[Poitiers] Camps de la honte à Poitiers : Route de Limoges et La Chauvinerie

LE CAMP DE POITIERS

Le camp de la route de Limoges, désigné comme  » Centre de séjour surveillé  » fut construit en 1939 pour abriter les réfugiés espagnols (800 le 2 février). Le camp se vida lors de l’invasion allemande. Après l’armistice du 22 Juin 1940, l’administration du camp resta française mais elle fut soumise au contrôle des autorités allemandes. Dès la fin de 1940, l’administration française, sous ordre allemand, recensa les nomades et les Juifs. Dès décembre 1940, un grand nombre de tziganes français et étrangers sont internés. Au total, plus de 500 nomades furent ainsi internés dans des conditions inhumaines : le sol argileux se transformait en véritable bourbier l’hiver, il n’existait aucun chauffage efficace, la nourriture était insuffisante et déséquilibrée, casseroles, sièges, tables manquaient cruellement. Mais le plus pénible pour ces  » gens du voyage  » était sans nul doute la perte de la liberté. Le recensement des Juifs fut fait par l’administration française en avril et mai 1941. Ordre fut donné par les allemands de les arrêter le 15 Juillet et de les interner au camp de la route de Limoges. A la mi-juillet 151 adultes et 158 enfants vinrent partager les affres du camp avec les tziganes. La aussi, les baraques destinées à recevoir les Juifs étaient vétustes, mal entretenues : les toits étaient abîmés et laissaient la pluie passer, il n’y a ni chaise, ni banc, ni table. A cela s’ajoute la plaie des souris et des rats qui dévorent tout et il est courant que des personnes retrouvent le matin leur vêtement, souvent le seul qu’ils possèdent, rongé et troué. Le 1er décembre 1941, le camp contenait 801 internés. Il restait encore 27 espagnols, 452 nomades et 322 israélites s’entassant dans 15 baraques de 50 mètres sur 6 mètres. Bien que séparés les uns des autres par une clôture, l’entente fut parfaite entre eux et le dévouement sans limites. En juin 1942, on distribua les étoiles jaunes au camp. En juillet 1942 commencèrent les déportations par Compiègne pour les hommes tziganes (au total plus de 100 d’entre eux périrent dans les camps de Buchenwald et Sachsenhausen), par Drancy pour tous les Juifs. Le 1er juillet 1942, il y avait 841 internés dont 368 Juifs. Le 1er octobre de la même année, il ne restait plus que 13 Juifs et 459 nomades. Au total, environ 1800 Juifs séjournèrent au camp avant d’être déportés vers les camps de la mort. Quant aux tziganes qui n’avaient pas été déportés en Allemagne, les allemands décidèrent de les transférer au camp de Montreuil-Bellay : 304 personnes sont ainsi transférés le 29 décembre 1943. Cependant, à partir du 10 septembre 1942, le camp devint annexe de la prison de la « Pierre Levée ». Des condamnés de droit commun y furent transférés. Des femmes résistantes politiques poitevines les y rejoignirent. On les y retrouve dès janvier 1943. Au final, 2500 à 2900 internés ont séjourné au camp de la fin 1939 au mois d’août 1944 répartis comme suit : 1800 à 1900 Juifs, 500 à 600 nomades, 200 à 300 politiques auxquels s’ajoutent quelques dizaines d’espagnols et autres victimes de l’arbitraire. Ces chiffres soulignent le rôle primordial de ce camp, dispositif fondamental en Poitou-Charentes-Vendée, dans la mise en place de la solution finale, plus précisément de la Shoah. Tous les Juifs arrêtés dans ces 5 département sont dirigés vers le camp de Poitiers, puis de là, vers Drancy, avant-dernière étape d’un voyage sans retour. En nous référant à la situation nationale, nous mesurons mieux la dimension dramatique de l’hécatombe poitevine. Sur 350 000 à 400 000 Juifs vivant en France juste avant la guerre, à peu près 76 000 ont été déportés soit environ 20%. Dans notre région, environ 2000 Juifs sur 2481 ont été déportés soit environ 80%, ce qui correspond aux chiffres polonais ou d’autres pays dont l’hostilité bien connue aux Juifs est profonde, séculaire voire viscérale. La cause essentielle de cette destruction massive, nous devons la rechercher du côté de la collaboration entre l’administration de Vichy et les autorités allemandes présentes à Poitiers, en particulier au Préfet Bourgain. Méthodique, travailleur, très actif, il s’est placé, sans défaillir un instant, dans le sillage des autorités d’occupation. Ses quelques hésitations ont été vite emportées par le sens du devoir administratif bien rempli. Signalons que le Préfet délégué Holweck n’a pas éprouvé autant de scrupules. En 1943, il est déporté à son tour pour avoir volontairement ignoré certaines décisions de la Feldkommandantur de Poitiers. Une démarche qui ne paraît pas isolée. Des gendarmes, des personnels de préfecture ont apporté leur concours aux réfugiés et internés. Le rabbin Bloch (jusqu’à son arrestation) et le Père Fleury, aumônier des tziganes, se dépensèrent également sans compter pour les internés. Mais ces actes individuels, qui demeurent bien limités, ont permis, certes, de sauver quelques vies humaines mais n’ont pas éviter l’étendue de  » la destruction des Juifs  » en Poitou.

