toujours plus nos espaces de vie pour les mettre sous contrôle.

Nous appelons à manifester notre solidarité avec les habitants de la ZAD par tous les moyens à notre disposition.

Il y a eu l’épisode des patrons-pigeons et le refus de s’affronter aux plans de licenciements de l’industrie automobile. Maintenant, cette provocation contre le mouvement social signe l’obstination du gouvernement dans sa logique productiviste.

Alternatifs

Les Amis de la Terre

Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux

Collectif poitevin pour l’arrêt immédiat du nucléaire (copain)

Démocratie réelle maintenant – Poitiers

Droit au logement (DAL 86)

Fédération Anarchiste 86

Organisation Communiste Libertaire Poitou

Mise à jour : signature du NPA

NdPN : un rassemblement solidaire avec les habitantEs de la ZAD contre l’aéroport sera bientôt appelé à Poitiers par plusieurs collectifs et orgas.

Voir aussi le communiqué de soutien du NPA 86

Pour des nouvelles heure par heure de la ZAD ce 18 octobre, ça se passe ici : https://zad.nadir.org/spip.php?article358

Un communiqué de paysan-ne-s de la ZAD : http://nantes.indymedia.org/article/26314

Actions de solidarité :

contre la THT Contentin-Maine : http://juralib.noblogs.org/2012/10/18/depylonage/

à Angers : http://cettesemaine.free.fr/spip/article.php3?id_article=5382

à Montreuil : http://cettesemaine.free.fr/spip/article.php3?id_article=5390

à Bruxelles : http://cettesemaine.free.fr/spip/article.php3?id_article=5380

à Poitiers : http://cettesemaine.free.fr/spip/article.php3?id_article=5383