Vu sur V.R.I.D. Mémorial

1940-1946 : l’histoire oubliée des camps de La Chauvinerie

Aux Montgorges, plusieurs camps se sont succédé pendant et à la fin de la dernière guerre. Des heures tragiques enfouies dans la mémoire des Poitevins.

Frontstalag 230 : c’était l’appellation officielle du camp de La Chauvinerie. Nombreux étaient ceux qui croyaient qu’il se trouvait en Allemagne. C’est à Poitiers que ce camp a été ouvert par la Wehrmacht du 20 juillet 1940 au 7 avril 1942. Elle y a incarcéré ceux que l’on appelait « les tirailleurs sénégalais ». Originaires d’Afrique Noire, mais aussi Malgaches, Antillais, Indochinois, arrêtés après l’armistice signé par Vichy. « Le régime nazi n’en voulait pas sur le territoire allemand », a expliqué samedi Jean Hiernard, historien, lors de la conférence donnée au musée Sainte-Croix au titre de la Société des Antiquaires de l’Ouest, dans le cadre des journées du Patrimoine.

Fouilles archéologiques en 2008

De ce camp, les spécialistes en connaissent ce qu’a écrit Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal. Les Poitevins, en tout cas la grande majorité d’entre eux, en ignoraient tout. Jusqu’à la découverte de fossés en 2008 par l’INRAP (Institut national de recherche pour l’archéologie préventive) sur le site du futur quartier des Montgorges.

Jusqu’à 7.000 prisonniers de guerre et 4.000 civils

Sonia Leconte, l’archéologue qui a conduit les sondages : « Nous étions à la recherche de vestiges gallo-romains. Notre découverte fut tout autre. » Un vaste rectangle de 266 m x 144 m entouré de fossés, comblés d’objets de toutes sortes : fils de fer barbelé, vaisselle, objets hétéroclites récents. Un dépotoir ? Le témoignage d’un voisin a conduit les archéologues sur la piste du camp édifié par les prisonniers eux-mêmes au cours de l’hiver 1940-1941 dans des conditions dramatiques, à proximité de la caserne de « la vieille Chauvinerie » réquisitionnée par les Allemands. En fait, ce n’est pas un camp qui a été édifié à l’ouest de Poitiers. Mais plusieurs. De rares photos des baraquements, de prisonniers et de vues du ciel attestent de l’existence de quatre camps ouverts cette fois-ci par le ministère de la guerre français de 1945 à 1946. « Jusqu’à 7.000 prisonniers de guerre y ont été détenus à l’intérieur de trois enceintes », a indiqué Jean Hiernard. 4.000 soldats allemands et 3.000 hongrois faits prisonniers par les armées américaines entre la Suisse et le Luxembourg. Plus surprenant – et dramatique – l’existence d’une enceinte, sous administration du ministère de l’intérieur français. Ce « centre de séjour surveillé » regroupait 66 baraques où étaient détenus des civils, des hommes, des femmes et des enfants, provenant de l’Alsace-Lorraine que les alliés avaient évacués au moment des combats de l’hiver 1944. Au total 4.000 personnes, « pas des criminels, mais des habitants des territoires annexés par l’Allemagne à partir de juin 1940. Allemands, mais aussi Français qui ne s’étaient pas repliés au début de la guerre. » Les conditions de détentions y étaient « effroyables » a expliqué l’historien. Aux vexations et à la vengeance de ceux qui avaient souffert de l’occupation allemande, s’est ajouté un détournement de nourriture organisé par le commandant du camp civil, un colonel de gendarmerie en retraite. A deux reprises – en mai, puis en septembre 1945, le préfet de Poitiers a été alerté par la Croix-Rouge. 65 enfants sont nés dans le camp. Aucun n’a survécu. De 85, le nombre des enfants de moins de trois ans, a chuté à 25 entre juillet et août. On a dénombré une moyenne de deux décès d’adultes par jour. Sept fois plus que dans les autres camps ouverts en France à la même époque. Le colonel sera suspendu, ainsi que le relate la Nouvelle-République des 12 et 14 septembre 1945, très prudente dans la narration des faits.

en savoir plus

Et aussi Rouillé

La conférence de samedi a débuté par une présentation du camp de Rouillé par Véronique Rochais-Cheminée, dont le père était médecin dans le camp, mais aussi résistant. Plus connu – même si des pans entiers de son histoire ne sont que très peu évoqués – ce camp était sous administration civile française à partir du 6 septembre 1939. Y étaient internés : des détenus politiques, principalement communistes, des « marchés noirs », des droits communs, ainsi que des « indésirables étrangers ». Beaucoup seront transférés à Compiègne ou Pithiviers entre 1942 et 1943 puis en Allemagne et n’en reviendront pas. Véronique Rochais-Cheminée a fait une présentation très exhaustive des conditions de vie.

à suivre

Des vies ballottées par la guerre

De ses recherches dans les archives départementales jusque-là inexplorées et sur internet, Jean Hiernard a pu mettre au jour des vies étonnantes. Comme cet Autrichien, Walter Pichl, qui avait traduit en allemand un guide touristique de Poitiers à l’intention des soldats d’occupation, interné à la Chauvinerie puis dans un goulag soviétique, enseignant aux États-Unis et spécialiste des langues africaines. Ou cette actrice allemande, Dita Parlo, réfugiée en France avant guerre, car anti-nazie, puis emprisonnée dans une prison française, avant d’être libérée par les nazis et qui s’est retrouvée à La Chauvinerie d’où elle sortira grâce à l’appui d’un pasteur protestant. Des vies ballottées par la guerre et enfouies dans les baraquements oubliés des Montgorges.

Nouvelle République, Jean-Jacques Boissonneau, 18 septembre 2012

[Dissay – 86] Les salariés d’U3PPP durcissent le ton

NdPN : nous relations récemment la menace des salariés d’U3PPP, menacés de licenciement, de passer à des actions plus dures, pour obtenir une prime supra légale. Hier ils ont bloqué l’usine et fait un feu de palettes.

U3PPP à Dissay : les salariés bloquent l’usine

Les employés du fabricant marseillais de coques polyester, qui a décidé  de fermer le site, bloquent l’usine jusqu’à l’obtention de la prime supra légale.

Michel Pohin, directeur de l’usine U3PPP, a été « très surpris », hier matin, lorsqu’il a trouvé porte close devant le site de Dissay. Dix-neuf salariés sur vingt ont décidé de faire monter les enchères en fermant l’accès au site aux transporteurs qui viennent chercher les coques polyester.

Des actions plus dures seront engagées si…

Après avoir été reçus individuellement vendredi par le directeur financier du groupe dans le cadre de l’entretien préalable de licenciement, les employés de l’unité disséenne savent que la « fermeture est inéluctable » mais la possibilité d’obtenir une prime surpra légale n’est pas exclue (voir nos éditions de mercredi 12 septembre). « Le groupe réfléchit », rapporte un gréviste conscient que le rapport de force s’installe avec la direction marseillaise. Localement, le directeur de l’usine, rappelle que la crise économique touche tout le monde y compris le secteur des piscines. Bien que le groupe PGGA (Piscines Groupe Gérard Andréi) soit coté en bourse, le volume d’affaires est moindre : « En 2007, Dissay réalisait 8 m€ de chiffre d’affaires, explique Michel Pohin, en 2011 nous sommes à 4 m€. » (NDLR. Le groupe présente un chiffre d’affaires de 30,8 m€.) Rien ne va plus mais les salariés refusent « de porter le chapeau » de cette baisse d’activités. « Nous ne sommes pas responsables de la fermeture », ont-ils écrit à Gérard Andréi. Qui a ouvert, voilà deux ans, la même usine au Maroc. Déterminés, les salariés rassemblés, hier matin, autour du grand feu – qui a dû être éteint ensuite pour raisons de sécurité – au milieu de l’enceinte de l’U3PPP, exigent « une prime supra légale de 15.000 euros chacun ». L’usine restera fermée en attendant un signe de la direction du groupe. « Et si nous n’avons pas gain de cause, nous engagerons des actions plus dures », promettent les grévistes.

Nouvelle République, Didier Monteil, 18 septembre 2012

[Françafrique] Le changement, c’est pas maintenant

Blaise Compaoré à Paris : la Françafrique fait sa rentrée à l’Élysée !

Deux mois après le gabonais Ali Bongo et alors que l’on annonce la visite prochaine à Paris du tyran tchadien Idriss Déby, le président burkinabè Blaise Compaoré est à son tour reçu par François Hollande ce mardi 18 septembre. Un criminel de plus à l’Élysée, une promesse de moins de tenue : celle d’en finir avec la Françafrique.

Après la réception du dictateur Ali Bongo début juillet, qui a permis aux autocrates gabonais de se revendiquer du soutien du Parti socialiste [Voir le communiqué de Survie du 28 août 2012, « Régime gabonais : le Parti socialiste et le gouvernement doivent se positionner fermement »], c’est au tour du criminel Blaise Compaoré d’être reçu par François Hollande. En prétendant coordonner ou « faciliter » l’émergence d’une solution à la crise malienne, les autorités françaises cherchent une fois de plus à faire passer des vessies pour des lanternes et des dictateurs pour des hommes de paix. Salué pour sa « gouvernance » et ses « médiations », Blaise Compaoré cumule l’absence complète de légitimité démocratique et une implication dans les pires conflits et crises d’Afrique de l’Ouest, mais il est le meilleur défenseur des intérêts françafricains dans la sous-région.

Arrivé au pouvoir la même année que le tunisien Ben Ali, que le Parti socialiste a trop tardivement rangé au rang de tyran, Blaise Compaoré se maintient depuis 25 ans à la tête du Burkina Faso. D’abord par la terreur et les assassinats impunis, dont ceux de son prédécesseur Thomas Sankara en 1987 [Thomas Sankara, qui dérangeait beaucoup d’intérêts dont ceux de la Françafrique, a été assassiné le 15 octobre 1987. Une pétition déjà signée par plus de 10’000 personnes demande que les autorités françaises fassent toute la lumière, 25 ans après, sur l’implication des services secrets français dans cet assassinat. Lire à ce sujet la Lettre de Mariam Sankara à François Hollande après l’annonce de la réception de Blaise Compaoré à l’Élysée prévue le 18 septembre 2012.] et du journaliste Norbert Zongo en 1998 [En décembre 1998, ce journaliste et ses compagnons furent mitraillés dans leur véhicule, ensuite incendié. Les émeutes qui ébranlèrent le pays obligèrent le pouvoir à admettre qu’il s’agissait d’un assassinat, pour lequel les burkinabè attendent toujours justice : symbole de l’impunité générale, le dernier procès des inculpés, membres de la sécurité présidentielle, s’est traduit par un non lieu.], puis par un tripatouillage constitutionnel et des élections truquées à répétition : le scrutin de novembre 2010, qui l’a prétendument reconduit dans ses fonctions avec 80% des suffrages, en est la dernière caricature [Voir le communiqué de Survie du 26 novembre 2010, « Burkina Faso : des imposteurs valident la nouvelle imposture électorale de Blaise Compaoré »]. Après avoir fait voter une loi d’amnistie pour se protéger, il semble pousser son frère François Compaoré au rang de successeur potentiel, craignant sans doute d’autres réactions populaires s’il modifiait à nouveau la constitution pour rester au pouvoir. Quelques semaines après sa prétendue réélection triomphale, une explosion de colère avait en effet traversé toutes les principales villes du pays pendant plusieurs mois. Protestant contre la mort de plusieurs collégiens dans des violences policières, la jeunesse envahissait régulièrement les rues, brûlant au passage tous les symboles du pouvoir : villas des dignitaires du régime, bâtiments administratifs, locaux de la police, etc. Mais le plus désastreux pour ce pouvoir s’appuyant sur une grande partie de l’armée, est que de nombreux militaires en sont également venus à se mutiner, se livrant à des viols, des pillages et des tirs à armes lourdes, montrant toute l’étendue de la décomposition de l’État Compaoré.

Corruption, appropriation d’une bonne partie de l’économie par le clan Compaoré, spoliation de terres au profit des dignitaires pour l’agro-industrie, paupérisation de la population, telle est la sombre réalité d’un régime honni par son peuple pour qui sait regarder au-delà des apparences.

Mais Blaise Compaoré, cité par Robert Bourgi en septembre 2011 comme un des fournisseurs de valises de billets à destination des politiques français, est aussi sans conteste le pilier de la Françafrique dans la sous-région, qu’il a souvent contribué à déstabiliser. Son ami Charles Taylor vient d’être condamné à 50 ans de prison par le tribunal spécial pour la Sierra Leone, à l’issue d’un procès fleuve où Blaise Compaoré a été maintes fois cité, au côté de Kadhafi, pour leur implication dans ce conflit et celui du Liberia. Ces guerres civiles se sont traduites par « le meurtre, le viol et la mutilation de 500’000 personnes en Sierra Leone et de près de 600’000 au Liberia » [Bilan annoncé par M. Crane, ancien procureur du Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone (TSSL)]. Le reste du bilan international de cet « ami de la France » est tout aussi terrifiant : trafic de diamants au profit de l’UNITA [Mouvement rebelle dirigé par Jonas Savimbi, impliqué dans la guerre civile qui a dévasté l’Angola jusqu’en 2002] dans les années 90, soutien aux rebelles qui ont embrasé la Côte d’Ivoire depuis 10 ans, et plus récemment exfiltration du chef du MNLA [Mouvement National de Libération de l’Azawad, qualifié abusivement de « mouvement touareg » impliqué dans les conflits au Nord Mali et qui revendique la sécession et la création d’un État laïc, qui a subi d’importants revers militaires face aux mouvements se revendiquant du Djihad. L’information sur l’exfiltration du chef du MNLA avec l’aide des autorités burkinabè a été largement reprise dans la presse africaine.] qui vient de tenir son congrès à Ouagadougou, alors que le journal Jeune Afrique, citant des sources françaises, évoque la livraison d’armes au MUJAO dans le nord du Mali via le Burkina [Une information démentie depuis par les autorités burkinabè]. Pourtant, Blaise Compaoré est régulièrement propulsé comme médiateur des conflits de la région, au point d’être invité à expliquer son expérience en la matière devant la cour pénale internationale, devant laquelle il devrait plutôt comparaître.

Il ne doit cette bienveillance internationale qu’à son allégeance aux puissances occidentales. Longtemps décrié par les États-Unis, Blaise Compaoré a su gagner leur soutien grâce à leur obsession de la lutte contre le terrorisme, en les laissant installer des bases d’où partent les drones américains pour surveiller la région. Les Français ne sont pas en reste : soucieux de maintenir leur présence au Sahel et leur exploitation de ses richesses, dont les mines d’uranium du proche Niger, ils disposent également d’une base au Burkina Faso où sont cantonnées les troupes d’élite françaisesdu COS [Commandement des Opérations Spéciales].

C’est cet hôte criminel que François Hollande s’apprête à recevoir, pour discuter ensemble d’une « sortie de crise » au Nord Mali. Il est également de plus en plus question que l’Élysée reçoive le dictateur tchadien le mois prochain, au même prétexte. La France, le Tchad d’Idriss Déby et le Burkina Faso de Blaise Compaoré au chevet du Nord Mali : c’est l’armée des pompiers pyromanes qu’on envoie éteindre l’incendie sahélien.

L’association Survie exige à nouveau que le président et le gouvernement français mettent fin à toute compromission diplomatique et à toute coopération militaire et policière avec ces régimes.

Un rassemblement est organisé ce lundi à Paris pour protester contre la réception de Blaise Compaoré par François Hollande, à 18h30 à la Fontaine des Innocents.

Survie, 17 septembre 2012 (repris par le Jura Libertaire)

[Poitiers] Un comm du DAL en soutien à une famille

Halte à la politique discriminatoire des bailleurs sociaux

Jean-Claude Servouze le président de l’entraide sociale poitevine et administrateur de Logiparc affirmait dans Centre Presse le 05/04/2012 « Le logement social n’est pas en tension sur la ville. Il y a des solutions pour chacun ». Dans la Nouvelle République le 07/09/2012, c’est Dominique Clément, le maire de Saint Benoît, qui affirme dans l’article Logements sociaux les élus veulent plus de temps : qu’« il n’y a pas de tension sur le logement social sur Grand-Poitiers ». Pour lui, il suffit de faire une demande de logement social pour obtenir ce que l’on souhaite dans la « semaine […] sur Grand Poitiers » et « si l’on est pressé, […] à Saint-Eloi, […] dans la journée ».

Pour le Dal86, si ces élus peuvent dire cela, c’est entre autres, parce que les bailleurs sociaux trient ceux qui déposent des dossiers selon des critères discriminants.

Par exemple, une famille avec 4 enfants, qui est actuellement escroquée chez un bailleur privé, a demandé un logement social. Les bailleurs sociaux ont écarté ou mis en attente leur dossier explicitement parce qu’ils ont des dettes.

A l’heure où la mairie de Poitiers se vante de la lutte contre les discriminations, qu’elle mène depuis 2007 en faisant un appel à projets auprès des associations, les bailleurs sociaux qui manquent de moyens financiers, discriminent à qui mieux mieux en écartant les dossiers selon des critères illégaux.

Venez avec nous jeudi 20 septembre à partir de 16h30 au siège d’Habitat 86, 107 rue des Couronneries à Poitiers, pour dénoncer ces pratiques honteuses et exiger que ce bailleur social attribue un logement à cette famille.

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56 Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

DAL 86, 17 septembre 2012

Pierre Bance – Pour un projet anarchiste de la convergence

Pour un projet anarchiste de la convergence

Le projet anarchiste propose l’émancipation par une société sans État.

Note de l’éditeur.

Dans la lettre ci-dessous, Pierre Bance renouvelle, en quelque sorte, l’adresse aux anarchistes d’Émile Pouget (1897), de Fernand Pelloutier (1899) ou de Pierre Monatte (1907), bien d’autres alors ou par la suite. Elle vient d’ailleurs en résonnance avec la réflexion de Tomás Ibáñez, « L’anarcho-syndicalisme face au défi de sa nécessaire transformation », que nous avons récemment publiée (http://www.autrefutur.net/L-anarcho…). Pierre Bance demande aux libertaires de sortir de leur tour d’ivoire, d’admettre d’autres points de vue sans renoncer aux leurs pour participer à la construction d’un nouveau mouvement social capable d’influer sur le présent, de préparer le futur. Autrefois, il s’agissait de les inciter à rejoindre les syndicats, ce qui fut fait, pour un temps, avec succès puisque leur influence y fut parfois décisive et qu’elle continue à faire référence comme dans la Charte d’Amiens et vivre dans les pratiques d’action directe, l’assemblée souveraine, le mandatement impératif, la grève générale… Aujourd’hui, la tâche est plus compliquée car l’union fédérative anti-autoritaire et autogestionnaire reste à penser et à construire. Qui en prendra l’initiative ?

De divers horizons militants, sous des formes variées, la nécessité d’aller au-delà du simple « agir ensemble » pour confluer vers une organisation durable se fait jour, apparaissant, dans le contexte social et politique, comme impérieuse. Si cette volonté ne l’emporte pas, comme depuis des décennies, les anarchistes, les autres anticapitalistes, continueront de s’épuiser dans leur pré carré, de se déchirer sur des questions féodales, de remporter de petites victoires dont les politiciens les dépossèderont, d’attendre l’événement déclencheur, le développement soudain auxquels ils ne croient pas eux-mêmes.

Telle est cette contribution au débat que présente le site Un Autre futur.net, espace d’échanges ouvert aux multiples apports du mouvement ouvrier et révolutionnaire, depuis l’anarchisme et l’anarchosyndicalisme jusqu’au marxisme non léniniste et au conseillisme.

Un Autre futur.net


Le projet anarchiste connaît deux stades liés : la pureté, le pragmatisme.

Le projet anarchiste pur analyse une situation selon ses seuls principes moraux : le pouvoir est maudit. Dès l’origine, les travailleurs anarchistes durent introduire du pragmatisme dans la critique anarchiste pure pour répondre aux contraintes de leur subordination : le pouvoir est maudit mais il est. Un troisième stade est commandé par la réalité, l’anarchisme pragmatique, les mouvements qu’il induit et qui le portent ne sont pas en capacité de parvenir au communisme ; il leur faut converger avec d’autres : le pouvoir est maudit, notre idéal est émancipateur, notre critique pertinente, nos outils efficaces, mais seuls nous ne sommes rien.

Le projet anarchiste pur

La base théorique

Tout État est source de domination et d’aliénation. La domination étatique crée l’aliénation des sujets ; l’aliénation des sujets nourrit la domination étatique. L’anarchie, par la suppression de l’État, ambitionne de faire disparaître toutes formes d’autorité illégitime (politique, économique, sociale, culturelle) pour que naisse une société fédéraliste émancipée fondée sur l’autonomie, l’égalité et la solidarité des personnes physiques et morales.

Mais cette suppression doit être immédiate, on ne compose pas avec l’État. À défaut, il se reconstitue aussi monstrueux qu’avant comme l’illustre l’histoire des révolutions russe de 1917 et espagnole de 1936.

La critique

La critique anarchiste pure aborde toute problématique théorique comme pratique à partir de la destruction de l’État.

Tout État, quel qu’il soit, est soumis à une critique sans appel car, le voudrait-il, il ne peut faire disparaître la domination. Les atténuations proposées sont des leurres pour mieux faire accepter le système :– l’exemple-type dans le postulat démocratique étant le suffrage universel ;– l’exemple-type dans le postulat marxiste-léniniste étant la dictature du prolétariat. L’un comme l’autre renforcent l’État et la classe dominante, bourgeoisie ou bureaucratie.

Cette disqualification de l’État autorise la pensée anarchiste pure à ne pas s’épuiser dans l’analyse des phénomènes politiques, économiques, sociaux ou culturels pollués par le pouvoir et l’aliénation. Une expérience sociale de réinsertion bénéficie de subventions ; une coopérative ouvrière participe à la société marchande ; une mutuelle cautionne l’inégalité de l’accès aux soins ; un délégué syndical concourt à la perpétuation de l’exploitation capitaliste. À ce titre, ces activités associative, coopérative, mutualiste ou syndicale sont condamnées par la critique anarchiste pure.

La raison anarchiste pure est un extrême de la pensée qui n’entrevoit de solution que dans la révolution pour les uns, l’« en-dehors » pour les autres. Elle est utile pour couper court aux arguties politiques ou éviter de se laisser entraîner dans une dialectique lénifiante mais, en contrepoint, elle fige le débat car ne remet pas en cause ses présupposés, elle s’oppose au compromis et à toute convergence. Théorie de la résistance d’une logique implacable, elle est cependant statique, plus proche de la philosophie que de la politique.

Le projet anarchiste pragmatique

Une vigilance théorique

L’idée anarchiste pragmatique est sous-tendue par la pensée anarchiste pure c’est ce qui distingue le pragmatisme révolutionnaire du pragmatisme réformiste sans projet. La critique anarchiste pure est conservée comme socle d’une pensée cohérente, comme garde-fou, comme recours ultime quand l’État impose ou étend sa domination pour empêcher ses sujets de penser et d’agir, magnifie l’aliénation pour les rendre incapables de penser et d’agir. L’anarchisme pragmatique permet d’envisager des niveaux d’analyse que néglige la critique anarchiste pure.

Une pratique émancipatrice

La pratique anarchiste pragmatique donne vie à la critique anarchiste pure en résonnance avec ses mises en garde. La pratique anarchiste pragmatique élabore des procédures d’analyse et des moyens d’action qu’elle considère efficients, tant dans le quotidien que pour l’avenir. Ces techniques tournent autour de la mécanique fédérale, des processus décisionnels et de la problématique de la représentation, c’est-à-dire de l’étendue et du contrôle du mandat jusqu’aux limites du raisonnable.

Plutôt que d’attendre statique l’hypothétique révolution ou de verser dans une radicalité de la désespérance, la pratique anarchiste pragmatique intervient dans la société pour en limiter les effets néfastes aussi pour soumettre à la réalité sa théorie et sa pratique. Ce faisant l’idée « anarchiste » prend une dimension universelle qui échappe à toute appropriation doctrinale ; elle n’est qu’une commodité de langage pour désigner un futur émancipé.

Le projet anarchiste de la convergence

Une réponse à l’impuissance organisationnelle

Cette lucidité de l’anarchisme pragmatique doit le conduire à la convergence. Alors qu’il y a plus de cent ans le syndicalisme révolutionnaire parvint à réunir tant des anarchistes que des marxistes, des révolutionnaires que des réformistes et, plus que tout, des travailleurs déterminés à en finir avec leur situation d’exploités, ne peut continuer un discours défaitiste de l’impossible convergence anticapitaliste et libertaire dans un mouvement fédéraliste. Alliance, méthodiquement structurée, ayant pour ambition d’en finir avec l’État en préparant la grève générale, résolue à lutter, dès aujourd’hui, pour contraindre les pouvoirs en place.

Pourquoi converger ? Parce que les faits sont là, les anarchistes organisés ne pèsent pas sur la réalité et n’ont jamais pesé durablement. Parce que, les autres anticapitalistes anti-autoritaires ne sont pas plus en mesure d’exister et qu’aujourd’hui, beaucoup adhèrent en tout ou partie à la pensée et à la pratique anarchistes. Parce qu’il faut veiller à ce que celles-ci ne soient pas détournées par des révolutionnaires étatistes avides de permanences bureaucratiques, de charges électives, comme elles peuvent être récupérées par l’étatisme libéral ou social-libéral au travers de la démocratie participative, délibérative ou radicale. Facteurs qui, justement, en son temps, tuèrent le syndicalisme révolutionnaire et, plus près de nous, le mouvement altermondialiste.

Une dynamique de l’intelligence

Pour le futur, une question obsède : jamais, il n’a été possible de faire disparaître l’État du jour au lendemain, par le fait accompli ou par décret. À l’opposé, la théorie marxiste-léniniste de conquête du pouvoir par un parti puis du dépérissement de l’État s’est avérée plus inopérante encore, conduisant à l’exact contraire du communisme.

Pour le présent, de nombreux problèmes théoriques et pratiques sont à résoudre : de la stabilité à donner à la démocratie directe (formes d’organisation, méthodes d’implantation, modalités d’action…) à la détermination des relations avec le politique (État, partis, question électorale…). Les promoteurs et les acteurs de la convergence auront la responsabilité de vérifier des hypothèses et de les réviser en fonction de l’expérience, d’apporter une, des réponses conciliables, de faire un pas, grand s’il le faut, pour mettre à distance leurs propres points de vue, leurs préjugés, leurs ressentiments car aucune théorie ou doctrine, aucune personne ou groupe, aucun syndicat ou parti ne peut affirmer avoir – toujours – raison. Même si l’évidence et la nécessité doivent faire question, celle-ci sera moteur plutôt que frein.

Les convergences ponctuelles, nombreuses dans les luttes sociales et professionnelles, doivent conduire à la convergence idéologique et organisationnelle. Le mouvement contre la réforme des retraites, en octobre 2010, montrait le chemin. Hélas, personne n’était préparé pour le suivre et passer d’une solidarité spontanée à une solidarité pérenne et organisée. Mais, il n’est pas trop tard.


« La besogne syndicale [est] obscure, mais féconde », disait Fernand Pelloutier dans sa Lettre aux anarchistes en 1899. Voilà ce qui attend les révolutionnaires anti-autoritaires, autogestionnaires de tous horizons. Ils dépasseront leurs certitudes et construiront une entente qui accepte la différence, préserve l’autonomie tout en assurant l’efficacité de l’organisation et de la décision pour améliorer la vie quotidienne, pour penser et préparer un Autre futur.

 

P.-S.

Texte libre de droits avec mention de l’auteur : Pierre Bance, et de la source : Autrefutur.net, site pour un Syndicalisme de base, de lutte, autogestionnaire, anarcho-syndicaliste & syndicaliste révolutionnaire (www.autrefutur.net).

Vu sur autrefutur.net, 14 septembre 2012